Avec Dieu

Culte du 5 décembre 1933
Prédication de Pasteur Emile Guiraud

Sermon prêché à l' Oratoire du Louvre par le pasteur Emile Guiraud le 5 décembre 1933

Avant-propos

Le 14 septembre 1937 le pasteur Emile Guiraud était rappelé à Dieu.
Mais son ministère dans l'église de l'oratoire du Louvre n'a pas cessé pour cela d'être une vivante réalité. Son esprit, dans lequel l'église avait reconnu d'emblée son âme la meilleure, affirme spontanément la permanence de son action. Par sa valeur propre, par sa soumission à l'esprit du sauveur, il demeure, il travaille, il poursuit son œuvre constructive. Cependant, il a paru possible de prolonger et d'élargir cette action, en faisant entendre à nouveau la voix de ce vivant. Pour ceux qu'il a nourris du pain de vie pendant son ministère terrestre, pour ceux qui voudraient entrer demain dans le cercle de son rayonnement, l'église de l'oratoire a préparé avec amour le livre qu'elle offre aujourd'hui à ses fidèles.
Les pages en sont toutes baignées de lumière Et de paix. La méditation ardente du prédicateur nous y est livrée telle qu'elle a jailli de son cœur, sans retouche ni correction, comme un message de la vie éternelle ; et la même foi en la même vie éclaire et transfigure la douleur qui s'exprime dans l'hommage de ses collègues et de ses frères.
Aussi ne voulons-nous ici d'autre avant-propos que ces quelques lignes trouvées dans les papiers du pasteur :

Tout ce qui a été dit sur la mort et la vie future, je le donne tranquillement pour cette parole du Christ : 
« Je remets mon esprit entre tes mains. »

Je ne sais pas, mais tu es là, fidèle gardien ;
Tu m'as relevé quand je tombais dans la poussière ;
Tu m'as ramené quand j'allais m'égarant ;
Tu m'as fait vivre quand je me détruisais moi-même ;
Tu ne m'abandonneras pas quand je ne serai plus rien sur terre.
Mon cœur qui a souffert, mon âme qui a cherché, ma conscience qui a lutté, monteront vers l'invisible.
De cette ascension dans la lumière, ce petit volume voudrait être l'humble témoin.

Paroles d'un Vivant 

Ensemble de six méditations du pasteur Émile Guiraud

Méditations
I. La joie
II. Avec Dieu
III. Chez Lui
IV. Fleurir
V. La prière
VI. L'âme

et Services In memoriam célébrés
le 16 septembre 1937
et le 16 octobre 1937

Lectures bibliques

Celui qui demeure sous l'abri du Très-Haut
Repose à l'ombre du Tout-Puissant.
Je dis à l’Éternel : Mon refuge, ma forteresse, Mon Dieu en qui je me confie !
Car c'est lui qui te délivre du filet de l'oiseleur, De la peste et de ses ravages.
Il te couvrira de ses plumes
Et tu trouveras un refuge sous ses ailes ; Sa fidélité est un bouclier, une cuirasse...
Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, Ni la flèche qui vole le jour,
Ni la peste qui marche dans les ténèbres,
Ni la contagion qui frappe en plein midi...
Aucun malheur ne t'arrivera,
Aucun fléau n'approchera de ta tente,
Car il ordonnera à ses anges
De te garder dans toutes tes voies,
Ils te porteront sur les mains
De peur que ton pied ne heurte contre une [pierre...
Puisqu'il m'aime je le délivrerai,
Je le protégerai puisqu'il connaît mon nom ; Il m'invoquera et je lui répondrai...
Et je lui ferai voir mon salut.
Psaume XCI.


Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l'âme. Craignez plutôt Celui qui peut faire périr l'âme et le corps dans la Géhenne. Deux passereaux ne se vendent-ils pas une pite ? Pas un seul pourtant ne tombe à terre sans votre Père. Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc rien : vous valez plus que beaucoup de passereaux.
Matthieu X, 28-31.

Deux passereaux ne se vendent-ils pas une pite ? Pas un seul pourtant ne tombe d terre sans votre Père. Matthieu X, 29.

