La prière conquérante
Marc 11:25
Culte du 5 août 1945
Prédication de André-Numa Bertrand
Culte à l'Oratoire du Louvre
5 août 1945
« La prière conquérante »
Culte présidé par le pasteur André-Numa Bertrand
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Émission de la Fédération protestante à la Radiodiffusion française
« Tout ce que vous demandez dans vos prières, croyez que vous l'avez reçu, et vous l'aurez. » Marc XI, 25
Prédication
La prière de Jésus tient plus de place dans sa vie que dans ses paroles ; aussi savons-nous assez peu de chose sur elle, et lorsque nous essayons d'évoquer les entretiens du Sauveur avec Dieu, pour y chercher l'inspiration de notre propre prière, nous avons l'impression de nous trouver au bord d'un océan dont l'autre rive se perd dans un lointain inaccessible non seulement à nos regards, mais à notre pensée elle-même. Nous savons seulement que la prière de Jésus était infiniment diverse et multiple : d'une part, nous voyons Jésus passer des nuits en prière, et en revenir transformé à ce point que son visage de chair reflète l'éclat dont brillait aux yeux de Dieu le visage de son âme ; la prière sacerdotale peut nous donner une idée de ces méditations trop ardentes pour demeurer silencieuses ; elle peut représenter à nos yeux le cadre dans lequel se serait déroulé un de ces entretiens mystérieux, où le cœur de Dieu discernait plus de pensées que les mots n'en expriment pour des oreilles humaines. Et, d'autre part, il y a eu dans la vie de Jésus des prières brèves, nettes, qui visaient un point particulier, un vœu jaillissant du cœur de Jésus, par exemple, lorsqu'il demande, lorsqu'il obtient peut-être faudrait-il dire : lorsqu'il enlève d'un seul effort — la guérison d'un malade ou le salut d'un pêcheur.
Et c'est à cette forme de prière que s'applique évidemment la parole qui est à la fois une leçon et une promesse : « Tout ce que vous demandez dans vos prières, croyez que vous l'avez reçu, et vous l'aurez ».
Étrange parole en vérité, et qui jette un jour singulièrement vif sur les hésitations de nos cours, la timidité de notre foi, comme sur l'ardeur conquérante que Jésus voudrait voir dans nos prières. Au premier abord, il semble que nous ayons là une de ces formules paradoxales familières à Jésus, comme dans les lignes qui précèdent la parole que nous méditons : « Si vous aviez de la foi gros comme un grain de moutarde, vous diriez à cette montagne soulève-toi et jette-toi dans la mer, et cela se ferait ». Mais non ; il y a ici, au contraire, l'expression très nette et très précise d'une vérité positive.
Pour Jésus, la prière ne doit pas être une mendicité hésitante, une main tendue vers les grâces de Dieu avec des réticences, des mouvements en arrière, des peut-être et des « je voudrais » ; elle doit être un élan qui nous précipite au cœur même de l'amour divin, et s'empare de ses promesses avec la certitude que déjà elles sont à nous. Songez à ce malheureux père qui, après s'être heurté à l'impuissance des disciples, demande à Jésus la guérison de son fils, guérison dont Jésus lui-même dit qu'elle ne peut être obtenue que par la prière ; pourquoi Jésus obtient-il seul ce magnifique exaucement ? Parce que le père dit « si tu peux », et les disciples, sans doute « si tu veux » ; mais Jésus, chaque fois qu'il sollicite une grâce de cette nature, s'en empare au moment où il la demande, il en parle au passé comme d'un fait déjà acquis, d'une chose qu'il a déjà reçue ; et il faut bien que déjà il la possède, puisque déjà il la donne : « Ta foi t'a sauvé, tes péchés te sont pardonnés ». Merveilleuse puissance de la foi, qui est une anticipation sur la bonté de Dieu, et dont Jésus nous livre le secret dans sa parole lapidaire : « Tout ce que vous demandez, croyez que vous l'avez reçu, et vous l'aurez ».
Que de choses cette parole éclaire dans notre vie chrétienne, dans ses succès et surtout dans ses échecs. Nous avons entrepris, par exemple, de déraciner en nous un vice familier ou simplement un défaut, nous avons mis Dieu avec nous par la prière, et cependant nous échouons, nous retombons dans les fautes que nous voulions fuir. Pourquoi ? Parce que ces défauts dont nous voulons nous défaire, nous les voyons encore comme une réalité devant Dieu, comme une force capable de Lui résister ; nous ne croyons pas qu'ils sont déjà vaincus, déjà anéantis devant Lui ; nous leur gardons ainsi des racines dans notre âme, nous tremblons devant eux, devant leurs retours offensifs, alors que c'est devant Dieu qu'il faudrait trembler. Nous ne voyons pas que Dieu est tout de même autre chose qu'un auxiliaire que nous prenons à notre service par la prière, et dont nous avons peur qu'il ne sache pas nous vaincre dans ce que nous avons de mauvais. Cependant, il est la réalité essentielle, en dehors de laquelle nous ne sommes rien, et en qui nous trouvons toute chose, pourvu que nous les demandions comme les ayant reçues d'avance.
