Et si nos rituels nous libéraient
Deutéronome 6:1-9
Culte du 1 décembre 2024
Prédication de Emeline Daudé
Culte à l'Oratoire du Louvre
1er décembre 2024
1011ème jour de la guerre en Ukraine
« Et si nos rituels nous libéraient ? »
Culte présidé par la pasteure Émeline Daudé
Liturgie et prédication de la pasteure Émeline Daudé
Culte accompagné à l'orgue par Sarah Kim, organiste co-titulaire
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Liturgie
Prédication : Et si nos rituels nous libéraient ?
Que fait un-e chrétien-ne lorsqu’il a fini de lire sa Bible ? Il recommence. Que font les disciples après la résurrection ? Ils retournent en Galilée, ils recommencent. Que fait l’Église à la fin de son calendrier liturgique ? Elle recommence, elle répète comme aujourd’hui en ce premier dimanche de l’Avent, premier dimanche de l’année liturgique.
Inlassablement, nous recommençons, nous répétons. Fête après fête, nous répétons la bonne nouvelle que chacune d’elles porte en son cœur. Ces répétitions ne concernent pas seulement la parole. Elles concernent également les gestes, les structures de nos temps, ce que l’on donne à voir et à faire. Culte après culte, nous répétons des formes de liturgies, des déplacements et des cantiques. Chaque fête est une répétition d’un espace-temps particulier : l’Avent et sa couronne, Noël et sa musique, Pâques et ses cris annonçant la résurrection… et je ne parle pas de leur menu !
Oui, dans la vie spirituelle chrétienne et même protestante, la répétition et donc les rites ont leur place. Ils sont ce cadre rassurant, qui nous porte pour nous amener dans un ailleurs : celui d’un temps hors du temps, un temps pour se mettre à l’écoute de la Parole.
Pourtant depuis la Réforme, le protestantisme est très critique, voire frileux des rites et autres répétitions. Il est traversé par cette tension théologique et anthropologique, cette tension entre l’usage de rite et l’envie constante de nouveauté. Tout cela au nom d’une peur de l’aliénation des personnes, d’idole diraient certains, d’un glissement vers une pensée magique.
Alors aujourd’hui, ce matin, j’aimerai prendre le temps d’écouter ce passage du Deutéronome si important dans le judaïsme et auquel Jésus fera référence plus tard. De l’écouter comme un des ces passages qui assume notre besoin de rite, de répétition mais aussi un des passages qui ouvre une voie, un chemin nous permettant de ne jamais oublier ce qui est central dans notre dialogue avec Dieu ; un chemin qui nous guide pour nous émanciper des rites, tout en nous invitant à les vivre.
« Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. Tu les répéteras à tes fils, tu parleras d’elles sans cesse, »
Écoute ! [שְׁמַע, chema]
Écoute ! L’Éternel est le Dieu de la Parole, ce Dieu qui entre en dialogue avec le monde et nous-même. Le récit biblique est rempli de ces moments de discussion : la parole est proclamée, elle circule. Dieu propose mais il n’impose jamais ; Dieu propose sans cesse de faire toutes choses nouvelles.
Écoute ! voilà la première invitation, le premier commandement qui est fait. Le terme hébreu a d’ailleurs 2 sens : écouter directement son interlocuteur et écouter une confession de foi. Conjuguer ces deux sens ouvre des perspectives d’autant plus riches pour comprendre ce passage : dans le domaine de la foi, ce Écoute ! nous invite à conjuguer la prière et la théologie, la subjectivité de la foi et la sagesse d’une tradition ancestrale transmise de génération en génération.
Pour écouter, il nous faut nous arrêter, prendre le temps, faire silence pour entendre cette parole qui essaie de se frayer un chemin dans nos vies. Faire silence pour entendre cette parole appelée à être au centre de nos vies, inscrite dans notre cœur. Écouter cette parole, même lorsque nous parlons afin qu’elle habite le fond de notre être et pas seulement le bout de nos lèvres et des textes.
Cette Parole nous est donnée ce matin en version condensée, deux phrases, d’une simplicité apparente, pour dire ce qui fait l’essentiel : « le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. ».
Ce condensé nous appelle à notre tour à entrer dans un dialogue avec une simplicité des gestes et des paroles, pour, à notre tour, amorcer la descente vers la profondeur de ce message. Écouter ce message dans nos vies, dans notre quotidien, l’écouter dans nos répétitions, et entrer en dialogue avec lui par nos paroles et par notre corps, dans tous les temps et dans tous les lieux de nos vies.
De la répétition
Lorsqu’on parle de démarche spirituelle, les rites et les usages ne sont jamais très loin. Qu’ils soient visuels ou auditifs, corporels ou intellectuels, ils sont des marqueurs spécifiques à une culture partagée. Ils nous permettent de construire un « nous », de construire du commun et une réalité sociale : un nous qui peut dire « notre Dieu », comme ici dans le texte. D’autres diraient aujourd’hui que c’est ce partage de rite qui permet aussi de faire Église ensemble : à travers des codes communs, une confession de foi commune, une structure liturgique commune. Ils nous permettent de partager ensemble, d’écouter en communauté la parole de grâce qui est donnée, de prier et penser ensemble.
Les rites et leur répétition sont aussi autant de cadre qui nous permettent d’entrer dans ce temps d’écoute. Par le mouvement corporel avec un début et une fin et une direction précise. Par des paroles et des gestes particulier qui provoquent expérience et émotion.
Lorsqu’on y pense, si tous les dimanches, la liturgie du culte changeait ; si tous les dimanches, les codes de la prédication changeaient, pourrions- nous parler d’une assemblée qui fait corps et forme un nous ? Pourrions- nous nous sentir en confiance pour se laisser porter et entrer à l’écoute de la Parole ? Notre corps autant que notre esprit arriveraient-ils tout simplement à entrer dans ce temps ? Lorsque nous partageons sur nos pratiques quotidiennes de prières ou de lecture de la Bible, ne répétons- nous pas aussi des phrases ou des gestes pour nous aider à entrer en écoute ? L’allumage d’une bougie, la prière du Notre Père, peut être un signe de croix ou se mettre à genoux. Tout cela est autant de rite devenu point de fuite ou porte vers un ailleurs : celui d’un temps de dialogue avec Dieu.
Les anthropologues ne cessent de nous le rappeler : l’être humain est un animal ritualisé. Il a besoin de répétition. Le texte biblique assume ce besoin de répétition et nous invite à nous en saisir plutôt que de le fuir : « tu les répéteras ».
Une répétition pour transmettre
Allons-y chers amis, allons-y gaiement : nous sommes invités à la répétition. Assumons une répétition dans la simplicité. Une répétition pour se donner un cadre pour écouter la Parole, pour prier autant que réfléchir à tout son sens.
La répétition nécessite que des éléments ne changent pas, contrairement à notre monde fonctionnant à la nouveauté immédiate et continuelle. Elle nous fait vivre alors une tension elle-même créatrice et porteuse de sens, puisqu’elle nous pousse à nous interroger sur chaque geste, mot, gros mot de la foi. Me permettent-ils, nous permettent ils de rester à l’écoute de la Parole ? Ou au contraire, sont-ils devenus trop inaudibles, au point d’empêcher la répétition de devenir un lieu d’incarnation et d’écoute intérieure ?
À l’écouter, ensemble et individuellement. Non pas pour garder cette parole pour soi, comme une vérité réservée à quelques élus procédant aux bonnes formules magiques. Non pas pour devenir un pantin récoltant une récompense à la fin d’une chorégraphie. Non pas pour devenir un peuple à l’obéissance tatillonne et sans intelligence. Non. Cette écoute nous est présentée comme un chemin permettant d’intégrer, d’incorporer et de transmettre un message de vie et de résurrection.
Comme un musicien doit faire ses gammes et exercices pour parvenir à jouer aisément une pièce de musique et à en transmettre toute l’émotion, à toucher les cœurs de celles et ceux qui l’écouteront, nous sommes invités à répéter encore et encore en restant à l’écoute, pour transmettre en toutes circonstances ce qui nous a été donné d’en saisir.
