Pasteur Paul-Henri Marron (1754 - 1832)
Le premier pasteur de l’Église réformée de Paris après la Révocation est né à Leyde en 1754. Paul-Henri Marron, descendant de réfugiés huguenots est consacré fort jeune à l’âge de 20 ans. Nommé pasteur à Dordrecht en 1775, il vient s’établir à Paris en 1782 comme chapelain de l’ambassade de Hollande où un culte a lieu en français depuis le traité d’Utrecht en 1713. Marron est sur le point d’être destitué pour raison politique car il a protesté contre l’invasion du sud des Pays-Bas par une armée prussienne, lorsque Rabaut-Saint-Étienne, le futur président de l’Assemblée Nationale, le fait accepter comme pasteur de l’Église réformée de Paris.
Le 7 juin 1789, il célèbre le culte dans une salle louée à un marchand de vin rue Mondétour, à l’angle de la rue du Cygne. Cette pièce sert d’ordinaire à des repas de noces. Quelques fidèles s’offusquent d’entendre le chant des psaumes dans un lieu où l’on entonne aussi des couplets bachiques.
A partir de février 1790 le culte sera transféré à l’emplacement du 18 rue Dauphine dans l’ancienne salle des Enfants d’Apollon où Court de Gébelin a créé une société savante en 1780, le Musée social, et où s’est installée ensuite la loge maçonnique des Neuf-Soeurs, présidée par le duc d’Orléans.
Le club des Cordeliers remplace pour quelques semaines l’Église réformée de Paris en mai 1791. Celle-ci va alors trouver place dans l’ancienne église Saint-Louis du Louvre, entre le pavillon Mollien et le pavillon Denon, place du Carrousel.
A la demande du maire de Paris, Bailly et de La Fayette, l’église Saint-Louis du Louvre a été louée aux protestants parisiens pour la somme annuelle de 16450 livres. Lors de la dédicace du temple, Marron choisit le verset suivant : « Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans l’affliction, persévérants dans la prière ». Le 13 octobre 1791 Bailly assiste en personne au culte. Marron prend pour texte : « Vous connaissez la vérité et la vérité vous rendra libres ».
Le pasteur de Paris devient vite suspect aux Jacobins. Il est arrêté le 21 septembre 1793, relâché, arrêté une seconde fois. Il fait des concessions : le culte sera célébré le décadi et non le dimanche.
Le Consistoire décide d’offrir à la municipalité les quatre coupes qui servent à la communion et qui seront transformées en pièces de monnaies. Marron prononce à cette occasion un discours emphatique : « Tous les rangs confondus inséparables de la Liberté... » [...] « Honte à tous ces échafaudages de mensonges et de puérilités que l’ignorance et la mauvaise foi ont décoré du nom fastueux de théologie. » Le discours prononcé par Marron ne reflète sans doute pas totalement ses opinions réelles. Même si ce n’est pas toute la théologie chrétienne qu’il attaque ainsi, mais seulement certaines dérives et qu’il continue par ailleurs à affirmer sa foi de chrétien.
À la suite d’une dénonciation notre pasteur révolutionnaire est à nouveau mis en prison à l’Hôtel Talara, à côté de la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu. Cette détention plus longue que la première ne prend fin qu’avec la chute de Robespierre. On a beaucoup critiqué Marron pour son attitude pendant la Terreur. On a oublié [qu'en Alsace le pasteur Jean-Frédéric] Oberlin a adopté une attitude sensiblement analogue comme il l’a reconnue dans son Journal : « Je fus interdit de toute fonction ministérielle quelconque par le gouvernement révolutionnaire de Robespierre et des Jacobins et j’établis un club à la place du service divin pour, sous ce nom, continuer vos assemblées ». Le club est convoqué par l’apôtre du Ban-de-la-Roche « au saint temple de la raison ou de l’Éternel, comme nous appellerons désormais nos Églises ».
En dépit de la tourmente révolutionnaire Marron continue de remplir vaille que vaille sa mission pastorale tout en vivant de ses appointements comme traducteur du ministre des affaires extérieures. Il reprend ostensiblement ses fonctions en mars 1795. Nommé en décembre 1802 pasteur de l’Église réformée de Paris par le premier Consul avec Rabaut-Pommier, un ancien pasteur du Désert devenue entre-temps sous-préfet au Vigan, et Mestrezat, un genevois descendant d’un illustre pasteur du temple de Charenton, il a une position très difficile, habite au 2 de la place Vendôme où il donne des réceptions de cent personnes.
Les trois pasteurs du Consistoire de Paris sont décorés de la Légion d’honneur. Le vitrail, derrière l’orgue, au temple de l’Oratoire rappelle cette triple nomination. On a reproché à Marron d’avoir fait l’éloge de tous les régimes successifs qu’il a traversés en vers latins ou grecs.
C’est aussi un homme qui a su dire non s’il le fallait comme en témoigne son attitude très digne lors du sacre de Charles X. Une lettre de son collègue Mestrezat à sa femme nous permet de mieux saisir la vraie personnalité de Paul-Henri Marron : « Je suis beaucoup plus content de lui que je ne l’aurais cru, il a de l’esprit, beaucoup de connaissance des hommes et des affaires, des lumières comme savant et homme de lettres en ménageant sa suprématie nous serons très bien ensemble ».
Marqué par le Siècle des Lumières Marron insiste davantage sur le Christ en tant que modèle et exemple qu’en la nécessité d’une transformation intérieure à la suite de la prise de conscience du péché.
L’idée d’harmonie entre le Divin et l’humain l’emporte chez lui sur l’idée de rupture, mais il n’oublie pas que la sagesse de ce monde est folle pour Dieu et il dénonce avec énergie les principes corrupteurs et le libertinage de son temps.
Sa pensée est optimiste. Elle insiste sur la confiance et la reconnaissance. Sa dernière prédiction a été : « Ô mort où est ton aiguillon, Ô sépulcre où est ta victoire ? »
Marron est emporté par le choléra le 31 juillet 1832, fidèle à son poste jusqu’au bout. Sa tombe est au Père Lachaise. Athanase Coquerel père, son suffragant depuis 1830, sera son successeur.
Philippe Vassaux
Pour en savoir plus :
- Au Père Lachaise : tombe de Paul-Henri Marron
- Discours prononcé la veille de la fête de la paix, 8 novembre 1801