Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1802 : Napoléon et le Concordat

Bonaparte, Premier consul, Antoine-Jean Gros, 1802, musée de la Légion d'honneur, Paris (détail).

Le Concordat, conclu avec le pape Pie VII et signé le 8 septembre 1801, n’entre pas immédiatement en vigueur. Il ne devient loi de l’État que le 8 avril 1802 (18 germinal an X), après avoir été complété par les articles organiques, ajoutés par Bonaparte, sans concertation avec le pape, articles qui forment un ensemble de règles réglementant la vie de l’Église catholique et organisant les cultes protestants. La question du culte israélite - juif - est remise à plus tard, ce délai étant alors motivé par l’idée que les Juifs forment plus un peuple qu’une religion, et leur culte ne sera réorganisé qu’en 1808.

En organisant un nouveau régime politique après son coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), le Premier consul a pour but de rétablir la paix civile, et à ses yeux la politique religieuse est une question importante. Il refuse le titre de « religion dominante » que réclamait le pape, se contentant de le qualifier de « religion de la grande majorité des citoyens français ».

Pour les deux cultes protestants reconnus, réformés et luthériens, il ne s’agit pas d’une loi négociée, mais d’une décision du gouvernement. En effet, le ministre Portalis a consulté quelques notables protestants luthériens ou réformés, surtout le pasteur Paul-Henri-Marron et le député Pierre-Antoine Rabaut-Dupuis, mais il n’a guère tenu compte de leurs avis. En fait, Bonaparte ne reconstitue pas du tout l’Église protestante - en particulier sa branche réformée - telle qu’elle existait avant les persécutions, il bouleverse son organisation, d’où de nombreuses difficultés et des facteurs de division qui verront le jour dans le protestantisme et en particulier à l’Oratoire qui est à partir de 18011 le siège de l’église consistoriale réformé pour toute la région parisienne.

Pour la première fois les pasteurs seront payés par l’État. Mais le Concordat ne reconnaît que des Églises « consistoriales » de 6 000 âmes, et non pas les Églises « locales », mieux adaptées à la dispersion des protestants et à leur théologie. Surtout, le Concordat ne reconnaît pas le synode national, autorité centrale traditionnelle de l’Église protestante, seule capable d’arbitrer d’éventuels conflits.

Napoléon connaît mal le protestantisme, mais tient volontiers des propos aimables à son égard. Deux propos sont rapportés par le pasteur Rabaut-Dupuis en 1801 : « On a manqué l’occasion (au XVIe siècle) d’établir, en France, la religion protestante, ce n’est pas ma faute… » ; « Nous voudrions que tout le monde fût protestant ». Ou encore, à Bréda devant des catholiques en 1810 : « Vous avez calomnié les protestants en les représentant comme des hommes qui enseignent des principes contraires aux droits du souverain. J’ai trouvé dans les protestants de fidèles sujets […], il n’y en a aucun dont j’aie jamais eu raison de me plaindre ; je m’en sers dans mon palais et je leur en permets l’entrée […] Si je n’avais pas trouvé dans l’Église gallicane et dans la doctrine de Benoît [sic] des maximes analogues aux miennes et si le Concordat n’avait pas été accepté, je me serais fait protestant et trente millions de Français auraient suivi le lendemain mon exemple. »

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