Et c’est bien là, ce que nous ne devons jamais perdre de vue. Ce que les textes bibliques nous rappellent si souvent : nous sommes autant appelés à entendre cette parole de grâce, à l’entendre autant qu’à l’annoncer, à la transmettre avec tout notre être !
Le passage biblique de ce matin, là encore, trace un chemin : il s’agit de transmettre et non d’inculquer la parole entendue, présente dans notre cœur et répétée inlassablement.
En l’attachant à notre poignet et sur notre front, en l’inscrivant dans les lieux que nous côtoyons. C’est-à-dire, dit autrement, en l’inscrivant dans notre manière de travailler et d’être citoyen dans la société, d’être membre d’une famille et d’être membre d’une communauté ; en jouant cette musique de Grâce dans tous les espaces que nous investissons. En la jouant en ayant conscience que d’autres nous écoutent.
Car oui, la transmission implique une exemplarité de la personne qui transmet. Non pas au sens de la perfection, mais dans ce que l’on donne à voir que l’on peut écouter réellement Dieu, à voir que l’on peut vouloir tendre explicitement à vivre selon ses commandements, à voir ce qui est devenu central dans sa foi : se mettre à l’écoute, prier et penser ce que l’on en saisit, mettre en action jusque dans les temps les plus inédits de nos vies.
Jamais il ne nous est demandé d’inculquer, de commander des règles particulières au monde. C’est même tout l’inverse finalement : appelé à une alliance avec un Dieu qui ne fait que proposer et dialoguer avec le monde, nous sommes invités à sa suite, à entrer en dialogue avec le monde, à proposer une voie que nous empruntons, tout en témoignant qu’elle est possible, que ce n’est pas du vent.
Voilà chers amis, soyons des musiciens de la Grâce. Apprenons, entrainons- nous et jouons, parfois en soliste, parfois en orchestre, pour transmettre au monde cette si belle musique de la Grâce.
Amen !
Liturgie
Paroles des chants du Culte du 1er Décembre 2024
Psaume : Le Psautier français n° 36 « Ô Seigneur ta fidélité », strophes 1 & 3.
[Pour écouter, cliquer ici]
1- Ô Seigneur, ta fidélité
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3- Maintiens ta grâce aux hommes droits ; |
Cantique : Louange et Prière n°193 « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute », strophes 1, 2, 4
1 - Parle, parle, Seigneur, |
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Cantique : Louange et Prière n°216 « Seigneur que ton règne adorable », Strophes 1 à 3
1 - Seigneur que ton règne adorable
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Mais, ô Dieu ! Tu la vivifies :
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Paroles des répons du temps de l'Avent et de Noël
Après la salutation
Réjouissons-nous au Seigneur (Psaume 95)
Réjouissons-nous au Seigneur,
Égayons-nous en son honneur,
Lui seul est notre délivrance.
D’un même élan, venons à lui,
Il sera toujours notre appui,
Chantons notre reconnaissance.
Après la volonté de Dieu
A toi mon Dieu, mon cœur monte (Psaume 25, str.2)
Montre-moi Seigneur, la route,
Guide-moi dans la clarté.
Ouvre à celui qui t’écoute,
Un chemin de vérité.
Je regarde à ton amour,
Au salut qu’en toi j’espère.
Je le verrai chaque jour
S’étendre sur cette terre.
Après la prière de repentance
Viens Rédempteur des païens
(Nun komm, der Heiden Heiland, Martin Luther)
Viens Rédempteur des païens
Montre-toi, enfant divin,
Que s’étonne l’univers,
De ta venue dans la chair.
Après l’annonce de la grâce
D’un arbre séculaire (L.P. n°103, str.1)
D’un arbre séculaire,
Du vieux tronc d’Isaïe,
Durant l’hiver austère,
Un frais rameau jaillit.
Et sur le sol durci,
Dans la nuit calme et claire,
Une rose a fleuri.
Après la confession de foi
D’un arbre séculaire (L.P. n°103, str.3)
Il vient sans apparence
Des pauvres, il est roi.
Il connaît leur souffrance
Les guérit par la foi.
La mort n’a plus d’effroi :
Il me rend l’espérance,
En se donnant pour moi.
