Porter sa croix
Culte du 1 septembre 2024
Prédication de Nicolas Cochand
Vidéo de la partie centrale du culte
Culte à l'Oratoire du Louvre
1er septembre 2024
920ème jour de la guerre en Ukraine
« Porter sa croix » ou les pièges du langage
Culte présidé par le pasteur Nicolas Cochand
Liturgie et prédication du pasteur Nicolas Cochand
Culte accompagné à l'orgue par Aurélien Peter, organiste suppléant
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Liturgie
Prédication : « Porter sa croix » ou les pièges du langage
Notre langage ordinaire est agrémenté de formules et d’expressions imagées, dont certaines proviennent de récits bibliques.
Par exemple, en cette période olympique, on pourrait évoquer le commentaire sportif. Ça m’amuse toujours lorsque l’on dit de tel athlète ou de tel joueur dont les performances sont remarquables, qu’il ou elle marche sur l’eau.
Il y a de ces formules dans le texte de ce matin. Je pense à la parole du Christ, « arrière de moi, Satan », et surtout au fameux « porter sa croix ». La difficulté, c’est que ces formules véhiculent parfois avec elles des représentations qui sont bien éloignées de ce qu’elles veulent dire à l’origine, des représentations qui sont parfois contreproductives et même, pour certaines d’entre elles, qui peuvent devenir nocives. Je pense que c’est le cas de l’expression « porter sa croix ».
Dans l’Évangile de Marc, Jésus annonce trois fois qu’il va mourir. Matthieu et Luc, qui ont travaillé à partir de cet évangile, reprennent également cette triple annonce. Après la première annonce de la passion, que nous venons d’entendre, on se souvient bien, en général, de la réprimande de Jésus à l’égard de Pierre, et on s’en rappelle les mots, en latin même pour certains : arrière de moi, Satan ; vade retro, satanas.
Eh oui, cette phrase ne vient ni d’un dessin animé ni d’un film d’horreur ; c’est tout simplement la parole du Christ adressée à celui qui vient de confesser sa foi.
Nous autres, protestants, nous complaisons parfois à souligner que c’est à Pierre que cette forte réprimande s’adresse. L’air de dire que nous ne serions que peu concernés, tandis que d’autres, pour qui la figure de Pierre a une signification particulière, le seraient plus que nous.
Mais quel est le propos ou le comportement de Pierre qui conduit Jésus à cette réprimande ? Il semble que l’apôtre veuille détourner le Christ du chemin qui lui est tracé, et que ce dernier annonce : il faut que le Fils de l’homme souffre, qu’il meure et qu’il soit relevé au troisième jour. Pierre l’a reconnu comme le Messie, le Christ. Il sait qui il est, mais encore plus, a-t-on l’impression, qui il doit être.
On peut se dire, à force de lire Marc, qu’on a compris, pourquoi reprendre, encore et encore, ce refrain ? Pourtant je crois que c’est l’éternelle chanson de la maladie spirituelle qui nous guette constamment, celle de définir une image de Dieu, qui il est, et ensuite de le sommer de s’y conformer, pour que nous puissions croire en lui. C’est un jeu constant de l’évangile de Marc, de dévoiler qui est Jésus pour d’autant mieux le cacher ensuite, faire taire ceux qui savent. En particulier dans les récits de miracles.
Cela ne manque pas : Jésus demande aux disciples de dire qui il est, à leur avis, après leur avoir demandé ce que les gens disent de lui. Pierre répond, mais immédiatement, Jésus leur ordonne de n’en parler à personne. Ensuite, il se met à leur enseigner. Pour dire qui il est et quelle est sa trajectoire, il se situe dans une ligne de l’Écriture que l’on trouve dans des prophéties d’Ésaïe, que l’on regroupe sous la figure du serviteur souffrant.
Jésus est juif, et pour dire qui il est, il se sert des images et des modèles à sa disposition dans la tradition hébraïque. Le fils de l’homme, qui vient du livre de Daniel et de la tradition qui s’en inspire. Le serviteur souffrant, du livre du prophète Ésaïe. Cette figure deviendra fondamentale pour les premiers chrétiens qui feront la même chose : ils scruteront les Écritures pour comprendre qui est ce personnage, son devenir, son lien avec Dieu alors qu’il a connu une telle fin. C’est cela qu’exprime aussi Pierre, en affirmant qu’il est le Messie, le Christ.
Jésus ne dément pas Pierre. Remarquons que dans l’Évangile de Marc, l’identité de Jésus est déclarée par ses interlocuteurs et la question est pour chaque lecteur de l’Évangile : qui dites-vous que je suis.
Jésus confirme la parole de Pierre. Oui, il est bien le Messie, mais il privilégie la figure fragile du serviteur souffrant pour en parler. Pour Pierre, c’est insupportable.
Il y trois annonces de la passion qui se suivent dans l’évangile. Chacune est l’occasion de clarifier qui est Jésus, mais aussi comment on devient son disciple et surtout comment on le reste. C’est aussi chaque fois l’occasion d’un malentendu. Qui est le premier entre nous, se demandent les disciples lors des deux suivantes. Celui qui veut être le premier, qu’il se fasse le dernier, le serviteur de tous, répond Jésus.
Ici, l’enseignement de Jésus sur la condition de disciple se réfère à la trajectoire du Christ lui-même. Être disciple, c’est porter sa croix, comme Jésus le fera lui-même lors de sa Passion.
Porter sa croix. Encore une expression dont on se souvient bien, sans forcément la situer ni la comprendre dans son contexte évangélique. Porter sa croix, voilà bien une expression qui a fait florès à certaines périodes et dans certains milieux.
