La sainte Réforme
2 Rois 6
Culte du 1 novembre 1931
Prédication de Wilfred Monod
Culte à l'Oratoire du Louvre
1 novembre 1931
« La sainte Réforme »
Sermon par le pasteur Wilfred Monod pour la Fête de la Réformation
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« Élisée pria et dit : Éternel, ouvre ses yeux pour qu’il voie ! Et l’Éternel ouvrit les yeux du serviteur, qui vit la montagne pleine de chevaux et de chars de feu autour d’Élisée. »
II Rois VI, 17.

Prédication
Mes frères,
En ce dimanche doublement sacré, puisque nous commémorons la sainte Réforme de l'Église au XVIe siècle, la personne du prédicateur doit disparaître plus que jamais. Pour cela, il suffira que nos yeux s'ouvrent, comme ceux du serviteur d'Élisée.
Je me bornerai donc, aujourd'hui, à fixer le regard de votre âme sur trois tableaux successifs. Et, à trois reprises, la chaire de l'Oratoire s'effacera dans la pénombre, tandis que s'affirmeront en relief des visions rayonnantes.
Tout d'abord, il ne nous sera point difficile, aujourd'hui, de distinguer, autour du messager de l'Évangile, la mystique présence de nos confesseurs et de nos martyrs.
Essayons de préciser. Le 12 octobre 1555, voilà trois cent soixante et quinze ans, la population de Chambéry, en Savoie, se rassembla sur les bords d'un ruisseau, pour contempler un spectacle excitant. On allait étrangler cinq hommes, puis les réduire en cendres. Leur crime ? L'hérésie. Au surplus (la sincérité oblige à l'avouer), ces condamnés à mort ne déniaient pas au magistrat le droit et le devoir de tuer l'hérétique ; ils prétendaient seulement que le tribunal frappait, en leur personne, des innocents ; car ils estimaient avoir fourni la preuve que leur foi était, bel et bien, la foi chrétienne1. Ils n'étaient que des missionnaires de Jésus-Christ, arrêtés par la gendarmerie, après une tournée d'évangélisation dans les vallées du Piémont. Parmi les pièces d'accusation figurèrent une lettre de Calvin et un exemplaire de son fameux ouvrage : L'Institution chrétienne.
L'un d'entre eux, Antoine Laborie, était un ancien juge royal dans le midi de la France : il avait donné sa démission pour se vouer à la propagation de la Bonne nouvelle. Au cours de son interrogatoire, il se défendit d'une manière brillante, incisive, et amena le président, un moine, à de singulières concessions théologiques, en ce qui regarde la messe, le pape, et l'urgence d'une réformation de l'Église romaine. Laborie obtint même une audience particulière, qui lui permit d'adresser à la conscience morale et religieuse des conseillers un appel si émouvant, que plusieurs de ses auditeurs eurent les yeux remplis de larmes.
Et cependant, pour lui et ses compagnons, le 12 octobre 1555, à l'entrée d'un faubourg de Chambéry, cinq vastes bûchers s'élevaient près du Pont Rouge.
Avant de partir pour le supplice, les cinq condamnés avaient ensemble béni Dieu de l'honneur qu'il leur octroyait. Ce qui n'empêcha point l'un d'entre eux d'être saisi d'un tremblement nerveux, qui lui secoua le corps entier. « Mes amis, dit-il, je sens en moi la plus grosse guerre qu'il soit possible à l'homme de soutenir toutefois, l'esprit vaincra cette chair maudite, et je m'assure que ce bon Dieu ne me laissera point, car il a promis de nous assister en nos afflictions. »
Il s'appelait Jean Vernou, originaire de Poitiers, cité vouée à l'érudition, où son homonyme Jean Calvin l'avait gagné à la Réforme. Pendant sa comparution devant le tribunal, un avocat lui avait dit : Ne sais-tu point qu'on en a fait mourir comme hérétiques plusieurs autres, tels que toi ? » À quoi Vernou avait répondu : « C'est la première leçon que m'ait apprise mon souverain Docteur et Maître. Quiconque veut être son disciple doit porter sa croix et le suivre. »
Le tremblement qui secoua ce courageux confesseur, avant de quitter la prison pour marcher au supplice, était donc une défaillance purement physique. Et, en effet, parvenu au bûcher, il manifesta la plus sereine fortitude. Empoigné le premier par l'exécuteur, il récita la Confession des péchés que nous répétons chaque dimanche. Seigneur Dieu et père tout-puissant, je reconnais sans feinte devant ta sainte majesté que je suis un pauvre pécheur... Ensuite, il fit profession de sa foi devant tous les assistants. Enfin, dit un historien, « ayant recommandé son esprit à Dieu, il endura courageusement les douleurs de la mort et vainquit ses ennemis ».