Prédication : Avec Dieu

Vous l'avez peut-être remarqué, il n'y a pas dans notre texte le mot de volonté : volonté de votre Père. Car on lit d'habitude : Il n'en tombe pas un seul à terre sans la volonté de votre Père. Pourtant nous lisons : « Il n'en tombe pas un seul à terre sans votre Père «, et c'est bien dans ces termes que la parole de Jésus est écrite. Un grand nombre de traducteurs l'ont transcrite ainsi et parmi eux le scrupuleux Calvin qui, de sa plume attentive et si respectueuse de la souveraineté de Dieu, écrivait lui aussi : Pas un seul ne tombe à terre sans votre Père.

Et vous éprouvez aussitôt combien cette parole de Jésus prend ainsi une tout autre signification, puisqu'au lieu d'attacher l'une à l'autre la mort du passereau et la volonté divine, elle les sépare au contraire et même les oppose. D'un jet de sa fronde un gamin sans pitié vient de frapper le frêle oiseau. Cet acte, ce n'est pas Dieu qui l'a voulu ; cette stupidité méchante de détruire, ce n'est pas sa volonté. Ce n'est pas Dieu qui a voulu cette violence et dirigé la pierre pour qu'elle frappe juste et qu'elle tue. Cela s'est fait sans lui et même contre lui.

Mais le Père est là. Sur le sol où le passereau agonise quelqu'un s'incline, douloureux, mains tendues: c'est l'infinie Pitié qui s'agenouille dans cette agonie, lui apporte l'apaisement et précieusement en recueille la vie. Pas un passereau ne tombe à terre sans votre Père ;... ainsi Jésus enseignait l'œuvre magnifique de Dieu dans la souffrance, et nous voudrions, Frères qui errez dans la douleur, chercher avec vous pour y rencontrer la Présence miséricordieuse et la bénir.

Le passereau si frêle, tombé au sol, et qu'une légère motte de terre suffit à recouvrir, c'est nous et la fragilité de notre vie. Ces ailes courageuses qui se sont épanouies vers le ciel et qui maintenant frissonnent pour mourir ; ce chant qui saluait les fêtes de la lumière et de la vie et qui n'est plus qu'un cri imperceptible qui va finir, c'est bien nous encore, nos enthousiasmes, nos élans joyeux de vivre, notre foi, toute notre âme qui chantait et que la dure souffrance a rompue. Parmi nous, Frères, combien d'ailes brisées qui traînent, combien de chants joyeux devenus des plaintes. Nul peut-être comme les pasteurs, ces fervents amis des jours de peine, nul ne sait comme eux ce que représente secrètement d'ailes brisées, de cantiques éteints, une assemblée comme celle-ci et cet entretien n'est qu'un écho de ce que le ministère pastoral entend et voit chaque jour sous la calme apparence des visages. Et nous voudrions par Christ remettre tout cela aux mains de Celui qui peut ressusciter nos ailes et nos chants.

Avoir des ailes, dans son cœur porter un chant, et tout à coup, dans un jour de malheur ou bien progressivement sous l'étreinte croissante de la douleur, les sentir se briser, défaillir et s'éteindre ; pourquoi ? Pourquoi la vie n'est-elle pas restée favorable à notre envol, notre cantique ? D'où viennent ces meurtrissures, ces étouffements qui nous accablent ? Qui de nous ne s'est jamais posé ce problème, le problème ?

La Bible avec la multitude d'âmes et de grâces divines qu'elle renferme fait entendre deux sortes de réponses : la voix douloureuse du Psalmiste confesse : « Seigneur, c'est sous les attaques de ta main que je succombe. Tu frappes ; je n'ouvre pas la bouche, je reconnais que c'est toi qui agis ». Les compagnons de Job expliquent d'une voix très assurée : c'est le souffle brûlant de Dieu qui passe sur les hommes et les fait périr.

Mais on entend aussi d'autres voix. Aux premières pages bibliques, devant les ténèbres qui entachent soudain la claire lumière des premiers jours, l'auteur sacré, tout droit, accuse l'homme: c'est de lui que viennent la souffrance et le mal ; le responsable c'est lui et non pas Dieu.

