Élie n’est pas seul

1 Rois 19:9-18

Culte du 10 septembre 2023
Prédication de Jean Loignon

Vidéo de la partie centrale du culte

Culte à l'Oratoire du Louvre

10 septembre 2023
563ème jour de la guerre en Ukraine

« Élie n’est pas seul »

Culte présidé par Jean LOIGNON, théologien et historien, et par la Pasteure Agnès ADELINE SCHAEFFER
Prédication de Jean LOIGNON
avec Aurélien PETER, organiste suppléant, à l'orgue

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Orgue

Salutation 
La grâce et la paix nous sont données... Ces mots ne sont-ils pas entendus comme une douce routine finissant par ne marquer que l'ouverture du culte ? Comment leur rendre leur sens et leur force, sinon en proclamant que c'est par l'Esprit de Dieu notre Père et de Jésus-Christ son Fils, notre Sauveur, que nous sont données cette paix et cette grâce par laquelle nous vivons. Amen.

Accueil 
Bienvenue à chacun, chacune pour ce temps de culte. Bienvenue à celles et ceux qui nous rejoignent par le site internet ou par les réseaux sociaux. Nous sommes en communion les uns avec les autres.
Soyez les bienvenus dans ce temple de l’Oratoire du Louvre, vous tous les paroissiens fidèles, et les personnes de passage qui sont là peut-être pour la première fois.
Merci à Aurélien Peter qui nous accompagne à l’orgue ce matin.

J’ai la grande joie d’accueillir ce matin notre prédicateur du jour, en la personne de Jean Loignon. Il se qualifie lui-même de « tard venu à la foi », fruit d’une mission inattendue dont il vous touchera un mot. Mettant les bouchées doubles pour combler je ne sais quel retard, il s'est engagé dans divers chantiers : musées protestants, presse régionale protestante, études de théologie, Église locale à Clamart / Issy-les-Moulineaux dont il a été président de Conseil Presbytéral, plus la participation aux synodes régionaux et nationaux de l'ERF puis de l'EPUdF. Sa retraite l'a conduit à Saint-Nazaire mais aussi au Québec où il compagnonne activement avec la Table des Ministères en français de l'Église Unie du Canada.

Que chacun de vous se sente ici chez lui dans cette maison de prières, pour ce moment où nous voulons nous mettre en présence de Dieu, écouter sa parole et la méditer.

Prions 
Dieu notre Père, nous te remercions pour ce jour et cette heure, mis à part dans notre vie. Sur la route de nos vies, ils sont comme une borne près de la quelle nous pouvons faire halte et nous retourner sur le chemin parcouru. Sous ton regard aimant, nous pouvons alors mesurer ce que nous avons reçu, ce que nous avons donné ; par la Parole que nous allons entendre, assemblés avec nos frères et nos sœurs, par l'exemple et l'enseignement de ton Fils Jésus-Christ, nous trouverons les forces pour nous remettre en route et aller vers toi et ton Royaume d'amour. Louange à toi, Dieu notre Père !

Répons : Bénissons Dieu le seul Seigneur
Bénissons Dieu le seul Seigneur
Nous qu’il choisit pour serviteurs,
Levons nos mains dans sa main,
Pour bénir et louer son nom.


Louange
Pour signifier notre communion avec nos frères et nos sœurs dans la foi dans le monde entier, j'ai retenu le psaume du jour, le n° 63. Mais aussi parce que son 4ème verset figure sur la tombe au Nicaragua de mon premier guide dans la foi protestante : Georges Casalis.

1  Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda.
2  Ô Dieu, c'est toi mon Dieu, je te cherche.
    Mon cœur a soif de toi,
    mon corps a besoin de toi comme une terre sèche, assoiffée, sans eau.
3  Oui, longtemps je t'ai regardé dans le lieu saint,
    j'ai vu ta puissance et ta gloire.
4  Ton amour vaut mieux que la vie.
    Ma bouche chantera ta louange.
5  Toute ma vie, je te dirai merci
    et je lèverai les mains pour rendre gloire à ton nom.
6  Mon cœur goûtera le bonheur comme une nourriture délicieuse.
    Ma bouche pleine de joie chantera ta louange. 
7  Quand je suis couché, je me souviens de toi,
    pendant des heures, je pense à toi.
8  Oui, tu viens à mon aide,
    je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
9  Je suis attaché à toi de tout mon cœur,
    ta main puissante me soutient. 
10 Ceux qui cherchent à m'enlever la vie,
    qu'ils descendent jusqu'au fond de la terre !
11 Qu'on les tue avec des lances !
    Que les chacals les dévorent !
12 Le roi trouvera sa joie en Dieu.
    Celui qui fait un serment au nom de Dieu pourra être fier.
    Oui, la bouche des menteurs restera fermée.