Après la bénédictionBrillante étoile du matin (L.P. n°90, str.1)
Brillante étoile du matin,
Que fait lever l’amour divin,
Pure et sainte lumière,
Répands dans nos cœurs ta clarté
Viens dissiper l’obscurité
Qui règne sur la terre.
Seigneur, Sauveur,
Fils du Père, ta lumière, salutaire,
Nous conduit et nous éclaire.
Lecture de la Bible
Deutéronome, ch. 6, v. 1 à 9
Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu...
Traduction NBS | Texte hébreu |
1 Voici le commandement, les prescriptions et les règles que le Seigneur, votre Dieu, a ordonné de vous apprendre, afin que vous les mettiez en pratique dans le pays vers lequel vous passez pour en prendre possession, 2 afin que tu craignes le Seigneur, ton Dieu, en observant, tous les jours de ta vie, toi, ton fils et le fils de ton fils, toutes ses prescriptions et tous ses commandements, ceux que j'institue pour toi, et que tes jours se prolongent. 3 Tu écouteras donc, Israël, et tu veilleras à mettre en pratique, afin que tu sois heureux, que vous vous multipliiez et deveniez très nombreux, comme te l'a dit le Seigneur, le Dieu de tes pères, dans ce pays ruisselant de lait et de miel. 4 Écoute, Israël ! Le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un. 5 Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. 6 Ces paroles que j'institue pour toi aujourd'hui seront sur ton cœur. 7 Tu les inculqueras à tes fils et tu en parleras quand tu seras chez toi et quand tu seras en chemin, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. 8 Tu les attacheras comme un signe sur ta main, et elles seront un fronteau entre tes yeux. 9 Tu les écriras sur les montants de la porte de ta maison et aux portes de tes villes. | א וְזֹאת הַמִּצְוָה, הַחֻקִּים וְהַמִּשְׁפָּטִים, אֲשֶׁר צִוָּה יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם, לְלַמֵּד אֶתְכֶם--לַעֲשׂוֹת בָּאָרֶץ, אֲשֶׁר אַתֶּם עֹבְרִים שָׁמָּה לְרִשְׁתָּהּ. ב לְמַעַן תִּירָא אֶת-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, לִשְׁמֹר אֶת-כָּל-חֻקֹּתָיו וּמִצְוֹתָיו אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוֶּךָ, אַתָּה וּבִנְךָ וּבֶן-בִּנְךָ, כֹּל יְמֵי חַיֶּיךָ--וּלְמַעַן, יַאֲרִכֻן יָמֶיךָ. ג וְשָׁמַעְתָּ יִשְׂרָאֵל, וְשָׁמַרְתָּ לַעֲשׂוֹת, אֲשֶׁר יִיטַב לְךָ, וַאֲשֶׁר תִּרְבּוּן מְאֹד: כַּאֲשֶׁר דִּבֶּר יְהוָה אֱלֹהֵי אֲבֹתֶיךָ, לָךְ--אֶרֶץ זָבַת חָלָב, וּדְבָשׁ. ד שְׁמַע, יִשְׂרָאֵל: יְהוָה אֱלֹהֵינוּ, יְהוָה אֶחָד. ה וְאָהַבְתָּ, אֵת יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, בְּכָל-לְבָבְךָ וּבְכָל-נַפְשְׁךָ, וּבְכָל-מְאֹדֶךָ. ו וְהָיוּ הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם--עַל-לְבָבֶךָ. ז וְשִׁנַּנְתָּם לְבָנֶיךָ, וְדִבַּרְתָּ בָּם, בְּשִׁבְתְּךָ בְּבֵיתֶךָ וּבְלֶכְתְּךָ בַדֶּרֶךְ, וּבְשָׁכְבְּךָ וּבְקוּמֶךָ. ח וּקְשַׁרְתָּם לְאוֹת, עַל-יָדֶךָ; וְהָיוּ לְטֹטָפֹת, בֵּין עֵינֶיךָ. ט וּכְתַבְתָּם עַל-מְזֻזוֹת בֵּיתֶךָ, וּבִשְׁעָרֶיךָ. |
Audio
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