C'est surtout la grande voix du Christ devant l'ivraie mauvaise s'écriant : C'est un ennemi qui a fait cela; protestant devant les ruines de la tour de Siloé effondrée sur les hommes : et pourtant ces victimes n'étaient pas plus coupables que les rescapés; la voix du Christ appelant les douloureux, les infirmes, pour les guérir au nom même de Dieu qui ne fait ni les aveugles ni les démoniaques, mais dont la volonté est au contraire qu'ils soient guéris, libérés ; et enfin la prière qui se dresse, refuse et proteste et appelle Dieu au secours : « Délivre-nous du mal ».

Oui, il y a des souffrances voulues de Dieu: les inassouvissements douloureux des âmes, les hontes, les remords, les dégoûts de soi-même portent la marque évidente, la brûlure de l'Esprit de Dieu ; brûlure d'amour, douleur d'une étreinte qui se refuse à nous abandonner et se resserre à l'heure du péril. Et parfois encore il est des écroulements, des maladies et aussi des morts dont ceux qui les endurent disent : C'est Lui ! je reconnais sa main ! Ces âmes savent cela pour elles-mêmes, par une intime évidence indicible.

Mais il y a aussi des souffrances qui ne sont pas voulues de Dieu. Devant le berceau vide, la mère aux prises avec cette parole : « C'est Lui qui fait vivre, c'est Lui qui fait mourir ». Le soldat haletant sous les gaz et se souvenant de la parole : « C'est Lui qui retire le souffle ». Terribles pensées qui étouffent, contre lesquelles ces vies se débattent !

Oh ! malheureux, levez-vous et respirez ! Que l'enseignement du Christ vous libère ; ces détresses ne sont pas l'œuvre de Dieu ; ... elles sont l'œuvre d'un ennemi, elles sont le fruit empoisonné du chaos, du désordre, de la révolte humaine, cœurs durs, violences et vices, précisément ce que Dieu ne veut pas. N'y a-t-il pas un blasphème de la part des hommes à s'opposer délibérément à Dieu, rejeter ses inspirations, masquer sa voix, maudire, haïr, frapper, secrètement porter des souillures et malgré soi les propager, et puis, quand viennent le malheur et la souffrance, dire : C'est Dieu qui nous accable, c'est sa volonté ?

Ce que Dieu veut ce n'est pas le regard clérical de Caïphe, la félonie de Judas, ce n'est pas lui qui a fait mentir Simon-Pierre. Ce que Dieu voulait ? Caïphe et Judas et tous le savaient bien par la voix intérieure qui les pressait, les suppliait de s'attacher à Christ. Ce que Dieu voulait ? Jésus l'a dit dans cette parabole des vignerons, où après avoir mandé ses serviteurs à la vigne et les y avoir vus malmenés et tués, le Père envoya son Fils en disant : Celui-ci sans doute ils le respecteront. Ce « sans doute » tout chargé d'espérance et de confiance en l'homme : voilà la volonté de Dieu à l'égard du monde.

Si nous savions démêler la trame obscure des causes, nous verrions souvent que ce qu'on appelle un châtiment, un fardeau voulu de Dieu est un outrage à Dieu. Comme Dieu doit souffrir d'être pareillement méconnu, Lui, le Père ; souffrir au point qu'il ne le peut supporter ! Alors c'est lui qui se révolte en nous, qui suscite ces soulèvements de conscience contre les fausses divinités qui brisent et qui tuent. C'est lui qui ordonne : lève-toi, sors d'ici, au besoin va-t'en seul sous le ciel, quitte ces religions où on m'attribue la responsabilité du sang qui est versé entre mon autel et mon sanctuaire, sois athée de ces religions-là, sois athée, par fidélité religieuse à mon Esprit, par respect pour mon visage de Père !