La deuxième victime fut l'ancien juge Laborie.
Un témoin raconte : « Il se présenta hardiment, d'une face joyeuse, comme s'il avait été convié à un banquet. » Le bourreau lui demanda pardon, affirmant qu'il n'était pas responsable de l'acte qu'il allait commettre. Laborie lui répondit : Mon ami, tu ne m'offenses point, mais par ton ministère je suis délivré d'une étrange prison. Ayant dit cela, il le baisa. Plusieurs spectateurs, émus de pitié, pleurèrent. Alors Laborie, ayant redit la même prière que son camarade, et ayant confessé d'une voix très haute sa foi, rendit l'esprit avec une constance merveilleuse.
Ensuite, raconte l'historien, « Jean Trigalet, un Nîmois, licencié en droit, » se présenta aussi à la mort de cœur allègre et d'esprit prompt, et pria pour ses ennemis. Puis il ajouta : « Ô mon Dieu, je te vois déjà en esprit là-haut en ton trône, et je vois les cieux ouverts, comme tu les as montrés à ton serviteur Étienne. Après avoir fait profession de sa foi, il rendit l'esprit bien paisiblement. »
À son tour, « Bertrand Bataille, mercier de Cahors, soutint hardiment, devant tous, que ses compagnons et lui n'étaient pas là pour avoir dérobé ou tué, mais pour avoir soutenu la cause de Dieu. Et quand il eut prié, il fut exécuté. »
« Le dernier, Guiraud Tauran, natif de Gascogne, prononça quelques paroles des Psaumes, très perceptibles. Bien qu'il fût jeune (étant encore simple étudiant), il ne montra pas moindre constance que les autres. En priant de grande ardeur et de voix ferme, il mourut. »
Ah ! mes frères, je vous l'avais bien dit. Devant vous, en cet instant même, vous contemplez avec humilité, vous saluez avec tendresse, vous admirez avec vénération, Jean Vernou, mort au champ d'honneur, Antoine Laborie, mort au champ d'honneur, Jean Trigalet, mort au champ d'honneur, Bertrand Bataille, mort au champ d'honneur, Guiraud Tauran, mort au champ d'honneur. Et l'ange de l'Apocalypse est parmi eux. Et il vous demande : « Ceux qui sont vêtus de robes blanches, d'où sont-ils venus ?... Ils sont venus de la grande tribulation, et ils ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau. Voilà pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu. Et il essuiera toutes larmes de leurs yeux. »
II
Transportons-nous au XIX siècle, en 1848. Ici même, à l'Oratoire, dans la salle qui se trouve au-dessus de la grande sacristie, siégeait un synode officieux des Églises réformées de France. Chose incroyable et quasi miraculeuse, elles avaient survécu à une persécution, féroce ou sournoise, prolongée pratiquement durant deux cent cinquante années. Bénéficiaires d'un Concordat officiel avec l'État, sous le premier Empire, dotées du droit d'évangéliser, remuées par le souffle d'un puissant Réveil religieux, attentives aux signes des temps dans une Europe ouverte à l'idéal démocratique, nos églises protestantes en France, riches de biens matériels et de personnalités spirituelles, entrevoyaient la mission providentielle qui leur incombait, au sein de la nation, dans cette année fatidique de 1848.
Hélas ! l'assemblée qui siégea dans les murailles de l'Oratoire, ne parvint pas à maintenir l'union fraternelle entre les tendances diverses du protestantisme calviniste ; les uns revendiquaient l'honneur d'être « orthodoxes », les autres se glorifiaient d'être « libéraux. » Les deux partis, après s'être affrontés en de mémorables et nobles discussions, se trouvèrent brusquement en présence d'une déchirure, d'un schisme à l'intérieur de la vieille Église réformée de nos pères ; et ce fut l'apparition du groupe enthousiaste, et courageusement sincère, des Églises libres.
Franchissons quelques années. Nous voici en 1872. L'orage inapaisé qui grondait alors au-dessus de la France, n'était plus seulement celui de la Révolution comme en 1848, mais l'ouragan d'une double guerre : l'une, guerre nationale, terminée par un désastre noir ; l'autre, guerre civile, terminée dans les flammes de la Commune. En ces conjonctures tragiques, les Églises réformées rattachées à l'État sentirent le devoir de tenter un effort immense pour apporter à notre pays la religion de l'Évangile, avec ses mots d'ordre splendides, liberté, vérité, justice, consécration au Royaume de Dieu.
Mais la rude réalité dissipa le mirage. Dans le Synode officiel de Versailles, les protestants réformés se désunirent ; dès lors, ils évangélisèrent la France en dehors des cadres ecclésiastiques. Et la belle Déclaration de foi, votée en 1872, commença par semer la division dans les familles et les paroisses, malgré sa valeur spirituelle et son rayonnement religieux.
Trente années s'écoulèrent ; et l'on s'aperçut que la France était livrée, dans le domaine moral, à une Entreprise de démolition. Des équipes de libres penseurs, ou plutôt d'anticléricaux, ou plutôt d'athées déclarés, essayaient systématiquement de déchristianiser l'âme française. Catastrophe plus terrible, même, que celle d'une révolution ou d'une guerre. Neutraliser l'École, soit ! Laïciser l'État, passe encore ! Mais arracher la Famille à l'influence de l'Évangile, non, non, jamais ! Au moment de la dénonciation du Concordat, les protestants français comprirent qu'une occasion nouvelle, une occasion pathétique, tragique, s'offrait à eux d'apporter à notre Patrie la parole du salut.
Oui, l'heure du rassemblement sonnait. Les fils de la Réforme calvinienne, en France, étaient appelés à se serrer les coudes et à faire bloc en face de la Puissance des ténèbres.
Et savez-vous ce qu'il advint ? Les Assemblées ecclésiastiques se multiplièrent, mais les descendants de nos martyrs, les successeurs de Jean Vernou et d'Antoine Laborie, réorganisèrent les églises locales en tronçons disjoints, sans qu'une seule Assemblée générale du protestantisme calviniste ait jamais siégé sur notre territoire bien-aimé, envahi pourtant par la nuit et par l'ombre de la mort.
Ah ! mes frères, on entendit, alors, des gémissements dans nos Églises. On perçut les lamentations de Jérémie : « Que dois-je dire ? À quoi te comparer, fille de Jérusalem ? Qui trouver de semblable à toi, et quelle consolation te donner ? Car ta plaie est grande comme l'océan. » La guérison nous vint par un détour inattendu. Après le drame délirant de la guerre mondiale, d'innombrables chrétiens éprouvèrent une sensation d'étouffement, à la seule idée que les Églises allaient « descendre », elles aussi, « dans les caves », et s'enfermer dans leurs compartiments ecclésiastiques. Au soupir universel des créatures s'ajoutait le soupir du saint Esprit dans les âmes. Et la chrétienté tout entière, au nom du « Notre Père » de l'Oraison dominicale, au nom du « Notre Pain » de la Table sainte, sembla communier dans une même humiliation, une même repentance, une même foi, un même élan d'amour et d'espérance. Alors, subitement, comme un double arc-en-ciel dans la tempête, fulgurèrent la Conférence œcuménique de Stockholm [en 1925] et la Conférence œcuménique de Lausanne [en 1927], la première s'efforçant d'unir les chrétiens sur un même Programme, la seconde s'efforçant de rassembler les chrétiens par un même Credo.
