Voilà les anges…

Luc 1:26-35 , Genèse 21:14-19 , Genèse 22:11-14 , Exode 23:20-23 , Nombres 22:21-27

Culte du 10 juin 2012
Prédication de pasteur James Woody

Culte du dimanche 10 juin 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Voilà les anges…

(Genèse 21:14-19 ; 22:11-14 ; Exode 23:20-23 ; Nombres 22:21-27 ; Luc 1:26-35)
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Chers frères et sœurs, les anges ne sont pas vraiment en odeur de sainteté chez nous. Il faut dire que la Réforme a fait le ménage chez les anges pour rendre la foi chrétienne un peu plus crédible. En 1937, le théologien Gerhard Spinner écrivait : « la réalité des anges est problématique, leur influence est nulle, quant à des révélations de leur existence, nous n’en voyons aucune ». Pourtant, les anges sont une constante dans les religions, notamment monothéistes : les auteurs bibliques ne rechignent pas à mettre en scène des anges, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse. Mais, de nos jours, les anges posent de sérieux problèmes de crédibilité à la foi chrétienne. C’est que les petits joufflus ou les êtres ailés, on n’en rencontre jamais au coin de la rue. Ceci étant, ce n’est peut être pas si grave, parce que dans la Bible non plus. Les anges, dans la Bible, ne sont pas des chauves-souris métaphysiques, sortes d’êtres surnaturels munis d’une paire d’ailes qui se poseraient sur notre épaule. Ce sont des individus, qui ont une fonction particulière, celle d’être porteur d’un message. Maleakh, en hébreu, signifie littéralement messager, comme sa traduction grecque Aggelos (Anguélos), qui a donné angelus en latin et ange en français. Mais il est notable que les traductions françaises réservent le mot « ange » à l’ange de l’Eternel et traduisent par « messager » les ambassadeurs, facteurs, estafettes et tout porteur d’un message dont l’expéditeur n’est pas Dieu lui-même. C’est là une source de confusion car les messagers de Dieu ou les messagers de David sont en fait de même nature. Ce sont des individus de chair et d’os qui vont se caractériser non par ce qu’ils sont, mais par ce qu’ils font. Première observation auprès d’Agar, la mère du premier enfant d’Abraham.

Ce que fait l’ange, ici, c’est d’interpeller Agar qui vient de s’arrêter, lasse, prête à laisser mourir Ismaël de soif. Agar est résignée, elle a accepté docilement l’exécution voulue par sa rivale, Sarah. Un ange s’adresse à elle et l’interroge « qu’as-tu ? » L’ange l’interroge sur sa vie, sur la qualité de sa vie : c’est une vie, ça ? Se laisser mourir, comme cela, sans rien faire, sans réagir ? Alors comme cela on baisse les bras ? Ça y est, c’est fini ? On baisse le rideau ? L’ange l’interroge pour qu’elle fasse le point sur sa vie, pour qu’elle y réfléchisse, au lieu de se laisser aller au désespoir. L’ange secoue la conscience d’Agar. Il la met en demeure de réagir. « Quoi pour toi ? » Analyse un peu ce dont tu disposes ! Eh oui, il y a un enfant, là-bas. Et il a besoin de toi, et toi, tu en as la responsabilité. En effet, tu n’as pas rien : il y a pour toi la vie de cet enfant, il y a aussi ta responsabilité.

Et l’ange dit : « ne crains pas », « crois seulement aurait-il pu ajouter »… fais un peu confiance, relève-toi, je te ressuscite. Prends l’enfant par la main, prends ta responsabilité en main et fais confiance à l’Eternel, vous aurez de l’avenir. Vous aurez un avenir dès que tu auras lâché la fatalité et que tu ouvriras les yeux sur ce que t’offre la vie. Et Agar ouvre les yeux, et elle voit un puits d’eau. Ce puits n’est pas apparu par magie. Il était là, mais elle ne le voyait pas. Elle ne le voyait pas parce qu’elle n’en voulait pas. L’ange a interrogé Agar sur sa qualité de vie et le courage de vivre a été ressuscité. Elle donne à boire à son enfant.

