Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1816 : diaconat général de Paris (CASP)

Extrait de l'article Gabrielle Cadier, dans le livre du bicentenaire de l'Oratoire du Louvre, 2011, sur la fondation en 1816 d'un diaconat général pour les protestants de Paris, autonome du consistoire central et ancêtre du Centre d'action social protestant (CASP).


"Que sert-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi s’il n’a pas les œuvres ? ...
Si la foi ne produit pas d’œuvres, elle est morte en elle-même."
(Épître de Jacques, ch.2, v. 14, 17)

Les œuvres, dans le protestantisme, ne sont pas destinées à mériter le salut obtenu sola gratia (par la seule grâce de Dieu), mais elles sont une marque de la reconnaissance pour cette grâce reçue.
Aider son prochain est un fruit de la foi.

Aider son prochain

Les "secours aux pauvres" sont notés dans le Registre du Consistoire de Paris, dès ses débuts en 1792. On y lit qu’en avril 1792, le trésorier va visiter plusieurs personnes protestantes de Paris et en rapporte 2130 livres. Cette pratique d’aller chercher à la source dons ou cotisations va se perpétuer jusqu’à la fin du XIXe siècle. En plus s’y ajoutent les collectes. Une circulaire est envoyée "au troupeau" pour lui signaler que les deux premiers dimanches de décembre aura lieu "une collecte extraordinaire d’hiver pour subvenir aux besoins des pauvres qui se trouvent extrêmement multipliés par les circonstances."

Les troubles révolutionnaires interrompent la vie religieuse. C’est après la promulgation des Articles organiques, le rétablissement du culte réformé et l’installation du Consistoire que les Registres reprennent et que l’on peut y suivre ses activités charitables. On y voit qu’aux Anciens, les membres du Consistoire, sont aussitôt (9 février 1803) adjoints "un certain nombre de diacres spécialement chargés de la réception, de la distribution et de l’emploi des aumônes." Deux membres du Consistoire sont affectés à chaque arrondissement de Paris pour aller collecter pour les besoins du culte et de la charité. Les registres attestent que la préoccupation essentielle des séances est accordée à aider les personnes en difficulté, veuves, malades, sans travail… L’aide peut être régulière sous forme de pension ou occasionnelle. En plus le Consistoire accorde un mandat sur la Caisse des Pauvres à MM. les Pasteurs pour qu’ils puissent répondre immédiatement aux besoins des "pauvres honteux". Ils remplissent alors une feuille d’assistance avec le nom des récipiendaires. Cette somme qui était de 300 f. en 1803 est de 6000 en 1817.

Cette organisation n’est pas modifiée par le passage de Saint-Louis du Louvre à l’Oratoire, mais par la chute de l’Empire. À partir du 26 janvier 1816, le Diaconat a une existence distincte du Consistoire. Le nombre de diacres s’accroît avec les besoins. On en compte 40 en 1831 et leur activité s’étend. Ils visitent les membres de l’Église, les intéressent au dénuement des pauvres. Ils sont des intermédiaires entre les fidèles et les pasteurs. En effet, le Diaconat se réunit le mardi et les pauvres viennent là exposer leur situation. Ils obtiennent alors des secours en argent ou en bons. D’autres malheureux reçoivent à domicile les visites des diacres. Une commission qui se réunit une fois par mois, le mercredi, gère les secours mensuels et les pensions.

Les rentrées ordinaires sont : collectes, dons et legs, dons lors des cérémonies, rentes sur l’État par suite de placements ; et extraordinaires, tels les "dons reçus de la munificence du Roi et de SAR Madame le Duchesse d’Angoulême" à savoir 1000 f. chacun, et de la mairie d’arrondissement, 1000 aussi, et des dons à l’issue des services anglais et américain qui ont eu lieu dans le temple, soit 2700 francs.

Aux dépenses habituelles (en 1817, pensions à environ 200 familles, assistances passagères et "pauvres honteux"), on peut ajouter des distributions de vêtements, de couvertures, de bons de soupe, l’achat de cartes de dispensaire et le rachat de reconnaissances du Mont de Piété. Ces indications très concrètes montrent quel rôle d’assistance quotidienne a le Diaconat.

