Jacques Lefèvre d’Étaples (v. 1455-1537)
Comme Calvin, Jacques Lefèvre d’Étaples est originaire de Picardie. Il est prêtre et enseigne à Paris. A partir de 1492, il voyage en Italie où il rencontre en particulier Pic de la Mirandole, qui était un philosophe extrêmement érudit, ayant étudié l’arabe, l’hébreu, l’araméen, ainsi que l’étude de la Bible avec des Kabbalistes juifs. Lefèvre commence ainsi à s’ouvrir aux idées humanistes, aux recherches bibliques nouvelles, la redécouverte des manuscrits originaux de la Bible.
Guillaume Briçonnet, abbé de St-Germain des Prés et évêque de Meaux, entreprend parallèlement une réforme interne du clergé visant à plus de rigueur et au développement d’une prédication plus proche des évangiles. Il accueille en 1507 Lefèvre d’Etaples pour former le "cercle ou cénacle de Meaux". Ce milieu des "Bibliens" (comme ils étaient appelés à l’époque) est protégé au début par François Ier influencé par sa sœur Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre.
Lefèvre publie en 1509 un commentaire des Psaumes comprenant une traduction en français, ainsi que des commentaires sur les épîtres de Paul. Ces travaux ont ouvert en France la voie à la démarche de foi protestante qui est très enracinée dans l’étude et l’interprétation de la Bible.
Inquiété par la Sorbonne dès 1517, Lefèvre est protégé par le roi François 1er et surtout par sa sœur, Marguerite de Navarre.
En 1519 plusieurs centaines d’exemplaires d’un recueil écrit par Luther sont imprimés. Lefèvre d’Etaples et les docteurs de la Sorbonne lui font bon accueil, jusqu’à la désapprobation de Rome. Jacques Pauvant, un jeune clerc de l’évêché de Meaux, accusé d’avoir traduit des textes de Luther, est brûlé en place de Grève en 1525.
En 1530, François 1er et Marguerite de Navarre encouragent l’esprit humaniste en fondant le Collège des Lecteurs royaux (futur Collège de France) où vont être étudiées les langues bibliques anciennes (grec et hébreu) écartées de l’enseignement de la Faculté de Théologie de Paris (Sorbonne).
Lefèvre d’Étaples entreprend la traduction en français du Nouveau Testament, à partir de la Vulgate (en latin) mais avec quelques modifications effectuées d’après le texte grec. Le succès de cette traduction éditée à Paris en 1523 et 1525 est considérable. Mais il vaut à son auteur de nombreux ennuis de la part des docteurs de l’université de Paris qui, profitant de l’emprisonnement du roi François 1er firent condamner Lefèvre par le Parlement de Paris, le livre est brûlé, et le Parlement interdira finalement toute traduction de l’Écriture en français. Briçonnet est inquiété : il prend peur et se soumet. Le cénacle de Meaux commence à se disloquer en 1523. Il est dissout en 1525.
Le soutien de François 1er permet néanmoins à Lefèvre d’Étaples de reprendre ses travaux et de traduire l’ensemble de l’Ancien Testament. Cette traduction de la Bible en français paraitra cinq ans au moins avant la Bible d’Olivétan (1535). Ne pouvant la publier à Paris, il la publie à Anvers avec le soutien des docteurs de l’université de Louvain. Avec des révisions successives, cette traduction va servir de référence en France pendant plus d’un siècle.
De plus en plus inquiété par les poursuite des opposants aux libres recherches bibliques, Lefèvre quitte Paris pour se réfugier à Strasbourg. Il finira ses jours à Nérac à la cour de Marguerite de Navarre. C’est là qu’il rencontrera Calvin.
Lefèvre était un esprit modéré, attaché à la Bible, mais il n’a jamais réellement rompu avec l’Église romaine. "Lefèvre est un réformiste sans jamais devenir un réformateur" (comme le dit Irena Backus). Au soir de sa vie, il aurait confié, en pleurs, à la reine Marguerite de Navarre qui l’interrogeait sur sa tristesse : " Madame,... comment pourrais-je subsister devant le tribunal de Dieu, moi qui ayant enseigné en toute pureté l’Évangile à tant de personnes qui ont souffert la mort pour cela, je l’ai cependant toujours évitée dans un âge même où bien loin de la craindre, je la devais plutôt désirer... "