Culte interreligieux du 11 mai 2025
Culte du 11 mai 2025
Prédication de Imam Faker Korchane
Prédication de Béatrice Cléro-Mazire
Vidéo de la partie centrale du culte
Culte interreligieux à l'Oratoire du Louvre
11 mai 2025
416ème jour de la guerre en Ukraine
« Les notions de "muslim" et "d’islâm" dans le Coran »
Culte présidé par la pasteure Béatrice Cléro-Mazire
Avec en chaire l'imam Faker Korchane, président de l'Association pour la renaissance de l'islam mu'tazilite (ARIM)
Avec Sarah Kim, organiste cotitulaire, à l'orgue.
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Voir aussi
- souvenirs : Amitié protestante et musulmane
- du 30 mai 2021, Abraham selon une sourate du Coran.
- du 16 avril 2023, La foi, la religion, à quoi ça sert ?
Orgue
Annonce de la grâce
La grâce et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père en son Fils Jésus, notre frère, notre Sauveur.
Accueil
Bienvenue à vous
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce culte, que vous soyez dans ce temple à l’Oratoire du Louvre où avec nous en ligne. Aujourd’hui, nous avons la joie d’accueillir Faker Korchane, président de l’Association pour la renaissance de l'islam mutazilite (ARIM), penseur d’un islam libéral et auteur du livre que nous présenterons dans la suite de ce culte : Epître aux musulmans perplexes, éd Atlande.
Faker, bienvenue et merci d’être avec nous ce matin pour nous proposer une réflexion sur des sourates du Coran et nous faire connaître mieux le Livre de la foi musulmane que nous connaissons si mal.
La théologie libérale est fondée sur l’intelligence des textes qui témoignent de la foi en Dieu et l’humanisme avec lequel nous les lisons, il est donc utile à notre amour de Dieu et à notre amour du prochain d’entendre les croyants d’autres religions parler de leur foi et nous présenter les textes qui en témoignent. Merci Faker de te prêter à cet exercice difficile et qui témoigne pour nous d’une grande amitié.
Ce matin, c'est Sarah Kim qui est avec nous à l’orgue. Réunissons-nous dans la communion fraternelle avec le 1er chant spontané.
Chant spontané : [cliquer ici]
Louange : Lecture du Psaume 19
1 Du chef de chœur. Psaume. De David.
2 Le ciel raconte la gloire de Dieu, la voûte céleste dit l'œuvre de ses mains.
3 Le jour l'annonce au jour, la nuit l'explique à la nuit.
4 Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, on n'entend pas leur voix.
5 Leurs mesures apparaissent sur toute la terre, leurs accents vont aux extrémités du monde ; c'est là qu'il a placé une tente pour le soleil.
6 Celui-ci, tel un marié sortant de sa chambre, tout content, se met en route, tel un vaillant guerrier.
7 Il s'élance des extrémités du ciel et achève sa course à l'autre extrémité ; rien n'est à l'abri de sa chaleur.
8 La loi de l'Éternel est parfaite, elle restaure la vie ; le témoignage du l’Éternel est sûr, il rend sage le naïf.
9 Les directives de l'Éternel sont droites, elles réjouissent le cœur ; le commandement de l'Éternel est limpide, il fait briller les yeux.
10 La crainte de l'Éternel est pure, elle subsiste à jamais ; les règles de l'Éternel sont vérité, elles sont toutes justes ;
11 elles sont plus précieuses que l'or, que beaucoup d'or fin ; plus douces que le miel, que le miel qui coule des rayons.
12 Moi-même, ton serviteur, je suis averti par elles ; pour qui les observe l'avantage est grand.
13 Qui peut connaître ses erreurs involontaires ? Tiens-moi pour innocent de ce qui m'est caché.
14 Préserve-moi aussi des gens arrogants ; qu'ils ne dominent pas sur moi ! Alors, je serai intègre, innocent de toute transgression grave.
