Cérémonies Royales
Au cours des 17° et 18° siècle, de somptueuses cérémonies se déroulèrent sous les voûtes de l’édifice. L’Oratoire royal accueillait régulièrement la Cour à ses offices depuis que la dévotion de Marie de Médicis avait inauguré la présence assidue des reines et le soutien sans faille de la monarchie. Alors que le baptême des enfants royaux avait lieu, s’ils étaient à Paris, dans l’église de Saint Germain l’Auxerrois, les services funèbres des membres de la famille royale furent célébrés dans ce « paradis de la terre », selon les paroles des Pères de lOratoire.
Pierre de Bérulle les précéda en 1629 ; puis vinrent Richelieu en 1642, suivi du roi Louis XIII en 1643 ; plus tard, les reines Anne d’Autriche en 1666 et Marie-Thérèse en 1683.
Mais la cérémonie la mieux connue par le texte et l’image eut lieu à la mémoire du chancelier Séguier, le 4 mai 1672.
Ces « Messieurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture », sous l’autorité de Charles Lebrun, firent orner la nef d’un décor éphémère et grandiose, que la fille du chancelier voulut racheter à la fin de la cérémonie. Une gravure de Sébastien Leclerc immortalise cette mise en scène virtuose.
Voici comment la marquise de Sévigné, qui assista aux obsèques, décrit ce qu’elle a vu :
« C’était la plus belle décoration qu’on puisse imaginer. Le Brun avait fait le dessin. Le mausolée touchait à la voûte, orné de mille lumières et de figures convenables à celui qu’on voulait louer ; quatre squelettes en bas étaient chargés des marques de sa dignité comme lui ôtant les honneurs avec la vie. L’un portait son mortier, l’autre, sa couronne de duc, l’autre son ordre, l’autre ses masses de chancelier. Les quatre arts étaient éplorés et désolés d’avoir perdu leur protecteur : la Peinture, la Musique, l’Eloquence et la Sculpture. Quatre vertus soutenaient la première représentation : la Force, la Justice, la Tempérance et la Religion. Quatre anges ou quatre génies recevaient au-dessus cette belle âme. Le mausolée était encore orné de plusieurs anges qui soutenaient une chapelle ardente qui tenait à la voûte. Jamais il ne s’est rien vu de si magnifique ni de si bien imaginé ; c’est le chef d’œuvre de Le Brun. Toute l’église était parée de tableaux, de devises, d’emblèmes qui avaient rapport à la vie ou aux armes du chancelier. Plusieurs actions principales y étaient peintes.
Pour la musique, c’est une chose qu’on ne peut expliquer. Baptiste (Lulli) avait fait un dernier effort de toute la musique du Roi. Ce beau « Miserere » y était encore augmenté ; il y a eu un « Libera » où tous les yeux étaient pleins de larmes. Je ne crois point qu’il y ait une autre musique dans le Ciel »
D’autres célébrations qui eurent lieu à l’Oratoire furent plus joyeuses : outre les Te Deum chantés lors de la naissance des enfants royaux, des messes d’actions de grâce furent dites pour la santé des rois. Par exemple en 1687, après la guérison de Louis XIV, c’est encore Charles Le Brun qui fut chargé des plans et du détail de la décoration : un livret distribué par l’Académie aux spectateurs décrivait toutes les peintures et publiait les inscriptions qui les accompagnaient : neuf grands tableaux et vingt quatre bas-reliefs feints furent créés pour la circonstance ; le temps de quelques heures, Le Brun mobilisa tous les arts à la gloire du Roi : l’Oratoire était devenu le Parnasse.
Au 18° siècle, tout en condamnant le théâtre, les Pères de l’Oratoire ne pouvaient empêcher que l’air du temps s’introduisît parfois sous les voûtes, et l’on adapta à l’église des airs de « Castor et Pollux » pour le repos de l’âme de J. Ph. Rameau ; à l’autre extrémité de l’Europe, c’est au nom d’un luthéranisme austère que les chanoines de Saint Thomas de Leipzig dénonçaient dans les oratorios de J.S. Bach des tournures trop proches du théâtre.
Aujourd’hui, dans le vide harmonieux de l’architecture, ce sont les Psaumes de Goudimel et de Claude Le Jeune qui accompagnent le culte ; quant aux concerts publics qui se donnent dans l’Oratoire du Louvre, ils s’inscrivent dans une tradition musicale qui, depuis les « Pères au beau chant », répond aux sentiments qu’inspirent les Ecritures aux compositeurs de tous les temps.
Philippe Braunstein
extrait du livre du bicentenaire