Sommaire du N° 766 (2006 T2)
Sommaire
- ÉDITO p.3
- ARCHIVES p. 4 : Un demi-paquet de cigarettes
- SPIRITUALITÉ p.5 : Deux textes pour Pentecôte
- PÂQUES p.6 et 7 : La résurrection
- ACTUALITÉ p.8 et 9 : Du politique au spiritiuel
- ÉGLISE p.10 et 11 : L’Assemblée Générale
- HISTOIRE p.12 : L’APEROL a 100 ans
- TRAVAUX p.13 à 17 : Une si longue attente
- COMMUNICATION p. 18 : La Feuille Rose à ses lecteurs
- SOLIDARITÉ p.19 : Une fête pour Topaza
- CULTES p.20 : Le calendrier du trimestre
- SORTIE p. 21 : Nous naviguerons vers Chartres
- RÉFLEXION p.22 à 25 : Le glaive de la parole
- LECTURE p.26 à 29 : Des Charentaises à l’Oratoire
- LA CLAIRIÈRE p.30 et 31 : Bonne retraite Roberta
- MUSIQUE p.32 et 33 : Les coulisses du Chœur
- PORTRAIT p.34 à 36 : Portrait d'Annie Vallotton, la dame aux crayons
- SOIRÉES DU MARDI p.37
- AGENDA p. 38 et 39
- ANNONCES p.40
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Dossier du mois
Du politique au spiritiuel
Une crise qui nous interpelle jusqu’au cœur de l’Église
Dans l’Église, on ne fait pas de politique. Non que l’on oublie le citoyen à la porte du temple pour endosser le vêtement de chrétien, mais il existe un accord tacite pour que chacun demeure discret sur ses opinions et s’abstienne de lancer des débats politiques qui risqueraient de nuire à l’esprit fraternel de la communauté. De la même manière, on parle peu de religion dans l’espace public et on montre la même discrétion sur son appartenance confessionnelle une fois que l’on est sorti du temple.
Il s’agit de respecter le cadre laïc que la France s’est donné pour une bonne marche de la vie publique, mais aussi de traduire une conviction théologique : faire intervenir Dieu dans nos affaires humaines peut se révéler dangereux, d’autant que la tentation est forte de l’instrumentaliser à des fins idéologiques.
En même temps, ne faut-il pas distinguer le politique de la politique et, peut-être en écho, le religieux de la religion ? Et l’un comme l’autre sortent souvent du cadre assigné. Si le politique désigne tout ce qui relève de la vie commune dans la cité, comment l’Église pourrait-elle échapper aux soubresauts qui l’affectent et aux interrogations qui le traversent ? Par temps calme l’action personnelle du citoyen suffit sans doute à manifester l’engagement chrétien qui motive et anime cette action : pour plus de justice, plus de fraternité, d’honnêteté.
Mais par temps de crise, les ondes de choc se font sentir jusqu’au cœur de l’Église « assemblée autour de la Parole de Dieu ». De la même manière, le religieux se vit normalement dans les lieux faits pour cela, à savoir les lieux de culte et le cœur des croyants. Mais il y a des moments où le mot « Dieu » sort de sa réserve et envahit l’espace public et médiatique, devenant un terme politique.
Sauf à choisir de vivre dans une bulle religieuse, l’Église ne peut que faire écho aux grandes angoisses du temps. Par exemple, depuis plusieurs années est évoquée la fracture sociale qui affecte notre société française. Aujourd’hui beaucoup d’éléments donnent à penser que loin de se réduire, cette fracture est en train de s’aggraver en dislocation sociale : angoisse de la jeunesse face à l’avenir, violences graves au sein de l’école, développement accru de l’enfermement communautariste, faits divers témoignant d’une fascination et d’une banalisation de l’horreur, misère des sans-abri allongés sur les trottoirs de nos villes, sans-abri dont certains ont un emploi sans pouvoir se payer un logement…
Il y a aujourd’hui dans notre paysage social un excès de maux inquiétant, excès face auquel les volontés politiques semblent parfois impuissantes, de même que le magnifique travail associatif et humanitaire de tous les anonymes qui s’engagent pour leur prochain. Tout se passe comme si les réels progrès réalisés en faveur de la vie et de la fraternité entre les hommes étaient minés par une force obscure qui n’a de cesse de les réduire à néant.
Cette force obscure, elle est faite à la fois de haine et d’indifférence. Une haine qui semble avoir germé et prospéré depuis longtemps dans les souterrains de notre société sans qu’on en ait pris conscience et qui, aujourd’hui, éclate ici et là, de manière sporadique, gagnant du terrain dans les esprits et les âmes et polluant toute la communication sociale et politique !
Une indifférence qui se développe à la cadence où une humanité « adaptée » à toutes les conditions techniques de la vie contemporaine s’éloigne de ce qu’elle a de commun avec une autre humanité « inadaptée » : à savoir la conscience de sa finitude, de sa vulnérabilité, de son interdépendance.
Haine et indifférence ! Voici les mots lâchés qui nous interpellent jusqu’au cœur de l’Église, où nous essayons de dire, de prêcher, de vivre et de partager une religion de l’amour : amour de Dieu, amour de Jésus-Christ, amour fraternel des uns pour les autres ! Qu’avons-nous à dire de cette haine et de cette indifférence ? Qu’avons-nous à leur opposer depuis l’Église, non l’Église en tant qu’institution, mais l’Église en tant qu’assemblée réunie autour de la Parole de Dieu ? Ne devons-nous pas commencer par partager nos soucis et nos prises de conscience à ce sujet ? Ne devons-nous pas, ensemble, porter devant Dieu nos angoisses, notre chagrin pour la cité, notre prière d’intercession pour le monde ?