15 Que les paroles de ma bouche et le murmure de mon cœur soient agréés de toi, Éternel, mon rocher et mon rédempteur !
Chantons notre louange :
Chant d'Assemblée : Psaume n° 107 dans le Psautier français, « », strophes 1, 2, 3 et 4 [cliquer ici]
Volonté de Dieu
Aime Dieu de tout ton cœur, de toute ta force et de toute ton intelligence Aime ton prochain comme toi-même.
Chant spontané : [cliquer ici]
Nous nous présentons devant Dieu
Qui sait si ce qu’il croit est juste, Éternel ? Qui pourra dire que sa vision de toi est la seule qui te reflète fidèlement ? Chaque fois que tu m’inspires, ta parole est vraie pour moi, telle que je la reçois, mais elle est vraie aussi quand tu inspires un autre, une autre, dans une autre contrée, dans un autre pays, dans une autre langue ou une autre culture. Pardonne l’arrogance qui nous saisit parfois et nous laisse penser que nous sommes les seuls à te connaître. Pardonne notre manque de curiosité, notre foi arrivée, notre orgueil spirituel. Éternel, devant l’intolérance, la défiance et les violences faites en ton nom, ne rompt pas ton alliance avec les croyants du monde entier qui te cherches et font parfois comme s’ils te possédaient. Que ta foi en nous, qui nous connait dans l’intimité du cœur, ne se lasse jamais de croire en nous, puisque nous peinons tant à croire pleinement en toi.
AMEN
Chant spontané : [cliquer ici]
Annonce de la grâce
Voici ce que dit Jésus :
« L’Esprit m’a envoyé pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres ; pour proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue. Et Jésus ajoute :
Aujourd'hui cette parole, quand vous l'entendez, est accomplie. » (Luc 4)
Qu’ainsi, tous ceux qui se sentent pauvres dans leur cœur se réjouissent de la Bonne nouvelle de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ,
Que tous ceux qui se reconnaissent aveugles reçoivent l’assurance que Dieu vient ouvrir leurs yeux,
Que tous ceux qui se sentent captifs sentent leurs chaînes tomber par la force de la Parole de Dieu.
Car aujourd'hui, cette parole est accomplie pour tout ceux qui l’entendent.
Chant spontané : [cliquer ici]
Confession de foi
Je crois que tu es le Dieu Un
Le même hier, aujourd’hui et demain
Je crois en ton amour unique pour tous les êtres humains
Je crois que nos religions sont nos langues pour dire ta grandeur et ta gloire
Et je crois que si j’étais née en d’autres temps ou d’autres lieux
j’aurais une autre langue pour dire ma foi en toi
Mais je crois que tu serais toujours « Dieu pour moi ».
Je crois en une amitié entre les croyants toujours possible
En un dialogue entre les chercheurs de vérité toujours possible
En une paix entre les religions toujours possible.
Je crois en une liberté religieuse toujours possible
en une religion utile pour le monde
En une critique théologique bénéfique pour tous
Mais je crois qu’il n’est pas possible d’y arriver
sans l’amour du prochain que tu inspires à toutes et tous
et qui reste si difficile à vivre réellement.
J’ai foi en la bonne volonté de celles et ceux qui sincèrement
cherchent à dire l’indicible de ta présence à leur côté.
Je crois en Jésus qui est un frère pour moi et qui est un prophète pour d’autres
et je n’affirmerai pas que j’ai raison contre eux car ni eux ni moi ne pouvons prouver que nous avons raison quand nous parlons de toi.
Mais toujours, j'affirmerai que nous avons raison de chercher ensemble,
même dans des langues différentes de foi pour trouver ensemble un chemin vers toi.
AMEN.
[Pasteure Béatrice Cléro-Mazire]
Chant spontané : [cliquer ici]
Prière d'illumination
Mon Dieu,
Fais-moi sortir des ténèbres vers la lumière.
Éclaire mon cœur par la science.
Donne-nous la lumière par laquelle nous serons dirigés vers toi.