Dans une société où n’existe aucune protection sociale autre que la charité municipale (par le Bureau de Bienfaisance) ou privée, l’action des Églises est essentielle. Surtout dans une ville comme Paris qui, par suite de l’exode rural, voit sa population doubler à l’intérieur de l’enceinte des Fermiers Généraux, de 500 000 habitants en 1800 à plus d’un million en 1850. L’Oratoire est situé en marge d’une des zones les plus surpeuplées et les plus sordides de Paris (les Halles). Cet entassement dû à un manque de logements signifie absence totale d’hygiène, surmortalité, épidémies, misère absolue… Ainsi, en 1832, année du choléra, les dépenses du Diaconat occasionnées par l’épidémie se montent à 30 000 f., par suite des distributions de médicaments, de pain et autres soins médicaux. Il en sera de même pour l’épidémie de 1854. Cette population va doubler encore entre 1850 et 1870, en partie par suite de l’annexion, en 1860, des communes proches.

À mesure que les engagements de l’Église se diversifient, les dépenses du Diaconat augmentent, notamment avec les écoles. Le Diaconat accorde des dizaines de bourses, il fournit l’habillement de douze jeunes filles et des paires de chaussures à trente-six garçons. S’ajoutent les dépenses du Comité de patronage des apprentis de l’Église réformée de Paris ; formé dans les années 1840, mais remodelé en 1853, il aide les familles dans le placement des enfants et participe aux dépenses, contrôle les contrats d’apprentissage, surveille les patrons par des visites mensuelles. Les jeunes sont étroitement suivis dans leur éducation religieuse, intellectuelle et professionnelle pour qu’ils prennent notamment des habitudes d’ordre et de prévoyance. En 1861, il gère une centaine d’apprentis, des garçons aux deux-tiers. En 1871, aux 51 garçons s’ajoutent 25 jeunes filles formées dans un établissement de typographie à Puteaux. En 1892, le Comité gère 316 apprentis (166 garçons et 150 filles).

Vu les besoins, le Diaconat dépense toujours plus que les sommes allouées par la Commission des Finances, qui proteste. En 1842, pour équilibrer les comptes, il faut vendre de la rente. Mais dans ces années, le Diaconat reçoit plusieurs legs à l’occasion de décès : Hottinguer, Pelet de la Lozère, Delessert et surtout, en 1843, Lambrechts qui permet une Fondation et l’ouverture d’un Asile destiné aux vieillards des deux confessions protestantes. Les places paires sont pour les réformés, les impaires pour les luthériens ! Il y est ajouté un pensionnat et une école pour garçons, orphelins pauvres, de 7 à 13 ans. Le Diaconat entretient là quarante boursiers et verse à d’autres une allocation pour les aider à payer la pension. En 1854, cette Fondation abrite vingt vieillards et soixante-dix enfants.

Cette même année, le Diaconat ouvre l’Asile de la Muette grâce à un legs. En 1862, il y accueille cinquante personnes âgées de plus de 65 ans. Pour y être accepté, il faut être valide à l’entrée et justifier de 35 f. de ressources mensuelles (quelquefois payés par le Diaconat). En plus de ces deux établissements qu’il gère directement avec le Conseil presbytéral, il assure l’entretien de nombreuses personnes dans d’autres établissements, notamment des jeunes gens et des jeunes filles dans divers pensionnats.

Avec l’agrandissement de Paris en 1860, la ville est divisée en paroisses officieuses, mais l’Oratoire, siège du Consistoire, est considéré comme "le temple-cathédrale", où se succèdent les différents pasteurs du Paris intramuros d’avant 1860. Des Comités paroissiaux se constituent, le nombre de diacres passe à 90 en 1866. Désormais, en plus de ses réunions locales, le Diaconat (général) se réunit une fois par trimestre pour procéder à une répartition des fonds en fonction des besoins des paroisses. Cette péréquation entre paroisses riches et pauvres se maintiendra. À l’Oratoire, le Comité du mardi distribue vêtements, souliers et camisoles de laine, des bons de pain, des médicaments, des secours en chauffage (sous quelle forme ?) et donne une indemnité annuelle de 600 f. aux six médecins visiteurs. Ces secours en argent du mardi sont considérables en nombre. Ils ne sont pas destinés aux seuls Français : Suisses et Allemands nécessiteux en bénéficient aussi.

En octobre 1871, le Diaconat est réorganisé. Désormais, il est administré par 120 membres laïques qui se partagent le département de la Seine sous la présidence des pasteurs. "Il réunit tous les éléments nécessaires pour la pratique la plus large et la plus éclairée de la charité chrétienne. Puisé dans toutes les conditions sociales, en rapport avec l’administration municipale, lié par ses patronages et subventions avec neuf hospices et asiles, et avec douze pensionnats à Paris et en Province, il a des moyens d’action, de renseignements et de surveillance qui commandent la confiance à tous égards. Il n’est arrêté dans son œuvre que par la limite de ses ressources."