Ces assemblées grandioses, ô mon Dieu ! je les ai vues de mes yeux, je me suis réchauffé sur leur cœur, j'ai respiré le parfum de leur âme, et en ce moment même, elles m'enveloppent de leur présence mystique. Vous contemplez, n'est-ce pas ? « les chevaux et les chars de feu. »
III
Et maintenant, préparez-vous à une troisième vision, réconfortante et consolante pour le protestantisme français. Vous venez de constater que 'histoire de celui-ci, pendant un siècle de liberté enfin assurée, est assez mélancolique ; elle est jalonnée d'occasions perdues ; en 1848, lors de la Deuxième République ; en 1872, après la guerre franco-allemande ; en 1906 [sic], quand prit fin le Concordat des Églises et de l'État ; hélas ! on pourrait ajouter : en 1919, quand se réunit, à Lyon, l'Assemblée générale des fils de la Réforme en France. On dut avouer, alors, qu'une agonie morale de quatre années et demie n'avait pas réussi à fondre dans son brasier les diverses cages de notre protestantisme national. Et cependant, la délivrance approchait ; elle nous fut octroyée, précisément, par les grandes Conférences religieuses qui réunirent, coup sur coup, toute la chrétienté.
L'Église romaine, il est vrai, crut devoir se tenir à l'écart ; mais cette attitude intransigeante ne pouvait servir de modèle à personne, car elle n'était justiciable qu'au nom des prétentions absolues de la papauté. Dès lors, si les protestants français avaient refusé de suivre l'impulsion donnée par les Conférences œcuméniques, ils auraient en réalité imité l'exemple de l'Église romaine, qui reste réfractaire à une fédération de toutes les Églises chrétiennes. Les successeurs des huguenots à la remorque du Vatican !
Cette absurdité palpable et cette honte furent épargnées au protestantisme français. Et j'ai l'indicible privilège de vous annoncer aujourd'hui que dimanche dernier, à Valence, après trois journées de méditation, d'étude et de prière, l'unité religieuse des protestants de notre patrie s'est manifestée d'une manière éclatante, avec un élan irrésistible.
Ce n'est point ma voix que vous entendez ; c'est la voix collective de toutes nos Églises, réformées, luthériennes et autres. Groupées autour du prédicateur, elles parlent par sa bouche. Sans doute, elles n'ont point délibéré, elles n'ont point voté, elles n'ont pris aucune décision officielle engageant les corps ecclésiastiques. Mais elles ont fait bien davantage ! Elles se sont humiliées ensemble. Elles ont découvert que l'indifférence religieuse des protestants français, leur individualisme sectaire, leur esprit de séparatisme et de défiance mutuelle, ne seront efficacement combattus que par un retour très réfléchi au mystère de l'Église, révélé dans le Nouveau Testament.
Il nous manque vraiment, sinon toujours en théorie, du moins en fait, une doctrine cohérente, simple, chaude, enveloppante, inspiratrice, enthousiasmante, à la fois poétique, religieuse et mystique, de l'Église.
Quelle place occupe-t-elle, en France, dans la piété protestante moyenne ? Quand nous sommes aux prises avec l'affolante énigme de la souffrance physique ou morale, ressentie comme inexplicable, imméritée, scandaleuse, trouvons-nous toujours une consolation efficace dans l'attitude adoptée par les psalmistes hébreux ? Ô Éternel aie pitié de moi, que ta volonté soit faite ! c'est le dialogue de l'âme individuelle avec son Dieu, comme si elle était seule au monde. En cette confiance et en cette soumission il y a, souvent, une grandeur sublime. Toutefois, l'idéal apostolique est plus vaste, et plus extraordinaire. D'après les épitres du Nouveau Testament, l'âme qui se croit isolée appartient, en réalité, à l'organisme surnaturel de l'Église, organisme où aucune cellule spirituelle ne connaît l'agonie sans nom de la solitude ; non seulement parce que l'âme souffrante a la certitude que tous les membres de l'Église locale sympathisent avec elle dans la prière d'intercession, mais parce que l'âme souffrante possède la divine conviction de souffrir pour le bien de l'ensemble, et d'être employée mystérieusement au service du Royaume de Dieu, dans la mesure même où elle appartient au mystique organisme de l'Église — « créée, déclare saint Paul, avant la création », —l'Église, corps de Christ. Alors, l'épreuve passe du plan négatif sur le plan positif ; et le signe de la croix, identique au signe plus en mathématiques, devient l'ineffable signalement d'une transposition inouïe de toutes les valeurs pour l'âme transfigurée.