Mon Dieu, mets la lumière en mon cœur,
lumière dans mes oreilles, lumière dans mes yeux,
lumière sur ma langue, lumière sur ma droite,
lumière sur ma gauche, lumière au-dessus de moi,
lumière au-dessous de moi, lumière devant moi,
lumière derrière moi.
Mets dans mon âme la lumière ;
inonde-moi de lumière ;
Seigneur, dilate mon cœur et aide-moi à bien agir.
Mon Dieu, je t'en prie,
mets la lumière dans notre vie,
la lumière à notre mort ;
que la lumière soit dans nos tombes
et au jour de la résurrection.
(Mansur Al-Hallâj)
Musique
« Avec le nom de Dieu Le Clément, Le Tout compassion. Louanges à Dieu auprès de qui nous cherchons soutien, guidance et miséricorde. C’est en Lui que nous prenons refuge contre les maux de nos passions ».
As salâmu aleykom/Que la paix soit sur vous
Prédication : Les notions de "muslim" et "d’islâm" dans le Coran
Les notions de « muslim » et « d’islâm » dans le Coran, commentaire sur les versets 77-78 de la sourate XXII (al Hajj/Le pèlerinage) ; verset 14 de la sourate XLIX (al Hujurât/les Appartements) ; et verset 35 de la sourate XXXIII (al Ahzâb/Les Coalisés) – Trad. J. Berque (avec quelques modifications éventuelles de ma part)
C’est dans une ambiance tendue par rapport à l’islam et aux musulmans en France que je me présente à vous aujourd’hui. En ce jour, de nombreuses marches contre l’islamophobie sont organisées partout dans le pays, pour dénoncer les discours haineux. En effet, ces derniers mois ne nous ont guère épargné en termes de discours anxiogène sur l’islam : « islamisme », « entrisme frériste », « voile », et cerise sur le gâteau, le « djihadisme d’atmosphère ». Jamais de définitions claires, jamais de nuance, toujours des discours globalisants. Au total, on ne fait plus de différence entre l’islam et les dérivés extrémistes. Alors, j'aimerais aujourd'hui proposer un temps de respiration, un temps qui nous permettra de plonger dans le texte coranique afin de comprendre, à partir du Coran, fondement de la religion islamique, ce que le texte entend par « muslim » et « islâm ». D’autant plus que le Coran fait de l’islam la religion des prophètes et même des apôtres de Jésus (as/sur lui la paix). Ainsi dans la sourate La Famille de Imrân (Eli ‘Imrâne-III) au verset 52 : « mais quand Jésus eut essuyé d’eux [des juifs auxquels il s’adressait] la dénégation, il dit : « qui prend mon parti pour aller à Dieu ? » Les apôtres dirent : « nous prenons le parti de Dieu. Nous croyons en Dieu. Témoigne que nous sommes de Ceux-qui-s’en-remettent [à Dieu] (muslimûn). » Plus loin, au verset 67, il est dit : « Abraham n’était ni juif, ni chrétien, mais c’était un croyant originel (hanîfan), un de Ceux-qui-s’en-remettent [à Dieu] (musliman). » On le voit, que le texte parle des Apôtres ou d’Abraham, dans les deux cas, les Apôtres et Abraham sont des muslimûn. Dans un certain nombre de traductions françaises du Coran, le mot est simplement rendu par « musulmans. » Or pour nous, le musulman est celui qui adhère aux cinq piliers de l’islam tels que formalisés par la tradition islamique (attestation de foi/la prière/l’aumône/le jeûne du mois de ramadan/ le pèlerinage à La Mecque). Je peux comprendre que certaines personnes puissent s’interroger, à minima, voire s’offusquer d’un tel raccourci. Du coup, je vous propose de nous poser la question de savoir si le terme coranique « muslim » veut réellement dire « musulman » ou s’il n’a pas un sens plus large.
