Musée du Louvre protestant

Jean-Jacques Rousseau

Rousseau par Jean-Baptiste Forochon, en 1863, aile Turgot.

Jean-Jacques Rousseau : « Les livres qui mêlaient la dévotion aux sciences m’étaient les plus convenables : tels étaient particulièrement ceux de l’Oratoire et de Port-Royal. » Les Confessions, Livre IV

Le philosophe, musicien et naturaliste protestant libéral Jean-Jacques Rousseau a habité les meilleurs années de sa vie dans le quartier du Louvre, dans une rue qui porte son nom et commence au coin du temple de l'Oratoire. Rêveries en photos d'un promeneur solitaire dans le Paris de Rousseau

Toute sa vie, le philosophe protestant est ancré dans l'esprit des Lumières, il est allergique aux charmes de la magie et il pourfend avec gourmandise superstition et obscurantisme. La nature est le champ privilégié des sciences et des techniques, dont il pressent qu’elles n’en sont qu’à leurs balbutiements.

C’est pourquoi les miracles décrits dans la Bible ne sont pas les signes d’une intervention divine mais les témoins d’une mentalité préscientifique. « Si les prêtres de Baal avaient eu M. Rouelle (chimiste et artificier, membre de l’Académie des sciences) au milieu d’eux, leur bûcher eût pris feu de lui-même, et Élie eût été pris pour dupe ».

Les miracles ne servent à rien, ils ne constituent pas des preuves de la foi, tout juste des refuges pour la « crasse ignorance ». Exégète avisé, Rousseau cite la petite apocalypse de Matthieu (24-25) dans laquelle Jésus prévient que de faux Messies et des faux prophètes surgiront pour multiplier les miracles et les prodiges. Du propre aveu du Christ, il n’y a pas loin du miracle au mirage…

C’est donc à un christianisme purgé de ses croyances magiques, nullement nécessaires selon lui, qu’aspire Rousseau. « Ôtez les miracles de l’Évangile et toute la terre est aux pieds de Jésus Christ » (Seconde Lettre de la montagne).

La rue Jean-Jacques Rousseau est une curiosité de Paris : elle est en deux parties, séparées par la Bourse du Commerce et la rue du Louvre, ouverte en 1880 lors des travaux haussmanniens. 

En bordure gauche du plan, on aperçoit l'indication « temple de l'Oratoire » - ancien siège de la congrégation de l'Oratoire de France, que cite plusieurs fois Rousseau dans ses Confessions.

La rue Jean-Jacques Rousseau commence au coin de l'Oratoire. Écrivain, musicien et philosophe des Lumières, Rousseau est aussi un protestant libéral. Issu d'une lignée huguenote qui a fuit en Suisse les persécutions religieuses, neveu de pasteur, il naît en 1712 à Genève, la cité de Calvin, tout prêt de la cathédrale réformée Saint-Pierre.

Précepteur à Lyon, il s'installe à partir de 1745 à Paris à l'hôtel particulier des Dupin, au n°68 de la rue Jean-Jacques Rousseau, puis emménage jusqu'en 1756 au n°21. Après une vie d'errance, il revient habiter en 1770 dans cette rue, et sa dernière demeure jusqu'à sa mort en 1778 est au n°52.t

Il raconte ses balades dans le Paris du XVIIIe siècle dans Les Rêveries du promeneur solitaire.

"La Profession de foi du vicaire savoyard", au livre IV de L'Émile est un petit bijou de théologie, avec une tension féconde entre la raison et la foi. Rousseau fait de la place à un doute émancipateur, qui libère la foi des formes superstitieuses et autoritaires de la croyance. Il se livre à une critique en règle du postulat de la révélation, au recours au surnaturel, à l'abdication devant les arguments d'autorité et de la tradition de l'Église.

Ces pages n'ont pas vieilli.

Jean-Jacques Rousseau sculpté en 1952 par André Bizzette-Lindet : la robe de chambre est un clin d'œil à la peinture d'Allan Ramsay de 1766 du National Galleries of Scotland où il apparaît en costume arménien.

On aime bien affirmer de nos jours que les Lumières furent une période anti-religieuse. Et pourtant Rousseau, philosophe par excellence des Lumières, “panthéonisé” a toujours témoigné de son adhésion à la foi chrétienne, et plus particulièrement au protestantisme. 

La France, marquée par l'absolutisme sacré par le catholicisme tridentin, a vu l'affirmation d'une pensée anticléricale et athée. Mais dans le reste de l'Europe, les Lumières furent une modernisation de la pensée religieuse, juive libérale avec le mouvement de la Haskala, protestante libérale avec Kant, Hegel, Schleiermacher, Kierkegaard.

« Où est le crime à un protestant de proposer ses doutes sur ce qu'il trouve douteux, et ses objections sur ce qu'il en trouve susceptible ? Si ce qui vous paraît clair me paraît obscur, si ce que vous jugez démontré ne le semble l'être, de quel droit prétendez-vous soumettre ma raison à la vôtre, et le donner votre autorité pour Moi, comme si vous prétendiez à l'infaillibilité du Pape ? N'est-il pas plaisant qu'il faille raisonner en catholique pour m'accuser d'attaquer les protestants ? » Rousseau, Lettres écrites de la montagne

Si la foi chrétienne veut survivre, elle doit se débarrasser de ses oripeaux dogmatiques.

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