Histoire du protestantisme parisien et de l'Oratoire

1872 : Synode national de Paris

Au cours du premier XIXe siècle, les protestants se divisèrent en deux tendances : les évangéliques, qui se revendiquent orthodoxes, issus du « Réveil » anglo-saxon, veulent imposer une déclaration de foi adaptée de la Confession de foi de La Rochelle (1571) pour éliminer les pasteurs libéraux. Les libéraux sont issus des Lumières et font dialoguer foi et raison. 

Les rapports entre deux tendances protestantes, conservatrices et libérales, créent des tensions à l’Oratoire, où elles sont toutes deux représentées : Frédéric et Adolphe Monod, soutenus par le ministre Guizot, sont attirés par le Réveil évangélique, les Coquerel père et fils, soutenus par le baron F. de Schickler, sont libéraux. L’organisation de l’église mise en place par Napoléon est centralisée, gouvernée par un consistoire qui se réunit à l’Oratoire, mais qui gère l’ensemble des lieux de cultes protestants réformés de Paris. Les libéraux représentent environ 40 % et les conservateurs 60 %, les libéraux sont minoritaires.

Le Synode général des Eglises réformées de France se tint au temple du Saint-Esprit, en juin 1872, présidé par François Guizot

Les libéraux, au nom de la liberté d’être chrétien sous sa seule responsabilité, refusent une déclaration de foi obligatoire. Ne pouvant s’appuyer sur aucune autorité dogmatique pour les condamner, les évangéliques font appel au président versaillais Adolphe Thiers pour qu’il convoque un synode national. C'est le premier synode réuni officiellement depuis 1659. Il se tient au temple du Saint-Esprit, en juin 1872, et est présidé par François Guizot, homme d’État protestant.

Le pasteur Bersier rapporte "les membres du Synode se groupent d’après leur tendance doctrinale ; sur le premier banc de la droite, MM. Guizot, Mettetal, de Chabaud-Latour, P. Juillerat, Bastie ; vis-à-vis d’eux, à gauche, MM. Ath. et At. Coquerel, Pécaut, Steeg, Clamageran, Fontanès, Colani".

S'ensuivit un schisme de fait entre synodes et assemblées officieuses des deux camps. Une union libérale va être créée face à l’impossibilité aux libéraux d’être reconnus malgré l’importance de leur minorité.

Les libéraux, qui l’avaient emporté à l'Oratoire du Louvre, obtinrent du gouvernement la division de l’Église réformée en paroisses en 1882. Mais ils avaient décontenancé par les polémiques un bon nombre d’électeurs modérés, comme le démontrèrent les élections des Conseils et le choix parfois difficile des pasteurs. Il faudra attendre 1938 pour que se fasse l'union des Églises réformées de France, en particulier sous l’impulsion du pasteur de l'Oratoire André-Numa Bertrand.


Article de 1874

« Au commencement de 1872, à l’instigation de M. Guizot, un synode fut convoqué pour régler l’administration des églises protestantes de France. Ce synode, dont les pouvoirs ne devaient être qu’administratifs  (...) transforma, par un coup de majorité, par un coup d'État moral, ses pouvoirs administratifs en pouvoirs dogmatiques ; élu pour régler les intérêts de l’Église, il voulut mettre la main sur les consciences.

Le coup d’État qu’on voulait faire était fait ; M. Guizot était intronisé pape des protestants, MM. Mettetal, de Chabaud-Latour, etc, partageaient son infaillibilité et passaient cardinaux ; quiconque ne se soumettait pas aveuglément à leur autorité suprême était excommunié. La liberté de conscience était abolie ; pour les protestants libéraux, chassés de l’Église, l’édit de Nantes venait d’être moralement révoqué. [...] L’Église orthodoxe prétend accaparer pour elle seule tout le domaine du protestantisme français. Elle prétend rester unie avec l’État tout en séparant de l’Église et de l’État la majorité des Églises de France. »


Extraits des délibérations

M. Pécaut (libéral) :   « Nous ne sommes pas d’institution divine, ceci n’est pas un concile ; nous sommes un synode protestant, issu de l’élection populaire et appelé à exprimer le sentiment du peuple réformé qui nous a élus. En quoi votre confession obligatoire servira-t-elle les intérêts de la foi et de la piété ? Ce qui nous manque, c’est le sens profond des choses. »

M. Dhombres (évangélique) : « C’est pour remédier au désordre que nous sommes réunis. Le surnaturel est ébranlé, nous voulons l’affermir : nous ne confondons pas l’ascension d’un aérostat avec l’Ascension de Jésus-Christ, une curieuse expérience sur la galvanisation d’un cadavre avec la résurrection de notre Sauveur. Nous avons spiritualisé nos doctrines religieuses, mais vous allez jusqu’à les vaporiser. »

M. Coquerel  (libéral) :  « Si Dieu a pris soin de mettre tant de diversités dans les Écritures, ce n’est pas un synode qui réformera l’œuvre de Dieu »

M. Martin-Paschoud  (libéral) : « La parole de Dieu nous suffit pour le dogme et pour la morale Elle est plus claire, plus précise, plus accessible aux pauvres d’esprit que les symboles obscurs, toujours imparfaits, qui sortent de la main des hommes Deux systèmes possibles : admettre un pouvoir interprétatif, dont les décisions aient la même force que la Loi, ou conserver le texte primitif sans commentaires : ce dernier système se résume en deux mots, l’Évangile et la liberté »


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