Psaume :  Psautier Français n° 63A « O dieu, mon Dieu j’ai soif de toi », strophes 1 à 3 [cliquer ici]

Nous continuons maintenant avec la confession du péché.
Nous retrouverons la volonté de Dieu après l’annonce du pardon.
 
Confession du péché 

Assurés de ton amour, notre Dieu, nous pouvons nous retourner chacun sur notre vie et reconnaître la somme des manquements qui nous ont éloignés de toi. Oui, l'Apôtre Paul n'a jamais été aussi lucide que lorsqu'il affirme en Romains 7:19 : le bien que je veux faire, je ne le fais pas, le mal que je ne veux pas faire, je le fais...

Certes, nous ne sommes pas pour la plupart de grands criminels – j'espère ! - , nous nous considérons pour la plupart (moi compris) comme de bonnes gens mais en regardant de plus près, n'avons-nous pas détourné récemment les yeux d'une réalité dérangeante mais néanmoins urgente ? N'avons-nous pas négligé un appel, une demande en la remettant à plus tard ? N'avons-nous pas dit dans un for intérieur un peu honteux : je n'ai pas le temps, un autre le fera, ce n’est pas grave, je ferai mieux la prochaine fois... Oui, rien de bien grave mais c'est cette somme accumulée de manquements – le mot grec pour dire « péché » - qui entretient une société d'indifférence et d'inégalité, si loin du projet que, toi notre Dieu, conçoit pour nous. Pour avoir été et être ces humains défaillants, nous te demandons pardon. Aide-nous, notre Dieu, dans notre faiblesse.

Répons : J’aime mon Dieu
J’aime mon Dieu, car il entend ma voix,
Quand la frayeur ou le tourment m’oppresse,
Quand j’ai prié au jour de ma détresse,
Dans sa bonté, il s’est tourné vers moi.


Annonce de la grâce
Dieu parle : « Quand les montagnes s'éloigneraient, quand les collines chancelleraient... » Votre prophète Ésaïe a su exprimer le caractère extravagant de l'amour que je vous porte et qui ne s'éloignera pas de vous. Oui, de façon déraisonnable j'aime l'humanité et je crois en elle, peut-être plus qu'elle ne croit en moi. Vous êtes ma faiblesse, à moi Dieu tout puissant, incorrigible optimiste qui pardonne encore et toujours et vous garde à jamais dans mon amour.

Répons : Combien grande est ta gloire
Combien grande est ta gloire,
En tout ce que tu fais,
Et combien tes hauts faits
Sont dignes de mémoire.
Tes œuvres sans pareilles
Ont réjoui mon cœur,
Je veux chanter Seigneur,
Tes divines merveilles.


Volonté de Dieu

Je choisis de placer seulement ici l'annonce de la Loi que Dieu nous donne la force et la mission d'accomplir. Ainsi sera soulignée la primauté de la grâce que notre Dieu nous donne, indépendamment de notre obéissance humaine à sa Loi. Dieu nous fait confiance en premier, à nous de lui répondre par nos actes.

Quels actes ? Jésus nous répond en Matthieu 25:37-40 : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ? Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir ? Quand nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison, et de venir à toi ? Et le roi nous répondra : en vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »

Répons : Parle, parle Seigneur
Parle, parle Seigneur,
Ton serviteur écoute :
Je dis ton serviteur,
Car enfin je le suis.
Je le suis, je veux l’être,
Et marcher dans ta route,
Et les jours et les nuits.


Confession de foi 
Avec les mots de la si hospitalière Église unie du Canada, nous confessons notre foi.

Nous ne sommes pas seuls, nous vivons dans le monde que Dieu a créé. 
Nous croyons en Dieu qui a créé et qui continue à créer, qui est venu en Jésus, 
Parole faite chair, pour réconcilier et renouveler, qui travaille en nous et parmi nous par son Esprit.  
Nous avons confiance en Dieu. 
Nous sommes appelés à constituer l'Église : pour célébrer la présence de Dieu, pour vivre avec respect dans la création, pour aimer et servir les autres, pour rechercher la justice et résister au mal, pour proclamer Jésus, crucifié et ressuscité, notre juge et notre espérance. 
Dans la vie, dans la mort, et dans la vie au-delà de la mort, Dieu est avec nous.
Nous ne sommes pas seuls. 
Grâces soient rendues à Dieu.

