Aboutissement de l'Oratoire du Louvre au XVIIIe siècle

Antoine Court et son fils Antoine Court de Gébelin

Antoine Court (1695-1760)

Né à Villeneuve de Berg en Vivarais. dans une famille attachée à la foi réformée à une époque où la clandestinité était la seule façon de survivre, il est baptisé, comme la loi l’impose, dans la religion catholique. Mais il fréquente avec sa mère les "Assemblées du Désert" (cultes clandestins dans la nature).

Dès 1713, à l’âge de dix-huit ans, il s’engage dans une vie de "prédicant" (laïc témoignant librement de sa foi lors des assemblées), et assez vite, prend ses distances par rapport au prophétisme alors pratiqué au cours de ces assemblées. « De là en avant, je me déclarais contre tout ce que l’on appelait inspiration et je travaillais à en faire connaître la source et les abus. » Il prend aussitôt conscience de l’urgence de réorganiser les Églises réformées et de redonner de l’importance à la fonction de pasteurs formés et officiellement désignés.

Antoine Court prend également ses distances avec l’esprit "camisard" en refusant notamment toute violence insurrectionnelle. Mais contre l’avis de la plupart des Églises du Refuge, il plaide pour la pratique des assemblées du Désert, donc pour une certaine forme d’illégalité pacifique.

En 1715, une réunion a lieu aux Montèzes, près de Monoblet (Gard). C’est le premier synode du Désert, il rassemble quelques prédicants et fidèles. Antoine Court fait prendre les décisions suivantes :

  • rétablir la discipline de l’Église réformée,
  • réorganiser les consistoires et les synodes,
  • former de jeunes prédicateurs.

La tâche n’est pas aisée, étant donné les risques que comporte la clandestinité.

En 1718, Antoine Court est consacré pasteur par l’ancien camisard Pierre Corteiz qui avait obtenu lui-même à Zürich la consécration pastorale. Vers la fin de 1720, il se rend pour deux ans à Genève où il peut compléter sa formation théologique. Il y noue en outre des relations particulièrement utiles pour désenclaver les Églises du Désert. À son retour en France, il se marie en 1722 avec Étiennette Pagès.

En 1729, il se réfugie à Lausanne où il organise le Séminaire pour former les futurs pasteurs du Désert. Il ne reviendra qu’une fois en France en juin 1744, pour le 4e « Synode National des Églises Réformées de France assemblé au Désert dans le Bas-Languedoc ». À ce synode neuf provinces étaient représentées par dix pasteurs et vingt-quatre anciens, ce qui atteste l’ampleur du mouvement de restauration du protestantisme en France.

Il entretient une abondante correspondance européenne et publie plusieurs ouvrages destinés à faire connaître la communauté réformée en cette période troublée et à solliciter le droit à la liberté de conscience : Le Patriote français et impartial (1752), la Lettre d’un patriote pour la tolérance civile (1756), et l’Histoire des troubles des Cévennes ou de la guerre des Camisards (1760). Il rédige aussi ses Mémoires, qui lui permettent notamment de justifier son départ de France par le travail qu’il a pu accomplir, depuis le Refuge, en faveur des « Églises sous la croix ».

Il meurt à Lausanne en 1760. Il est le père de Court de Gébelin.

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Court de Gébelin (1724 ou 1728-1784)

Court de Gébelin est le fils d’Antoine Court (1690-1760). Le nom de Gébelin lui vient de sa grand-mère paternelle. Sa date de naissance suscite une controverse. Certaines sources, se basant sur la correspondance de son père, indiquent qu’il serait né à Nîmes en 1728, mais d’autres mentionnent sa naissance à Genève en février 1724, où il aurait été enregistré par prudence sous le nom de Antoine Corteiz.

Il se destine à la carrière pastorale, entre au Séminaire de Lausanne où il soutiendra sa thèse de théologie en 1754 : De prophetiis. Jusqu’en 1763, il enseigne au Séminaire la philosophie, la morale et la controverse.

Il collabore avec son père au maintien des relations avec les Églises réformées de France, tant en entretenant avec elles une correspondance abondante qu’en se rendant lui-même en France.

Après la mort de son père en 1760, tout en continuant à intervenir en faveur des protestants persécutés, Court de Gébelin, installé à Paris, se livre à l’étude de l’histoire des religions et des langues anciennes.

En 1763, il se fixe à Paris et renonce à la théologie au profit de la littérature. Mais il continue à se mettre au service des Églises qui l’élisent comme député ou « correspondant » des Églises de France auprès des puissances protestantes.

Il fonde une société libre de sciences, lettres et beaux-arts qu’on appelle « le Musée de Paris » et dont il est nommé président. Court de Gébelin a adhéré, peu après 1776, à la franc-maçonnerie. Il fut membre de la loge des « Neuf sœurs ».

Son oeuvre littéraire est abondante, tout à la fois érudite et engagée. Citons :

  • Les Toulousaines ou Lettres historiques et apologétiques en faveur de la religion réformée et de divers protestants condamnés dans ces derniers temps par le parlement de Toulouse, 1763. Il s’agit d’un mémoire sur les affaires Calas et Sirven ;
  • Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, 11 volumes, Paris, 1773-1782, qui lui valut d’être nommé par le gouvernement « censeur royal », en dépit de sa religion ;
  • Devoirs du prince et du citoyen, publié longtemps après sa mort à Paris, en 1789.

Il meurt à Paris en 1784.

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