Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1914-1918 : Première Guerre mondiale

Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux paroissiens voient leurs fils partir à la guerre. Les pasteurs soutiennent la communauté dans leurs prédications.

En 1917, une cérémonie rend hommage aux soldats des colonies qui se battent pour la France. Des Bassoutos du Lesothos, des Malgaches et des Tahitiens sont présents.

Dans le quartier, l'annexe des Grands magasins du Louvre formant le pâté de maison entre la rue de l'Oratoire et la rue Marengo (à l'emplacement de l'ancien couvent des Pères de l'Oratoire sous l'Ancien régime), est transformé en hôpital militaire, annexe du Val de Grâce.

L'annexe Marengo des Grands magasins du Louvre transformé en hôpital militaire, vue depuis le musée.

Monuments aux morts

Cette guerre a été une tragédie pour de nombreuses familles. Deux éléments dans l’Oratoire font mémoire de personnes qui se sont données pour le service des autres à cette occasion :

Le premier mémorial est un panneau qui fait toute la surface de la 2e chapelle latérale, il date de 1919 et garde la mémoire des enfants de l’Oratoire morts pour la France au cours de la Première Guerre mondiale. Cette toile marouflée a été exécutée par Gustave-Louis Jaulmes en collaboration avec l’architecte Charles Letrosne. L’arcature de la chapelle a été fermée, ménageant une pièce fermée qui servait à l’époque de salle funéraire.

La longue liste déroulée sur cet immense panneau peint en lettres d'or montre que de nombreuses familles ont été frappées. Encadrés de drapeaux, de palmes, de guirlandes et de couronnes de laurier la longue liste donne les noms des 142 membres de l’Église morts sous les drapeaux pendant la première guerre mondiale. Berger-Levrault, Dollfus, Hollard, Koechlin, Labrousse, Mettetal, Monod, Schlumberger, Silhol, Wagner. Cette énumération reflète les origines alsaciennes, suisses, cévenoles ou normandes de la géographie protestante et l’importance des pertes humaines au cours cette guerre. Nous avons retrouvés certains noms au cimetière Père Lachaise, comme Vincent Hollard (mort à 21 ans), Jean Wagner (22 ans) et Pierre Zwinger (22 ans).

Le deuxième souvenir est une plaque en marbre noir remerciant les soldats américains de la Première Guerre mondiale, cette plaque date de 1927 et est située face au monument aux morts de 14-18. Cette plaque a été inaugurée le 18 septembre 1927 lors d’une cérémonie franco-américaine en présence de membres de l’American Legion. Il est inscrit  « A la gloire de Dieu et en souvenir reconnaissant des officiers et soldats de l’armée expéditionnaire américaine qui sont morts pour la cause des alliés sur le sol de France »

Le dimanche 14 octobre 1917 après-midi, la Société des Missions étrangères de Paris organise à l'Oratoire du Louvre une cérémonie rassemblant des soldats protestants des colonies se battant pour les armées françaises ou britanniques. Douze Bassoutos venus du Lesotho y sont présents, aux côtés de Malgaches et Tahitiens. Ils sont d'anciens élèves des écoles missionnaires protestantes. Notre pasteur Wilfred Monod les accueille. Des membres du comité directeurs de la SMEP sont également présents, comme le professeur de philosophie de la faculté de théologie Raoul Allier, les pasteurs Dumas, d’anciens missionnaires du Lesothos Alfred Casalis…

Les Bassoutos sont accompagnés par le lieutenant et pasteur Ernest Mabille, commandant la 13e compagnie au sein du 4e bataillon du South African Native Labour Corps (SANLC), né au Lésotho de deux missionnaires français. Il déclare dans son allocution : « Il est bon, il était nécessaire qu'une réunion de ce genre soit convoqué ce soir, dans la basilique du protestantisme. Ces hommes rencontrent ainsi leurs pères, leurs mères, leurs frères et leurs sœurs de France. [...]  Après 53 jours de mer, d’une traversée pleine de périls, ils sont arrivés en France au plus gros de l’hiver, et de quel hiver ! Leur travail a d’abord consisté à décharger des fourgons de chemin de fer, et à charger du matériel de guerre des camions et des autobus, à une gare stratégique au-delà d’Albert, à 3 ou 4 km du front britannique. Ils ont ensuite pris la place de prisonniers allemands à un grand dépôt de munitions plus à l’arrière. Astreints à un travail incessant et de la première importance, ils n’ont rien laissé à désirer. »

Ces soldats qui se battent si loin de leur terre pour liberté de la France subissent l’apartheid y compris dans l’armée. Cela choque les auditeurs de l’Oratoire du Louvre, et le lieutenant Ernest Mabille justifie étrangement la ségrégation raciale :

« Pour soustraire ces enfants de la nature, éminemment influençables, au contact de certains Européens, et pour les mettre à l’abri de grandes tentations, il a fallu les enclore dans des camps entourés de fer barbelé, restreindre leur liberté, autant dans leur intérêt que dans celui de la population civile. Ces précautions répondaient au vœu formellement exprimé par le Gouvernement de l’Union de l’Afrique du Sud. Sans doute, le fait d’être ainsi parqués a été un sujet de grand et constant mécontentement, bien que, comme vous le savez, nos noirs soient habitués à être ainsi enfermés aux mines d’or et de diamants. »

Les douze soldats du Lesotho, accompagné au centre debout par le lieutenant et pasteur Ernest Mabille. Assis, Jean Bianquis et Frédéric Christol.

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Prédications pendant la Guerre

11 novembre 1938 - cérémonie interreligieuse sur la tombe du soldat inconnu avec les aumôniers militaires. De droite à gauche : Gustave Vidal, pasteur de l'Oratoire du Louvre de 1938 à 1960, l'abbé Auguste Goupil et le rabbin Maurice Zeitlin, président de l'Union des aumôniers blessés de guerre.

À noter, Gustave Vidal était manchot, amputé du bras gauche pendant la guerre.