Pour ce faire, et alors que cette notion revient au moins une quarantaine de fois dans le Coran, j’ai décidé de porter mon attention sur trois passages. Le premier tiré de la sourate Le Pèlerinage (al-Hajj-XXII) aux versets 77-78, où nous avons une forme de synthèse du concept de « muslim ». Puis le verset 84 de la sourate Jonas (Yunus-X), où se pose la question du rapport entre la foi et les œuvres. Et, non des moindres, le 35e verset de la sourate dite Les Coalisés (al-Ahzâb-XXXIII), où le texte semble rappeler plus qu’autre chose, que ce qu’il dit pour le « muslim », vaut tout autant, évidemment, pour la « muslima. »
1e séquence de versets 77-78 sourate Le pèlerinage (XXII) :
Croyants, inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, faites le bien, dans l’espoir de triompher
Dans ce premier passage, court et résumé, le Coran appelle les fidèles à s’incliner, à se prosterner et à adorer leur Seigneur. Mais il appelle aussi à la bonne action, à faire le bien dans « l’espoir de triompher », c’est-à-dire dans l’espoir de se rapprocher de Dieu et connaître la félicité (feleh). Autrement dit, en vue de réussir, spirituellement son cheminement, tout fidèle doit harmoniser sa pratique cultuelle avec son éthique de vie. Prier va de pair avec une attitude plus générale que l’on peut qualifier de « bel-agir » (ihsân). C’est-à-dire la pratique cultuelle d’une part ; mais aussi le bel-agir (ihsân) d’autre part. Dans le contexte islamique, ce bel-agir renvoie à l’action bonne et juste. Dans un autre passage coranique, une définition d’une belle action est donnée dans la sourate "Ils s’articulent" (Fussilat-XLI), au verset 34, le Coran dit : « Belle et mauvaise action ne s’équivalent : repousse (la mauvaise) par une plus belle, et voilà que celui qu’opposait à toi l’inimitié mutuelle prend les traits d’un allié chaleureux. » Le bien n’est pas égal au mal, il lui est supérieur. Le bien privilégie la réconciliation et l’entente. Raisons pour laquelle il faut le privilégier.
Donc ce premier verset insiste sur la double action bonne et juste envers Dieu via le culte (l’inclination, la prosternation, l’adoration) ; mais aussi envers les Hommes via la notion du bel-agir. Le tout, en portant dans son cœur l’espoir comme carburant de l’action. Par conséquent, l’espoir de se rapprocher de Dieu nourrit la force du croyant à se relier à Dieu dans un mouvement vertical d’une part, et pour se relier aux autres, aux humains dans un mouvement horizontal d’autre part. Le verset suivant est encore plus instructif quant à la notion de muslim.
Efforcez-vous en Dieu du vrai de Son effort. Il vous a élus. Il ne met aucune gêne pour vous dans la religion, en tant que fidèles à la communauté de votre père Abraham. C’est lui qui jadis vous a nommés Ceux-qui-s’en-remettent [à Dieu] (muslimîn). Qu’en cela l’Envoyé soit votre témoin, et vous les témoins des hommes. Élevez la prière. Acquittez la purification. Faites de Dieu votre rempart. Il est votre Maître : heureux Maître, et sûr Secourant !