Répons : Grand Dieu nous te bénissons
Grand Dieu nous te bénissons,
Nous célébrons tes louanges
Éternel nous t’exaltons,
De concert avec les anges,
Et prosternés devant toi,
Nous t’adorons, Ô grand Roi !
Et prosternés devant toi,
Nous t’adorons, Ô grand Roi


Doxologie : « Gloire à Dieu dans les cieux et sur la terre, et d’éternité en éternité ».

Lecture biblique : 1 Rois 19:9-18 (NFC) [cliquer ici]

Arrivé à l'Horeb, Élie entra dans une caverne, où il passa la nuit. Alors la parole du Seigneur lui fut adressée : « Pourquoi es-tu ici, Élie ?  » 
10 Il répondit : « Seigneur, Dieu de l'univers, j'ai tant de zèle pour toi que je ne supporte plus la façon d'agir des Israélites ! En effet, ils ont rompu ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes par l'épée ; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie ! »
11 « Sors, lui dit le Seigneur ; tu te tiendras sur la montagne, devant moi ; je vais passer. »
Aussitôt un grand vent souffla, avec une violence telle qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers devant le Seigneur ; mais le Seigneur n'était pas présent dans ce vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; mais le Seigneur n'était pas présent dans le tremblement de terre. 
12 Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; mais le Seigneur n'était pas présent dans le feu. Après le feu, il y eut le bruit d'un souffle léger. 
13 Dès qu'Élie l'entendit, il se couvrit le visage avec son manteau, il sortit de la caverne et il se tint devant l'entrée. Il entendit de nouveau une voix qui disait : « Pourquoi es-tu ici, Élie ? »
14 Il répondit : « Seigneur, Dieu de l'univers, j'ai tant de zèle pour toi que je ne peux plus supporter la façon d'agir des Israélites ! En effet, ils ont rompu ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes ; je suis resté moi seul et ils cherchent à m'ôter la vie. »
15 Mais le Seigneur lui dit : « Va, retourne par le même chemin à travers le désert, et rends-toi à Damas. Tu y choisiras de ma part avec l'huile d'onction Hazaël comme roi de Syrie. 
16 Puis tu choisiras comme roi d'Israël avec l'huile d'onction, Jéhu, fils de Nimchi, et tu choisiras Élisée, fils de Chafath, d'Abel-Mehola, pour te succéder comme prophète. 
17 Ceux qui échapperont à l'épée d'Hazaël seront mis à mort par Jéhu, et ceux qui échapperont à l'épée de Jéhu seront mis à mort par Élisée. 
18 Mais je laisserai survivre 7 000 hommes du peuple d'Israël, à savoir tous ceux qui ne se seront pas mis à genoux devant le dieu Baal et qui n'auront pas donné de baisers à ses statues ».
 
Cantique : Louange et Prière n°311 « De quoi t’alarmes-tu mon cœur ? », strophes 1 à 4 [cliquer ici]

Prière d’illumination
Seigneur, au moment de méditer ta Parole, nous te confions encore une faiblesse. Ta Parole, notre Dieu, nous semble souvent un écheveau de fils embrouillés, les uns rêches comme de la laine brute, d'autres infiniment doux; parfois des nœuds nous arrêtent et nous rebutent dans nos efforts de te connaître. Seigneur, envoie à ton serviteur ton Esprit de clarté, fais que ses mots te soient agréables et ainsi, tous rassemblés à ton écoute, nous tisserons la toile de ta Parole aux couleurs de ton royaume. Amen

