Un certain Jésus, qui est mort, et que Paul prétendait vivant
Actes 25:13-22
Culte du 20 mai 2012
Prédication de pasteur Richard Cadoux
(Actes 25:13-22)
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Culte du dimanche 20 mai 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Richard Cadoux
« Un certain Jésus, qui est mort, et que Paul prétendait vivant », c'est en ces termes que, 25 ans après les événements de Golgotha, un haut-fonctionnaire romain, un certain Festus, nommé par l'empereur Néron aux fonctions de procurateur de Judée, pouvait évoquer l'initiateur d'un mouvement que les fidèles du Christ, eux, appelaient la VOIE, le chemin, mais que les païens commençaient à désigner sous le vocable de christianisme, puisque si l'on en croit le Livre des Actes, c'est à Antioche, la grande ville de Syrie, que l'on se mit à donner le nom de chrétiens aux disciples de Jésus de Nazareth.
C'est également à Antioche au début du IIème siècle que l'évêque Ignace, employa pour la première fois, dans une de ses lettres, le terme de christianisme, signifiant ainsi qu'une petite secte juive rejetée par les autorités de la synagogue s'était muée en une religion aux prétentions universelles, capable de rejoindre tout homme, quelque soit son appartenance ethnique, sociale, culturelle ou linguistique, sans toutefois cesser de se référer à « un certain Jésus, qui est mort, et que Paul prétendait vivant »
Mais alors qui fut le véritable inventeur du christianisme ? Serait-ce Jean, le baptiseur, Jean le plongeur, qui fut le premier à annoncer la venue du royaume de Dieu, suscitant sur les bords du Jourdain un mouvement de renouveau prophétique dans lequel Jésus s'est inscrit ?
Serait-ce ce Jésus, qu'on appelle Christ et Messie ?
Ou serait-ce encore Paul, le pharisien devenu apôtre du Seigneur resssucité ?
Ce quote des Actes nous invite à revisiter l'origine fondatrice du christianisme.
Au début de l'aventure chrétienne, « en ce temps-là », comme disent les évangiles, il y a, en effet, un homme, dans sa singularité, je dirai même dans sa banalité. Jésus, l'homme qui venait de Nazareth. Un quasi-inconnu au regard du tumulte des hommes et des événements.
Il est à peine fait mention de lui dans la littérature de l'époque. L'historien juif Flavius Josèphe évoque incidemment « Jésus, qu'on appelle le Messie, un sage, faiseur de prodiges, condamné par Pilate ». Josèphe ajoute : « ceux qui l'avaient d'abord aimé ne cessèrent pas de le faire ». Les historiens romains Tacite et Suétone font mention de Chrestos, l'initiateur d'une « détestable superstition », qui fut livré au supplice sous le règne de Tibère. Jésus peut ainsi apparaître comme l'homme quelconque, un personnage insignifiant, un charpentier, qui a grandi et qui a vécu de manière ordinaire dans une bourgade ordinaire des collines de Basse-Galilée. Ce n'était ni un prêtre, ni un scribe. C'était un simple laïc, un juif marginal, mais qui par sa prédication et ses activités de guérisseur et d'exorciste a suscité en Israêl un mouvement de réveil religieux, bénéficiant d'un engouement certain, mais tributaire aussi de virulentes oppositions. Jésus a finalement été arrêté avant d'être livré aux autorités romaines et expédié d'une manière particulièrement sommaire, la veille de la fête de Pâques.
Il se trouve que ses disciples ont précieusement conservé la mémoire de cet homme, de ses paroles et de ses actes. Il est d'ailleurs hautement significatif que dans la deuxième moitié du Ier siècle, lorsque l'Eglise éprouvera le besoin de fixer par écrit son témoignage de foi, elle le fera en choisissant de rédiger de courts fascicules, des évangiles, genre littéraire tout à fait original, mais qui présentent sous forme de biographie romanesque la vie de Jésus de Nazareth et qui recueillent l'essentiel de son enseignement.
En faisant ainsi mémoire de Jésus, il y a là pour nous une invitation à faire sans cesse retour à cette personnalité, à ne pas oublier Jésus dans la réalité de son humanité. Nous sommes invités à le retrouver comme une personne singulière, avec tout ce que cela veut dire d'attachement à celui avec qui nous pouvons nouer une relation personnelle. Il peut être un maître, un ami, un compagnon, un frère, un modèle. Un modèle, par sa vie, mais aussi dans sa mort.
