Le temple protestant de l'Oratoire du Louvre
Le Temple en quelques dates
- 1611 Fondation de la Congrégation des Prêtres de l’Oratoire par le Père de Bérulle dans le but de former théologiquement et spirituellement des prêtres capables de contrer l’influence de la Réforme
- 1621 Début de la construction de l’église selon les plans de l’architecte Jacques Lermercier
- 1623 Louis XIII en fait la chapelle royale du palais du Louvre
- 1625 Interruption des travaux qui ne seront repris qu’en 1740
- 1629 Mort et service funèbre du Cardinal de Bérulle
- De 1642 à 1683 Services funèbres du Cardinal de Richelieu, du roi Louis XIII, de la reine Anne d’Autriche, du chancelier Pierre Séguier, de la reine Marie-Thérèse.
- 1740 Construction des deux dernières travées et de la façade par l'architecte Caqué
- 1750 Dédicace solennelle et pose des douze croix
- 1792 Dissolution le 14 décembre de la congrégation de l’Oratoire (rétablie en 1852)
- 1793 Saccage et pillage de l’église
- 1811 Mis à disposition des protestants par Napoléon, l’Oratoire est inauguré le 31 mars lors d’un premier culte.
- Depuis le culte y est célébré tous les dimanches.
- 1889 Inauguration, rue de Rivoli, du monument de l’amiral Gaspard de Coligny
- 1938 Culte d'actions de grâce pour la reconstitution de l'Église réformée de France
- 1962 Installation de l’orgue actuel Gonzalez.
La partie "Patrimoine" de ce site vous permettra de visiter l'Oratoire et son histoire. Vous pouvez également voir:
- plus bas sur cette page, une courte histoire
- dans les documents, une histoire plus développée
- dans les documents, une histoire de la statue de l'Amiral de Coligny
- la page consacrée à l'orgue
Quelques photos
Histoire
L'Oratoire sous l'Ancien régime (1616-1793)
Entre la rue du Coq (aujourd'hui rue de Marengo) et la rue du Louvre (rue de l'Oratoire) s'élevait depuis 1378 l'Hôtel Le Coq devenu en 1582 l'Hôtel du Bouchage. Les Jésuites ayant été chassés du royaume par Henri IV, à la suite d'un attentat dans cet hôtel, le 28 décembre 1594, où Henri IV fut frappé d'un coup de couteau par un élève des Jésuites, le Père de Bérulle, cousin du chancelier Séguier, fonda en novembre 1611 la Congrégation française des Prêtres de l'Oratoire, inspirée de celle de Philippe Néri. Cette congrégation avait des buts fort louables, celui de « sauver l'Église des coups que lui avaient porté la violence, l'orgueil, l'égoïsme sensuel des prétendus réformateurs ». Elle faisait partie du grand plan de la Contre-Réforme établi au Concile de Trente.
En janvier 1616, les Oratoriens achetaient l'Hôtel du Bouchage, le faisaient démolir et commençaient la construction d'une chapelle où la messe fut célébrée dès le début du mois de mai. Cette chapelle s'avérant trop petite, le Cardinal de Bérulle voulut bâtir «une église en forme et qui eut plus de rapport avec la grandeur et la majesté divines ». À cet effet, la congrégation acquit les terrains voisins et entreprit en 1621 la construction d'un nouveau sanctuaire sur les plans de l'architecte Jacques Lemercier (architecte de l'église de la Sorbonne et de Saint-Roch).
À la demande de Louis XIII, l'église devient chapelle royale (brevet du 23 décembre 1623). Elle se doit d'être construite sur un plan tel que son axe prolongé passe par le centre du Louvre; le « grand dessein » du palais prévoyait en effet son extension jusqu'à la rue Saint-Honoré. L' architecte Clément Métezeau - constructeur de la grande digue de La Rochelle - fut chargé de modifier en conséquence le plan de l'église, d'où son obliquité par rapport à la rue Saint-Honoré. La décoration intérieure fut l'ouvre des meilleurs artistes de l'époque. En témoignent les éléments architecturaux, les angelots, la clef de voûte portant l'inscription « Jesus Maria », devise des Oratoriens.
Dès cette époque, et durant tout le XVIIe siècle, l'Oratoire est rendu célèbre par les Oraisons et les prédications prononcées par Massillon, Bourdaloue et Bossuet : en particulier, les Oraisons funèbres du Cardinal de Richelieu, de Louis XIII, des reines Anne d'Autriche et Marie-Thérèse.