Orgue

Prédication : Élie n’est pas seul

      Lorsque vos pasteures Béatrice puis Agnès m’ont fait part de leur intention de m’inviter à prêcher à l'Oratoire, j'ai été traversé par des sentiments multiples. D’abord, je le confesse, je me suis senti flatté : diable, l'Oratoire est une paroisse renommée, dont la voix porte, via un site internet très actif, bien au-delà du centre de Paris, d’autant que j'ai rapidement appris que ce n'était pas dans les habitudes du lieu de faire appel à des prédicateurs laïcs, nonobstant le principe protestant du sacerdoce universel. Puis, je me suis interrogé : pourquoi moi ? D’aucuns le savent, je connais de longue date vos pasteures, qui ont œuvré dans les Hauts-de-Seine, particulièrement Agnès à Clamart et Issy-les-Moulineaux, où j'ai accompagné son ministère en qualité de président de Conseil presbytéral. Je leur sais donc gré de leur amicale confiance qui me voit en mesure de relever un défi, assez loin de l’intimité de mes cultes habituels, en Loire-Atlantique ou de l'autre côté de l’océan dans le cadre du réseau francophone de l'Église unie du Canada, pays où je séjourne régulièrement. Mais si vos pasteures me font confiance, je n'en dirai pas autant de moi, car l’inquiétude m'est vite venue  de devoir m'exprimer devant un public averti qui compte probablement des pasteurs, lesquels risquent de porter un regard exigeant sur ma prestation. Je viens à vous, paré d’aucun lignage huguenot ou protestant,  ni d’une notoriété particulière, juste celle d'un membre actif de l'Église, venu tard à la foi chrétienne et issu d'un milieu athée. Et cela va tisser un premier lien avec le texte choisi, car dans mon cheminement spirituel, je n'ai été au bénéfice d’aucune manifestation spectaculaire de Dieu à mon égard et j'en aurais eu d'ailleurs plutôt méfiance. Paul Claudel derrière son pilier à Notre-Dame, ce n'était pas pour moi. C'est dire si une histoire où Dieu se montre dans une extrême discrétion à l’encontre de tous les clichés de toute puissance que les humains lui attribuent, me parle !
Mais il y a plus. Nous sommes en 2023, et si me retourne sur ma vie et ses choix, cela fait 40 ans que j'ai commencé mon compagnonnage avec la foi protestante. En 1983, le musée Calvin de  Noyon rouvrait ses portes, sous la houlette rénovatrice de Georges et Dorothée Casalis.  J'étais alors jeune professeur d'histoire au lycée Calvin de Noyon, établissement public dans une ville qui entretenait un rapport ambigu pour ne pas dire conflictuel avec la figure du Réformateur, né  dans ces lieux en 1509. Georges Casalis avait sollicité le proviseur du lycée pour qu’un enseignant aide à concevoir des visites pédagogiques. Je répondis présent, tout en précisant d’emblée que je n'avais pas de convictions religieuses, seulement une curiosité historique pour une minorité religieuse à l'histoire tourmentée et dont je connaissais l’attachement à la laïcité. Je fus accueilli tel que j'étais mais en m'approchant du protestantisme avec des mentors tels que Georges et Dorothée, je découvris bien d'autres choses, dont une lecture de la Bible, tellement différente de ce que je pouvais imaginer jusque là. Georges et Dorothée auront été les parrains patients et fraternels de mon cheminement protestant. Je leur dois beaucoup.
       Si j'essaie de me souvenir de mon premier contact avec la  Bible, question toujours importante pour notre confession si attachée à sa diffusion, je crois pouvoir affirmer que c'est dans mon livre d'histoire de 6ème, un manuel Mallet-Isaac de 1964, dont la couverture rappellera peut-être à certains leur scolarité, qu’a eu lieu ce premier contact. Dans ce livre aux textes denses  avec encore beaucoup d'illustrations en noir et blanc, tout un chapitre était consacré aux Hébreux avec comme sous-titre « misère et grandeur de leur destinée ». La Bible, longuement citée en extraits, était présentée comme le livre de l'Histoire de ce peuple, avec, comme acteurs, Dieu et toute une galerie de personnages d'Abraham à Salomon, présentés aux élèves comme ayant réellement existé, chronologie à l'appui.
       Ce télescopage entre catéchisme et histoire ne choquait pas outre mesure à l'époque. Mais plus tard quand j'exerçais mon premier regard critique d'apprenti historien, j'en fus troublé. La Bible disait-elle vrai, malgré ses invraisemblances et l'absence de preuves documentaires ou archéologiques ? Et pourtant, devenu professeur, je confesse avoir enseigné et maintenu l'illusion d'un Abraham nomadisant au 18ème siècle avant Jésus-Christ, d'un Moïse fuyant l'Égypte avec son peuple en 1200 av. J.C. et d'un Salomon bâtissant un temple dont le plan était dessiné en annexe. Pendant des années, je n'ai pas osé briser ce consensus paradoxal dont la laïcité française a le secret. Mais quand, devenu protestant et engagé, je décidai d'aller étancher ma soif nouvelle de connaissances en faculté de théologie, j'ai vécu comme une libération le fait d'apprendre que les figures bibliques pouvaient être des fictions littéraires, exprimant le rapport de tout un peuple à son Dieu, sans qu'il soit nécessaire de les légitimer par un statut historique improuvable. En ce sens, les cours d'un Laurent Gagnebin m'ont non seulement rendu plus laïque, mais ils m'ont ouvert tout un champ d'interprétations, par lesquels l'hier de la Bible pouvait rejoindre l'aujourd'hui des croyants, individuellement ou collectivement en Église. Et que le texte biblique était comme un fruit qu'on ne saurait jamais finir de presser pour s'en abreuver encore et encore. J'ai cité L.Gagnebin (parmi d'autres professeur.es de l'IPT auxquels je dois beaucoup) car c'est lui qui m'a fait travailler en tout sens le récit d'Élie dans sa caverne en vue de la prédication. Nous avions le libre choix du texte et j'avais choisi celui-là.
      Pourquoi ? Parce que c'est mon texte biblique, mon morceau à moi. En tant que responsable d'une paroisse, j'ai souvent regretté que le goût de la Bible et son étude, pourtant le marqueur identitaire de notre foi, ne soient partagés que par une fraction des fidèles ; j'ai souvent rêvé d'un moment où chaque membre de la paroisse révélerait son passage biblique préféré, mais aussi celui qui l'aurait frappé, porté un jour, mais aussi retourné, rebuté, voire carrément révolté, car la Bible n’est jamais un long fleuve tranquille. Elle offre tantôt les flots paisibles des passages les plus renommés, tantôt les tourbillons de textes détonants, sans oublier les bancs de sable de morceaux aussi obscurs qu'arides. Je crois donc que nous avons tous en nous-même quelques fragments de Bible qui nous tiennent à cœur, vers lesquels nous retournons à intervalles réguliers de nos vies ; et particulièrement quand des coups de blues nous saisissent et que nous nous sentons désemparés dans notre foi. Les Écritures peuvent ainsi nous offrir des «  doudous bibliques  » qui nous consolent comme des enfants que nous ne savons plus être. Ce qui n'empêche pas qu'à d'autres moments, nous pouvons les voir différemment, avec toute la crudité d'un texte qui n'a jamais fini de se révéler. J'espère ardemment qu'il en est de même pour vous.

