Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1534-1598 : Bûchers et guerres de religion

  • 1534 : affaire des placards et début des répressions
  • 1559 :  Anne du Bourg, conseiller au parlement de Paris, est pendu et brûlé comme hérétique
  • 1562 : massacre de Vassy, guerres de religion -> 1598

L’affaire des placards dénonçant les "horribles abus de la messe papale", largement diffusés et apposés jusque sur la porte de la chambre du roi à Amboise le 18 octobre 1534, suscite la répression. Lire la Bible en français est interdit. Le milieu de l’imprimerie et de l’humanisme est particulièrement suspect, mais toutes les classes sociales -artisans, négociants, nobles- sont touchées par "les idées nouvelles" taxées d’hérésie. Les assemblées clandestines sont sanctionnées par l’arrestation et la condamnation des participants au bûcher en place de Grève devant l’hôtel de ville, au Marché aux Pourceaux, à la Croix du Trahoir et place Maubert. Un édit de 1535 tente même d’interdire l’imprimerie dont les activités sont essentiellement regroupées autour de la rue Saint-Jacques et les pentes de la montagne Sainte-Geneviève.

La première église "à la mode de Genève" est "dressée" à Paris en 1555, rue des Marais Saint-Germain (actuelle rue Visconti) à l’occasion du baptême d’un nouveau-né. "Dressée" signifie dotée d’un conseil d’anciens qui désigne un pasteur pouvant administrer les deux sacrements reconnus par les réformés : la Cène et le Baptême. Jean Le Maçon de Launay de la Rivière, un jeune étudiant en droit de 22 ans passé par Lausanne et Genève où est établi Calvin, devient ainsi le 1er pasteur nommé par ses coreligionnaires à Paris. De nombreux protestants s’établissent rue des Marais, surnommée "la petite Genève", peu surveillée, hors les murs, et à cheval sur les juridictions de l’Université et de l’abbaye. Ils doivent commencer à enterrer discrètement les leurs dans le cimetière de la rue des Saints-Pères dont des colonnes dressées et une plaque apposée au n°30 perpétuent le souvenir.

En 1557, une assemblée protestante est surprise rue Saint-Jacques. On arrête 120 personnes. Sept sont brûlées vives ; Philippe de Luns, dame de Graveron, une jeune veuve de 23 ans, revêt sa robe de mariée (disant qu’elle allait rejoindre son époux céleste) pour monter à l’échafaud, elle est pendue Place Maubert après avoir été brûlée aux pieds et au visage.

En mai 1558, le pasteur Macar écrit à Calvin que des assemblées de 5000 personnes chantent des psaumes au Pré aux Clercs. Ces réunions prennent la tournure de démonstrations de force avec la présence de gentilshommes à cheval parmi lesquels Antoine de Bourbon, roi de Navarre, et aboutissent à des affrontements avec la police.

Lors de la Mercuriale réunie aux Augustins le 10 juin 1559, Anne du Bourg, conseiller au Parlement de Paris, dénonce devant Henri II la négligence des cardinaux dans leurs fonctions : il est embastillé. La mort du roi, à la suite du funeste tournoi qui l’oppose à Montgomery, n’incline pas à la modération. Du Bourg rédige une longue confession de foi (recueillie par Antoine de Chandieu, pasteur à Paris de 1559 à 1563) qui lui vaut d’être pendu et brûlé comme hérétique en place de Grève, le 23 décembre.

Le Colloque de Poissy (1561) réunissant des évêques catholiques et des pasteurs réformés (avec en premier lieu Ttéodore de Bèze venu de Genève pour l’occasion), ne fut pas loin de permettre une solution d’entente. Hélas, cette chance de paix fut laissée de côté.

De 1562 (Massacre de Wassy) à 1598 (Édit de Nantes), les guerres de religion divisent la France. Paris est le plus souvent dans le camp catholique des ligueurs menés par François de Guise et son frère le cardinal de Lorraine qui complotent dans leur hôtel du quartier du Marais (Hôtel de Soubise, Archives nationales) rue des Francs-Bourgeois, et organisent des processions mêlant moines armés et populace surexcitée.

L’Édit d’Amboise de mars 1563 interdit le culte à Paris, mais il se maintient secrètement par la lecture de la Bible en famille et des réunions clandestines chez des nobles et des particuliers. Ainsi, chez Pierre du Rozier, rue du Coq (actuelle rue Marengo) en 1567, où, en cas de danger, on transforme vite la pièce en salle de jeu. Tenir une assemblée chez soi, est sanctionné par le bûcher et la destruction de sa maison : à l’angle nord-ouest des rues des Lombards et Saint-Denis, aucune construction n’a jamais été rebâtie à l’emplacement de la maison de la famille Gastines qui y tenait des assemblées. Le parlement ordonna en 1571 que la maison soit rasée, qu’il n’en soit jamais reconstruite, et qu’une pyramide surmontée d’une croix portant une plaque de cuivre rappelle les raisons du jugement.

Catherine de Médicis s’efforça de maintenir une coexistence pacifique entre catholiques et protestants afin de préserver le pouvoir des Valois face aux Guise, catholiques radicaux, aux Montmorency et aux Bourbon modérés comportant des branches huguenotes. Sous les derniers Valois, des protestants œuvrent dans l’entourage immédiat du pouvoir : Jean Goujon orne de ses sculptures la nouvelle aile du Louvre ; Bernard Palissy exécute une grotte dans le jardin des Tuileries. Ambroise Paré est le médecin de quatre rois, il soignera les blessures du connétable de Montmorency, d’Henri II, comme de l’Amiral de Coligny. Le mariage de Margot avec le fils de Jeanne d’Albret, allait dans ce sens mais, quelques jours après les fastes de la cérémonie, le massacre de la Saint Barthélémy transforme ce mariage en bain de sang.