L'intérieur est divisé en deux parties, le chœur des oratoriens et la nef bordée de dix chapelles. Le chœur, de plan ovale, voûté d'arcs doubleaux ornés d'angelots entre lesquels s'ouvraient de grandes baies garnies de vitraux, abritait un grand autel isolé, dû à François Anguier, sur lequel était placé le tabernacle. Cet autel fut déplacé dans le chœur actuel en 1748.
La première chapelle abritait le tombeau du Comte de Verdun, bienfaiteur de la maison de Montbrison. La quatrième - dont subsistent (à gauche de la chaire) quelques éléments de décoration : représentation peinte de la Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas, quatre anges portant les instruments de la Passion -, le tombeau des frères Harlay de Sancy et un tableau d'autel de Vouet, Le Mystère de l’Épiphanie. Suivaient la chapelle de la Nativité décorée par Philippe de Champaigne (Nativité conservée au Musée des Beaux-Arts de Lille) affectée à la famille Tubeuf de Blanzac, la chapelle Sainte Madeleine, puis la chapelle de la Passion où fut érigé par François Anguier en 1659 le monument funéraire du Cardinal de Bérulle ; ce dernier mourut en effet à cet endroit en célébrant sa dernière messe. La première chapelle à l'ouest servit à la sépulture des Frères de l'Oratoire, avant d'être attribuée à l'architecte Caqué en 1752.
La suivante, dédiée à la Divine Enfance de Jésus, était réservée au Chancelier Séguier, dont les pompeuses funérailles célébrées à l'Oratoire, furent décrites par Madame de Sévigné et gravées par Sébastien Leclerc. La troisième chapelle contenait le tombeau d'Antoine d'Aubray d'Offémont, victime et frère de la marquise de Brinvilliers, et une Tentation de saint Antoine peinte par Vouet (Musée des Beaux-Arts de Grenoble). La dernière chapelle, dédiée à la Vierge, était réservée au Cardinal de Richelieu.
Les travaux interrompus en septembre 1625 ne furent repris qu'en juillet 1740 sous la direction de l'architecte Caqué qui acheva enfin la nef en 1745 et la termina par le grand portail donnant sur la rue Saint-Honoré: au-dessus de la grande porte, se trouvaient les armes de la congrégation soutenues par deux anges ; et sur le fronton, les armes du Roi. Les cadres surmontant les portes latérales contenaient des bas-reliefs représentant Jésus naissant et Jésus agonisant, œuvres de Adam le Jeune. Aux deux extrémités de la première corniche, se détachaient des groupes de figures : L'Incarnation par Adam et Le Baptême du Christ par Francin. La dédicace solennelle de l'église eut lieu le 12 juillet 1750 avec la pose de douze croix.
Les Oratoriens avaient eu pour mission de combattre la Réforme, tout particulièrement par la formation des prêtres (Grand Séminaire), les catéchismes, l'enseignement et même la conversion des protestants au catholicisme. Certains prêtres ont été accusés au XVIIe siècle d'indulgence, sinon de complicité, avec le jansénisme. La grande figure de cette époque est Nicolas de Malebranche (1638-1715), théologien et métaphysicien qui publie entre autres : La recherche de la vérité et Entretiens sur la métaphysique et la religion.
La Révolution française
La Révolution entraîne la dissolution de la Congrégation en décembre 1792 (elle ne sera rétablie qu'en 1852). L'église est saccagée par les révolutionnaires et la plupart des œuvres, peintures et sculptures, sont détruites ou transférées. Le bâtiment sert ensuite, et jusqu'en 1802, de salle de réunions pour assemblées révolutionnaires, magasin pour décors de théâtre...
Les protestants, par l'Édit de tolérance du roi
Louis XVI (1787) et la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen en 1789, retrouvèrent leurs libertés de conscience
et de culte. L'église Saint-Louis du Louvre (près
du Carrousel actuel) fut affectée au consistoire protestant
par arrêté consulaire du 2 décembre 1802.
Le pasteur Paul-Henri Marron (descendant de Huguenots français
et chapelain de l'ambassade des Provinces Unies depuis 1782) fut
le premier pasteur de l’Église réformée de Paris.
Napoléon 1er, souhaitant faire la jonction entre le Louvre
et les Tuileries, décide de faire démolir l'église
Saint-Louis du Louvre et propose au pasteur Marron l'église
de l'Oratoire (alors en très mauvais état). Le 23
février 1811, le pasteur Marron obtient de l'Empereur « l'ouverture
de l'église au culte protestant, mais provisoirement seulement »,
son affectation définitive au culte réformé
n'ayant été obtenue que par une loi du 5-8 août
1844. Le premier culte solennel et l'inauguration du nouveau temple,
présidés par le pasteur Marron, eurent lieu le 31
mars 1811.