        J’aime ce texte de 1 Juges 19 car il nous plonge sans coup férir dans la rudesse de l’Ancien Testament au cœur de cette période qui va voir naître l’Israël monothéiste, entre monarchies divisées  et exil à Babylone. Nous somme au temps du roi Achab, dans ces royaumes du Nord et de Juda, qui sont traversés par les tentations polythéistes, les formes les plus habituelles des religions moyen-orientales dominantes. Le choix d’un Dieu unique n’est nullement acquis et c’est bien après que la création des figures d’Abraham et de Moïse tentera de lui donner une ancienneté qu’il n’avait sûrement pas. La figure d’Élie – totalement romanesque – symbolise cette quête religieuse souvent violente. Et comme ce genre de tension est loin d’avoir disparu, cela confère une manière d’éternité et d’universalité à Élie. En effet, Élie est un militant de la cause divine, un athlète de la foi, interlocuteur direct du Seigneur ; mais s’il nous est montré fuyant dans le désert et réfugié dans une caverne, c’est que son combat connaît des hauts et des bas. Il vient en effet de gagner haut la main un duel d’efficacité religieuse contre les prêtres de Baal et il les a tout bonnement égorgés, encourant ainsi les foudres de la reine Jézabel restée fidèle au dieu païen. Élie est donc cet homme qui vit une foi pleine de fureur et de violence, peut-être parce que c’est l’image qu’il se fait de Dieu ? A une époque – la nôtre – où sévissent l'intolérance hindouiste en Inde, la violence intégriste, islamique avec les talibans en Afghanistan, avec les djihadistes au Sahel comme hier avec Daesh en Syrie-Irak, la figure d’Élie ne peut que nous parler. Il est d’une certaine façon une manière d’intégriste, un fou de Dieu tout à fait capable de tuer pour lui, et la Bible nous déstabilise en nous le présentant comme infiniment sympathique : n'a-t-il pas secouru de la famine la veuve de Sarepta et ressuscité son fils ? Certes le christianisme a pacifié depuis longtemps ses rapports avec les autres religions et a renoncé à toute mission à la pointe de l'épée ou au bout du fusil; mais je note que c'est au nom d'un discours religieux qu'un courant protestant américain entend imposer sa vision climato-sceptique du monde, rogner la liberté des femmes en matière d'interruption de grossesse et nier le droit à une autre orientation sexuelle. La figure d'Élie, réfugié et démoralisé dans sa caverne, après avoir été tour à tour bienfaiteur et meurtrier, sonne comme un rappel de notre complexité désordonnée...

