L'hôtel du Bouchage
La premier lieu de réunion de la Congrégation de l’Oratoire était l’hôtel du Petit Bourbon, aujourd’hui à l'emplacement du Val-de-Grâce au faubourg Saint-Jacques "ce lieu était silencieux, retiré, des couvents en formaient le seul voisinage, et des champs à perte de vue en étaient d’un côté du moins, l’unique et tranquille horizon". Le nombre de ses disciples, augmentant sans cesse, Pierre de Bérulle, qui disposait de ressources importantes, grâce aux nombreux dons que recevait la nouvelle communauté, chercha pour elle au centre de Paris un asile plus convenable que celui du faubourg Saint-Jacques.
Il existait alors, tout près du Louvre, un bel hôtel particulier entre la rue du Coq (rebaptisée rue de Marengo en 1854), et la rue de l’Autruche (qui deviendra rue du Louvre au dix-septième siècle, puis rue de l’Oratoire en 1758). Cet hôtel, dénommé hôtel Le Coq (depuis 1378), puis hôtel de Joyeuse ou du Bouchage en 1582, appartenait à la Duchesse de Guise, née Henriette Catherine de Joyeuse, fille de Henri, duc de Joyeuse, Maréchal de France sous le nom de Comte du Bouchage.
La Duchesse, sœur et héritière du cardinal François de Joyeuse, avait intention de vendre cet hôtel afin de rembourser une partie des dettes du cardinal. Pierre de Bérulle, l’ayant appris, s’empressa d’en faire l’acquisition le 20 janvier 1616 pour un prix de près de cent mille livres. "L’affaire fut traitée avec un si grand secret que le contrat fut passé, les Pères établis [...] dans la nouvelle maison avant qu’on sût dans Paris, que le Père de Bérulle avait dessein de l’avoir".
L’hôtel ainsi acquis avait été habité jadis par Gabrielle d’Estrées, duchesse de Beaufort, logée là commodément par son amant... le roi Henri IV. C’est dans l’une des pièces de cet immeuble que le 28 décembre 1594, le roi Henri IV rendant visite à sa maîtresse, alors qu’il revenait d’Amiens, fut blessé par Jean Chastel, élève des Jésuites, au moment précis où il se baissait pour embrasser les Chevaliers de Ragny et de Montigny, venus à sa rencontre et qui s’inclinaient devant lui. Le coup de poignard, destiné à la gorge du roi, ayant dévié, avait percé sa lèvre et lui avait brisé une dent. Ce qui fit dire à Agrippa d'Aubigné, alors que le roi lui montrait sa blessure, à la lueur des flambeaux : "Sire, vous n’avez renoncé Dieu que des lèvres, Il s’est contenté de les percer mais quand vous Le renoncerez de cœur, Il vous percera le cœur." Henri IV avait, en effet, l’année précédente, le 25 juillet, abjuré la religion protestante.
Dès qu’il eut acheté l’hôtel du Bouchage, le fondateur de l’Oratoire fit commencer en cet endroit la construction d’une chapelle. Autant par exercice d’humilité que pour hâter l’édifice, il se mit à la tête de ses disciples, et, tous assemblés, ils ne dédaignèrent pas de mettre la main à l’œuvre et de travailler avec les ouvriers - lui-même était un des premiers à porter la hotte comme les plus vils manœuvres, l’esprit de religion lui faisant juger qu’il n’y avait rien de bas dans tout ce qu’on fait de moins relevé aux yeux des hommes pour le service d’un aussi grand maître que Dieu.
Au début de mai 1616, cette chapelle fut ouverte au culte. D’après l'Architecture Françoise de Blondel, 1752-1756, la maison de l’Oratoire est constituée de bâtiments peu spacieux et d’une architecture peu réfléchie. Une cour de moyenne grandeur, quelque grandes salles et des logements pour environ quarante prêtres, des parloirs et des dépendances.