Ce deuxième verset (XXII, 78), appelle les fidèles à faire les efforts nécessaires, à proportion de ce que Dieu mérite en vue de l’atteindre. Autrement dit, il faut être prêt à fournir suffisamment d’efforts pour aller, et cheminer vers le divin. Conscients de cette nécessité de s’efforcer et de toujours mettre le cœur à l’ouvrage, les croyants sont « élus », en ce sens qu’ils sont choisis pour porter le message divin et le transcrire dans leurs paroles et dans leurs actes. Ils sont plus prompts à le faire d’autant plus qu’ils sont mués d’une part par leur espoir, mais aussi, riches de l’expérience et des enseignements des prophètes et des sages passés d’autre part. C’est ainsi qu’ils sont les fils et filles spirituels de leur père Abraham. Ils connaissent le chemin emprunté par ce dernier. Celui-ci avait cherché Dieu, avait fini par le trouver (sourate VI Les Troupeaux “al-An’âm“, versets 74-81), avant de remettre son cœur à l’ouvrage, à son tour, et de demander de nouvelles preuves à son Seigneur afin qu’il « tranquillise » son cœur (sourate II La Vache “al-Baqara“, verset 260). Mais dans la perspective coranique, l’effort ne fait pas peur. Car il est pris en charge et intégré pleinement dans la vie spirituelle. C’est d’abord un choix, et non une charge : « point de contrainte en matière de religion : droiture est bien distincte d’insanité » (II, 256). De plus, à considérer qu’on se lance, l’effort auquel l’on serait confronté est toujours à notre portée, le Coran enseigne que : « Dieu n’impose à une âme que selon sa capacité. En sa faveur ce qu’elle aura acquis, à sa charge ce qu’elle aura commis » (sourate II, verset 286).
Pour comprendre la fin de ce passage, nous pouvons nous appuyer sur le travail d’un chercheur coranologue, professeur à l’université de Louvain, Mehdi Azaiez, qui nous explique le Coran s’adresse à trois publics : a. le prophète Muhammad (ra) ; b. au public qui entoure le prophète (disciples, adversaires, tiers) ; et c. aux fidèles et aux lecteurs à travers les âges. Ainsi, l’Envoyé, c’est-à-dire le prophète Muhammad (sawas), est témoin de l’action de ses disciples d’une part ; mais que les fidèles des autres époques seront eux-mêmes les témoins des hommes de leurs temps à travers les âges. Ils accomplissent les bonnes œuvres, et ensuite, constatent de qui se guide et de qui s’égare. Mais eux, auront accompli leur tâche, de représenter le message vivant provenant de Dieu, en n’étant ni une police de conscience, ni des inspecteurs des bonnes mœurs, mais juste des balises placées par Dieu dans l’existence des Hommes.
Ainsi, dans cette première séquence, les muslimûn, portés par l’espoir, alignent leur pratique cultuelle et éthique d’une part. Ce sur quoi insiste les deux dernières lignes du verset, « élever » la salât, le lien avec le Seigneur, marquant le rapport vertical. « L’acquittement de la purification », autrement dit, se détacher des biens matériels, pour donner à ceux dans le besoin et souligner ainsi l’aspect horizontal que l’on ne doit jamais négliger. Dieu est notre Maître, au sens de Celui qui enseigne, voire qui élève, c’est donc vers Lui que nous devons cheminer, Il est celui qui protège et nous montre la voie quand le chemin semble obstrué.
2e séquence de versets verset 84 de la sourate Jonas (X) :
« Moïse dit : « O mon peuple, si vous croyez en Dieu, eh bien ! remettez-vous-en à Lui (tawakkalû), pour autant que vous soyez de Ceux-qui-se-soumettent (muslimîn) ».