       J’aime ce texte et j'espère ne pas être le seul car il illustre la possible discrétion de Dieu : en effet Dieu n’est ici ni dans le vent soufflant en tempête, ni dans le tremblement de terre, ni dans un ouragan de feu, toutes manifestations de la puissance divine attendues par l’homme ; il est dans le seul bruissement d’une voix murmurante. J'ouvre ici une parenthèse : plusieurs traductions évoquent le souffle léger que perçoit Élie. Souffle, un mot qui renvoie au début de la Genèse quand le souffle de Dieu planait sur les eaux. Souffle, רוּחַ ruah en hébreu, πνεῦμα pneuma en grec et esprit en français... Sauf que, vérification faite dans le texte hébraïque, c'est bien le mot כֹּל, kol – la voix – qui est utilisé, alors que ruah désigne la tempête dans laquelle Dieu n'est pas. Et oui Dieu n'est pas là où on l'attend, quitte à frustrer l'exégète en quête de rapprochements suggestifs. Ce Dieu inattendu qui nous prend à  contre-pied vient nous donner une leçon. Aujourd'hui, dans les rêves de tout bon militant d'Église, il y a des temples pleins, une assistance fervente où se mêlent les générations, des offrandes financières consistantes et un vivier de bonnes volontés répondant présents à toute sollicitation. Et quand cela n'est pas, on se lamente, on regrette le bon vieux temps idéalisé, on se fustige. Et parfois, une incompréhension jalouse nous gagne. Quel protestant « historique », vous savez, ceux de l'Église vieillissante, désertée par les jeunes, ne se demande pas pourquoi les courants évangéliques ont tant le vent en poupe, avec des lieux de culte ouverts à un rythme soutenu, des assemblées enthousiastes, des jeunes bien présents ?  Pourquoi la théologie de la prospérité séduit tant en Amérique latine ou en Afrique ? N'est-elle pourtant un leurre et une manipulation des plus modestes ? La morale et l'éthique des courants dits évangéliques ne nous ramènent-elles pas soixante ans en arrière, comme si les combats dans lesquels s'est illustré le protestantisme historique  en matière  d'égalité des sexes, de contraception et de droit à l'IVG n'avaient servi à rien ? Et de dire alors, devant Dieu, notre déception et notre incompréhension. Où es-tu, notre Dieu ? Nous as-tu désertés ? Désavoués ? Ou bien sommes-nous aveuglés par des réussites spectaculaires, assourdis par des proclamations bruyantes de la foi qui nous empêchent d'entendre la voix modeste du Seigneur qui s'adresse toujours à nous. 
       J'aime ce texte parce qu'il nous montre un Élie en plein burn-out, seulement capable de ressasser ses  griefs. Et je remarque que Dieu ne lui fait aucun reproche. Il lui demande seulement « pourquoi tu es ici ? » ; autrement dit, pourquoi et comment tu en es arrivé là? Une invitation au bilan et à l'introspection, promise à l'éternité et à l'universalité. Élie suivra-t-il le conseil divin ? Le texte ne le dit pas. Dieu l'espère peut-être, car notre Dieu ne doute pas et croit en l'humain, même contre toute raison ; en tout cas, il va littéralement remettre Élie en route, mais dans un chemin différent. Élie était venu se réfugier au mont Horeb, là où Moïse avait reçu la Loi ; Dieu lui enjoint de rejoindre Damas, un lieu inattendu, mais dont le nom résonne particulièrement à nos oreilles chrétiennes. Maintien des prérogatives d'Élie, onction de deux rois, mais choix d'un successeur, Élisée, qui sera comme un double d'Élie, en moins violent, après l'ascension de ce dernier dans un char de feu. Se remettre en route mais dans une autre direction, déléguer ses missions à d'autres, opter pour un autre rythme, voilà une prescription que notre Seigneur-docteur, venu au chevet de nos découragements ecclésiaux ou personnels, tient toujours à notre disposition.
 
