Le portail rue Saint-Honoré
À l’emplacement prévu sur le plan d’origine pour la nef et le portail de l’Oratoire, il y avait au début XVIIIe des maisons que les oratoriens louaient à des particuliers, ces maisons étaient situées rue St Honoré et rue du Coq. À cause de leur vétusté, le bureau des trésoriers du Roi obligea en 1739 les Oratoriens à démolir ces maisons, et l’on trouva alors que les fondations des constructions à faire pour achever l’église de l’Oratoire avaient été exécutées autrefois et qu’il ne manquait que huit pieds de raccordement pour gagner le portail prévu au début du XVIIe par les architectes du roi Lemercier et de Métezeau.
Cette découverte, comme celle d’un trésor caché, vint déterminer la reprise des travaux de construction de l’église de l’Oratoire. Malheureusement, l’argent manquait à la Congrégation, et celle-ci redoutait d’entreprendre ce qu’elle craignait de ne pouvoir mener à bonne fin. Le Père Sauge, général de l’ordre, déclara alors " qu’il ne souffrirait pas que pendant sa supériorité on mit jamais un obstacle aux desseins des premiers Pères pour l’entière construction de l’église, et qu’il la ferait plutôt à ses frais, ne voulant pas que ce fut aux dépens de la Maison qui, malgré toute son attention à économiser ses biens, ne pouvait faire d’épargne comme elle le désirait." Grâce à la générosité du Père Sauge et à celle de Pères et de financiers les travaux purent donc recommencer le 21 juillet 1740.
Sous la direction de Caqué ou Caquier, architecte, les murs du premier ordre d’architecture furent élevés sur les fondations jusqu’à une hauteur de dix pieds hors de terre, et la nef fut achevée d’après les plans de Lemercier et de Métezeau.
En 1745, à la suite de la démolition de deux Maisons à l’enseigne de l’Éperon d’Or situées en bordure de la rue Saint Honoré au coin du cul-de-sac de l’Oratoire, on entreprit la construction du nouveau portail. En creusant les fondations de la façade on découvrit les restes de la première porte Saint Honoré datant de 1200, qui avait été appelée plus tard "porte aux aveugles" à cause du voisinage des anciens Quinze Vingts et qui fut démolie en 1533.
La même année " le second ordre d’architecture était élevé depuis le dessus de la corniche du premier ordre jusqu’à la croix placée au-dessus du fronton ; les deux murs de l’église et les piliers batans aux côtés avec leurs torchères, les voûtes des chapelles et des caveaux ont été faits en entier ; en sorte qu’il ne restait plus de gros ouvrage à faire que la voûte et la tribune" .
Ce gros ouvrage fut terminé l’année suivante et l’on s’occupa aussitôt des sculptures et de l’ornementation que l’on continua en 1748, année où se fit une importante modification dans l’aménagement intérieur de l’église en cohérence avec l’agrandissement du volume de l’Oratoire : le maître-autel, qui était dans la rotonde du chevet, fut démonté et placé dans le chœur de l’église elle-même. La chaire fut elle aussi déplacée pour rester proche du centre de l’assemblée. Cette dernière œuvre terminée on fit le carrelage de la nef en pierre de liais (calcaire de très belle qualité des environs de Paris) et le carrelage du sanctuaire en marbre.
Le nouveau portail, une fois achevé, pouvait être décrit de la manière suivante:
"Le rez-de-chaussée est élevé de plusieurs marches. Il est composé d’un avant-corps d’ordre dorique, dont les colonnes sont isolées. Une architecture des deux arrière-corps est en pilastres du même ordre.
Les deux petites portes carrées de ces arrière-corps portent deux grands médaillons ovales qui représentent Jésus naissant et Jésus agonisant, oeuvre de Adam le jeune.
Cet ordre dorique est surmonté d’un ordre corinthien en colonnes qui porte sur l’avant-corps. Les deux entre-colonnes sont ornés de trophées d’église en bas-reliefs, et toute cette architecture est terminée par un fronton d’une bonne proportion.
La grande porte du milieu est surmontée des armes de l’Oratoire soutenues par deux anges - au-dessus du grand vitrail se trouve une gloire, et dans le fronton les armes du Roi. Enfin, aux deux bouts de la corniche sont deux groupes en figure dont l’un représente l’Incarnation et l’autre le Baptême de Jésus-Christ, le premier fait par M. Adam et l’autre par M. Francin, tous deux de l’Académie de sculpture. "
Le 14 décembre 1792, la congrégation de l’Oratoire est abolie par la Convention. L’autel est d’abord démonté, dès le début de l’année suivante, les chapelles pillées, les tombeaux furent mis en pièces, les quatre fleurs de lys de la voûte du transept grattées, celles des vitraux furent déposées. Vingt-neuf tableaux furent envoyés au dépôt des Petits-Augustins...
La façade fut complètement mutilée, ce qui reste très sensible aujourd’hui. Elle perdit alors toute sa délicate parure sculptée, comme Saint-Roch un peu plus loin dans la même rue : anges, chérubins, cœur enflammé, profils du Christ et de la Vierge, bas-reliefs, arme de France et croix sommitale disparurent. La croix de la lanterne fut également abattue. A la fin de la période terroriste, l’édifice présentait un état propre à tous les édifices religieux français, si bien décrit par Chateaubriand dans le Génie du Christianisme.