Un certain Jésus qui était mort
Dans notre quête de l'origine, il y a, en effet, cette deuxième affirmation. Et nous voilà devant la croix. Cette réalité, brutale, insoutenable, incontournable, contre laquelle est venue buter la foi des premiers disciples. Pas n'importe quelle mort. Après un procès bâclé et inique, Jésus a été condamné par Pilate et a été exécuté comme un criminel, selon le supplice réservé aux esclaves et qui faisait de lui, d'après les prescriptions de la loi de Moïse (dans le livre du Deutéronome), un être maudit de Dieu. Oui maudit soit celui qui pend au bois de la croix.
Les premiers disciples se sont interrogés sur le sens et le non-sens de cette mort. Au regard de la foi des chrétiens, elle n'est pas simplement la mort du juste que l'on persécute, figure familière de la Bible. Ce n'est pas non plus seulement un martyre, la mort de celui qui donne sa vie pour ses convictions, Jésus acceptant de mourir pour la cause du royaume, comme un prophète assassiné. Elle n'est pas non plus simplement un modèle, la croix étant l'expression de l'indéfectible obéissance de Jésus à la volonté de Dieu, dans le jusqu'au bout d'un militantisme éthique. Jésus, dans cette perspective, serait alors un saint, un héros, une figure humaine, trop humaine de la pureté de ceux qui sont prêts à donner leur vie pour des valeurs.
Scrutant la mort de Jésus, à la lumière des Ecritures, les premiers chrétiens ont acquis la conviction que la mort de Jésus avait une signification théologique, qu'elle s'inscrivait dans le plan de Dieu. Ne fallait-il pas que le Christ souffrît pour entrer dans la gloire ? Enracinés dans leur foi au Dieu d'Israël, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants, les disciples de Jésus ont eu l'intuition que cette mort sur la croix ne pouvait être le dernier mot de l'aventure humaine de Jésus. Et c'est alors qu'il nous faut considérer la troisième affirmation du livre des Actes :
Un certain Jésus qui était mort et que Paul prétendait être vivant
Paul se dresse. A l'origine du christianisme, il y a une prise de parole, une proclamation, un témoignage, une affirmation selon laquelle Jésus est vivant. Pâques, en tant qu'événement de parole, est le point de départ de la foi chrétienne. C'est le témoignage des disciples de Jésus qui est à l'origine du christianisme.
Cela commence donc par une rumeur, qui court depuis 2000 ans : Il est vivant. Je dis que : « cela commence ». En fait, il vaudrait mieux dire que « cela recommence ». A Pâque, l'affaire Jésus recommence comme elle avait commencé un ou deux ans plus tôt aux bords du jourdain, là où Jean baptisait. Le mouvement de Jésus a commencé par une rumeur qui voltigeait autour de lui, un mélange d'interrogation, de suspicion et de confiance, autour de ce personnage paradoxal. Quel est-il donc, cet homme ? D'où lui vient son autorité ? De son vivant même, il y a eu un questionnement sur l'identité de Jésus. Et voilà qu'au lendemain de Pâque, avec l'affirmation par ses disciples qu'il est vivant, l'énigme est relancée, la question revient sur le tapis. Quel est-il donc cet homme dont tous savent qu'il est mort et dont quelques uns ont le culot de dire qu'il est vivant ? Est-il ressuscité comme l'affirment ceux qui lui accorde leur foi ? Apparemment résolue le vendredi saint, l'affaire Jésus est redevenue affaire d'actualité et n'a plus cessé de l'être jusqu'à aujourd'hui.
En soutenant l'affirmation selon laquelle Jésus est vivant, les premiers disciples confessent que Dieu, de manière décisive, est intervenu dans l'histoire des hommes et qu'en arrachant Jésus au pouvoir de la mort, il transforme radicalement les conditions de l'existence humaine. Et, dans cette perspective, les disciples peuvent soutenir que Jésus est l'homme qui vient de Dieu et qu'en lui s'accomplissent toutes les promesses du Dieu d'Israêl. Jésus n'est pas simplement l'homme de Nazareth, il est l'envoyé, le Fils, Christ et Seigneur d'une humanité nouvelle.
Mais la crédibilité de jésus ne s'impose pas comme une évidence claire et distincte. Elle n'est jamais dissociable d'une rumeur vivante, ni d'une croyance largement accordée, colportée d'abord de bouche à oreille, débattue en public, rejetée par les uns avec incrédulité, accueillie par d'autres avec espoir. Jésus ne peut demeurer vivant dans notre histoire qu'à la manière dont il y est entré, poussé en avant par la rumeur de ceux qui le suivent. Oui par à la parole des disciples, quelque chose s'est mis en marche dans l'histoire, qui pousse d'autres hommes à se mettre en route et à prendre la parole à leur tour. Et il est normal que depuis 2000 ans on ne cesse de débattre sur ce Jésus. On en débat, car cette question est proprement insoluble.