Pour l’exercice 1870-1871, ses dépenses atteignent 82 000 francs ; elles ont doublé en trente ans. Le Diaconat entretient alors 107 vieillards "dont 50 à la Muette, asile créé par notre Église", 200 enfants dans divers pensionnats, mais surtout, il a fourni aide et assistance à plus de 2000 familles et individus, en argent, vêtements, nourriture, secours médicaux (dont hospitalisation) pour près de 50 000 f. Les événements ayant entraîné une réduction des recettes (et une augmentation des dépenses), il faut procéder, fin 1871, à une quête à domicile exceptionnelle, par des "jeunes gens de bonne volonté, ayant fait leur première communion et bien qualifiés pour la bonne exécution de ce service." Nous disposons des feuilles imprimées des donateurs avec leur adresse et les sommes versées. Elles sont réparties entre sept "paroisses" parisiennes ; aucune feuille n’est au nom de l’Oratoire, puisque ce n’est pas encore une "paroisse" mais le siège du Consistoire. En 1871, le budget prévisionnel du Diaconat pour 1872 est de 75 000 f. pour les recettes, 65 000 pour les dépenses.

Après le décret du 25 mars 1882 qui fractionne l’Église de Paris en huit paroisses distinctes, le Diaconat général est remplacé par une Délégation composée de quatre délégués de chacune des huit paroisses, se réunissant mensuellement sous la présidence successive des pasteurs et sous la direction d’un Bureau dont la composition est restée la même. Une assemblée générale annuelle fixe le budget de chaque exercice et l’allocation reçue par chaque paroisse. La péréquation est indispensable car, sur l’ensemble des paroisses du département de la Seine, seuls l’Oratoire, le Saint-Esprit et Pentemont ont des excédents, grâce aux quêtes et aux dons reçus lors des cérémonies, qui dépassent ce qui est nécessaire pour venir en aide aux personnes à aider. Depuis cette date, l’Oratoire, tout en reversant 20 000 f. au "tronc commun", aura ses œuvres propres. Beaucoup sont anciennes comme les vestiaires, les pensions régulières à des familles ou à des vieillards, les contributions à des hospitalisations et à des frais de pharmacie, la distribution de charbon, de "bons de fourneaux et de lait". À cela s’ajoute la misère quotidienne, telle que la voit un des pasteurs : "Quatre fois par semaine, dans la grande sacristie, devant les bustes solennels, des loqueteux sans travail et sans domicile, viennent étaler leur misère. S’il y a parmi eux des trompeurs, des paresseux qu’il faut éconduire, les malheureux qui sont réellement des victimes, des épaves jetées au rivage de la compassion chrétienne par la tempête sociale, que faisons-nous pour eux ? Après ces lugubres défilés, combien vos pasteurs ont le cœur lourd… Ils restent fatalement inférieurs à la tâche, faute de concours appropriés à la situation, car c’est ici un domaine qui échappe à la juridiction officielle du Diaconat."

En fait, les diacres ne sont pas seuls. Depuis 1824, ils sont assistés de "dames". Certes, elles apparaissent peu dans les archives, mais comme le dit joliment le pasteur Decoppet : "Assistent aux séances du Diaconat deux déléguées du Comité de Bienfaisance des dames de l’Oratoire ; après que ces messieurs aient voté le pain, des voix plus douces obtiennent que ce ne soit pas du pain sec." Le Règlement de 1824 précise les charges de cette "Société de Dames de charité protestantes" qui ont été choisies par les diacres eux-mêmes. Elles sont seize en 1824. Leur nombre a-t-il augmenté avec celui des diacres ? Elles les accompagnent ou même peuvent les "remplacer dans les visites à faire aux mères chargées de famille, aux femmes en couches." Elles doivent aussi "procurer du travail aux femmes et aux jeunes filles, surveiller la section des filles à l’École du Dimanche, enfin concourir avec les diacres visiteurs à donner aux femmes pauvres de notre Église tous les secours physiques, moraux, religieux dont elles auront besoin."

