Service funèbre pour le Pasteur Guiraud
Psaume 130:3-6 , 2 Corinthiens 4:7-10 , 2 Corinthiens 6:9-10 , 1 Thessaloniciens 5:2-5
Culte du 16 septembre 1937
Prédication de A.N. Bertrand
Service funèbre célébré à Roquecourbe (Tarn) le 16 septembre 1937 par le Pasteur A-N. Bertrand.
In memoriam
Prière dite à Montpellier le 15 septembre 1937 par le Pasteur G. VIDAL
Père !
Notre cœur est lourd d'angoisse et de douleur. Nous ne pouvons nous empêcher de crier : « Pourquoi ? » — mais il n'y a dans notre cri ni récrimination ni révolte, seulement de la souffrance.
Viens près de nous ! A travers notre peine, monte vers Toi une action de grâces pour ce pasteur, ce beau pasteur, que tu as donné à nos églises et à nos âmes. Il est monté de la douleur et par la douleur à la lumière, et sa lumière a brillé et brille devant les hommes. Elle éclaire notre nuit. Il a fait de sa foi un hymne, un poème, et ce poème chante et chantera dans nos cœurs pour leur donner de la force, de la paix, de la joie.
Cette porte que le Christ a ouverte pour nous dans le Ciel, et qu'une enfant bien-aimée avait éclairée et élargie pour lui, il l'a éclairée et élargie pour nous. Il a rendu le Ciel plus proche, plus lumineux à bien des âmes. — Père, sois loué pour toutes ces richesses que tu nous a données par lui.
Nous souffrons, mais nous savons que tu es là. Tu as été près de lui le Père au chevet, dans la souffrance et dans la maladie. Reste avec nous, Toi qu'il appelait « le Berger des bergers », pour conduire notre troupeau appauvri et désolé. Accompagne notre frère dans le douloureux voyage vers la maison des pères. Soutiens la compagne de notre ami le long du chemin qui monte,T,et aide-lui à reprendre courage en lui montrant, à chaque pas, les traces qu'il a lui-même laissées.
Père céleste, de toute cette souffrance, fais une force pour nos Eglises et pour nos âmes.
Amen.
Service funèbre célébré à Roquecourbe (Tarn) le 16 septembre 1937 par le Pasteur A-N. Bertrand.
Invocation
Nos cœurs s'élèvent vers Toi, Dieu de Jésus-Christ, Dieu Sauveur ; car notre unique espérance est en ta miséricorde, notre unique refuge est dans l'amour que tu nous as témoigné en Jésus-Christ.
Amen.
Fragments bibliques
Psaume 130 : 3-6
Du fond de l'abîme je t'invoque, Eternel, Seigneur écoute ma voix.
Si tu gardais le souvenir de nos iniquités, Eternel, Qui pourrait subsister devant Toi ?
Mais le pardon se trouve auprès de Toi, Afin qu'on te vénère.
Mon âme attend le Seigneur,
Aussi fidèlement que le veilleur attend le retour du matin.
2 Corinthiens 4 : 7-10
Nous portons ce trésor — de l'Evangile — dans des vases d'une argile grossière, pour qu'on voie bien que cette incomparable puissance vient de Dieu et non pas de nous. Nous sommes pressés de toute part, mais non pas écrasés ; inquiets, mais non désespérés; persécutés, mais non abandonnés ; terrassés, mais non anéantis. Nous portons toujours dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste aussi en nous.
2 Corinthiens 6 : 9-10
Nous sommes considérés comme des mourants, et voici que nous vivons ; comme des condamnés, et nous ne sommes pas exécutés ; comme des affligés, et nous sommes toujours joyeux; comme des pauvres, nous qui enrichissons les autres ; comme dépouillés de tout, nous qui possédons tout.
1 Thessaloniciens 5 : 2-5
...Ce jour viendra pour nous comme un voleur dans la nuit. Quand on dira : « Paix et sécurité », alors soudain, la ruine fondra sur nous, comme sur la femme les douleurs de l'enfantement.
Mais vous, mes frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur ; vous êtes tous enfants de la lumière ; vous êtes fils du jour.