Depuis 1811
D'importants travaux furent entrepris par les protestants. Tout d'abord, le tambour, ainsi que les stalles de l'église Saint-Louis du Louvre sont transportés à l'Oratoire. Les initiales S. L. se trouvent encore sur les ferronneries. En 1821, la division dans le sens de la hauteur de l'ancien chœur est décidée pour en faire la grande sacristie et la Salle Haute ; l'installation des demi tribunes dans les anciennes chapelles est entreprise afin d'augmenter le nombre de places. En 1828, le premier orgue est installé ; il sera refait en 1906 et en 1962.
Du grand portail de l'ancienne église, il ne restait après la période révolutionnaire pratiquement aucune statue ni décoration. La croix elle-même avait été détruite. Les protestants la remplacèrent en 1852. Le campanile était placé à l'origine juste derrière le portail ; un nouveau campanile est érigé en 1855 à la croisée du transept: il était alors surmonté d'une croix d'or. La charpente, très fragile, fut ébranlée par les vibrations de la cloche ; l'usage de cette dernière fut interdit. Ce n'est qu'en 1950 que des travaux d'équipement électrique (modernisé en 1991) ont permis à la cloche d'appeler les fidèles au culte dominical.
Dans la nef, sur le premier pilastre de droite, une plaque de marbre commémore le sacrifice des combattants américains de la guerre de 1914-1918 ; elle fut inaugurée en 1927 à l'occasion du congrès de l'American Legion. En face, se trouve le mémorial des membres de l'église morts pour la France durant la Grande Guerre ; il fut érigé en 1919 par G. Jaulmes et Ch. Letrosne. Au-dessus de l'orgue, on aperçoit un vitrail orné d'une croix de la Légion d'Honneur ; cette distinction fut remise par Napoléon Ie aux trois premiers pasteurs de la paroisse : Paul-Henri Marron, Rabaut-Pomier (ancien pasteur du Désert devenu conventionnel) et Mestrezat (descendant suisse d'un illustre pasteur du temple de Charenton). Le pasteur Marron mourut en 1832 emporté par le choléra et fut enterré au cimetière du Père Lachaise. Le pasteur Athanase Coquerel père le remplaça.
La chaire est d'époque, mais tous les bas-reliefs qui l'ornaient autrefois ont été détruits. La colombe, au faîte de la croisée des voûtes, a été posée en 1899 dans le but de supprimer un plancher en mauvais état ; elle fut construite grâce à un don du baron de Schickier, alors conseiller presbytéral. La table de communion fut offerte en 1899 par les catéchumènes du pasteur Decoppet. Les fonts baptismaux sont un don du pasteur Decoppet et de quelques amis en 1900. Les lustres ont été exécutés en 1924 sur l'initiative du pasteur Roberty lors de l'installation de l'électricité. Au fond de l'abside, une croix, réplique de celle qui couronne le grand portail, est installée en 1930.
Sous cette arcade, une porte massive donne accès à la grande sacristie du temple, vaste salle qui était autrefois l'emplacement du chœur des Oratoriens contenant le maître-autel jusqu'en 1748. Cette sacristie est décorée par les bustes des six premiers pasteurs de l'Oratoire, par des tympans où sont inscrites les grandes dates du protestantisme à Paris ainsi que les noms des pasteurs du début de la Réforme et de ceux qui se sont succédés depuis 1811 dans la chaire de l'Oratoire (le nom de ces derniers est inscrit après leur décès). C'est dans cette sacristie que fut créée après la loi de séparation de l'Église et de l'État, l'Association presbytérale de l'Église Réformée de l'Oratoire du Louvre (décret du 23 mars 1906). En 1852 furent instaurés les conseils presbytéraux, donnant ainsi une certaine autonomie aux paroisses ; la loi de 1905 renforcera celle-ci.
La salle haute au-dessus de la sacristie est voûtée et ornée de têtes d'angelots ; elle a servi de 1821 jusqu'à un passé récent à l'école du dimanche le matin (autrefois, l'après-midi, au culte anglais presbytérien).