Ce n'est pas Dieu qui a voulu la mort du passereau. Mais pourquoi ne l'a-t-il pas empêchée ? Lui était-il donc impossible d'arrêter et au besoin de briser le bras du meurtrier ? Et cette question s'amplifie. Pourquoi n'a-t-il pas éteint les bûchers, rompu les chaînes, envoyé les légions d'anges au Calvaire pour empêcher ces douleurs qui sont là malgré lui, contre lui ? On se prend à soupirer parfois vers ce Dieu qui surgirait comme un incendie, un juste incendie, afin que les hommes sachent enfin qu'il est Dieu et que sa volonté se fasse. Dieu vengeur et juste... Mais où s'arrêterait son glaive ? Briser les mains du meurtrier ? mais cela ne peut suffire, ce sont les sentiments coupables qu'il faut détruire ; mais s'ils renaissent encore des cœurs mauvais, ce sont les cœurs vivants qu'il faut anéantir... les cœurs et la vie qu'ils portent. Ainsi pour redresser la vie il faudrait donc la détruire ? la volonté d'En-Haut aurait enfin libre cours, elle serait faite sur la terre ; mais pas comme au ciel car elle ne s'accomplirait que sur une humanité anéantie !... Alors Dieu supporte, le Père souffre et quoi qu'il lui en puisse coûter de douleurs, à la porte des cœurs il frappe et il attend.

Vision émouvante, qui nous bouleverse. Pourquoi ne pas l'accepter ce Dieu qui supporte, qui s'abstient et qui souffre. Ce Dieu limité, ma raison le refuse. Je ne le comprends pas. Un Dieu limité ! quelle contradiction ! tandis que le Dieu de qui tout provient, le Dieu qui voudrait la mort du passereau serait un Dieu limpide à la raison. Mais ici, amis qui cherchez, une dramatique alternative s'impose à nous et il faut lui faire face un jour. Si le Dieu qui voudrait la mort du passereau donne toute satisfaction à la logique, à la raison, par contre comme il accable le coeur et comme il trouble et affole la conscience ! Et il faut choisir : ou la pensée raffermie ou la conscience et le cœur rassurés. Pour notre part, le choix est fait : respecter, maintenir, sauver d'abord la conscience et le cœur et que la raison suive comme elle pourra, qu'elle se traîne, au besoin même qu'elle s'arrête, épuisée ! Ce ne sera pas la première fois qu'elle sera ainsi prise en remorque disant : je ne comprends pas. Devant tous les vrais problèmes de la vie : aimer ses enfants, se sacrifier, rejeter notre être intérieur vicié, ou même seulement espérer, ce n'est jamais la raison qui nous a entraînés vers la solution véritable, mais la conscience et le cœur parfois même contre la raison qui protestait : mais c'est une folie ! comme le Calvaire a toujours été une folie. Ma raison hésite, se cabre, mais mon cœur et nia conscience exultent de vérité et de joie devant le Dieu qui n'a pas voulu la mort du passereau et toute ma confiance est en Lui.

Mais n'y a-t-il pas une inquiétude quand même ? Devant ce Dieu qui souffre et qui semble vaincu, pratiquement nous sommes abandonnés : la souffrance déchire, le malheur brise et Pieu n'y fait rien. Oh ! Frères : pas un passereau ne tombe à terre sans votre Père. Il n'y a pas de douleur sans Lui, pas de souffrance qu'il n'accompagne. Dieu se penche sur la vie exténuée, il s'en empare pour la guérir et son œuvre commence par transformer, illuminer la souffrance, même la plus injuste, la plus contraire à sa volonté. Il n'avait pas mérité son sort ce malheureux légionnaire qui, d'amputations en amputations, privé de ses membres, n'est plus qu'un tronc humain ; mais l'étreinte divine qui l'a saisi dans sa détresse lui a donné ce grand et clair courage contagieux que tant d'âmes bénissent.

Et le miracle décisif du Calvaire ? Car, enfin, c'est devant lui que nous nous rassemblons ici. Toutes ces haines, ces hypocrisies, ces mensonges accumulés et triomphants étaient bien faits pour tuer la foi au cœur des hommes. Mais le Père et le Fils arc-boutés soulevant cette indicible charge, ont fait de la Croix la source de l'espérance éternelle et de la foi.