      J'aime moins ce texte car sa lecture complète nous ramène à la violence : dans la nouvelle feuille de route d'Élie, ne s'agit-il pas d'éliminer par la main des rois de Syrie et d'Israël tous ceux et toutes celles qui auront cédé à la tentation du culte au Dieu Baal, à l'exception d'un noyau de 7000 purs ? Devant ce scandale, ce gros caillou qui risque bien de nous faire trébucher à nouveau, plusieurs possibilités : sauter le passage, pratiquant alors une censure sélective des Écritures lorsqu'elles nous dérangent de trop. Nous le faisons souvent et c'est une fuite peu courageuse. Je me rappellerai toujours mon émoi quand j'ai lu jusqu'au bout le célèbre psaume 137, oui, celui  de la fête juive  de Pessah, celui du chœur des  esclaves dans Nabucco de Verdi, celui qui vous fit peut-être danser autrefois dans la version reggae  Rivers of Babylon de Boney M. Ce psaume magnifique se termine en souhaitant fracasser sur le rocher la tête des enfants de nos ennemis.
      Il y a le refuge de l'interprétation allégorique qui déréalise le texte au profit du symbole; ou celle d'une érudition römerienne (l'exégète Thomas Römer) qui convoque les modèles narratifs inspirés des sanguinaires Assyriens et jugés à l'époque nécessaires pour la crédibilité des textes. Mais il y a aussi la sagesse d'une tradition canonique qui a peut-être maintenu ces mots horribles pour nous maintenir constamment en éveil. L'inspiration de la Bible est divine, nous le croyons, mais ses mots sont humains, avec la projection de nos images de Dieu. On a le dieu de sa foi et parfois cela fait peur. Restons, quand nous ouvrons la Bible,  toujours vigilants et en éveil. Pourquoi le mot « woke » me vient alors à l'esprit ?

      Je vous l'ai dit, j'ai eu longtemps des problèmes avec l'historicité des personnages bibliques. Élie n'a pas existé, aucune source autre que biblique ne l'atteste. Mais tel qu'il est dépeint, je le trouve formidablement vivant, capable du meilleur comme du pire, mais ne rompant jamais son lien avec Dieu. Être encore vivant aujourd'hui, c'est mieux que d'avoir existé il y a trois millénaires ! Dans ma foi, il restera mon frère en humanité et je vous le partage. Amen.


Orgue

Cantique : Louange et Prière n°315 « L’Éternel seul est ma lumière », Strophes 1, 2, 3 & 6 [cliquer ici]

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Offrande 
Orgue


Prière d’intercession
...

Nous rassemblons nos prières dans celle que Jésus a enseignée à ses disciples :

Notre Père
Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour,
Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
Mais délivre-nous du mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
Aux siècles des siècles, amen.

Exhortation
Mes frères, mes sœurs, mes ami·e·s,
N’ayez pas peur si vous vous sentez comme des Élie : parfois actifs, voire hyperactifs, parfois incompris, découragés et même recroquevillés dans votre caverne. Dieu est là qui vous comprend et vous soutient. Il vous faut seulement entendre dans le tumulte sa petite voix et vous vous relèverez, vous repartirez, plein de force et de confiance, sur le chemin de votre vie. Nous ne sommes pas seuls ! Grâces soient rendues à Dieu. Amen

Bénédiction 
Mes frères, mes sœurs, mes ami·e·s,
Que le SEIGNEUR nous bénisse et nous garde !
Que le SEIGNEUR fasse rayonner sur nous sa face et nous accorde sa grâce !
Que le SEIGNEUR porte sur nous son regard et nous donne sa paix !
Amen.

Répons : Bénis Ô Dieu nos routes
Bénis Ô Dieu nos routes,
Nous les suivrons heureux.
Car toi qui nous écoutes,
Tu les sais, tu les veux.
Chemins riants ou sombres,
J’y marche par la foi.
Même au travers des ombres,
Ils conduisent à toi.

Orgue
Sortie

Paroles des chants du dimanche 10 septembre 2023

Psaume : Psautier Français n° 63A « O dieu, mon Dieu j’ai soif de toi », strophes 1 à 3

Strophe 1
O dieu, mon Dieu, j’ai soif de toi,
Mon corps languit comme une terre
Que nulle ondée ne désaltère ;
J'ai un ardent désir de toi.
Seigneur, j'ai goûté ta présence,
Avec ardeur je t'ai servi ;
Ton amour m'est plus qua la vie :
Je ne puis vivre en ton absence.

Strophe 2
A nouveau j'élève les mains
Pour te crier mon allégresse ;
Seigneur, tu seras ma richesse
Et ta bonté sera mon pain.
Au long des nuits je me rappelle,
Combien fidèle est ton secours.
Je suis lié à ton amour
Où toute vie se renouvelle.