En vérité, notre misère intellectuelle et spirituelle devant l'idéal apostolique de l'Église m'émeut profondément ; notre ignorance à cet égard me confond ; notre indifférence me bouleverse ; et devant l'épître aux Éphésiens, enfin redécouverte, quand je pense que nos pères montèrent pourtant sur les bûchers pour nous conquérir la liberté d'évangéliser la France, avec toute la puissance de la tradition chrétienne en sa débordante plénitude, je suis saisi d'une secrète angoisse.
Osons constater là un point faible du protestantisme français. C'est peu dire ; il y a là une lacune, un creux béant. Il faut reconnaître cette erreur, avouer cette faute, et en tous les cas diagnostiquer ce péril.
Or, savez-vous quel remède fut préconisé dans l'Assemblée solennelle de Valence ? Orienter le protestantisme de France vers la célébration hebdomadaire de la communion, selon le vœu de Calvin, qui désirait que la sainte Cène fût célébrée, au moins chaque dimanche2. Il va sans dire que, si le principe est un jour adopté, les applications comporteront, dans la pratique, des modalités variées. L'essentiel est d'affirmer le principe fondamental, parfaitement conforme à la tradition la plus pure de nos Églises. Car, de plus en plus, il devient impossible de concevoir un culte chrétien (au sens original et complet du terme) sans la communion ; elle fait plus que le couronner, elle en est la manifestation adéquate et l'épanouissement, comme le fruit exprime la fleur. Pour combattre l'indifférence religieuse de nos coreligionnaires, allons droit au cœur de la réalité ; restituons à l'adoration la place qui lui appartient dans le sanctuaire, rendons aux âmes affamées le repas du Seigneur.
Et par là, en même temps, nous unirons les Églises ; d'abord, celles qui groupent les fils de la Réforme en France ; ensuite, celles qui, sur la terre entière, préparent des rapprochements plus vastes entre toutes les Dénominations chrétiennes.
Toujours davantage, les disciples de Jésus (trop souvent séparés, ô douleur ! par le sacrement même de la réunion, de la communion) en arrivent à comprendre que la table du Seigneur est véritablement sa table à lui, la table du Seigneur, et non la table des serviteurs. Aucune Église ne doit monter la garde autour des symboles du corps et du sang de notre Sauveur et Frère aîné ; car c'est lui qui invite, c'est le Maître seul qui invite, et nos Églises diverses ne peuvent être que les messagères dociles envoyées par le Glorifié pour annoncer aux âmes errantes : « Venez ! car tout est déjà prêt. »
Autour de la Table sacrée, nous ne prenons pas seulement conscience de notre communion avec tous les chrétiens ici-bas, de quelque nom qu'ils se désignent, mais de notre communion avec « l'Église des premiers-nés inscrits dans les cieux », « l'Église de la communion des saints », l'Église qui embrasse le monde visible et le monde invisible, le temps et l'éternité... C'est aujourd'hui, pour notre peuple recueilli, le « Jour des Trépassés ».