Allocution et prière
Quels mots pourront jamais dire le trouble, l'angoisse, la douleur qui ont pesé sur nous tous et sur bien d'autres, au cours de ces quatre semaines qui trouvent ici leur tragique conclusion ! Tout semblait réuni pour augmenter le poids de ces interminables journées : l'appréhension d'une catastrophe dont on n'osait pas mesurer l'ampleur avant qu'elle fût devenue réalité, l'âpreté d'une lutte dont on soupçonnait de loin toute la silencieuse horreur, enfin, pour tout dire en un mot, le mystère d'une épreuve dont les aspects spirituels ne restent pas moins impénétrables à nos pensées que ses origines matérielles.
Laissez-moi dire toute ma pensée, chers Frères et Sœurs, car elle est certainement la pensée de tous : ce mystère n'est pas seulement celui de l'heure présente, c'est celui de toute une vie, de cette existence si terriblement dépouillée faite à nos chers amis Guiraud, depuis que leur enfant avait été rappelée à Dieu. Combien de fois, en les voyant l'un et l'autre porter avec tant de vaillance à travers la vie, à travers la joie et la souffrance de tous, leur muette douleur, j'ai cherché dans la fécondité d'un si beau ministère, la réponse au « Pourquoi ? » de ce redoutable problème.
Mais aujourd'hui le mystère devient bien plus angoissant encore. Entre nos deux amis qui marchaient sûrement, fidèlement appuyés l'un sur l'autre, la mort vient de se glisser ; les voici chacun d'un côté du grand voile. Et le mystère de ces deux existences tragiques se double du désarroi où sont jetées toutes les âmes qui étaient tendues vers notre ami, appuyées aussi en quelque manière à sa force spirituelle, et qui maintenant, à travers leurs larmes, se demandent et nous demandent, et demandent à Dieu : Pourquoi ? Pourquoi une telle force nous a-t-elle été reprise ? Pourquoi tant de lumière refusée à nos pauvres yeux, tant de travail utile interrompu, tant de paix et de consolation enlevées à ceux qui souffrent ? Pourquoi ?
Mes Frères, la réponse à ces « pourquoi ? >. c'est notre ami lui-même qui va encore nous la donner ; non par des paroles, non que nous voulions chercher dans quelqu'un de ses sermons un fragment où il traiterait magistralement du problème de la souffrance ; non, bien plus puissamment, bien plus profondément, il nous la donne par son ministère et par sa vie tout entière.
Car ce « pourquoi ? » qu'il aurait eu tant de droits à poser au sujet de son destin personnel, il ne le posait jamais. Non seulement il ne le posait pas devant ceux auxquels il livrait sa pensée, comme il aurait pu le faire s'il avait eu conscience de détenir quelque définitive réponse à leur angoisse ; mais il ne le posait même pas pour son compte personnel : il vivait au-dessus de la question. Trop cruellement meurtri par le choc des réalités matérielles, par la brutalité du visible, il avait refusé une fois pour toutes de reconnaître leur souveraineté ; il s'était installé dans une réalité plus haute, la réalité essentielle dont l'Apôtre dit qu'elle est éternelle ; et il vivait là, non pas en plein rêve, certes, au contraire en plein réel ; mais dans un réel que beaucoup ne connaissent pas, celui que peuplent les grandes figures spirituelles qui s'appellent le Souvenir, le Renoncement, l'Espérance, la Foi, l'Amour. Là était son véritable univers.
Et cet univers n'est pas distinct, séparé de celui où nous marchons chaque jour ; c'est celui-là même où les hommes aiment, travaillent, souffrent et meurent ; c'est l'univers dans lequel nous vivons tous, mes Frères, celui où nous avons à lutter et à vaincre, mais envisagé d'un autre point de vue, regardé de plus haut et par conséquent mieux connu et mieux compris.
Il était là, très près de nous, très compréhensif pour toutes nos peines, pour toutes nos douleurs, et en même temps très au-dessus de tout ce qui meurt, fermement établi dans le Royaume de l'éternité. Il ne demandait pas pourquoi il y a de l'ombre ; il s'établissait dans la lumière, parce que, aimait-il à dire, « nous sommes fils du jour ». Et lorsqu'on posait devant lui les « pourquoi ? » de la souffrance, les « Pourquoi Dieu reprend-Il ?... », « Pourquoi Dieu permet-Il ?... », il écartait d'un mot ces questions qui renferment déjà en elles-mêmes des affirmations trop péremptoires pour notre ignorance ; il les écartait d'un mot, et il continuait, par sa parole et par sa vie, à entraîner ses frères dans l'invisible univers qui était la véritable Patrie de son âme.