Il faut porter sa croix, dit-on. Mais est-ce bien ce que dit Jésus ? L’expression traditionnelle laisse entendre, il me semble, que dans la souffrance, dans une situation subie, il faut se taire et supporter en silence. Est-ce vraiment ce que dit Jésus ? Permettez-moi d’en douter, et même de me porter en faux contre cette idée.
Deux dérives : la première serait que la souffrance serait une voie de salut, qu’elle serait même nécessaire, qu’elle serait comme légitimée spirituellement. Faut souffrir pour être belle. No pain, no gain, disent parfois les sportifs américains.
La deuxième serait que la phrase devienne une injonction au service d’un pouvoir exercé sur autrui. Un discours que l’on adresse à autrui pour lui dire comment se comporter, pour lui dire de rester à sa place et ne pas revendiquer autre chose, par exemple. Méfions-nous quand le discours religieux devient un instrument de pouvoir.
Peu avant le texte que nous lisons ce matin, on trouve un récit de guérison dans lequel Jésus lève les yeux au ciel et soupire. Il gémit. Devant la souffrance des hommes, Dieu commence par gémir. Il a mal, tout simplement ! Je vois mal, de ce fait, que l’on en vienne à dire, quelques lignes plus loin, que la souffrance serait comme légitimée spirituellement. Non, en Christ, Dieu prend acte du mal ; il en souffre, et il le combat sans relâche.
Mais c’est dans la nature du combat qu’il prend l’adversaire à défaut. Précisément, le combat n’est pas celui que l’on imagine, celui que l’on fantasme lorsque l’on confesse la puissance de Dieu et celle du Christ.
Le Fils de l’homme doit souffrir. C’est en prenant sur lui la fragilité humaine jusqu’au bout qu’il affronte le combat et qu’il le gagne. C’est d’ailleurs déjà ce qui dit la prophétie d’Ésaïe à sa manière.
L’enseignement de Jésus ne revient pas à dire qu’il faut porter sa croix. D’abord, il ne s’adresse pas à celui qui souffre mais à celui qui veut le suivre. Ensuite, il est une invitation au renoncement ; une forme de reniement. Que faut-il renier ? Peut-être le désir de toute puissance qui se niche si facilement dans le sentiment religieux et dans son expression. Renoncer à cela pour se mettre en route à la suite du Christ, et adopter le même mouvement qui lui permet d’affronter le pire en s’en remettant en pleine confiance au Père.
Porter sa croix, c’est tout le contraire du fatalisme et du renoncement : c’est aller au combat, mais sans prendre les armes de l’adversaire. C’est tout le contraire de se taire et de souffrir en silence. Porter sa croix, c’est se dresser, bouger, résister, mais avec les armes du Christ, avec une volonté de service qui remplace le désir d’être le premier.
Enfin, le renoncement auquel Christ invite aussi, c’est peut-être de renoncer à cette tentation bien plaisante de désigner la croix d’autrui, de savoir à sa place ce qu’il doit porter, de se dresser en expert de ce qui peut et ne peut pas être fait.
Porter sa croix, c’est accueillir chacun comme un compagnon de route, à la suite du Christ.
Liturgie
Paroles des chants du Culte du 1er septembre 2024
Psaume : Psautier Français n° 24 « La terre au Seigneur appartient », strophes 1 à 3
Strophe 1
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Strophe 3
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Psaume : Psautier Français n° 72 « Revêts, Seigneur de ta justice », strophes 1 à 3
[Pour écouter, cliquer ICI]
1 - Revêts, Seigneur, de ta justice
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3 - Comme l’ondée il renouvelle,
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Cantique : Louange et Prière n°253 « Je suivrai Jésus-Christ », Strophes 1 à 3
Strophe 1 |
Strophe 3 |
Paroles des répons du temps de l'Église
Après la salutation
Répons : « Bénissons Dieu le seul Seigneur » (Ps. 134, str.1).
Bénissons Dieu le seul Seigneur,
Nous qu’il choisit pour serviteurs.
Levons nos mains dans sa maison,
Pour bénir et louer son nom.
Après la volonté de Dieu
Répons : « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute » (L&P n°193, str.1)
Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute :
Je dis ton serviteur, car enfin je le suis.
Je le suis, je veux l’être, et marcher dans ta route,
Et les jours et les nuits.
Après la prière de repentance
Répons : « J’aime mon Dieu, car il entend ma voix ». (Ps. 116, str.1)
J’aime mon Dieu car il entend ma voix,
Quand la frayeur ou le tourment m’oppresse,
Quand j’ai prié au jour de ma détresse,
Dans sa bonté, il s’est tourné vers moi.
Après l’annonce de la grâce
Répons « Combien grande est ta gloire » (Ps 92 selon L&P n° 38 str.2).
Combien grande est ta gloire, en tout ce que tu fais,
Et combien tes hauts faits sont dignes de mémoire !
Tes œuvres sans pareilles ont réjoui mon cœur,
Je veux chanter, Seigneur, tes divines merveilles !
Après la confession de foi
Répons : « Grand Dieu, nous te bénissons » (L&P n°69, str.1)
Grand Dieu, nous te bénissons, nous célébrons tes louanges,
Éternel, nous t’exaltons, de concert avec les anges,
Et prosternés devant toi, nous t’adorons, ô grand Roi !
Et prosternés devant toi, nous t’adorons, ô grand Roi !
Après la bénédiction
Répons : « Confie à Dieu ta route » (L&P n°309, str.5)
Bénis ô Dieu nos routes, nous les suivrons heureux,
Car toi qui nous écoutes, tu les sais, tu les veux.
Chemins riants ou sombres, j’y marche par la foi,
Même au travers des ombres, ils conduisent à toi.
Vidéo du culte entier
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