1533-1536 : Calvin écrit son "Institution chrétienne"
Jean Calvin est, parmi les réformateurs, un homme de la seconde génération. Il consolide et organise la Réforme à Genève et en France. L’œuvre de Calvin, si elle prolonge l’ouvre de ses précurseurs, présente une grande originalité; et son influence déborde largement les frontières de Genève et de la France.
Jeunesse, formation et conversion de Calvin.
Calvin est né en 1509 à Noyon (en Picardie). Fils d’un homme d’affaires chargé un temps des intérêts de l’évêque, il reçoit très tôt un bénéfice ecclésiastique qui, dans l’intention de son père, devait être l’amorce d’une brillante carrière sacerdotale. A quatorze ans il est envoyé à Paris pour y poursuivre ses études il fréquente ainsi le collège de la Marche et le collège Montaigu.
Son père ayant décidé de lui faire étudier le droit, « meilleur moyen pour arriver aux biens et aux honneurs », Calvin, qui vient d’obtenir à Paris sa maîtrise ès arts, passe une année à l’université d’Orléans. Après y avoir obtenu sa licence ès droit (1529), il poursuit ses études à l’université de Bourges où règne un esprit favorable à la Réforme.
La mort de son père l’ayant rendu maître de son destin, Calvin retourne à Paris pour y poursuivre des études de lettres et de théologie. Il semble que c’est à ce moment-là qu’il se donne pleinement aux idées évangéliques. Cette conversion, il nous la rapporte avec sobriété (car il n’est pas homme à se raconter) dans la Préface au « Commentaire sur les Psaumes » qu’il a rédigée en 1557.
A cette époque les idées de Luther sont connues en France, aussi bien dans les milieux de l’humanisme chrétien que dans les Églises où beaucoup d’âmes sont prêtes à recevoir le message de grâce remis au premier plan par Luther. Des prédicateurs hardis, comme Lefèvre d’Étaples et Briçonnet, évêque de Meaux, ont bien préparé le terrain qui accueille la graine luthérienne. Un peu partout en France on signale des manifestations de ce que le clergé appelle « la peste luthérienne ». La Sorbonne condamne la doctrine de Luther le 15 avril 1521, c’est-à-dire tout de suite après que le pape ait formellement condamné la doctrine du docteur de Wittenberg.
l’institution de la religion chrétienne.
Converti, Calvin renonce à ses bénéfices ecclésiastiques. La persécution qui s’organise contre les protestants le condamne à une existence errante. Obligé de quitter Paris par deux fois, la première à la suite du scandale provoqué par le discours évangélique de son ami, le jeune recteur de l’Université, Nicolas Cop, la seconde à la suite de l’affaire des placards (1534), il se réfugie à Bâle au début de 1535.
C’est à Bâle qu’il met au point et fait imprimer la première édition de son « Institution de la Religion chrétienne » en 1536.
Cet ouvrage, rédigé en latin, comprend six chapitres. Son succès est tel qu’il doit bientôt être réédité. Sa deuxième édition latine est suivie d’une traduction française qui fait date dans l’histoire de notre langue (1541). Remanié et enrichi par Calvin tout au long de sa carrière, il ne compte pas moins de quatre-vingts chapitres dans sa dernière édition (1559-1560).
L’ « Institution de la Religion chrétienne » est une véritable somme dans laquelle sont abordés, à la lumière de l’Écriture, tous les aspects de la foi. En particulier, tout comme Luther, Calvin n’y reconnaît que deux sacrements : le baptême et la cène.
Dès sa première édition, elle est précédée d’une « Épître au Roi », en l’occurrence François 1er que les réformés espèrent gagner à leur cause. Cette épître, écrite en français, est, avec l’édition française de 1541, un des plus beaux textes de notre littérature. Elle expose les intentions qui ont animé Calvin dans la rédaction de son ouvrage (voir un extrait ci-dessous).
Premier séjour de Calvin a Genève.
Après avoir quitté Bâle et au moment (juillet 1536) où il s’apprête à aller s’installer à Strasbourg, Calvin est retenu à Genève par Farel, qui a besoin de lui pour poursuivre son œuvre de réforme dans cette ville.
Guillaume Farel, né à Gap (Dauphiné) en 1489, est à Paris l’élève de l’humaniste Lefèvre d’Étaples. Rompant avec la papauté en 1521, il évangélise le pays de Montbéliard (où il compose la première dogmatique réformée de langue française : la « Sommaire et brève déclaration ») avant de devenir le réformateur de ce qui constitue aujourd’hui la Suisse française.
