Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1607 : Temple de Charenton

En 1607, un Grand temple protestant est construit à Charenton pour les protestants de Paris.

Premier Temple

En 1598, le roi Henri IV, ancien chef du parti calviniste converti au catholicisme, signe à Nantes un édit de tolérance accordant aux protestant un droit restreint d'exercice du culte. Il interdit en particulier la construction de temples dans les villes épiscopales (les villes importantes, qui ont un évêque et une cathédrale). À Paris, la limite est fixée à cinq lieues de l'enceinte (1 lieu = 1h de marche ± 4km).

Plaque à Saint-Maurice.

Mais grâce à l'intercession de son principal ministre, le duc de Sully, qui est resté protestant, le roi autorise une construction à Charenton, une commune à l'est de la ville, entre la Seine et le bois de Vincennes. L'emplacement est aujourd'hui marqué par une plaque commémorative de 1985, dans l'actuelle commune de Saint-Maurice, à proximité de la mairie, devant le moulin de la Chaussée Moulin, place Jean Jaurès au croisement des rues du val d'Osne et 45 rue du Maréchal Leclerc.

De la porte Saint-Antoine (la Bastille) à ce temple, il y a 6 km, soit seulement 1,2 lieu, ce qui sera reproché aux protestants lorsque reprennent les persécutions.

L'architecte royal protestant Jacques II Androuet du Cerceau établit les plans de ce premier temple, qui est inauguré en 1907. Androuet du Cerceau est connu pour avoir construit la Grande Galerie du bord de l'eau au Louvre et le pont Neuf. Ce premier temple est détruit par un incendie en 1621.


Intérieur du temple de Charenton.

Deuxième Temple

En 1623, un nouveau temple est inauguré. Les plans sont d'un autre architecte protestant, Salomon de Brosse. Salomon de Brosse est le neveu de Androuet du Cerceau, architecte du palais du Luxembourg pour Marie de Médicis, l'épouse de Henri IV. Il est assisté de Jean Thiriot, catholique, qui établira en 1627 les plans de la digue de La Rochell aux côtés de Clément II Métezeau (architecte de l'Oratoire du Louvre).

L'édifice suit un plan basilical, à nef unique. Il mesure 33 m de long sur 19,50 m de haut et est percé de 18 fenêtres latérales, surmontées de deux étages avec de hautes lucarnes. À l’intérieur, deux galeries sont soutenues par 20 poteaux. Dans chaque angle, de grands escaliers donnent accès aux galeries. Il peut alors accueillir 4 000 fidèles. La chaire du pasteur est placée au tiers de la nef. Au plafond de la nef sont inscrites le décalogue, les tables de la loi, en lettres d’or sur fond bleu. Le linteau des portes est décoré de verset biblique.

Outre le temple, est construit une maison presbytérale, des bâtiments pour le Consistoire et un cimetière : les catholiques refusent aux protestants d'être enterrés dans leurs cimetières, comme les juifs, comédiens et prostituées. Un hôtel particulier est élevé à proximité par le maréchal Frédéric-Armand de Schonberg.

En 1631, le temple de Charenton accueille un synode national des Églises réformées en France. Les députés y décrètent la possibilité pour les calvinistes et les luthériens de participer ensemble à des cérémonies, notamment la Sainte-Cène.


Jean Mestrezat (1592 Genève - 1657 Paris)

Liste des pasteurs

19 pasteurs officièrent à Charenton, dont les plus marquants sont :

  • Pierre du Moulin (de 1599 à 1621)
  • Michel Le Faucheur (1637 à 1657)
  • Jean Mestrezat (1614 à 1657)
  • Jean Daillé (1626 à sa mort en 1670)
  • Charles Drelincourt (1620 à sa mort en 1669)
  • Jean Claude (1666 à 1685)
  • Pierre Allix (1671 à 1685 mort 1717) en sont les plus marquants

La publication de leurs sermons touche largement au-delà de la communauté, et relève tant de la littérature d’édification que de la controverse.


Itinéraire

Les Parisiens s’y rendaient à pied ou par coche d’eau, ce qui représentait une véritable expédition et la navigation sur la Seine était souvent périlleuse. 

À pied, ils prenaient la rue de Charenton, en chantant les Psaumes, ce qui occasionnait des rixes avec les fanatiques catholiques. La petite rue de la lancette, dans l'actuel 12e arrondissement, porte ce nom en mémoire de bagarres entre catholiques et protestants armés d'épées et de lancettes (petites lances). Un temple réformé y est édifié en 1902 et détruit dans les années 1960.


Destruction du temple de Charenton

Destruction du Temple

Le temple est rasé sur ordre de Louis XIV, lors de la révocation de l'édit de Nantes en 1685, par l'édit de Fontainebleau. Les huguenots s'exilent et font construire dans les pays du Refuge des temples à l'architecture similaire en mémoire du temple de Charenton, comme en 1713 le temple de la Fusterie à Genève, et plus tard l'église française à Zurich.

À la place du temple de Charenton est élevé un couvent expiatoire. S'y installe la congrégation des Nouvelles Catholiques, qui a pour mission d'élever les jeunes filles protestantes dans la religion catholique. Son siège est alors au 59 rue Saint-Anne à Paris, à proximité de l'Oratoire du Louvre.

En octobre 1700, le couvent est revendu à une communauté de bénédictines originaires de l'abbaye de Osne-le-Val, entre Troyes et Nancy. La congrégation est dissoute lors de la Révolution française (comme toutes les congrégations catholiques, dont celle de l'Oratoire de France). Le couvent du Val d'Osne est désaffecté. La rue et l'impasse du Val d'Osne, à Saint-Maurice, gardent mémoire de son emplacement.


Reconstruction du Temple

En 1888, le Consistoire réformé de Paris fait élever un nouveau temple à Charenton, au 12 rue Guérin, à 20 minutes à pied de l'ancien emplacement. Les dates 1685 et 1888 sont inscrites dans un cartouche sur la façade. La paroisse est aujourd'hui membre de l’Église protestante unie de France.


Gustave Braastad, 2024


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