À la fin du XIXe siècle, sous l’influence à la fois de la Mission Populaire et du Christianisme social, d’autres préoccupations apparaissent. La lutte contre l’immoralité publique et privée suscite la création de l’Étoile Blanche dont une section est organisée à l’Oratoire. Contre le fléau de l’alcoolisme se réunit à l’Oratoire, le quatrième mardi de chaque mois, une Ligue antialcoolique. Ses fêtes annuelles sont destinées à sensibiliser la jeunesse. "La grande réunion générale des sections de L’Espoir et de L’Étoile Bleue a vu accourir dans le temple près de 500 enfants appartenant aux diverses Écoles du Dimanche de Paris" (été 1911). Une autre œuvre, fondée en 1904, est consacrée à l’Amélioration des logements. Situé en marge du populeux quartier des Halles où la tuberculose fait des ravages dans les taudis surpeuplés, le Diaconat de l’Oratoire ne peut qu’être sensible à ce problème. Le principe est que s’il trouve un meilleur logement pour une famille, il prend à sa charge le supplément de loyer qui en résulte. Une caisse a été créée dans ce but ; elle est alimentée par des dons, qu’évidemment le Diaconat souhaite plus nombreux. Signalons enfin que, pour les enfants pré-tuberculeux, les anciens catéchumènes du pasteur Roberty ont créé une petite association qui permet que cinq ou six soient reçus au bon air à Nanteuil-les-Meaux. Cette œuvre issue de l’Oratoire en est en même temps indépendante — tout comme la Réunion de Charité fondée en 1860 par les anciens catéchumènes du pasteur Athanase Coquerel fils et qui, reconnue d’utilité publique, peut recevoir des legs.

Mais le Diaconat n’est pas seul dans le monde protestant du XIXe siècle à secourir la misère. De nombreuses œuvres ont été créées que l’on ne peut séparer du mouvement du Réveil. Après un XVIIIe siècle rationaliste, un besoin de renouveau religieux, de piété a traversé le monde protestant. Le Réveil, c’est un appel à la conversion du cœur, un retour à l’émotion, à la prière, à la lecture quotidienne de la Bible. Pour atteindre le plus grand nombre de personnes, pour les amener à la conversion, des œuvres d’évangélisation vont se multiplier, notamment les sociétés bibliques. La première, la fondation Léo, est due à un pasteur allemand qui, prêchant aux Billettes en 1811, est stupéfait de l’ignorance de la Bible où se trouvent ses auditeurs. Alors Léo lance une large souscription de manière à faire imprimer des Bibles et surtout des Nouveaux Testaments. "Son but était de pouvoir distribuer gratuitement le Nouveau Testament à des écoliers pauvres et à des chrétiens peu fortunés." Les deux consistoires, réformé et luthérien, sont les dépositaires des exemplaires et des planches stéréotypées. De 1814 à 1820, 34 000 exemplaires sont tirés. Mais déjà, en 1818, s’est créée la Société Biblique protestante de Paris avec l’aide de la Société biblique britannique. Non seulement Bibles et Nouveaux Testaments sont imprimés, mais il faut les diffuser. De toutes parts se créent des Sociétés auxiliaires, notamment de dames (comme à l’Oratoire), des Comités. À partir de 1833, la Société biblique décide de donner gratuitement un Nouveau Testament à chaque catéchumène, et une Bible à chaque couple lors de son mariage. Des distributions sont aussi prévues dans les écoles, les hôpitaux, les prisons. La version adoptée jusqu’en 1845 est celle de Martin, puis celle d’Ostervald, avant qu’elle ne soit remplacée par celle de Segond, à la fin du XIXe siècle.