Comprenez-vous maintenant, chers Frères et Sœurs, quel était le ressort caché de son ministère, et comment à l'exemple de l'Apôtre c'est dans sa faiblesse même qu'il trouvait sa force ? Depuis que sa vie intérieure autant que sa vie de famille avait été ravagée par la catastrophe qui lui avait ravi son enfant, tout avait été changé en lui ; il était devenu un autre homme et un autre pasteur. Il avait mesuré tragiquement la vanité de tant de choses sur lesquelles s'appuient les hommes et la faiblesse de tant de prétendues forces qui leur sont offertes, et tout en lui était résolument centré sur le spirituel.
Sa puissance de rayonnement venait de ce qu'il avait su reléguer impitoyablement au second plan tout ce qui était accessoire, et mettre l'accent sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la valeur que donne à l'âme et à la vie le contact avec Jésus-Christ et l'humble abandon entre les mains de Celui qui nous a sauvés. Lui aussi, il ne voulait savoir qu'une chose : Jésus-Christ, et Jésus-Christ avec qui il avait été crucifié. Il était le pasteur qui refuse obstinément d'être autre chose que le berger des âmes. Nous tous qui essayons de porter en nous une âme pastorale, nous gardons toujours, quoi que nous en ayons, quelque chose ou du théologien, ou du philosophe, ou de l'homme d'Église, ou de l'homme d'action. lui, il était et voulait être pasteur et rien de plus. Aussi était-ce pour lui une souffrance de se heurter parfois à des esprits pour qui les questions concernant la valeur de l'âme devant Dieu étaient dédaignées au profit des questions d'Église ou de doctrine ; alors sa figure ordinairement apaisée prenait une sorte de contraction douloureuse, comme s'il avait vu piétiner des fleurs qui lui étaient chères.
Dans les premiers jours de sa maladie, il s'écria tout à coup d'une voix forte : « Mon âme s'attache à Toi seul, Dieu de mon salut ». Ce cri de sa détresse ou de son espérance pourrait servir d'épigraphe à tout son ministère et à toute sa vie. C'est que sa pensée, et par conséquent sa prédication, n'était pas déterminée par ce qu'on apprend dans les livres, ni même par ce que peut donner la pure réflexion ; elle avait été laborieusement reconstruite après la tourmente qui avait ravagé sa vie. Venue du cœur elle allait au cœur, née de la vie elle créait la vie, elle engendrait spontanément l'adoration, la prière, l'action de grâces ; elle lui permettait de côtoyer sans en être ébranlé des deuils semblables au sien et de les consoler par les consolations dont il avait été consolé lui-même.
Cependant cela, on n'ose pas dire : c'était naturel, — car tout ici est surnaturel, tout est don de Dieu ; — mais enfin c'était normal ; c'était ce que l'on est en droit d'attendre d'un chrétien ou d'un pasteur; ce qui l'était moins, c'était de le voir porter dans la troupe joyeuse de nos Éclaireurs et de nos Éclaireuses la clarté de son regard et la fraîcheur candide de son rire. Combien parmi nous, ayant souffert ce qu'il avait souffert, auraient su réprimer tout mouvement d'amertume au spectacle de cette jeune vie surabondante ? Mais non, ce qu'évoquaient pour lui les jeunes visages, ce n'était pas ce qu'il avait perdu, c'était ce qui lui restait de l'enfant que sa chair vient rejoindre aujourd'hui dans la terre du cimetière, mais avec laquelle il avait toujours entretenu à travers l'invisible une si profonde intimité de l'esprit : c'était un même élan vers Dieu, une même soif de ce qui est beau, noble et pur, c'était une même force d'espérance, une même puissance d'amour. C'était ce qui ne passe pas. Je vous l'ai dit : il était établi dans l'éternel.
Et c'est pour cela que son action échappait aux normes du temps et n'avait rien à faire avec lui. Elle avait d'autres mesures. Il n'a passé dans notre Église de l'Oratoire que quatre brèves années, et il semblait qu'il fût intégré de toujours dans la substance permanente de notre Église ; il y exerçait une influence que d'autres ont mis un quart de siècle à conquérir, et il l'exerçait dans le sens de ce qui demeure. Comme s'il avait eu le pressentiment de ce qu'il devait y avoir de tragiquement bref dans son ministère, il travaillait à établir dans l'Église une communauté d'intercession, un lien de prière ; il nous plaçait avec lui sur le terrain où la mort est impuissante et où rien ne pourra nous séparer.