Le deuxième passage qui m’intéresse est tiré de la sourate Jonas, c’est le 84e verset. Dans ce verset, Moïse dit à son peuple que si celui-ci est véritablement croyant, alors il doit procéder au tawakkul, c’est-à-dire la remise de soi confiante à son Seigneur. Ce verset me pose un problème, car j’ai tendance à traduire muslim, par Celui-qui-s’en-remet [à Dieu], mais là, ce sens est déjà celui de tawakkul. C’est une notion fondamentale qui revient constamment dans le Coran. D’après la recherche lithographique, en cours dans la péninsule arabique : dans les premiers temps de l’islam, il semble que ce terme servait très couramment aux convertis pour annoncer leur islamité. Des formules gravées dans la pierre stipulant que tel s’en est remis à Dieu et éventuellement à Son prophète ont été découvertes de façon récurrente. Il ne s’agit pas de la shahada aujourd’hui formulée par « j’atteste qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Muhammad est le messager de Dieu », mais de formule plus courte, qui reprenait surtout la première partie de la shahada, en disant « j’atteste [ou tel ou telle] qu’il n’y a de Dieu que Dieu » ou encore « je [ou tel ou telle] s’en remet à Dieu », et parfois au prophète, en mentionnant la date éventuellement. Un autre verset coranique (sourate LXV La Répudiation “al-Talâq“, verset 3) dit : « Qui fait confiance à Dieu (men ytawakal), Dieu lui sera suffisance — Dieu toujours réalise Ses fins. — Dieu pour toute chose établit une mesure. »
Autrement dit, Dieu ne pousse pas vers l’inatteignable, vers l’impossible. Tout ce que nous devons faire, nous pouvons le faire. Et ce que nous ne pouvons pas faire, nous n’avons pas à le faire conformément à ce verset, mais aussi à un autre plus explicite « Dieu n’impose à une âme que selon sa capacité » (II, 286). Ce faisant, l’accent est mis sur le fait que la foi nous pousse à nous lancer en quelque sorte, à entreprendre de faire quelque chose, surtout si c’est une bonne chose, tout en ne pensant pas aux résultats concrets de l’action. À nous l’acte, et pour les fruits de cet acte, il faut s’en remettre à Dieu de façon confiante et dire inchallah. C’est ainsi qu’un jour, un homme est venu voir le prophète, avec tout ce qu’il avait appris sur la religion, il ne savait pas quoi penser sur le rapport aux œuvres. Alors il posa la question au prophète de façon très terre à terre. « Ô prophète, lui dit-il, dois-je attacher (a’qilha) ma chamelle ? ou dois-je m’en remettre à Dieu (tawakul) ? » et le prophète de répondre « attache-la et remets-toi à Dieu (a’qilha wa tawakul). » Ce hadith est très largement diffusé, très connu, de même que la notion de tawakul. À tel point qu’il n’est pas rare de voir des tableaux chez les gens, ou des autocollants dans leurs voitures avec cette formule « tawakaltu ala Allah », « je m’en remet à Dieu ». Ce qu’il faut comprendre pour nous, c’est que le « tawakul » est un équivalent de « islâm », et nul ne peut prétendre avoir atteint de degré véritable de la foi s’il n’arrive pas à cet état de l’âme qui est d’avoir une confiance absolue envers Dieu, et ce qu’il doit vivre comme un savoir, c’est qu’ultimement, Dieu est là, Il est le recours absolu. À partir de ce postulat, nous voilà préparé à œuvrer sur Son chemin, chemin que l’on sait difficile, mais dont l’exploration nous est offerte, car nous Le savons toujours là au plus près de nous.
3e séquence, verset 35 de la sourate Les Coalisés (XXXIII)
« Ceux et Celles-qui-se-soumettent (muslimîn wal muslimât), les croyants et les croyantes, les dévotieux et les dévotieuses, les hommes et les femmes de véridicité, de patience et de crainte, ceux et celles qui font l’aumône, jeûnent, contiennent leur sexe, pratiquent assidûment le Rappel, Dieu leur ménage Son indulgence, un salaire grandiose. »
Dernier passage de notre recension matinale, ce verset me semble révolutionnairement banal, ou banalement révolutionnaire au vu de l’image que l’on s’évertue de donner des musulmans. Que cela vienne de non-musulmans, mais aussi de musulmans, cherchant à se conformer à l’image de misogynes qu’on leur renvoie. Parlons de ce que la tradition appelle, « les circonstances de la révélation » (asbâb al nuzûl), à savoir la ou les causes qui expliquent les raisons pour lesquelles un ou des versets ont été révélés. Ici, c’est Um Salama, une épouse du prophète qui lui demanda un jour pourquoi le Coran était rédigé au pluriel masculin, d’autant plus qu’elle affirma que les femmes pratiquaient aussi assidument que les hommes, croyaient de la même manière et se sacrifiaient de la même manière. Ne voulant pas donner de réponse hâtive, comme souvent, le prophète demanda à son épouse de patienter que Dieu le guide et lui explique la chose. Peu de temps plus tard, alors qu’il était en plein prône du vendredi, ce verset lui fut révélé. En vérité, ce verset n’apporte rien de neuf, si ce n’est qu’il rappelle les évidences de ce qu’est un.e musulman.e. Le tout rédigé au pluriel masculin et féminin. Quand on lit le verset, cet aspect, égalitaire, semble aller de soi. Mais il a quand même fallu l’expliciter pour rendre la chose claire. Rappelons que le premier mouvement politico-religieux musulman qui revendiqua la possibilité aux femmes de devenir imames, au sens de calife, mais aussi d’imame de la mosquée, remonte à 696/697 avec le parti d’un kharijite nommé Shabîb b. Yazîd al-Shaybâni (m. 698). Avec nos termes d’aujourd’hui, nous aurions parlé d’un mouvement féministe. Le premier mouvement islamo-féministe de l’histoire (hors de l’époque du prophète), date d’une soixantaine d’années après la mort du prophète en 632.