Vous pensez vraiment qu’aujourd’hui on peut se dispenser d’anges qui vont interpeller ceux qui n’ont plus le goût de vivre, ceux qui ont décidé d’abandonner la partie ?Est-ce que ça ne vaut pas la peine d’avoir des anges qui nous font réagir sur ce que nous vivons ou ne vivons pas ? Des anges qui nous demandent si ce que nous vivons est vraiment une vie…

L’au-delà

On me rétorquera que le messager de Dieu appelle du ciel, que nous sommes donc en pleine fantasmagorie et que ce n’est vraiment pas opérationnel dans la vraie vie. C’est d’ailleurs ce qui se passe aussi avec Abraham sur le point de sacrifier son fils Isaac. Certes, mais il serait peut-être intéressant d’entendre cela autrement que par les traductions qui ont parfois le chic pour prendre la Bible au pied de la lettre. Le mot hébreu qui est traduit par ciel est chamaym. Ce mot est toujours traduit par ciel, ou cieux parce que c’est un mot pluriel. Mais le pluriel de quoi ? le pluriel de cham, qui veut dire « là », « ici ». «là » au pluriel, ce n’est pas ce qu’il y a de plus évident à traduire. C’est là et là… c’est au-delà. Le ciel, c’est effectivement ce qui est au-delà, ce qui n’est pas juste là, mais aussi par là ou par là. Ce n’est pas la peine d’atteindre la stratosphère pour être au ciel qui est déjà là. Le texte hébreu fait redescendre les anges sur terre, mais les placent au-delà… au-delà de l’immédiat, au-delà de ce que nous pensons, croyons et disons. L’ange est au-delà de nous-mêmes… c’est pour cela qu’il peut être une figure divine, une figure de l’absolu, de l’ultime.

« Eh ! Abraham, Abraham ! » Réveille-toi ! Sors de ton rêve en forme de cauchemar. Libère-toi de ton obsession, de ton fanatisme, de cette idée mortifère que tu as en tête. Sors de là ! Et Abraham sort de sa torpeur, il répond, il ouvre les yeux, et il voit un bélier qui pourra être sacrifié plutôt que son fils, son unique, celui qu’il aimait.

Vous pensez vraiment qu’aujourd’hui on peut se passer des anges qui vont s’efforcer de sortir tel ou tel de son projet mortel voire suicidaire ? Vous pensez qu’il faut vraiment laisser faire les massacres quand on peut intervenir d’une manière ou d’une autre ? Vous pensez qu’il faut vraiment laisser faire les truands, ceux qui ont un projet pervers qui va défigurer l’humanité, quand on peut intervenir d’une manière ou d’une autre en aidant la personne en question à sortir des illusions malsaines dont elle se berce ?

Anges gardiens

On me dira… mais pourquoi nous ? N’y a-t-il pas des anges officiels pour cela ! Et puis, chacun n’a-t-il pas son ange gardien ? Non, il n’y a pas des anges officiellement anges ! Il y a des personnes qui, en fonction des circonstances, peuvent assumer ce rôle, non par désir mais parce que la question de l’Etre est en jeu et que si ces personnes ne portent pas cette question de l’Etre face à ceux qui la menacent, l’humanité recule.

Des anges gardiens ? Est-ce un ange gardien qui est promis à Moïse et au peuple hébreu ? Un ange gardien au sens d’un garde du corps qui lui évitera tout souci, toute révolte du peuple, qui lui évitera toute guerre contre les Amalécites, qui lui évitera de mourir avant d’arriver en Terre promise ? Un ange peut protéger notre route en étant le gardien de la mémoire, en maintenant vives les paroles qui font vivre, qui permettent de préserver la liberté, à la manière de ces dix paroles confiées à Moïse pour tout le peuple, pour nous tous. C’est ainsi que l’ange peut réparer ce qui a été cassé. L’ange est gardien lorsqu’il porte en lui la mémoire de la promesse qu’il peut ressusciter quand elle a disparu de notre horizon de préoccupations. Alors, le souvenir de la bénédiction fait surface à nouveau : l’ange l’a sauvée de l’oubli. Et ce qui était un problème insurmontable devient juste un sujet à traiter. Les fameux ennemis métaphoriques d’Israël s’évanouissent dans les brumes des faux problèmes et laissent place à un monde autrement plus vivable que ce que nous craignions jusque là.