Quelques instants après que nous venions d'apprendre la terrible nouvelle, une jeune amie nous disait : « M. Guiraud, c'est le type des hommes pour qui il n'y a pas de mort ; alors on est presque étonné que sa présence matérielle puisse nous être enlevée ».
Et c'est bien pour cela que nous sommes si malheureux ; surpris, déconcertés par la soudaineté de l'épreuve ; mais surtout malheureux.
Malheureux en pensant aux Églises de France, à la place grandissante que notre ami prenait dans leur évolution vers une plus cohérente constitution du protestantisme ; au travail qu'il accomplissait dans la rédaction de nos liturgies, dans le Comité Général des Églises Réformées, désormais privé d'une action qui s'exerçait toujours dans le sens de la spiritualité, de l'intériorité. Il intervenait rarement, et généralement attendait que l'on sollicitât son avis ; mais il était de ceux que l'on écoute, car on le savait toujours en contact avec les sources. Le Président Marc Boegner, dont un télégramme nous apporte à l'instant les regrets et les sympathies de la Fédération Protestante, me prie de dire ici combien le Protestantisme tout entier se sent appauvri par le départ de notre frère. C'est que la puissance spirituelle qui se déployait dans son ministère et dans sa vie, n'appartenait à aucun groupement particulier ; elle était au service de l'Évangile, dans les cadres de la Réforme par laquelle l'Évangile nous a été rendu.
Malheureux, nous le sommes en pensant au beau travail qu'il accomplissait dans notre Église de l'Oratoire, au rayonnement que lui assurait une prédication toute débordante de sève spirituelle ; à l'influence qui était la sienne dans nos groupes de jeunesse, à l'autorité souriante avec laquelle il formait les âmes de ses catéchumènes ; à ce profond attachement enfin que tous avaient pour lui, et qui s'est manifesté par l'émotion, l'inquiétude, la douleur de toute une population, à mesure que se répandaient les funestes nouvelles. Ce n'est pas seulement le sentiment de ses collègues, mais celui de l'Église entière qui s'exprime dans le message de notre vénéré doyen, le pasteur Wilfred Monod : « le cœur déchiré mais débordant de gratitude »; et tous nous regardons avec lui vers les certitudes éternelles, « pleurant mais sous la Croix, pleurant mais pour un jour ». Ainsi nous essayons de réaliser la suprême prière du pasteur, le dernier mot prononcé par lui en guise de bénédiction à son dernier culte, le 31 juillet : « Que votre cœur ne se trouble pas».
Malheureux, nous le sommes surtout en pensant à vous, chère et douloureuse Amie, dont le deuil est sans commune mesure avec le nôtre, quelle que puisse être notre douleur. Vous vous doutiez bien sans doute de toute l'affection dont vous étiez entourés, l'un et l'autre ; mais, au cours de ces quatre semaines d'angoisse, vous avez pu en mesurer la profondeur et vraiment sentir battre le cœur de notre grande famille. Aujourd'hui c'est la douleur de toute une Église que je vous apporte, une douleur unanime, sans exception comme sans réserve ; avec, j'en suis certain, la douleur de toutes les Églises où vous avez travaillé ensemble : Mazamet, Limoges, Labessonié.
Mais ce qui touchera particulièrement votre cœur de chrétienne et de femme de pasteur, ce qui a réconforté les collègues de votre mari dans leur détresse, c'est la qualité rare de cette douleur. Depuis que s'est répandue la consternation de la fatale nouvelle, tous ceux que j'ai vus m'ont dit : Comptez sur nous, — Nous ne laisserons pas mourir avec lui son œuvre, — Nous ne permettrons pas que son ministère soit anéanti, — Nous nous grouperons autour de ceux qui restent pour que l'œuvre se continue... Ainsi toute cette foule qui pleure avec vous n'a pas seulement un visage de douleur tourné vers le passé, mais aussi, tourné vers l'avenir, un visage de résolution, d'espérance et de foi
Il nous serait précieux de penser que dans le désert de votre vie, cette silencieuse présence de toute une Église, avec la ferveur de ses prières et la fidélité de son affection, pourra vous être de quelque douceur. Nous savons aussi de quelles vigilantes tendresses vous êtes entourée par les vôtres, par ceux qui ont donné sans compter leur temps et leurs forces et jusqu'au sang de leurs veines, pour tenter de sauver votre mari, et qui continueront auprès de vous la vigilance de leur piété fraternelle
Nous savons surtout que depuis longtemps vous marchez, avec votre compagnon de route, les yeux fixés vers le ciel, que les chemins qui mènent de la mort à la vie ne vous sont point inconnus, et qu'avec lui vous vous êtes nourrie du pain de vie, du pain du ciel, et plus que les nourritures de cette terre, vous avez aimé celles qui rassasient pour la vie éternelle. Tout meurtris que nous sommes de votre douleur, nous sommes sans inquiétude à votre égard : celui que vous perdez ne peut pas être pleuré comme pleurent ceux qui sont sans espérance et sans Dieu ; une telle vie porte en elle-même les forces qui consolent d'une telle mort.