Elle est insoluble car il ne peut y avoir de preuves de la Résurrection. La seule trace perceptible, c'est que précisément des hommes se lèvent, se mettent debout, ressuscitent, et osent une parole de liberté en confessant que Christ est vivant et que désormais leur vie en est radicalement transformée.
Christ est vivant. Il faut bien voir que la prédication pascale, le fait de proclamer que Jésus est vivant, n'est pas un enseignement sur Dieu et son Christ. Paul, qui a revendiqué le titre d'apôtre et qui a consacré sa vie à l'Evangile, ne s'est jamais pensé comme un porte-parole de la tradition de Jésus. Dans ses lettres, il ne donne aucun détail sur la biographie du rabbi de Nazareth pas plus qu'il ne cite les paroles du Jésus de l'histoire. La prédication de Pâque, je le répète, n'est pas un enseignement sur la vie et sur la mort de Jésus.
Elle est une invitation à entrer dans la vie, elle est un appel à une décision personnelle. En entendant Paul affirmer que Jésus est vivant, des êtres humains, qu'il soient juifs ou païens, hommes ou femmes, libres ou esclaves, ont accepté d'entrer dans une vie nouvelle selon l'Evangile. Le message de Pâque ne devient une bonne nouvelle et une vérité que pour celui qui accepte de l'intégrer à son propre destin, en vivant à son tour comme un Ressuscité, « comme un vivant revenu de la mort » pour reprendre l'expression de Paul dans l'Epître aux Romains. Le Message pascal et la Résurrection de Jésus sont ainsi indissolublement liés. L'événement du Christ et la proclamation qui en est faite, l'Evangile et ses témoins, la Révélation et l'histoire vont de pair et ne peuvent être séparés.
En fin de compte, Paul et les autres, ne peuvent parler que parce qu'ils sont au bénéfice d'une grâce qui vient de Dieu. Rendant compte de cette expérience de la résurrection, Paul peut écrire aux galates : « il a plu à Dieu..............de révéler en moi son fils ». Les disciples de Jésus ne deviennent témoins qu'après avoir été bénéficiaires, debout parce que grâciés, libres parce que conduits par l'Esprit de Dieu. L'insurrection pascale n'est possible que parce qu'elle est un acte de Dieu, dans la puissance de l'Esprit.
C'est l'Esprit de dieu qui a conduit Jésus tout au long de son ministère galiléen, de son baptême jusqu'à la mort sur le gibet. C'est ce même Esprit qui l'a réveillé d'entre les morts. Et c'est encore cet Esprit qui nous met debout aujourd'hui pour témoigner du Christ et pour annoncer au monde que la lumière resplendit dans les ténèbres. Alors est dépassée la question de savoir qui est l'inventeur du christianisme, Jean, Jésus, Paul. Peu importe, d'une certaine manière. Jean, Jésus, Paul et la nuée des témoins nous renvoient au Dieu qui crée et qui recrée, au Dieu dont l'Esprit planait au-dessus des eaux originelles et qui aujourd'hui nous donne la vie en surabondance.
Que l'Esprit de Pentecôte vienne nous visiter, qu'il roule la pierre nos tombeaux et qu'il nous confie à Jésus, le Vivant, aujourd'hui et pour les siècles des siècles.
Amen
Lecture de la Bible
Actes 25:13-22
Le roi Agrippa et Bérénice arrivèrent à Césarée, pour saluer Festus. 14 Comme ils passèrent là plusieurs jours, Festus exposa au roi l’affaire de Paul, et dit: Félix a laissé prisonnier un homme 15 contre lequel, lorsque j’étais à Jérusalem, les principaux sacrificateurs et les anciens des Juifs ont porté plainte, en demandant sa condamnation.
16 Je leur ai répondu que ce n’est pas la coutume des Romains de livrer un homme avant que l’inculpé ait été mis en présence de ses accusateurs, et qu’il ait eu la faculté de se défendre sur les choses dont on l’accuse.
17 Ils sont donc venus ici, et, sans différer, je siégeai le lendemain au tribunal, et je donnai l’ordre qu’on amène cet homme.
18 Les accusateurs, s’étant présentés, ne lui imputèrent rien de ce que je supposais; 19 ils avaient avec lui des discussions relatives à leur religion particulière, et à un certain Jésus qui est mort, et que Paul affirmait être vivant.
20 Ne sachant quel parti prendre dans ce débat, je lui demandai s’il voulait aller à Jérusalem, et y être jugé sur ces choses.
21 Mais Paul en ayant appelé, pour que sa cause soit réservée à la connaissance de l’empereur, j’ai ordonné qu’on le garde jusqu’à ce que je l’envoie à César.
22 Agrippa dit à Festus: Je voudrais aussi entendre cet homme. Demain, répondit Festus, tu l’entendras.