La séparation des Églises et de l'État
2 Timothée 1
Culte du 15 octobre 1905
Prédication de Auguste Decoppet
Culte à l'Oratoire du Louvre
15 octobre 1905
« La Séparation des Églises et de l’État »
Culte présidé par le pasteur Auguste Decoppet
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Sermon du pasteur Auguste Decoppet pour le service annuel de rentrée, le 3e dimanche du mois d'octobre 1905, en rapport avec les inquiétudes suscitées par les débats au Parlement sur la séparation des Églises et de l'État. Cette loi fondatrice de la laïcité (qui existait déjà dans l'enseignement public) est promulgué le samedi 9 décembre 1905. Nous ne donnons que quelques fragments du long discours du pasteur Decoppet.
Le passage de la Bible choisi par les pasteurs était celui-ci : « Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse » : Deuxième épître à Timothée 1, 7.
Prédication : La Séparation des Églises et de l’État
Mes Frères, vous l'avez compris, le sujet sur lequel vos pasteurs désirent appeler aujourd'hui votre attention, l'esprit de force, de charité et de prudence, leur a été inspiré par la situation de notre Église à la veille de la Séparation. Le texte que nous avons choisi nous a paru exprimer mieux que tout autre, les sentiments avec lesquels nous devons aller au-devant de ce grand événement, ou pour mieux dire de ce bouleversement. Car ce sera un bouleversement, il n'y a pas à en douter ; une révolution qui modifiera profondément les conditions d'existence et l'avenir de notre Église. Dans quel sens ? C'est ce qu'il est impossible de prévoir. Nous sommes à bien des égards en face de l'inconnu. En tout cas, ce qui importe, c'est que nous soyons à la hauteur des circonstances, C'est que nous soyons calmes, sages et forts, afin que cette crise, loin d'être une cause d'affaiblissement pour notre Église, soit le point de départ d'un renouvellement de son activité et de sa vie. Ce qu'il nous faut, c'est l'esprit de force, de charité et de prudence. Oh ! les trois admirables vertus ! Qui ne sent que, si nous les possédions, nous n'aurions rien à redouter de l'avenir ?
Un esprit dont nous devons nous revêtir n'est pas un esprit d'agitation et de crainte, mais de calme, de confiance et de courage. Ce n'est pas un regard tremblant et timide que nous devons jeter sur l'avenir, mais un regard ferme et paisible. La timidité ne vaut jamais rien dans aucun domaine : elle ôte à l'esprit tous ses moyens et à la volonté toutes ses énergies. C'est une anémie de l'âme. Ah, la magnifique occasion qui va nous être donnée de nous montrer fermes et vaillants ! Ah, la belle page d'histoire nous allons pouvoir écrire, et le noble exemple que nous allons léguer à nos enfants !
Nous sommes à bien des égards en face de l'inconnu. En tout cas, ce qui importe, c'est que nous soyons à la hauteur des circonstances. C'est que nous soyons calmes, sages et forts, afin que cette crise, loin d'être une cause d'affaiblissement pour notre Église, soit le point de départ d'un renouvellement de son activité et de sa vie. Ce qu'il nous faut, c'est l'esprit de force, de charité et de prudence. Oh ! les trois admirables vertus ! Qui ne sent que, si nous les possédions, nous n'aurions rien à redouter de l'avenir ?
L’heure des résolutions viriles va sonner. Ceignons nos reins pour de nobles efforts. N'attendons pas l'impulsion et la force des autres ; ne l'attendons pas uniquement des pasteurs ; ne l'attendons pas d'une organisation quelconque, commission, assemblée ou synode ; ne l'attendons pas d'un règlement ou d'une institution quelconque. Que chacun prenne simplement et courageusement sa part de responsabilité, sa part de sacrifices et d'activité dans la réorganisation de nos Églises et tout ira bien. Le sentiment de cette responsabilité personnelle est la première force que nous devons acquérir. Nous allons être appelés à un grand acte de confiance en nous-mêmes. Il s'agit de vouloir vivre, et cette résolution de vivre, c'est à chacun de nous à la prendre.