Le Réveil, comme l'écrit Léonard, "sut se soucier des misères du corps autant que du salut des âmes." La foi des fidèles, réformés et luthériens, a suscité un nombre incalculable d'œuvres qu'ils ont fondées ensemble. On ne peut dans cette histoire de l'Oratoire les citer toutes, ne serait-ce même que les parisiennes. Certaines sont liées au Consistoire, tels les Asiles de La Muette ou Lambrechts, ou les multiples orphelinats dans lesquels, nous l'avons vu, le Consistoire paie la pension de ses protégés. Mais la plupart n'ont plus guère de lien. Ainsi la Société protestante de Prévoyance et de secours, si elle a été fondée par un diacre de l'Oratoire, M. Vauchez, en 1825, a acquis son indépendance. Ses statuts sont tellement précurseurs qu'ils servent de modèle au gouvernement français en 1850 quand il souhaite développer la prévoyance. Ses membres honoraires apportent à la société une cotisation annuelle. Ses sociétaires, eux, bénéficient de sa protection, en cas de maladie et pour percevoir une retraite. Citons encore pour mémoire, et seulement pour Paris, l'Œuvre protestante des prisons de femmes (1839), l'Institution des Diaconesses évangéliques (1841), l'Œuvre évangélique du quartier Saint-Marcel (1847), l'Œuvre des dames visiteuses des malades protestants dans les hôpitaux de Paris. Cette entreprise paraît modeste, mais elle est en fait de grande importance, car les infirmières des hôpitaux sont le plus souvent des religieuses pour qui le salut des âmes, la conversion de l'hérétique, passe avant les soins du corps. Entrer dans les hôpitaux, repérer les malades protestants, les signaler aux pasteurs, empêcher leur conversion in extremis était un des buts de cette œuvre, tout en apportant du réconfort aux malades. Les registres du Consistoire regorgent de plaintes sur ce genre d'abus repérés dans les hôpitaux.

L'Œuvre de la Chaussée du Maine est créée par Élise de Pressensé dans le faubourg déshérité de Saint-Marcel, en 1871. Au départ, il s'agit d'un simple ouvroir pour procurer travail et vêtements aux victimes de la guerre civile. Vont bientôt s'y ajouter des écoles, un dispensaire, une bibliothèque, un centre d'apprentissage, une caisse d'épargne, une caisse des loyers… La réorganisation de l'instruction primaire par la Ville de Paris fait abandonner les écoles, sauf les maternelles, et sauf les écoles du dimanche et du jeudi qui fonctionnent comme des patronages. L'originalité de l'œuvre, c'est son asile temporaire destiné aux enfants dont les mères sont malades. Et à partir de 1881, pendant trois mois, cet Asile se transporte dans une ferme du Loiret. On a là les premières colonies de vacances, deux ans avant celles de la Ville de Paris. Cette fondation va prendre une grande extension, notamment sous la seconde présidente, Julie Siegfried, autre grande dame d'œuvre. La même année, Mme Lorriaux fonde l'Œuvre des trois semaines pour envoyer, chez des paysans, des enfants parisiens. Le placement est individuel. Bientôt, dans une station balnéaire, l'œuvre aura des installations collectives. C'est à ces deux organisations que l'Oratoire confie les enfants malheureux qu'il veut envoyer en vacances. Une collecte leur est spécialement destinée. Leur nombre est régulièrement noté dans la Feuille Rose. Il tourne autour de 40 à 50 auxquels s'ajoutent quelques mères de famille en mauvaise santé.

En 1893, à l'occasion de l'Exposition universelle de Chicago, Frank Puaux dirige un gros livre de 480 pages : Les œuvres du protestantisme français au XIXe siècle. Un nombre infime a été cité ici. Ces fondations sont la marque de la réimplantation vigoureuse du protestantisme dans la société française et aussi de l'effort financier consenti par tous ceux que le Réveil avait touchés. À l'Oratoire même, en plus des nombreux dons, ce sont les deux grandes collectes destinées "aux pauvres" qui rapportent le plus. Mais déjà en 1910, les diacres constatent qu'elles ont baissé. Il va en être de même pour les ressources des œuvres en général car, à la suite de la loi de Séparation, les Églises doivent maintenant assurer le financement du culte, les traitements des pasteurs et leurs retraites. D'ailleurs, désormais, les différentes activités des paroisses sont distinctes. Le culte, l'évangélisation, l’École du dimanche, la vie religieuse dépendent des associations cultuelles, loi de 1905, alors que tout ce qui est charitable correspond à des Associations, loi de 1901. Ainsi le Bulletin paroissial L'Oratoire précise que "les dons et legs ne doivent pas être libellés ni directement pour les pauvres, ni aux pasteurs, ni au Diaconat, mais à l'Association de Bienfaisance parmi les protestants réformés de Paris et du département de la Seine", reconnue d'utilité publique et siégeant au 4, rue de l'Oratoire. À la veille de 1914, les ressources des Églises doivent faire face à de plus en plus de sollicitations. Bientôt, elles vont être encore plus fragilisées, car beaucoup de fidèles vont être atteints par la mise en place de l'impôt sur le revenu (même s'il est encore fort léger), la guerre, l'inflation et les destructions.

[suite de l’article : les écoles protestantes]

Gabrielle Cadier

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