L’ange contrarie

Pour autant, il ne faudrait pas concevoir les anges comme des êtres tout-puissants. L’ange de l’Eternel a beau se mettre en travers du chemin de Balaam, celui-ci passe outre, ne l’aperçoit même pas. L’ange est incapable de contraindre Balaam à quoi que ce soit. C’est l’ânesse -dont nous avions vu le dimanche des Rameaux qu’elle est une figure de l’humanité, le petit de l’âne devant être, comme l’homme, racheté à sa naissance-, c’est l’ânesse, la métaphore de l’humain, qui perçoit sa présence et qui va réagir. L’ange n’a donc pas la possibilité forcer le destin, comme Pilate n’a pas la possibilité de sauver Jésus en dépit du fait qu’il le déclare innocent. L’ange ne peut pas être autre chose qu’un messager, un porteur de la question de l’être. Il peut essayer de contrarier notre nature, il ne peut la contraindre. Il ne peut pas écrire l’histoire à notre place, il ne peut pas empêcher les suicides à coup sûr, comme aucun ange, pas même le maire qui avait pourtant essayé, n’aurait pu contraindre le commandant du bataillon de la division Das Reich à ne pas raser le village d’Ouradour sur Glane et de faire 642 victimes, il y a tout juste 68 ans. Cela n’a rien d’une consolation pour toutes les fois où nous échouons à convertir le barbare, à l’ouvrir à une autre réalité que son délire, lorsque nous échouons à sortir un ami du désespoir, lorsque nous échouons à ramener quelqu’un à de meilleurs sentiments, c’est un fait : L’Eternel n’est pas tout-puissant, nous ne le sommes pas non plus.

Ressusciter le désir

Pour autant, si nous ne pouvons pas toute chose, nous sommes des êtres capables de certains accomplissements. Lorsque Monsieur Gabriel fut envoyé dans un petit village inconnu de Galilée, il y a avait là une femme qui n’avait visiblement pas beaucoup d’idées sur ce qu’allait être son avenir. Elle fut donc troublée par la venue d’un homme (et si nous tenons compte du fait que Gaber signifie « viril » en hébreu, il faudrait quasiment traduire par « mec ») qui la salua avec une grâce singulière, elle qui ne connaissait pas d’homme. Mais parce que l’ange renvoie à l’au-delà, parce qu’il aide à passer les limites naturelles qui nous empêchent de poursuivre notre route, parce qu’il nous aide à les transgresser et à prendre les choses en main, Gabriel parvient à ressusciter du désir chez Marie, il ressuscite chez elle la fibre maternelle peut-être mise en veilleuse, il ressuscite chez elle le désir de vivre et de donner la vie, et de la donner en abondance.

La tradition a fait de cette scène la scène de référence en matière d’angélisme et parce que l’angélisme est devenue de nos jours une manière de dire de quelqu’un qu’il est bon, on attribue à cette scène un caractère à la fois religieux (à cause de la mariologie qui en a découlé) et mièvre (parce que ça dégouline de bons sentiments). Mais l’ange n’est pas un personnage religieux ou qui fait dans le religieux. L’ange s’adresse à notre être pré-religieux : il est porteur des préoccupations fondamentales qui précèdent la religion (la vie, la survie, l’identité, la mémoire, l’éthique, le désir…). Toutes ces questions seront assumées par la religion pour être pensées à un niveau universel, mais ce n’est pas cela qui intéresse l’ange. L’ange s’intéresse à notre partition, pas à la théorie. L’ange s’intéresse à la manière dont l’être va entrer en relation avec ce qui est, avec nous. Comment l’être va-t-il s’incarner et ne pas rester un bel idéal. L’ange va essayer d’établir ou de rétablir le contact entre l’être et ce qui est, pour redonner de l’ampleur à notre manière d’être, pour nous donner de nouvelles possibilités d’être, pour nous faire devenir fils de l’Eternel. L’ange le fait en s’adressant à ce qu’il y a de plus humain en nous, ce qu’il y a derrière le verni religieux : le Saint-Esprit, c’est notre capacité à nous mettre en relation dès lors que nous faisons face à l’Eternel, à ce qu’il y a de plus ultime en nous. La puissance du Très-Haut, la dunamis du Père qui est dans les cieux, c’est le dynamisme généré par le fait de s’ouvrir à l’au-delà, l’au-delà de nos rêves et de nos angoisses, la possibilité de donner à notre vie une ampleur qu’on ne soupçonne jamais tant que nous restons enfermés dans notre suffisance. C’est ici que se joue la résurrection du désir véritable qui nous donne des ailes.