La séparation des Églises et de l'État sera telle que nous la ferons : une œuvre d'affaiblissement et de destruction, ou un instrument de rénovation et de progrès. Écoutez ce que dit Vinet à ce sujet : « Cette épreuve (il s'agit pour la religion de la perte de l'appui de l'État) elle doit toujours être prête à la subir ; si elle n'y était pas toujours prête, elle ne serait pas de Dieu ; je comprends bien qu'après qu'elle a été longtemps incorporée au pouvoir, on la redoute pour elle. Mais si cette inquiétude va jusqu'au point de croire l'existence même de la religion menacée par la Séparation, grand Dieu !, quel aveu vient-on nous faire, et quelle idée faut-il avoir d'une religion qui n'a point de racine dans l'humanité, point de force en elle-même, et qui tombe aussitôt que l'État l'abandonne ? Ah ! dans ce cas, plus vivement on s'opposera à cette épreuve, plus hautement nous a réclamerons. Il faut qu'on sache ce que c'est que cette religion, si elle a une base ou si elle n'en a point ; il faut qu'on sache ce que c'est que ces croyants : s'ils croient en Dieu ou s'ils croient en l'État, il faut qu'ils le sachent eux-mêmes ; il faut que, sans autre préoccupation que celle de la vérité, loin des menaces et des encouragements du pouvoir ils s'éprouvent eux-mêmes, afin de connaître si ce que jusqu'à ce jour ils appelèrent leur religion était un besoin ou une habitude, une conviction ou un préjugé ; il faut qu'ils refassent leur religion sous ces favorables auspices, sous ces conditions sérieuses ».
(Essai sur la Manifestation des convictions religieuses, Alexandre Vinet, 1842 p. 337, 338).
Mes frères, les idées qu'exprimait si éloquemment Vinet sont la vérité même : elles ont pénétré dans tous les esprits, elles font partie de notre patrimoine intellectuel ; elles sont depuis longtemps celles de notre Église elle-même. N'ayons donc pas peur de leur réalisation, réjouissons-nous en plutôt, car ce qui est conforme à la vérité ne saurait être dangereux ou nuisible.
C'est pourquoi, si l'on nous demande avec le poète « De quoi demain sera-t-il fait ? » Répondons hardiment : Il sera fait, en ce qui concerne notre Église, d'un magnifique développement de l'esprit de sacrifice. Il sera fait de toutes nos bonnes volontés et de toutes nos énergies réunies. Il sera fait d'un amour plus dévoué que jamais à notre Église et d'une union plus réelle de ses membres. Une espérance est une vertu dans le sens étymologique du mot, c'est-à-dire une force. Revêtons-nous de cette force. Ayons confiance dans l'avenir de notre Église. Dieu l'a soutenue et conservée jusqu'ici à travers tant de périls et de persécutions parce qu'elle a une grande mission à accomplir dans notre patrie, celle de lui donner l'Évangile. Nous ne sommes qu'une infime minorité, sans doute, mais Dieu a toujours fait son œuvre dans le monde par des minorités, voulant à dessein se servir des choses faibles pour confondre les fortes, des choses viles et méprisées et même de celles qui ne sont point, pour anéantir celles qui sont.
L’esprit de force est fait de confiance en la vérité, de foi en Dieu et en soi-même, d'énergie, d'optimisme et d'espérance. Il est donc un autre nom de l'esprit chrétien. Et il est aussi l'esprit protestant par excellence. Nos réformateurs, nos martyrs, nos héros, nos pères dans la foi étaient des hommes forts, des hommes d'un courage et d'une endurance extraordinaires.
Ce n'était pas un esprit de timidité, mais de force que celui de notre grand Calvin quand, le 1er mai 1561 il écrivait à l'Église d’Aix persécutée : « Le temps est que nous travaillions d'un côté et que nous souffrions de l'autre. Nous appelons travailler nous porter virilement et passer par-dessus tous obstacles quand il est question de faire notre devoir. Car plus tost cent fois mourir que de fléschir ».
Ce n'était pas un esprit de timidité, mais de force, qui animait les pauvres femmes qui ont langui, les unes vingt ans, les autres trente ou quarante ans, à cause de leur foi, dans la Tour de Constance, et qui avaient gravé, à côté de leurs noms, sur un des murs de leur affreuse prison, ce mot héroïque qu'on y lit encore : « Résistez ».
