Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1787 : L’Édit de tolérance

Sous le règne de Louis XVI :

  • 1787 - Édit de tolérance : il rend l’état civil aux protestants, le droit de faire enregistrer les mariages et les naissances devant des magistrats civils, mais la célébration du culte public demeure interdit.
  • 1789 - Déclaration des droits de l’homme : apporte la liberté de conscience.
  • 1790 - Loi du retour : Un état civil est donné aux protestants et aux descendants de protestants ayant quitté la France pour fait de religion, en particulier après l’édit de Fontainebleau révoquant l’édit de Nantes, mais aussi les descendants des huguenots partis en 1560. Même s’ils furent peu nombreux par rapport au nombre de personnes parties, ce geste est important et cela permit le retour de Benjamin Constant, par exemple, parmi ces descendants d’expatriés.

La guerre d’indépendance américaine est très suivie en France, la déclaration d’Indépendance prônant en 1776 la liberté et l’égalité des hommes particulièrement bien accueillie. Benjamin Franklin en séjour à Paris entre 1776 et 1785 est reçu par toute la communauté scientifique et littéraire parisienne, La Fayette accueilli avec enthousiasme à la cour en 1787.

Louis XVI subit l’influence des Lumières et entreprend des réformes concernant le droit des personnes avec l’abolition de la torture. Il fait appel au financier protestant suisse Necker pour redresser les finances et accorde une subvention à Mme Necker lorsqu’elle fonde l’hôpital de la rue de Sèvres en 1778. Malesherbes publie en 1785 un mémoire sur le mariage des protestants insistant sur la nécessité d’un état civil ; il rencontre des pasteurs chez le marquis de Jaucourt (descendant de Duplessis-Mornay), dont l’hôtel est surnommé "la maison des Huguenots" lors des pourparlers de l’édit de Tolérance.

Le 7 novembre 1787, Louis XVI signe à Versailles l’édit de Tolérance enregistré par le Parlement le 29 janvier 1788. La religion catholique demeure la religion officielle du royaume de France mais l’édit consacre juridiquement la présence des protestants en leur accordant l’état-civil, et admet l’existence d’un culte privé différent (protestant ou juif) quoique l’exercice du culte public demeure interdit. Il marque la fin officielle des persécutions et l’autorisation d’exercer la plupart les métiers libéraux et du commerce, à l’exclusion de ceux de l’administration et de l’éducation.

L’édit de Tolérance, encore très restrictif, est une première reconnaissance officielle du protestantisme français après un siècle de clandestinité et d’éviction. Les protestants aspirent à ce que leurs droits de citoyens soient pleinement reconnus, à la liberté et à une justice impartiale. A Paris, ils vont s’organiser, faire appel au pasteur Marron, ancien aumônier de la chapelle de Hollande, et louer dès que possible pour leur communauté un "digne" lieu de Culte dans l’église désaffectée Saint-Louis du Louvre. Par ses contacts privilégiés avec l’étranger où le protestantisme s’est développé sans contrainte, une élite protestante bourgeoise a acquis une vision internationale libérale et dynamique. Ces hommes vont participer aux évènements révolutionnaires, rejeter les violences de la Terreur et saisir toutes les opportunités que la reconnaissance juridique leur procurera. Le malheur les a rendus sensibles à l’arbitraire, à l’injustice civique et sociale; dans la prospérité ils prendront soin des défavorisés et feront souvent œuvre de philanthropie.

Dès le début de 1789, au moment des Etats-Généraux, les protestants, paysans et bourgeois, considèrent l’égalité politique depuis si longtemps réclamée comme un fait acquis. C’est l’Article X de la Déclaration des Droits de l’Homme, sous l’impulsion du député protestant Rabaut Saint-Etienne, qui formule, assez maladroitement, le principe de la liberté de conscience et de culte : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public ».

En décembre 1789, la Constituante accepte que les non-catholiques soient admis à tous les emplois civils et militaires. Elle définit le citoyen actif (électeur, éligible) sans aucune mention confessionnelle. Elle autorise tacitement les Eglises à s’organiser à leur gré, et ainsi les protestants peuvent-ils acquérir ou louer des bâtiments pour leur culte : le 22 mai 1791, pour la première fois depuis le XVI°s. est célébré à Paris un culte protestant public officiellement autorisé, à Saint-Louis du Louvre !

L’Edit royal de décembre 1790 accorde la nationalité française à toute personne exilée pour cause de religion et restitution des biens confisqués par la Couronne (un nombre conséquent de Réfugiés, de Prusse et de Suisse notamment, reviendront en France). La Constitution de 1791 garantit à tout citoyen « comme droit naturel et civil » la liberté « d’exercer le culte religieux auquel il est attaché ».

Les protestants se sont donc montrés dans l’ensemble favorables à la « Révolution bourgeoise » et aux « immortels principes de 89 » qui leur garantissaient enfin la pleine égalité des droits et la liberté de culte. Face à une Contre-Révolution d’essence aristocratique ou très catholique, les protestants s’affirment patriotes, mais tout aussi divisés que la nation : girondine à Caen, Bordeaux, Marseille et Nîmes, la bourgeoisie réformée est montagnarde à Montauban ou Sainte-Foy. Au demeurant, il n’y eut jamais de « groupe protestant » dans les assemblées révolutionnaires, où se distinguèrent quelques personnalités : Rabaut Saint-Etienne, Barnave, Boissy dAnglas, Jeanbon Saint-André

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