Notre temps vit une crise morale et spirituelle grave, qui ne concerne pas seulement les croyants, mais toute la société civile. Car derrière des problèmes précis relevant du traitement social et politique se cache une perte du sens de l’humain. Sur fond de cette perte, les manifestations de la haine, l’attrait du nihilisme, ne peuvent que s’amplifier et s’aggraver.
D’autant plus qu’un « Dieu » fait aujourd’hui sa réapparition dans l’espace public et médiatique : un « Dieu » dénonciateur de notre monde, de nos modes de vie, de nos valeurs, de notre liberté, en particulier celle des femmes, un « Dieu » qui alimente la haine à travers les discours et les actes des islamistes et de ceux qui les soutiennent. Via le net et les télévisions satellitaires, ce « Dieu » de mort fait des ravages qu’aucune frontière n’arrête, puisqu’il peut atteindre directement les esprits et les cœurs sensibles à son message dans le cadre de la vie privée.
Nous avons donc une responsabilité lourde à porter certes, mais pleine de noblesse : celle de témoigner d’un Dieu qui n’est pas pour la mort, mais pour la vie, un Dieu qui n’est pas pour la malédiction, mais pour la bénédiction, un Dieu qui n’est pas pour la ségrégation entre les humains, entre les groupes, entre les religions, mais pour les rencontres fraternelles et le travail commun.
Si le « nous » de l’Église est nécessaire pour porter aujourd’hui cette responsabilité, c’est parce que les questions sociales, politiques, humaines et spirituelles que nous avons devant nous sont trop importantes pour que chacun des « je » chrétien et citoyen que nous sommes puisse y répondre tout seul.
pasteure Florence Taubmann
L'APEROL a 100 ans
L'Association presbytérale de l’Église Réformée de l’Oratoire du Louvre [APEROL] a 100 ans cette année, puisque c’est au mois de mars 1906 qu’eut lieu sa création rendue nécessaire par la loi de séparation des Églises et de l’État (9 décembre 1905). L’Assemblée Générale constitutive s’est tenue le dimanche 11 mars à « 5 heures de l’après-midi » dans la grande sacristie et c’est au cours de cette réunion que furent adoptés les statuts de l’Association. Un Conseil presbytéral provisoire a été élu qui s’est engagé à démissionner l’année suivante avec la mise en place d’un Conseil et d’un Bureau définitifs.
Cet acte fondateur, entériné par un décret en date du 23 mars 1906, avait été précédé d’une série de démarches préalables impliquant l’ensemble de la paroisse. C’est ainsi qu’un an auparavant (en février 1905) un appel signé par tous les membres du Conseil presbytéral et du Diaconat avait été adressé à « tous les électeurs inscrits sur l’ancien registre électoral de la paroisse et à tous les amis de notre Église ».
« Par obéissance à la loi de 1905 »
Appel réitéré en chaire à plusieurs reprises les mois suivants, avant que les anciens électeurs n’adoptent, le 2 février 1906, les statuts de l’Association qui furent envoyés, trois semaines plus tard, à toutes les familles qui avaient répondu favorablement à l’appel du Conseil presbytéral.
Dans le n°25 de la « Feuille Rose », on souligne que « l’Association nouvelle est constituée, par obéissance à la loi du 9 décembre 1905, en vue d’entretenir le culte réformé dans l’ancienne circonscription de notre paroisse ». Dans ce même numéro de notre bulletin, le pasteur Decoppet attire également l’attention sur le fait que « notre Église ne devant plus recevoir à l’avenir aucun subside de l’État ou de la municipalité, devra trouver désormais dans la seule générosité de ses membres les ressources nécessaires à son entretien ».
À la fin de l’année 1906, le nombre de familles inscrites à l’Association cultuelle de l’Oratoire était d’environ 650, mais de nouvelles adhésions arrivaient chaque semaine. C’est le 20 janvier 1907 que se tint, en présence de 300 membres (sur 1 450), l’Assemblée Générale destinée à mettre en place un bureau définitif. Celui qui avait été élu provisoirement un an auparavant, donna donc sa démission comme il s’y était engagé et le pasteur Puaux remercia ses membres en rappelant, non sans humour, que « du haut de cette même chaire de l’Oratoire, Bossuet annonçait que « l’hérésie n’était plus ».
Instauration du vote par correspondance
C’est le pasteur Roberty qui fut élu premier
Président de la nouvelle Association, avec
Gustave Roy comme vice-président et le baron
Fernand de Schickler comme secrétaire. En
consultant les résultats chiffrés de ce scrutin, on
remarque que 267 électeurs seulement y ont
participé. Tant et si bien qu’en 1911, il fut
décidé d’introduire le vote par correspondance
pour ces élections. [Les femmes votent à l'AG de l'Oratoire du Louvre au même titre que les hommes, bien avant qu'elles puissent voter aux élections politiques, en 1946...]
L’année précédente, on avait également renoncé à tenir l’Assemblée Générale l’après-midi. C’est donc, après le culte du matin (comme de nos jours) que, pour la première fois, s’est déroulée (en 1910) cette réunion et, à ce propos, la « Feuille Rose » note avec satisfaction qu’ « elle a été beaucoup plus nombreuse que les années précédentes ». Pourtant, des paroissiens ont regretté que le culte ait dû être écourté, que le contrôle des cartes de membres électeurs n’ait pas été organisé et que la durée de l’Assemblée ait été raccourcie « en raison de l’heure du déjeuner »… Résultat : en 1911, l’on décida entre autres mesures draconiennes, « d’abréger le rapport annuel sur l’activité religieuse et sociale de la communauté ».
Roger Pourteau