Arrive aussi le moment où l’ange doit quitter le paysage, s’effacer, pour laisser la place à l’espérance ressuscitée. Qui veut faire l’ange et le rester… fait la bête. L’ange qui s’attarderait sur lui-même pour se faire adorer devient un démon. Il est donc temps de dire Amen.

Lecture de la Bible

Genèse 21:14-19

Abraham se leva de bon matin; il prit du pain et une outre d’eau, qu’il donna à Agar et plaça sur son épaule; il lui remit aussi l’enfant, et la renvoya. Elle s’en alla, et s’égara dans le désert de Beer-Schéba.
15 Quand l’eau de l’outre fut épuisée, elle laissa l’enfant sous un des arbrisseaux,
16 et alla s’asseoir vis-à-vis, à une portée d’arc; car elle disait: Que je ne voie pas mourir mon enfant! Elle s’assit donc vis-à-vis de lui, éleva la voix et pleura.
17 Dieu entendit la voix de l’enfant; et l’ange de Dieu appela du ciel Agar, et lui dit: Qu’as-tu, Agar? Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l’enfant dans le lieu où il est.
18 Lève-toi, prends l’enfant, saisis-le de ta main; car je ferai de lui une grande nation.
19 Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d’eau; elle alla remplir d’eau l’outre, et donna à boire à l’enfant.

Genèse 22:11-14

11 Alors l’ange de l’Eternel l’appela des cieux, et dit: Abraham! Abraham! Et il répondit: Me voici!
12 L’ange dit: N’avance pas ta main sur l’enfant, et ne lui fais rien; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique.
13 Abraham leva les yeux, et vit derrière lui un bélier retenu dans un buisson par les cornes; et Abraham alla prendre le bélier, et l’offrit en holocauste à la place de son fils.
14 Abraham donna à ce lieu le nom de Yahvé-Jiré. C’est pourquoi l’on dit aujourd’hui: A la montagne de l’Eternel il sera pourvu.

Exode 23:20-23

20 Voici, j’envoie un ange devant toi, pour te protéger en chemin, et pour te faire arriver au lieu que j’ai préparé.
21 Tiens-toi sur tes gardes en sa présence, et écoute sa voix; ne lui résiste point, parce qu’il ne pardonnera pas vos péchés, car mon nom est en lui.
22 Mais si tu écoutes sa voix, et si tu fais tout ce que je te dirai, je serai l’ennemi de tes ennemis et l’adversaire de tes adversaires.
23 Mon ange marchera devant toi, et te conduira chez les Amoréens, les Héthiens, les Phéréziens, les Cananéens, les Héviens et les Jébusiens, et je les exterminerai.

Nombres 22:21-27

21 Balaam se leva le matin, sella son ânesse, et partit avec les chefs de Moab.
22 La colère de Dieu s’enflamma, parce qu’il était parti; et l’ange de l’Eternel se plaça sur le chemin, pour lui résister. Balaam était monté sur son ânesse, et ses deux serviteurs étaient avec lui.
23 L’ânesse vit l’ange de l’Eternel qui se tenait sur le chemin, son épée nue dans la main; elle se détourna du chemin et alla dans les champs. Balaam frappa l’ânesse pour la ramener dans le chemin.
24 L’ange de l’Eternel se plaça dans un sentier entre les vignes; il y avait un mur de chaque côté.
25 L’ânesse vit l’ange de l’Eternel; elle se serra contre le mur, et pressa le pied de Balaam contre le mur. Balaam la frappa de nouveau.
26 L’ange de l’Eternel passa plus loin, et se plaça dans un lieu où il n’y avait point d’espace pour se détourner à droite ou à gauche.
27 L’ânesse vit l’ange de l’Eternel, et elle s’abattit sous Balaam. La colère de Balaam s’enflamma, et il frappa l’ânesse avec un bâton.

Luc 1:26-35

26 Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
27 auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.
28 L’ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi.
29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.
30 L’ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu.
31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus.
32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père.
33 Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin.
34 Marie dit à l’ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme?
35 L’ange lui répondit: Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.

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