Aussi, au moment de vous remettre par la prière entre les mains de Dieu, entendons-nous monter du fond de nos cœurs endeuillés des paroles de douleur et de victoire qui ressemblent au cantique de l'Apôtre : Nous sommes frappés mais non écrasés, affligés mais non découragés, éprouvés mais non abandonnés, terrassés mais non anéantis. On nous croit humiliés et nous marchons vers la gloire, pauvres et nous enrichissons les autres, dépouillés de tout et nous possédons tout, désespérés et c'est nous qui semons l'espérance ; on nous croit morts et voici, avec nos bien-aimés, nous sommes vivants au siècle des siècles !
Amen.
Prière
Pendant les jours de sa maladie, notre Ami a demandé qu'on lui cherchât « la prière de [Charles] Wagner » que, disait-il, il avait emportée avec lui. En elle il a retrouvé sa foi et sa paix ; en elle aussi nous chercherons ensemble l'expression de notre propre prière :
Quand je dormirai du sommeil qu'on nomme la mort, c'est dans ton sein que j'aurai ma couchette. Tes bras me tiendront comme ceux des mères tiennent les enfants endormis. Et Tu veilleras. Sur ceux que j'aime et que j'aurai laissés, sur ceux qui me chercheront et ne me trouveront plus, sur les champs que j'ai labourés, Tu veilleras. Ta bonne main réparera mes fautes. Tu feras neiger des flocons tout blancs sur les empreintes de mes pas égarés ; Tu mettras la paix sur les jours évanouis passés dans l'angoisse ; Tu purifieras ce qui est impur. Et de ce que j'aurai été, moi pauvre apparence ignorée de moi-même et réelle en Toi seul, Tu feras ce que Tu voudras. Ta volonté est mon espérance, mon lendemain, mon au-delà, mon repos et ma sécurité. Car elle est vaste comme les cieux et profonde comme les mers ; les soleils n'en sont qu'un pâle reflet, et les plus hautes pensées des hommes n'en sont qu'une lointaine image. En Toi je me confie ; à Toi je remets tout.
Seigneur, exauce pour notre Ami cette prière ; fais-le reposer en paix dans Ton sein, auprès de Celui qu'il a aimé, annoncé, servi : Jésus-Christ.
Prolonge parmi nous l'écho de sa voix, afin que dans notre nuit se lève un peu de la lumière de Pâques, et que soit glorifié par lui à travers le silence de la mort Celui dont la voix vibrait dans sa parole vivante : Jésus-Christ.
Apprends-nous à le suivre par la foi et par la prière, jusque dans ta lumière éternelle, afin que nos cœurs s'apaisent et que nous venions sans crainte nous remettre entre les mains de Celui que Tu nous as donné : Jésus-Christ.
Et tant que nous restons dans la nuit de nos souffrances, fais-nous la grâce de demeurer auprès de Celui qui a souffert et qui est mort afin que, dans la souffrance et dans la mort, nous suspendions à sa Croix notre unique espérance : Jésus-Christ.
Alors, avec notre Sauveur, nous serons dans Tes bras, et, que ce soit pour la vie ou pour la mort, ce sera dans une même joie que nous répèterons avec tous les saints la prière de Jésus-Christ :
Notre Père qui es aux Cieux ; que Ton nom soit sanctifié ; que Ton règne vienne ; que Ta volonté se fasse sur notre terre comme dans Ton ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; et ne nous conduis pas vers la tentation mais délivre-nous du mal, puisque c'est à Toi qu'appartiennent dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire.
Amen.