Ce n'était pas un esprit de timidité, mais de force que celui de Bernard Palissy, dans l'entrevue qu'il eut dans son cachot de la Bastille avec le roi Henri III. Ce roi le menaça, s'il ne se convertissait, de le faire brûler comme devaient l'être bientôt deux jeunes filles, Radegonde et Claude Foucault. Il ajouta qu'il était contraint à cette rigueur « par ceux de Guise et par son peuple ». — « Sire, réplique l'illustre vieillard, vous m'avez dit plusieurs fois que vous aviez pitié de moy ; mais moy, j'ai pitié de vous... qui avez prononcé ces mots : j'y suis contraint. Ce n'est pas parler en roy. Ces filles et moy, qui avons part au royaume des cieux, nous vous apprendrons ce langage royal : que les Guisarts, tout votre peuple ny vous, ne sauriez contraindre un potier à fléchir les genoux devant des statues ». Ce n'était pas un esprit de timidité, mais de force que celui des Farel, des Coligny, des Duplessis-Mornay, des Paul Rabaut, des Antoine Court, et de toute cette légion de martyrs qui allaient en prison ou au supplice en chantant nos vieux psaumes.
Vénérables et grandes figures de nos pères, votre souvenir nous remplit d'admiration et nous rend jaloux de vous ressembler. C'est grâce à la fermeté de votre foi, à votre indomptable énergie, à votre patience, que rien n'a pu lasser, que nous sommes encore debout, nous, vos indignes enfants, après tant d'épreuves et de persécutions. Ah ! que votre esprit, l'esprit de force, revive en nous, et nous serons capables de traverser victorieusement les épreuves de l'heure présente. Que sont-elles en comparaison des souffrances que vous avez endurées ? Que sont les sacrifices qui nous sont demandés en comparaisons des vôtres ?
Cet esprit de force, mes frères, c'est Dieu qui nous le donnera. Confions-nous en lui dans la crise qui se prépare. La foi en nous-mêmes, à laquelle je vous exhortais tout à l'heure, nous viendra de la foi en lui. Il n'a pas abandonné nos pères dans des conditions autrement graves et douloureuses que les nôtres ; il ne nous abandonnera pas non plus. La question de force est une question de foi. La véritable victoire, celle par laquelle le monde est vaincu, c'est notre foi.
Amen
Pour aller plus loin
- Auguste Decoppet (1836-1906), article de Philippe Vassaux, 2011
- 1905 : Loi de séparation des Églises et de l’État, sur la frise chronologique
Lecture de la Bible
Deuxième épître à Timothée 1
(Traduction Louis Segond 1910)
Paul, apôtre de Jésus Christ, par la volonté de Dieu, pour annoncer la promesse de la vie qui est en Jésus Christ, à Timothée, mon enfant bien-aimé: que la grâce, la miséricorde et la paix te soient données de la part de Dieu le Père et de Jésus Christ notre Seigneur!
Je rends grâces à Dieu, que mes ancêtres ont servi, et que je sers avec une conscience pure, de ce que nuit et jour je me souviens continuellement de toi dans mes prières, me rappelant tes larmes, et désirant te voir afin d'être rempli de joie, gardant le souvenir de la foi sincère qui est en toi, qui habita d'abord dans ton aïeule Loïs et dans ta mère Eunice, et qui, j'en suis persuadé, habite aussi en toi.
C'est pourquoi je t'exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu par l'imposition de mes mains. Car ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse. N'aie donc point honte du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier. Mais souffre avec moi pour l'Évangile, par la puissance de Dieu qui nous a sauvés, et nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus Christ avant les temps éternels, et qui a été manifestée maintenant par l'apparition de notre Sauveur Jésus Christ, qui a détruit la mort et a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Évangile.
C'est pour cet Évangile que j'ai été établi prédicateur et apôtre, chargé d'instruire les païens. Et c'est à cause de cela que je souffre ces choses ; mais j'en ai point honte, car je sais en qui j'ai cru, et je suis persuadé qu'il a la puissance de garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là. Retiens dans la foi et dans la charité qui est en Jésus Christ le modèle des saines paroles que tu as reçues de moi.
Garde le bon dépôt, par le Saint Esprit qui habite en nous.
Tu sais que tous ceux qui sont en Asie m'ont abandonné, entre autres Phygelle et Hermogène.
Que le Seigneur répande sa miséricorde sur la maison d'Onésiphore, car il m'a souvent consolé, et il n'a pas eu honte de mes chaînes ; au contraire, lorsqu'il est venu à Rome, il m'a cherché avec beaucoup d'empressement, et il m'a trouvé.
Que le Seigneur lui donne d'obtenir miséricorde auprès du Seigneur en ce jour-là. Tu sais mieux que personne combien de services il m'a rendus à Éphèse.