Ainsi, pour répondre à la question initiale de cette prédication, le mot « muslim » dans son acception coranique ne recouvre pas ce que nous, aujourd’hui, appelons musulmans. Le muslim du Coran est celui ou celle qui est dans une disposition d’esprit qui se caractérise par une foi vivante qui englobe à la fois la vie cultuelle et la vie pratique, au quotidien. Nous ne sommes pas des muslimûn uniquement au moment du culte, mais tout le temps. Cela doit se traduire dans l’éthique même du ou de la croyante. Et dans cette attitude, ce qui marque le plus, c’est la confiance, la remise de soi dans une confiance absolue et totale envers notre Seigneur. Ce qui le mène à se livrer à Dieu (se livrer à, est une proposition de traduction par un jeune paroissien d’origine libanaise du Temple de l’Oratoire, très juste et belle idée, qu’il en soit remercié). En somme, à bien y regarder, je crois que l’état de muslim au sens coranique, et l’idéal régulateur, l’objectif de tout musulman aujourd’hui. Alors oui, dans ce sens, les Apôtres, Abraham, mais aussi Moïse, Jésus, Jonas, Muhammad, sur eux tous, la paix, étaient des muslimîn.
Wa Allahu a’lam/ Et Dieu sait le mieux
Merci pour votre écoute et pour votre accueil.
« Et que la paix et la grâce de Dieu soient sur vous »
Chant d'Assemblée : Psaume n° 72 dans le Psautier français, « Revêts Seigneur de ta justice », strophes 1, 2, 3 et 4 [cliquer ici]
Annonces et Collecte Musique
Prière d’intercession
Toi le Dieu Polyglotte, tu parles à chacun dans le secret du cœur et tu nous réunis par ton Esprit de fraternité. Aide-nous à vivre cette fraternité en parole et en acte dans notre société.
Toi le Dieu polyglotte, tu parles à tes enfants de diverses façons et pas un ne croit en toi comme son frère ou sa sœur. Aide-nous à comprendre cette relation de foi de chacun avec toi et garde-nous de toute intolérance.
Toi le Dieu polyglotte, tu nous ouvres l’esprit à ce qui nous est inconnu, « impensé », et parfois impensable. Aide-nous à ne pas refuser d’entendre le récit d’autres réalités qui nous paraissent impossibles à accepter ou à comprendre, rends-nous hospitaliers pour la Parole de notre prochain.
Toi le Dieu polyglotte, tu nous as promis à la polyphonie en te faisant connaître de diverses manières, aide-nous à saisir la chance que représente la diversité des religions et garde-nous de vouloir tout ramener à notre notre propre tradition de foi.
Toi le Dieu polyglotte, tu luttes pour que la langue de la haine ne vienne pas travestir les langues des croyants. Tu nous appelles à la sagesse, à l’amour et à la justice pour que nous puissions vivre ensemble de nos différences et découvrir ainsi que tu es notre Dieu. Accorde-nous de ne pas céder sur l’exigence de la diversité.