Rue de Rivoli, au chevet de l'église, s'élève le monument de l'amiral Gaspard de Coligny érigé en 1889 à la suite d'une souscription publique ; il est l'œuvre de l'architecte Scellier de Gisors et du sculpteur Crauck. Sur le fronton qui le couronne, se trouvent les armes de l'amiral ainsi que sa fière devise : « Je les éprouve tous ». Aux deux extrémités du socle, des figures de femmes symbolisent respectivement : à gauche, la Patrie tenant une couronne avec l'inscription « Saint-Quentin 1557 » (pour rappeler que l'amiral défendit la ville assiégée par les Espagnols) ; à droite, la Religion portant une palme où se lit la date du 24 août 1572, jour du massacre de la Saint-Barthélémy où Coligny fut assassiné dans sa maison située non loin de là. Sur le socle, repose une table de marbre sur laquelle sont gravées ces paroles mémorables du testament de l'amiral : « J'oublierais bien volontiers toutes choses qui ne touchent que mon particulier, soit d'injures, soit d'oultrages, pourveu qu'en ce qui touche la gloire de Dieu, et le repos public, il y puisse avoir seureté ».
La fille de l'amiral, Louise de Coligny, avait épousé Guillaume d'Orange-Nassau, gouverneur de la Hollande et proclamé en 1581 par les États Généraux de La-Haye, Roi des Provinces Unies après la déchéance du roi Philippe II d'Espagne. C'est ainsi que l'actuelle famille régnante des Pays-Bas est apparentée à l'amiral de Coligny et que la reine Wilhelmine, en 1912, et la reine Juliana en 1950, firent une visite officielle à l'Oratoire lors de leur séjour parisien.
Le protestantisme à Paris avant 1802
Guillaume Briçonnet, abbé de Saint-Germain-des-Prés, accueille en 1507 Lefèvre d'Etaples, qui fut le premier traducteur du Nouveau Testament en 1523. Ce milieu humaniste évangélique fut protégé par François le, et sa sœur Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre, jusqu'à l'affaire des placards qui, en affichant des thèses réformées, provoquaient l'Église catholique et la royauté (1534). Une vingtaine d'hérétiques furent condamnés et exécutés. Tolérance et répression se succèdent jusqu'en 1558, année où se réunit à Paris, rue des Marais (actuelle rue Visconti), le premier synode constitutif de l'Église réformée proclamant la première confession de foi.
Le culte protestant s'établit peu à peu, ouvertement chez les seigneurs ou à la cour. Les guerres de religion divisent la France de 1562 (massacre de Wassy) à 1598. Paris est le plus souvent dans le camp catholique des ligueurs ; le culte se maintient alors secrètement, par exemple rue du Coq (actuelle rue Marengo) chez Pierre du Rozier (1567).
La Saint-Barthélémy, 24 août 1572, est une des dates symbole de cette fracture du royaume. La cloche du Louvre, relayée par celle de Saint-Germain-l'Auxerrois, donne le signal d'un massacre. L'Amiral Gaspard de Coligny est assassiné rue de Béthisy (136 rue de Rivoli) ainsi que 3000 protestants à Paris et près de 20 000 dans le royaume.
En 1598, l’Édit de Nantes de Henri IV reconnaît la liberté de conscience et le culte peut être pratiqué sous certaines conditions : pour Paris, à 4 lieues de la ville. Ce fut Avon, puis, sur les plans de Salomon de Brosse, le construisit le temple de Charenton.
Dès 1598, et surtout après la paix d'Alès (1629) qui. met un terme aux guerres de religion de Louis XIII (sièges de La Rochelle, de Montauban), la Contre-Réforme mise en place par les catholiques obtint par ses multiples influences des conversions sincères puis forcées. La révocation de l'Édit de Nantes par Louis XIV en 1685 mit un terme à la coexistence des deux cultes dans tout le royaume, où seuls les étrangers réformés pouvaient désormais pratiquer le leur dans les chapelles des ambassades de Suède, Hollande et Danemark à Paris.
En 1787, Louis XVI par l'Édit de tolérance admet
l'existence d'un culte privé différent ; un lieu
de culte s'établit rue Mondétour ou place Dauphine
dans la loge des neufs Sœurs. Il faudra attendre 1789 pour
que la liberté de conscience soit reconnue comme un droit
fondamental et 1791 pour que le culte réformé puisse
à nouveau s'organiser à l'église Saint-Louis du Louvre qu'ornent la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
et la prière du Notre Père. Parmi les députés, girondins
ou montagnards, dix pour cent sont d'origine protestante : citons
Rabaut Saint-Étienne, Rabaut-Pommier (futur pasteur à Paris),
Boissy d'Anglas...
Vous trouverez d'autres informations sur la page protestantisme de ce site, sur ce petit dictionnaire théologique ou sur la page de questions et réponses.