Mais n'oublions jamais, nous les fils des huguenots, que la véritable Église adorante est une Église militante, et qui, par là même, se tient prête à être persécutée. Nous l'avons été, hier, au nom de Rome ; nous le serons, demain, peut-être, au nom de Moscou. Toutefois, l'Église évangélique ne redoute rien ; elle ne se prétend pas infaillible, mais elle s'affirme invincible, selon la promesse divine et la parole d'honneur du grand Capitaine de notre salut. Dès lors, elle ne craint ni le péché, ni le martyre, ni la mort, ni l'enfer, ni le diable, pour parler la langue de Luther. Voulant servir, elle consent à souffrir; elle aspire à perdre sa vie pour la retrouver. Fortifiée sans cesse et vivifiée par cet idéal purement apostolique, largement universaliste, chrétiennement catholique, l'Église réclame le privilège d'être l'instrument de choix qu'utilise l'Ouvrier souverain pour le salut du monde.
« Élisée pria et dit : Éternel, ouvre ses yeux pour qu'il voie ! Et l'Éternel ouvrit les yeux du serviteur, qui vit la montagne pleine de chevaux et de chars de feu autour d'Élisée. »
Amen.
Notes
Appendice
Sous Henri II, certains magistrats commençaient à se faire scrupule d'appliquer la peine de mort aux hérétiques. En faveur de la tolérance, ils demandèrent des passages bibliques aux pasteurs de Paris ; ceux-ci hésitèrent à les fournir. « De peur, écrit un historien, de consacrer l'impunité de l'hérésie. » Et il ajoute : « Étrange aveuglement ! Ils ne voient pas qu'en reconnaissant le droit du glaive, pour la répression des croyances, ils consacrent leur propre martyre. Nihil in Scripturis, disent-ils, ad tale dogma constituendum. Il n'existe rien, dans l'Écriture, qui puisse appuyer un pareil dogme... Ce dogme, c'est la liberté de conscience. »
Jules Bonnet,
(Récits du XVIe siècle. Seconde série. p. 205).
Pour aller plus loin
- Wilfred Monod, Voir Jésus, 1939, 8 prédications avant-guerre (lire sur notre site)
- Wilfred Monod, In Memoriam, "Souvenez-vous de vos conducteurs", 1948, 152 pages, 5 prédications dont la dernière avant sa mort, qui porte sur le sourire(lire sur notre site)
- Toutes les prédications pour la Fête de la Réformation
Lecture de la Bible
IIe livre des Rois, ch. VI, 8-17
Traduction Segond 1910
8Le roi de Syrie était en guerre avec Israël, et, dans un conseil qu'il tint avec ses serviteurs, il dit : Mon camp sera dans un tel lieu. 9 Mais l'homme de Dieu fit dire au roi d'Israël : Garde-toi de passer dans ce lieu, car les Syriens y descendent. 10 Et le roi d'Israël envoya des gens, pour s'y tenir en observation, vers le lieu que lui avait mentionné et signalé l'homme de Dieu. Cela arriva non pas une fois ni deux fois. 11 Le roi de Syrie en eut le cœur agité ; il appela ses serviteurs, et leur dit : Ne voulez-vous pas me déclarer lequel de nous est pour le roi d'Israël ? 12 L'un de ses serviteurs répondit : Personne ! ô roi mon seigneur ; mais Élisée, le prophète, qui est en Israël, rapporte au roi d'Israël les paroles que tu prononces dans ta chambre à coucher.
13 Et le roi dit : Allez et voyez où il est, et je le ferai prendre. On vint lui dire : Voici, il est à Dothan. 14 Il y envoya des chevaux, des chars et une forte troupe, qui arrivèrent de nuit et qui enveloppèrent la ville. 15 Le serviteur de l'homme de Dieu se leva de bon matin et sortit ; et voici, une troupe entourait la ville, avec des chevaux et des chars. Et le serviteur dit à l'homme de Dieu : Ah ! mon seigneur, comment ferons-nous ? 16 Il répondit : Ne crains point, car ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux. 17 Élisée pria, et dit : Éternel, ouvre ses yeux, pour qu'il voie. Et l'Éternel ouvrit les yeux du serviteur, qui vit la montagne pleine de chevaux et de chars de feu autour d'Élisée.