Je songe à ces catéchumènes qui entrent dans la vie chrétienne avec une joie authentique et une foi sincère en Celui qu'on leur a montré comme seul capable de les guider ; ils sont partis, appuyés sur Dieu. Oui, il faut le dire parce que c'est vrai : appuyés sur Dieu. Et ils ne sont pas arrivés au but qu'ils s'étaient fixé par leurs engagements. Pourquoi ? Parce qu'ils se sont avancés sur la voie du Christ avec timidité, demandant chaque jour ce qu'ils tremblaient de ne pas obtenir ou de ne pas savoir mettre à profit ; parce qu'ils ne sont pas entrés dans la vie chrétienne comme dans un champ qui était à eux par droit d'adoption, que le Christ avait aménagé à leur intention comme le don que leur réservait son amour, et où ce qu'ils demandent leur est déjà donné. Comme ils se disent à eux-mêmes : « si je pouvais », ils disent à Dieu « si tu peux »; comme ils se disent : « je voudrais », ils lui disent « voudrais-tu ? » Cependant, il fallait dire : « Parce que Tu veux, et que déjà Tu m'as donné cette vie chrétienne que je te demande ; parce que de Jésus à moi ta grâce ne vient pas comme une réalité extérieure et arbitraire, mais comme une vie qui était la sienne et qui est devenue la mienne ; je Te bénis, ô Père, pour la nouvelle naissance que j'ai reçue et que je te demande encore comme un don sans cesse renouvelé.
« Il fallait dire... » c'est là une formule maladroite, car vous entendez bien, Frères et Sœurs, qu'il ne s'agit pas de paroles, mais d'une attitude de tout l'être ; il s'agit non de ce que nous disons, mais de ce que nous sommes. Ce que veut Jésus, c'est que nous soyons tellement établis dans la grâce de Dieu, que lorsque notre cœur s'ouvre devant Lui par la prière, demander et recevoir nous soient une même certitude, une même paix et une même joie. Alors, nous comprendrons que derrière l'exigence du Christ réclamant de nous une foi totale, il y a aussi une magnifique promesse : Celui qui croit avoir reçu ce qu'il demande dans sa prière, celui-là le trouvera. On songe à la parole célèbre « Cherchant comme devant trouver, trouvant comme devant chercher encore ». Le chrétien prie comme ayant déjà reçu ; il reçoit comme devant demander encore. Tel est le cycle béni de l'amour divin engendrant la foi, de la foi accueillant l'amour ; telle est la prière dans le cœur du Christ ; telle il veut qu'elle soit dans le cœur du chrétien.
Ainsi soit-il.
Pour aller plus loin
- A.-N. Bertrand, P. Vergara et G. Vidal, Voix chrétiennes dans la tourmente, 1940-1944, 15 prédications durant l'Occupation (lire sur notre site)
- A.-N. Bertrand, Berger d'âmes, 1945-1946, 8 prédications (lire sur notre site)
- Marc Boegner, P. Vergara, service funèbre hommage au pasteur A.N. Bertrand
- Sur le plan de l'Oratoire, portrait du pasteur André-Numa Bertrand
Lecture de la Bible
Psaume 100
Psaume de reconnaissance.
Acclame le Seigneur, terre entière !
Servez le Seigneur avec joie,
entrez en sa présence avec des cris de joie !
Sachez que le l’Éternel [YHWH] est Dieu :
c'est lui qui nous a faits, et nous lui appartenons ;
nous sommes son peuple, le troupeau qu'il fait paître.
Entrez par ses portes avec reconnaissance,
entrez dans les cours de son temple avec des louanges !
Célébrez-le, bénissez son nom !
Car le Seigneur est bon : sa fidélité est pour toujours,
sa constance de génération en génération.
Marc 9:16-29
Il leur demanda : De quoi débattez-vous avec eux ? De la foule, quelqu'un lui répondit : Maître, je t'ai amené mon fils, qui a un esprit muet. Où qu'il le saisisse, il le jette à terre ; l'enfant écume, grince des dents, et devient tout raide. J'ai prié tes disciples de chasser cet esprit, et ils n'en ont pas été capables. Il leur dit : Génération sans foi, jusqu'à quand serai-je avec vous ? Jusqu'à quand vous supporterai-je ? Amenez-le-moi. On le lui amena. Aussitôt que l'enfant le vit, l'esprit le secoua violemment ; il tomba par terre et se roulait en écumant.
Jésus demanda au père : Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? – Depuis son enfance, répondit-il ; souvent l'esprit l'a jeté dans le feu et dans l'eau pour le faire périr. Mais si tu peux faire quelque chose, laisse-toi émouvoir et viens à notre secours ! Jésus lui dit : « Si tu peux ! » Tout est possible pour celui qui croit. Aussitôt le père de l'enfant s'écria : Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !
Jésus, voyant accourir la foule, rabroua l'esprit impur en lui disant : Esprit muet et sourd, c'est moi qui te l'ordonne, sors de cet enfant et n'y rentre plus ! Il sortit en poussant des cris et en le secouant très violemment. L'enfant devint comme mort, de sorte que la multitude le disait mort. Mais Jésus, le saisissant par la main, le réveilla, et il se releva.
Quand il fut rentré à la maison, ses disciples, en privé, se mirent à lui demander : Pourquoi n'avons-nous pas pu le chasser nous-mêmes ? Il leur dit : Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière.