Plus personne n'osait interroger Jésus !

Matthieu 22 :33-46 , Genèse 3 :1-15

Culte du 30 août 2009
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Matthieu 22 :33-46 ; Genèse 3 :1-15 )

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Culte du 30 août 2009 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Jésus n’était pas une personne facile. Nous le voyons avec ce récit qui se termine par cette conclusion « personne n’osait plus interroger Jésus » !

Peut-être nous faut-il réviser l’idée que nous nous faisons de Jésus, image déformée par 2000 ans de légendes présentant souvent Jésus comme un tendre ami et Dieu comme une personne terrible. Or, l’Évangile nous dit plutôt l’inverse, que Dieu est plein de tendresse, mais que les paroles de Jésus étaient choquantes et dures !

Comment est-ce possible ? Comment est-ce que Jésus, qui manifeste l’amour de Dieu, Jésus qui incarne cette bonne nouvelle qui est au-dessus de toutes les bonnes nouvelles, comment peut-il susciter ainsi un rejet et une crainte par ses paroles ?

  • Jésus choque, parce que dire la vérité à quelqu’un, même quand c’est par amour et pour le bien qu’on le fait, cela n’est pas toujours facile à entendre.
  • Jésus choque, parce qu’il nous appelle au changement, il nous appelle à réviser nos priorités dans la vie, c’est un appel essentiel, un appel salutaire, mais ce n’est pas facile ou agréable à entendre.
  • Jésus choque aussi parce qu’il nous donne une parole qui nous émancipe, qui fait de nous des adultes dans le monde, c’est une chose formidable mais que cela peut nous faire peur. C’est tellement plus commode de vivre comme un enfant, c’est tellement plus sécurisant de rester bien protégé par les murs d’une religion établie, par des dogmes éternels, par des lois morales claires et immuables. Jésus nous libère et c’est pour nous comme la première fois que nous sautons à l’eau sans bouée.
  • Jésus choque, parce que l’annonce d’un salut gratuit, fondé sur la seule grâce de Dieu, cela choque notre sens inné d’une justice basée sur le donnant-donnant. C’est choquant, cela transforme notre théologie, mais aussi notre notion de la justice, notre conception des rapports humains… Comme cela, les ennemis de Dieu sont aussi aimés par lui ? Quel scandale !
  • Jésus choque, parce que mettre le spirituel aux commandes dans nos vies va contre toutes les fibres de notre corps, contre nos instincts les plus profonds comme les instincts de survie, de domination, de protection du territoire.

Et donc, oui, les personnes qui entendaient les paroles de Jésus les trouvaient bien dures. Nous ne sommes donc pas les seuls à être souvent troublés en lisant les évangiles. Mais le chrétien, finalement, c’est celui qui dit comme l’apôtre Pierre dans ce passage que nous lisions ici dimanche dernier : cette parole de Jésus est dure, qui peut l’écouter ? Mais bon, ce sont néanmoins les paroles de la vie éternelle, alors à qui irions-nous d’autre ? (Jean 6 :60-68)

Oui, les paroles de la vie éternelle ne sont pas des paroles tendres, ce sont des paroles qui dérangent, qui mettent en route, cela nous fatigue, cela nous choque, nous blesse, mais elles nous font un bien fou, elles nous appellent à la vie, ces paroles donnent la vie à qui veut bien se laisser transformer par elles !

Par contre, c’est la présence de Dieu qui est source de douceur, source de consolation et de paix intérieur, de confiance. Le sentiment religieux est une expérience profondément touchante qui nous permet de construire vraiment notre être au cours d’un contact d’un instant. Dieu est une agréable source de vie, mais pour nous ouvrir à lui, pour nous mettre en mouvement vers lui, il faut cette parole souvent étrange, dérangeante, ou choquante du Christ. Il agit comme un bistouri pour enlever une tumeur, comme un défibrillateur pour réveiller notre cœur, comme la claque de l’accoucheur sur les fesses du nouveau-né pour l’aider à prendre sa première goulée d’air.

Dans ce dialogue avec les pharisiens, Jésus commence par une première parole extrêmement choquante pour eux, j’en avais parlé ici il y a deux ans déjà, quand Jésus ose dire que certes, il faut écouter et aimer Dieu comme le propose Moïse dans la Torah, mais qu’il faut le faire « avec toute son intelligence ! » Jésus ose ainsi transformer ce qui faisait et ce qui fait encore le cœur de la religion juive. Il fait voler ainsi en éclat la place même, non seulement de la religion juive pour les pharisiens qui l’écoutent alors, mais Jésus transforme ainsi notre rapport avec toute religion, toute idéologie, avec notre culture et notre histoire, avec nos goûts et nos points de vue. Ajouter en toute chose de la réflexion personnelle, à commencer dans notre recherche aimante de Dieu, cela remet à leur juste place les dogmes, les rites, les autorités religieuses, les institutions.

