Figures oratoriennes

Pierre de Bérulle

Cardinal Pierre de Bérulle, buste en marbre dans l'église Saint Eustache à Paris

Pierre de Bérulle disait que pour former de vrais prêtres, il fallait les mener à la source de la vérité, les « saints livres » ; car « l'Arche s’est trouvée en d’autres mains que celles des lévites : c’est par là que notre misérable Genève nous a surpris ». Bérulle reconnaissait ainsi sa dette à la Réforme… Comme les protestants l’avaient fait avant l’Oratoire, il fallait non seulement s’abreuver aux sources, mais convaincre : Massillon aimait à répéter qu’il avait pour devise : docere, placere, movere (instruire, plaire, émouvoir) et nombre d’Oratoriens, parmi les plus connus, furent des prédicateurs de premier ordre.

Paul Métezeau, Senault

Dans les premiers temps de l’Oratoire, les sermons de Paul Métezeau, le frère de l’architecte, attiraient le public de la Cour, qui traversait le jardin pour se rendre dans l’enclos des Oratoriens ; le Père Senault, l’un des successeurs de Pierre de Bérulle à la tête de la congrégation, fut l’un des orateurs les plus admirés à l’époque de la régence d’Anne d’Autriche ; il avait une vingtaine de copistes à son service et ses sermons couraient de main en main ; il forma plusieurs élèves, en particulier Jules Mascaron.

Mascaron

Jules Mascaron, un bel esprit qui fréquentait l’hôtel de Rambouillet : ce dernier, dans l’incipit de l’oraison funèbre du duc de Beaufort, déclarait avec satisfaction: « Dieu fait encore par ses prédicateurs dans l’Église ce qu’il faisait autrefois par ses prophètes dans la Synagogue ».

Mascaron prononça à l’Oratoire du Louvre en 1666 l’une des 22 oraisons funèbres qui furent dédiées à Paris à la reine Anne d’Autriche ; il présida aux services de l’Avent et du Carême au Louvre entre 1666 et 1670, ainsi qu’aux obsèques de personnages de premier plan, Henriette d’Angleterre en 1670 au Val de Grâce, le duc de Beaufort la même année à Notre Dame, le chancelier Séguier au couvent des Carmélites de Pontoise en 1672, le vicomte de Turenne au couvent des Carmélites de Paris en 1675….

Malebranche

Son contemporain, le Père Malebranche, qui avait fait son noviciat rue Saint Honoré, revint de Saumur où il s’était formé à la théologie pour ne plus quitter l’Oratoire du Louvre jusqu’à sa mort le 13 octobre 1715 ; il fut enterré sous le chœur de l’église, l’actuelle grande Sacristie. Il avait découvert Descartes en 1664, écrit la Recherche de la Vérité entre 1668 et 1673 ; sortant de la richissime bibliothèque de l’enclos, il aimait faire la pause en prenant avec son ami Massillon le « café des prédicateurs ».

Massillon

Autre belle figure, celle de Jean-Baptiste Massillon, ce Provençal qui passa vingt et un ans à l’Oratoire du Louvre. Célébré par la Cour, il était jalousé par le Père La Chaise, qui le suspectait de jansénisme : alors que Bourdaloue déclarait « Nous avons tous le droit d’espérer que nous serons du nombre des élus », Massillon avait prononcé à Saint-Eustache un sermon sur Luc IV, 27 en s’écriant : « Froment de Dieu, démêlez vous de cette paille destinée au feu ! Ô Dieu ! Où sont vos élus ? ».

Son oraison funèbre d’un Villeroy à Lyon en 1693 s’adressait ainsi aux prélats de Cour :

« Qu’aurez-vous à répondre au tribunal de Jésus-Christ, vous qui n’êtes montés qu’en rampant sur le trône sacerdotal ; vous qu’on ne voit assis dans le sanctuaire du Dieu vivant que pour avoir été longtemps debout dans les antichambres des grands ! »

Cette hauteur de la pensée et du verbe ne l’écarta pas de la vue du Roi puisqu’il célébra le Carême à Versailles en 1701 et 1704, et présida aux obsèques du prince de Conti en 1709 à Saint André des Arts, de Monseigneur le Grand Dauphin à la Sainte Chapelle en 1711, du roi Louis XIV lui-même à la Sainte Chapelle en 1715 (« Dieu seul est grand, mes frères ! »), de la princesse Palatine à Saint-Denis en 1723.

La tradition d’éloquence de la chaire est toujours vivante à l’Oratoire du Louvre, par-delà les disputes et les guerres implacables menées au nom du Roi Très Chrétien et de l’Église de France et les sermons prononcés sous les voûtes de l’église par les pasteurs depuis l’Empire et jusqu’à nos jours entretiennent, dans le climat apaisé de la République et de l’ouverture sur le monde, la proclamation d’une Bonne Nouvelle pour tous.

Histoire critique du Vieux Testament par Richard Simon

Richard Simon

Richard Simon (1638-1712) : ordonné prêtre en 1670, il apprend l’hébreu et le grec ancien (les langues de la Bible), mais aussi le syriaque et il publie en 1678 son "Histoire critique du Vieux Testament". Ses bonnes relations avec les protestants lui font envisager la première traduction œcuménique qui ne pourra se faire en raison de la révocation de l'édit de Nantes (1685) et encore plus par manque de financement. Il a été marginalisé dans l'Église catholique, en particulier par les attaques de Bossuet, mais néanmoins, son œuvre a eu un réel impact sur la pensée, encore plus sensible au XIXe qu'au XVIIIe, inaugurant les travaux pour une lecture historico-critique de la Bible.

Il distingue l'authenticité littéraire de l'authenticité scripturaire. Par exemple, il fait valoir que cela n'a pas d'importance que le Pentateuque ait été ou non écrit vraiment par Moïse, et les livres de Samuel, Josué, Ésaïe,... par ces personnes elles-mêmes. En effet, pour lui, ce qui est important n'est pas ce type d'authenticité, car ce n'est pas la personne de Moïse qui donne de l'autorité au Pentateuque, mais l'inspiration de l'Écriture.

Philippe Braunstein,
extrait du livre du bicentenaire