Aboutissement de l'Oratoire du Louvre au XVIIIe siècle

Aboutissement de l'Oratoire du Louvre au XVIIIe siècle

S’il est difficile d’imaginer l’édifice inachevé de 1630, il est encore plus délicat de se représenter les intérieurs et la richesse du décor qui fut mis en place entre 1640 et 1730 principalement.

Bérulle avait bâti, ses successeurs eurent à cœur d’embellir avec la mise en valeur du maître autel, et de très riches décorations dans les chapelles latérales contenant des œuvres des meilleurs peintres et sculpteurs de l’époque. Ce décor a disparu en 1792-1793, à l’exception de quelques vestiges visibles dans une des chapelles du transept oriental. L’Oratoire apparaît donc aujourd’hui dans un dépouillement austère : pierre nue, vitraux blancs et sans mobilier ou presque, et sans œuvre d’art aucune. En effet, en raison de son affectation au culte protestant, l’édifice n’a reçu aucun nouveau décor au cours du XIXe siècle, à l’inverse de tant d’édifices catholiques où le clergé cherchait à effacer les traces du vandalisme révolutionnaire.

La première moitié du règne de Louis XV correspond à une grande période d’accalmie dans l’architecture publique parisienne. Les chantiers religieux, en revanche, se portaient bien : la reprise des travaux de Saint-Sulpice (1719), l’achèvement de Saint-Roch (1736), la poursuite des travaux du prieuré de Saint-Martin des Champs ou encore la construction de la magnifique église Saint-Louis du Louvre (1740) en témoignent amplement. C’est dans ce contexte que le père Jean-Baptiste Sauge, supérieur de l’Oratoire, décida de mener à bien le chantier commencé sous Louis XIII.  L’idée n’avait jamais abandonnée.

Or, le 11 décembre 1739, les trésoriers de France faisaient injonction aux Oratoriens d’abattre leurs six maisons rues Saint-Honoré et du Coq, frappées de vétusté. Une expertise fut conduite le 25 mars 1740, prélude à leur destruction complète. On découvrit à cette occasion les fondations faites pour achever l’église — il manquait 2,60 mètres pour atteindre le portail projeté à l’origine.

Une consultation d’architectes fut sans doute organisée, car on conserve deux propositions pour la nouvelle façade à bâtir : l’une, signée et datée de janvier 1740, est l’œuvre de Jacques V Gabriel, premier architecte du Roi ; l’autre de Gilles-Marie Oppenord, ancien architecte du Régent, connu comme un brillant décorateur. Plus modestement, les Oratoriens s’en remirent à leur architecte, qui agit ici également comme entrepreneur : Pierre Caqué, dont Blondel dit qu’il était « homme de beaucoup d’expérience et de capacité ». L’Oratoire est incontestablement son œuvre majeure.

L’année 1740 fut employée à faire les fondations de la façade et de la nef. Le chantier de la façade et de la nef fut mené à bien en trois ans, de 1744 à 1746. Sitôt le gros-œuvre achevé, Caqué fit procéder en 1746-1748 au ragrément et ravalement des intérieurs de l’édifice, afin d’harmoniser la pierre des deux parties, tandis qu’on démontait l’autel du XVIIe siècle et son fameux tabernacle. A cette occasion eut lieu une modification du parti d’origine : l’architecte supprima les serliennes de Lemercier dans les tribunes, exception faite de celle située dans l’axe du chœur. Autre changement, qui participe de cette « aération » : des grilles de fer forgé basses toutes identiques remplacèrent les clôtures de bois des chapelles, grilles que montre une gravure d’Allois de 1791.

La réalisation de la nef permit de rendre au chœur de Lemercier sa fonction. Caqué y dressa un nouveau maître-autel  à baldaquin, très imposant, pour lequel on fit un modello à grandeur en plâtre à la fin de 1747. Il fut réalisé l’année suivante et abritait un autel en tombeau, à l’antique, orné de sculptures dues à François Pollet, de l’Académie de Saint-Luc. L’ensemble a eu les honneurs de la gravure, par Le Canu.

Tout était terminé en 1748 et deux ans plus tard, le 12 juillet 1750, l’édifice commencé 130 ans plus tôt était enfin consacré par Mgr Languet de Gergy, archevêque de Sens, frère du célèbre curé de Saint-Sulpice.

L’Oratoire sous la Révolution

En raison sans doute de l’esprit de liberté qui règne dans la congrégation de l’Oratoire, la Révolution est, au début, généralement bien accueillie. Mais, malgré les activités de quelques « confrères » laïcs tristement célèbres tels Fouché, organisateur de la Terreur, la plupart des oratoriens se détournent de la Révolution lorsque celle-ci vire à la violence et au totalitarisme. Moins d’un cinquième environ d’entre eux optent pour le clergé constitutionnel, et quinze périssent en prison, guillotinés ou fusillés.

Enfin, la congrégation elle-même est balayée par la violence révolutionnaire : en août 1792, l’Oratoire est supprimé en même temps que l’ensemble des congrégations et ordres religieux.

L’Oratoire du Louvre fut rapidement occupé par les prêtres constitutionnels, et ce fut même dans son sanctuaire que les premiers évêques schismatiques, Etrepilly du Finistère et Marolles, de l’Aisne, reçurent la consécration épiscopale des mains de Talleyrand, évêque d’Autun, assisté de Gobel, évêque de Lydda, et de Du Bourg Miroudot, évêque de Babylone.

Comme la plupart des églises, en 1793 l’église est saccagée, pillée et devient salle de conférences, salle d’études, magasin de dépôt de décors de théâtre.

En 1793, sous l’impulsion de Hébert et de ses partisans, la lutte contre le christianisme va devenir violente. Bien des églises sont saccagées et pillées, dont l’Oratoire du Louvre, des cimetières sont profanés, comme à l’Oratoire encore où les tombeaux des chapelles latérales sont démolis, comme toutes les armoiries, ornements et sculptures du portail, comme les fleurs de lys des voûtes et des vitraux, ainsi que presque toutes les peintures ornant l’intérieur qui ont été alors détruites ou vendues. Il ne reste que quelques éléments dans la chapelle des Harlay ainsi que l’imposte au dessus de la grande poste qui pu être caché sous un coffrage, et ainsi sauvé en l’état de l’époque, avant d’être redécouvert en 2011 lors de la restauration du portail.

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