Oui, cette parole du Christ est dure à entendre, dure pour ces spécialistes de la Bible qui sont face à Jésus, mais cette parole est dure également pour ces croyants qui étaient rassurés que des spécialistes pensent à leur place et leur dise ce qu’ils devaient croire et faire dans l’assurance tranquille d’être ainsi dans la vérité éternelle de Dieu. Ces hommes et ces femmes me font penser à ces hommes que j’ai rencontrés en prison et qui après 10 ans de vie en cellule sont paniqués de devoir sortir, parce que si la vie en prison est très pénible, elle est simple car tout y est à peu près organisé par d’autres.

Jésus nous libère du dictat de la parole des experts pour que nous réfléchissions par nous-mêmes, que chacun réfléchisse, du plus petit au plus grand, à commencer dans votre recherche de Dieu, dans votre amour de Dieu. Et aussitôt, Jésus leur donne cette courte énigme qui tient en deux questions essentielles : « Que pensez-vous du Christ ? » et « de qui est-il le fils ? ».

Les pharisiens n’hésitent pas une seconde, sautant à pieds joints au-dessus de la première question et répondant à la seconde en récitant ce qu’ils avaient toujours entendu dire, sans se poser, justement, de questions. Jésus ne critique pas leur réponse, elle n’est pas fausse, dans un sens, mais Jésus va les embrouiller, il va leur montrer que la réalité est bien plus complexe qu’ils ne pensaient. La Bible est tellement riche, tellement pluraliste qu’il est très difficile, si l’on est honnête d’avoir un point de vue simpliste en se basant sur elle. En un seul petit quote, Jésus bouleverse le simplisme de la pensée de ces hommes, il va maintenant falloir qu’ils se mettent à réfléchir par eux-mêmes.

Jésus nous dit : appliquez votre intelligence, complexifiez vos réponses, ne vous contentez pas de ces schémas simplistes qui sont autant de murs d’une prison, murs qui vous empêche d’être vous-mêmes même si ces murs vous protègent bien confortablement de l’extérieur, vous évitant le trouble des grands espaces, la difficulté de tracer votre propre chemin.

  • « Qui est le Christ pour nous ? » cette question est fondamentale : qu’est-ce que nous attendons comme salut ? Est-ce que nous attendons quelque chose de Dieu ? Est-ce réellement ce que lui veut et peut nous apporter ? Cette question est donc fondamentale et personne ne peut y répondre à la place d’un autre, pas même le Christ lui-même, évidemment.
  • « De qui le Christ est-il le fils ? » A priori, cette question ne nous empêchait pas vraiment de dormir. Et pourtant, la réponse de Jésus montre qu’elle est fondamentale, car c’est en se posant cette question que l’on peut accueillir le salut qui vient de Dieu.

Les théologiens sérieux qu’étaient les pharisiens répondent « le Christ est fils de David. » Dans un sens, ils ont raison, mais leur tort, c’est de s’arrêter à la simple généalogie humaine. C’est vrai que le salut de Dieu s’incarne dans ce que nous sommes, mais il y a également autre chose. Comme ces pharisiens, nous héritons d’un trésor qui nous vient des générations précédentes, il est même plus riche encore de 2000 ans d’histoire, c’est un trésor inestimable hérité de la foule des philosophes et théologiens, penseurs et scientifiques qui débattent, se répondent, nuancent et synthétisent les réponses depuis des générations. Le salut viendrait-il de cela ? Jésus ne dit pas non, il est héritier aussi d’une riche histoire, au croisement des cultures égyptiennes mésopotamiennes, grecques et hébraïques. Mais Jésus rappelle que David parlait « par l’Esprit » c’est-à-dire qu’en David il y avait aussi un souffle d’une incroyable nouveauté et qu’ainsi dans le fils de David il y a bien plus qu’une simple synthèse des traditions passées.

Cette question de savoir de qui le Christ est le fils n’est pas une simple question piège pour embarrasser les pharisiens, mais c’est une question essentielle. L’intelligence à laquelle nous invite Jésus peut faire de nous des fils de David, des personnes qui nous appuyons sur la pensée des hommes et des femmes qui nous ont précédés, mais il faut que nous soyons aussi des personnes qui voient la réalité de façon prophétique, grâce à quelque chose de plus qui nous vient de Dieu. Le salut que nous apporte le Christ doit faire de nous à la fois des fils ou fille de l’homme et des fils ou fille de Dieu.

Quel est donc l’action du Christ pour accomplir ce prodige ? Jésus le dit avec cette énigme et la question supplémentaire que pose la citation du Psaume de David « Le Seigneur dit à mon Seigneur : assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je mette tes ennemis sous tes pieds ».