Strophe 3
Je t'ai remis tout mon destin ;
Que ta main droite me soutienne,
Et que jamais nul ne parvienne
A m'éloigner de ton chemin !
Que notre roi se réjouisse :
Il confondra tous les menteurs,
Et l'on verra dans sa splendeur
Le plein éclat de ta justice.

Cantique : Louange et Prière n°311 « De quoi t’alarmes-tu mon cœur ? », strophes 1 à 4

Strophe 1
De quoi t'alarmes-tu, mon cœur ?
Ranime ton courage ;
Souviens-toi de ton Créateur,
Ta tristesse l'outrage ;
Car le Dieu fort
Règle ton sort ;
Enfant du Dieu suprême,
Il te connaît, il t'aime.

Strophe 2
Viens contempler le firmament ;
Dis si ton œil embrasse
Les mondes que le Tout-Puissant
A semés dans l'espace.
Quoi ! tout le ciel,
Père éternel,
Te coûte une parole !
Et l'homme se désole !

Strophe 3
Bannis donc, mon cœur, les soucis,
Car ta douleur t'abuse ;
Après t'avoir donné son Fils,
Est-ce que Dieu refuse
À son enfant
Le vêtement,
Le toit, le pain, la vie ?
Crains-tu qu'il ne t'oublie ?

Strophe 4
Veux-tu répondre à mes souhaits ?
Je bénis ta tendresse ;
Veux-tu traverser mes projets ?
J'adore ta sagesse.
Je sais, je vois
En qui je crois.
Ta volonté, mon Père,
Me sera toujours chère.

Cantique : Louange et Prière n°315 « L’Éternel seul est ma lumière », Strophes 1, 2, 3 & 6

1 - L’Éternel seul est ma lumière,
Ma délivrance et mon appui ;
Qu’aurai-je à craindre sur la terre
Puisque ma force est toute en lui ?

2 - Pour m’assaillir, quand une armée
A l’entour de moi camperait,
Mon âme, sans être alarmée,
En l’Éternel s’assurerait.

3 - Son bras puissant, à ma requête,
Un prompt secours me prêtera,
Et, dans le fort de la tempête,
Sur un rocher m’élèvera.

6 - Mes yeux verront la délivrance
Que mon Sauveur m’accordera ;
Aussi mon cœur, plein d’assurance,
En l’attendant s’affermira.

Lecture de la Bible

Premier Livre des Rois, chapitre 19, versets 9 à 18

Élie sur l'Horeb

Là-bas, il entra dans la grotte et y passa la nuit. Soudain la parole du Seigneur lui parvint, qui lui disait : Que fais-tu ici, Élie ?
10 
Il répondit : J'ai montré une passion jalouse pour le Seigneur, le Dieu des Armées ; car les Israélites ont abandonné ton alliance, ils ont rasé tes autels, ils ont tué tes prophètes par l'épée ; moi, je suis resté, seul, et ils cherchent à me prendre la vie ! 
11 
Il reprit : Sors et tiens-toi dans la montagne, devant le Seigneur. Or le Seigneur passait. Un grand vent, violent, arrachait les montagnes et brisait les rochers devant le Seigneur  : le Seigneur n'était pas dans le vent. Après le vent, ce fut un tremblement de terre : le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre. 
12 
Après le tremblement de terre, un feu : le Seigneur n'était pas dans le feu. Enfin, après le feu, un calme, une voix ténue. 
13  Quand Élie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau, sortit et se tint à l'entrée de la grotte. Soudain une voix lui dit : Que fais-tu ici, Élie ? 
14  Il répondit : J'ai montré une passion jalouse pour le Seigneur, le Dieu des Armées ; car les Israélites ont abandonné ton alliance, ils ont rasé tes autels, ils ont tué tes prophètes par l'épée ; moi, je suis resté, seul, et ils cherchent à me prendre la vie ! 
15  Le Seigneur lui dit : Va, reprends ton chemin par le désert jusqu'à Damas ; quand tu seras arrivé, tu conféreras l'onction à Hazaël pour qu'il soit roi sur Aram. 
16  Tu conféreras l'onction à Jéhu, fils de Nimshi, pour qu'il soit roi sur Israël ; et tu conféreras l'onction à Élisée, fils de Shaphath, d'Abel-Mehola, pour qu'il soit prophète à ta place. 
17  Celui qui échappera à l'épée d'Hazaël, Jéhu le fera mourir ; et celui qui échappera à l'épée de Jéhu, Élisée le fera mourir. 
18  Mais je laisserai en Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n'ont pas fléchi devant le Baal, toutes les bouches qui ne l'ont pas embrassé.

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