Et cette transfiguration dure toujours. Combien d'hommes, combien d'entre nous ici sont debout parce qu'ils peuvent dire : Je suis tombé à terre, mais je ne suis pas tombé sans le Père et c'est Lui qui m'a ressuscité.

Mais il nous reste à gravir l'extrême cime spirituelle, la suprême vision de Dieu : Le Dieu tout-puissant, celui-là même qui tombe avec le passereau. Il ne semblait certes pas que notre chemin dût logiquement nous conduire jusque-là. Mais le chemin de douleur où Dieu nous a saisis franchit les abîmes de la logique et nous sommes entraînés là où nous ne pensions pas aller. C'est Dieu qui nous tient et nous entraîne. Ma douleur, mon injuste douleur, transfigurée, sanctifiée ; ma douleur devenue par Dieu une source de force et de paix ; la mort elle-même devenue une fontaine de vie et de vie impérissable... ah ! comme les mots tremblent ici... Mon Dieu, pour t'avoir vu faire ainsi de la lumière avec de la nuit, de la richesse avec de la totale misère, mon Dieu, je sens, je vois, je sais que tu es tout-puissant. Je sais que rien ne résistera à ta toute-puissante passion d'aimer, de souffrir et de recommencer inlassablement ; que tous les refus des hommes, comme mon propre refus, cèderont, ici-bas ou plus haut, et que déjà même secrètement travaillés, troublés, ils sont déjà intimement vaincus. Il nous le disait bien ton Fils, si certain d'avoir placé sa main sur le cœur de l'homme, quand, à la perspective du Calvaire, quand même il disait : Le monde est vaincu ! Dieu tout-puissant ! Vérité éblouissante ; mais vérité de sanctuaire, que ceux du dehors ne peuvent même concevoir, jusqu'au jour où eux aussi ressuscités par Dieu, ils' confesseront : je crois en Dieu, le Père tout-puissant.

Pas un passereau ne tombe à terre sans votre Père. Comme elle est apaisante et fortifiante cette parole de Jésus. Emportons-la dans nos détresses. Dieu ne fait pas les malades, mais c'est lui qui donne au malade qui se livre à lui ce regard chargé d'une telle profondeur d'âme et d'une telle sécurité spirituelle que nos cœurs en sont bouleversés.

Dieu n'a pas voulu qu'il y ait des brigands sur la route de Jéricho, et ce n'est pas lui qui a voulu la fuite de ses faux serviteurs, le lévite et le sacrificateur ; mais il a voulu le bon Samaritain.

Ce n'est pas Dieu qui veut les petits tuberculeux de nos cités et ces possédés, ces diminués angoissants qu'abrite l'asile de La Force, car nous devrions alors ne les pas secourir ; niais certes c'est Dieu qui veut ces chefs-d’œuvre d'amour qui s'accomplissent là-bas sur cette terre de Christ.

Les inquisiteurs ne sont pas ses inspirés ; niais le martyr au corps tordu a reçu de lui cette force surprenante et cette inviolable sérénité de se sentir dans la main quand même toute-puissante de Dieu.

Aux vieilles pages de la Bible il est un récit qui vous est familier : celui de Daniel et de ses compagnons dans la fournaise. Quand on eut bien attisé les flammes et qu'on eut jeté les trois victimes dans le feu, voici qu'on aperçut auprès d'elles la présence inattendue d'un quatrième vivant qui avait la figure d'un fils de Dieu. Ce n'est pas Dieu qui allume les fournaises, mais à tous ceux qui y sont jetés, il apporte sa présence et son tout-puissant secours victorieux, quand même Nabuchodonosor et sa cour n'y retrouveraient que des cendres.

La Croix, raccourci tragique de tout le problème du mal dans la liberté de l'homme, est aussi la réponse divine : la crucifixion devient triomphe et ce qui parait être son échec suprême devient sa suprême victoire. C'est auprès d'elle, à genoux, que nous entendons la réponse divine à nos douloureux, mystérieux et troublants « Pourquoi ? »