En collaboration avec Farel, Calvin organise l’Église de Genève, réformée selon la Parole de Dieu, en lui donnant une discipline, un catéchisme et une confession de foi. En avril 1538, cependant, les deux réformateurs sont expulsés de Genève pour avoir osé tenir tête aux autorités civiles qui prétendent intervenir dans les affaires intérieures de l’Église. Calvin se rend à Strasbourg et Farel à Neuchâtel où il meurt en 1565.
À Strasbourg avec Martin Bucer.
Appelé par Bucer, Calvin va exercer à Strasbourg les fonctions de pasteur auprès des réfugiés français et celles de professeur de théologie. Durant les trois ans (1538-1541) qu’il passe dans la cité alsacienne, il se livre à un labeur intense : il publie, entre autres, ses leçons sur l’épître aux Romains, le premier et l’un des meilleurs de ses commentaires, et il approfondit sa pensée au contact de Bucer.
Né en 1491 à Sélestat (Alsace), Martin Bucer entre dans l’ordre des Dominicains à l’âge de quinze ans. Gagné à la Réforme par Luther au cours de la Dispute de Heidelberg (1518) il prêche l’Évangile en Alsace dès 1523; il est nommé, l’année suivante, pasteur à Strasbourg. Quand Calvin arrive dans cette ville (1538), Bucer y travaille depuis quatorze ans déjà : il a eu le temps d’organiser une Église dont maints caractères seront repris à Genève quand l’auteur de I’ « Institution de la Religion chrétienne » y retournera.
En automne 1541, Calvin retourne à Genève, car lui seul, de l’avis des Genevois, peut y sauver la Réforme naissante. Durant les vingt-trois ans qu’il passe dans cette ville, il fait adopter ses « Ordonnances ecclésiastiques » qui fournissent une base solide à l’Église, il proclame inlassablement l’Évangile dans sa prédication, dans ses cours et dans ses écrits (ses œuvres comprennent 59 volumes), il entretient une correspondance étendue avec des hommes de tous pays, il crée l’Académie où seront formés d’innombrables pasteurs, il essaie enfin de créer des liens solides entre les diverses Églises issues de la Réforme.
Comme l’atteste le « Testament » qu’il rédige peu de temps avant sa mort (1564), Calvin n’a eu d’autre but, dans toute sa vie, que de travailler pour la seule gloire de Dieu.
Deux textes de Jean Calvin :
Préface au Commentaire sur les Psaumes
Dès que j’étais jeune enfant, mon père m’avait destiné à la théologie ; mais puis après, d’autant qu’il considérait que la science des lois communément enrichit ceux qui la suivent, cette espérance lui fit incontinent changer d’avis. Ainsi cela fut cause qu’on me retira de l’étude de philosophie, et que je fus mis à apprendre les lois; auxquelles combien que je m’efforçasse de m’employer fidèlement, pour obéir à mon père, Dieu toutefois par sa Providence secrète me fit finalement tourner bride d’un autre côté. Et premièrement, comme ainsi soit que je fusse si obstinément adonné aux superstitions de la papauté, qu’il était bien malaisé qu’on put me tirer de ce bourbier si profond, par une conversion subite il dompta et rangea à docilité mon cour; lequel, eu égard à l’âge, était par trop endurci en telles choses. Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus incontinent en flambé d’un si grand désir de profiter, qu’encore que je quittasse pas du tout les autres études, je m’y employais toutefois plus lâchement. Or je fus ébahi que devant que l’an passât, tous ceux qui avaient quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je ne fisse quasi que commencer moi-même.
Jean Calvin
Début de l’ « Épître au Roi »
Au commencement que je m’appliquai à écrire ce présent livre, je ne pensais rien moins, Sire, que d’écrire choses qui fussent présentées à votre Majesté. Seulement mon propos était d’enseigner quelques rudiments, par lesquels ceux qui seraient touchés d’aucune bonne affection de Dieu fussent instruits à la vraie piété. Et principalement (je) voulais par ce mien labeur servir à nos Français, desquels j’en voyais plusieurs avoir faim et soif de Jésus-Christ, et bien peu qui en eussent reçu droite connaissance. Laquelle mienne délibération on pourra facilement apercevoir du livre, en tant que je l’ai accommodé à la plus simple forme d’enseigner qu’il m’a été possible.
Mais voyant que la fureur d’aucuns iniques s’était tant élevée en votre royaume, qu’elle n’avait laissé lieu aucun à toute saine doctrine, il m’a semblé être expédient de faire servir ce présent livre, tant d’instruction à ceux que premièrement j’avais délibéré d’enseigner, qu’aussi de confession de foi envers vous, pour que vous connaissiez quelle est la doctrine contre laquelle d’une telle rage furieusement sont enflambés ceux qui par feu et par glaive troublent aujourd’hui votre royaume.
Jean Calvin
Pour en savoir plus :
- Sur le site du Musée du protestantisme notice Jean Calvin