Dans son discours fameux à la Pentecôte l’apôtre Pierre commente précisément ce quote, ou même cette citation qu’il avait entendu faire par Jésus. Pierre nous dit que cette montée du Christ à la droite du Père nous permet de recevoir l’Esprit Saint. Il est, bien entendu, nécessaire de chercher à comprendre ce qu’évoque ces images car personne ne pense une seconde qu’il y aurait une sorte de fauteuil doré sur quelque nuage où Dieu et le Christ seraient assis.

Comment marche ce salut que nous permet de recevoir le Christ, quel rapport entre cette histoire d’ennemis transformés en marchepied et d’Esprit Saint ? Une réponse peut être trouvée dans le texte essentiel de la Bible en ce qui concerne le péché, et donc en ce qui concerne notre besoin d’être sauvé. Dans l’histoire d’Adam et Ève, le serpent est le type même de l’ennemi. À la fin de cette histoire, Dieu annonce que puisqu’il en est ainsi, il y aura une lutte incessante entre le pied des descendants d’Ève et la tête du serpent. C’est vrai, il y a un combat depuis toujours en chacun de nous contre nos tentations, nos faiblesses et nos souffrances. C’est à se demander qui aura la victoire, le serpent ou bien la vie, incarnée par Ève. En Christ, Dieu nous rend enfin vainqueurs du serpent, vainqueur de cette inimitié, de cette jalousie que nous avons contre Dieu, de cette tentation de nous prendre nous-mêmes pour Dieu. Nous pouvons alors nous ouvrir à l’Esprit, à cet éclairage qui vient de Dieu et à ce supplément de création qu’il veut nous apporter sans cesse.

Oui, par le Christ, il y a un combat victorieux pour que la puissance créatrice de Dieu puisse agir en nous. Le serpent nous enfermait dans l’illusion d’avoir toutes les réponses sans discernement, sans Dieu, simplement guidé par notre désir de l’instant. Et ce serpent nous enfermait en nous-mêmes, il nous enfermait dans notre façon de voir égocentrique et dans notre tradition.

Le Christ nous libère, il nous dit que nous n’avons rien à craindre de Dieu, que Dieu est pour nous, que nous pouvons nous reposer un temps en nous asseyant tranquillement dans ce fauteuil doré que Dieu a réservé pour nous, son enfant bien aimé. Alors, au lieu de nous battre seul avec notre serpent, le nez dans la poussière, nous voyons les choses de haut. Nous apprenons à voir la réalité d’un regard plus riche, et pas seulement de notre petit point de vue, nous apprenons à complexifier et à réfléchir, nous apprenons à compter sur Dieu, sur son Esprit pour nous aider à voir la richesse et la valeur des choses. Alors nous pourrons faire une synthèse personnelle et ouvrir notre chemin.

C’est pourquoi « plus personne n’osait plus interroger Jésus », ce n’est pas par peur, mais parce que Dieu ne répondra pas à nos questions à notre place, il veut ouvrir notre conscience personnelle et notre créativité pas nous vider de notre propre conscience pour y mettre le Christ. Comme la foule, nous gardons l’envie d’interroger Christ, parce que nous lui faisons confiance, nous aimerions bien que Dieu réponde à notre place, décide à notre place, ce serait tellement mieux… mais nous ferons plutôt comme nous le propose Jésus dans le début du texte, nous oserons avancer en associant une vraie relation à Dieu basée sur l’amour et une réflexion personnelle qui assume le fait que nous ayons à faire nos choix par nous-mêmes, comme des grands.

Amen.

Lecture de la Bible

Matthieu 22 :33-46

La foule, qui écoutait, fut frappée de l’enseignement de Jésus.

34 Les pharisiens, ayant appris qu’il avait réduit au silence les sadducéens, se rassemblèrent, 35 et l’un d’eux, docteur de la loi, lui posa cette question, pour l’éprouver: 36 Maître, quel est le plus grand commandement de la loi?

37 Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ton intelligence. 38 C’est le premier et le plus grand commandement. 39 Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.

41 Comme les pharisiens étaient assemblés, Jésus les interrogea, 42 en disant: Que pensez-vous du Christ? De qui est-il fils?

Ils lui répondirent: De David.

43 Et Jésus leur dit: Comment donc David, animé par l’Esprit, l’appelle-t-il Seigneur, lorsqu’il dit: 44 Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, Jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied? 45 Si donc David l’appelle Seigneur, comment est-il son fils?

46 Nul ne put lui répondre un mot.

Et, depuis ce jour, personne n’osa plus lui proposer des questions.

Genèse 3 :1-15

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Eternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?

2 La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. 3 Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.

4 Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; 5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal.

6 La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d’elle, et il en mangea. 7 Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures. 8 Alors ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Eternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.

9 Mais l’Eternel Dieu appela l’homme, et lui dit: Où es-tu?

10 Il répondit: J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.

11 Et l’Eternel Dieu dit: Qui t’a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger?

12 L’homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé.

13 Et l’Eternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé.

14 L’Eternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. 15 Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci te visera la tête, et tu lui viseras le talon de son pied.

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