Toi le Dieu polyglotte, tu te tais dans nos silences et tu veilles sur nos doutes. Aide-nous à traverser les moments de jachère où la terre de notre esprit doit se reposer de tout jugement. Accorde-nous la patience et la sagesse.
Toi le Dieu polyglotte, tu accueilles toute prière et toute révolte avec le même amour, Aide-nous à t’aimer et à aimer notre prochain avec la même constance. AMEN.
[Pasteure Béatrice Cléro-Mazire]
Notre Père
Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ;
pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal,
car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
aux siècles des siècles. Amen.
Bénédiction
Frères et sœurs, quand vous sortirez d’ici, souvenez-vous que vous avez pris le temps d’écouter une autre voix, une autre foi et d’autres mots pour les dire. Ainsi vous pourrez témoigner qu’il est possible de s’entendre à condition de s’écouter, de se comprendre à condition de s’accueillir, et aussi de ne pas se comprendre entièrement, à condition de se respecter. Vous serez ainsi "artisans de paix" dans ce monde.
Chant spontané : [cliquer ici]
Paroles des chants du culte du 11 mai 2025
Psaume : Psautier français n°107 « Louez Dieu pour sa grâce », Strophes 1 à 4
Strophe 1
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Cantique : Louange et Prière n°170 « Viens habiter dans nos âmes », Strophes 1 & 2
Strophe 1 |
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Psaume : Le Psautier français n° 72 « Revêts, Seigneur de ta justice », strophes 1 à 4.
[Pour écouter, cliquer ICI]
1 - Revêts, Seigneur, de ta justice
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3 - Comme l’ondée il renouvelle,
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Paroles des répons du temps de Pâques
Après la salutation
Répons : « Ô Seigneur ta fidélité » (Ps. 36, str. 1).
Ô Seigneur ta fidélité
remplit les cieux et ta bonté
Dépasse toute cime.
Ta justice est pareille aux monts
Tes jugements sont plus profonds,
Que le plus grand abîme.
De la puissance du néant
Tu veux sauver tous les vivants,
Toute chair, toute race,
Les hommes se rassembleront,
Autour de toi, ils trouveront,
Leur paix devant ta face.
Après la volonté de Dieu
Répons : « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute » (Arc-en-Ciel n°484, str.3)
Proclame ta Parole,
Lumière pour nos vies,
Rassemble tous les membres
En un seul corps, unis,
Et fais de tous les hommes
Tes instruments de paix
Pour restaurer le monde,
Selon ta volonté !
Mon Rédempteur est vivant,
C’est en lui seul que j’espère,
La mort le tenait gisant
Dans l‘étreinte de la terre ;
Mais Dieu reste le plus fort,
Jésus a vaincu la mort.
Après l’annonce de la grâce
Répons : « Mon Rédempteur est vivant » (L&P n°149 ou Arc-en-Ciel n°475, str.2)
Je ne craindrai désormais
Aucun pouvoir de ce monde
Car tu nous donnes la paix
Où toute autre paix se fonde,
Garde-nous dans ta clarté,
Ô Jésus ressuscité.
Après la confession de foi
Répons : « Mon Rédempteur est vivant » (L&P n°149 ou Arc-en-Ciel n°475, str.3)
Dans ma vie de chaque jour,
Je partagerai ta gloire ;
Je vivrai dans ton amour
Le bonheur de ta victoire.
Et dans ton éternité,
Nous chanterons ta beauté.
Après la bénédiction
Répons : « Ô Seigneur, tu nous as fait voir » (Ps. 68, str.5).
O Seigneur, tu nous as fait voir
Et ton amour et ton pouvoir
Dans mainte délivrance.
Fais-nous voir encore aujourd’hui
L’œuvre que ton amour construit
Et quelle est ta puissance.
Toute la terre et tous les cieux
Ensemble tournés vers leur Dieu
Célèbrent sa présence :
À toi qui fais notre bonheur,
À toi, grand Dieu, soient tout honneur,
Force et magnificence.
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