Les méfaits de l’esclavage

Jérémie 34:8-11 , Jérémie 34:17-22

Culte du 7 juin 2015
Prédication de pasteur James Woody

(Jérémie 34:8-11, 17-22)

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Culte du dimanche 7 juin 2015
prédication du pasteur James Woody

 

Chers frères et sœurs, bien des textes bibliques s’interrogent sur la question de l’esclavage. Et ce que les textes bibliques donnent à penser sur cette question montre un goût pour la liberté déjà fortement prononcé. Ce passage du livre de Jérémie fait état d’une abolition de l’esclavage au temps du roi Sédécias, dont le règne est estimé avoir eu lieu au début du sixième siècle avant notre ère. Ce texte biblique ne nous dit pas quelles ont été les motivations d’une telle abolition ; ce texte nous raconte la cascade d’effets que cette décision a provoqués.

Ne plus être les esclaves des esclaves

Le premier effet est que les anciens propriétaires reviennent sur leur décision et forcent les anciens esclaves à redevenir esclaves. Cela signifie que des hommes libres, qui ont librement choisi d’affranchir les esclaves, se rendent compte que ce n’est pas une bonne décision et qu’il faut revenir dessus. Raconter ce revirement permet de souligner que les hommes qui étaient identifiés comme libres ne l’étaient pas tant que cela. Ils découvrent qu’ils ne peuvent pas vivre sans leurs esclaves. Les vrais esclaves, ce sont les propriétaires qui étaient tellement dépendants de leurs esclaves qu’ils se sont vite rendu compte que la vie était impossible sans eux. Voilà pourquoi, très probablement, ils se sont empressés de leur remettre la main dessus, de force, pour les contraindre à reprendre du service en leur faveur.

Ce premier effet met en évidence un bienfait de l’abolition de l’esclavage, c’est qu’il permet de rendre vraiment libres l’ensemble des humains. Ce n’est pas le fait d’avoir besoin d’un autre que soit qui est remis en cause, ici. De manière générale les textes bibliques encouragent le service mutuel, considérant que nous avons besoin les uns des autres pour mener une vie bonne. Ici, le texte biblique repère le moment où il y a une perversion de ce besoin réciproque : c’est lorsque nous devenons dépendant d’un rapport de domination. Que chacun ait des compétences spécifiques et que nous fassions appel à un boulanger professionnel pour avoir un pain de qualité, il n’y a rien à redire. Que nous ne puissions plus vivre sans avoir une brigade d’esclaves à notre botte, voilà qui pose problème. Car si nous ne pouvons pas vivre sans avoir des gens qui nous sont soumis, cela laisse entendre que nous ne pouvons pas vivre sans entretenir des rapports de domination, rapports qui sont contraires à l’esprit des textes bibliques qui font la promotion d’une égale dignité entre les être humains. En développant l’idée d’une fraternité universelle, les textes bibliques récusent le principe d’esclavage qui pose qu’il y a d’un côté les hommes libres qui ont tous les droits, et de l’autre les esclaves qui ont tous les devoirs. L’apôtre Paul ne dira pas autre chose, à l’autre bout de la Bible, en disant que la fraternité développée par le Christ Jésus conduit à ce qu’il n’y a plus ni esclaves ni hommes libres (Ga 3/28).

La rétention d’information, un esclavage sournois

La deuxième chose que met en évidence ce récit, c’est que les anciens esclaves redeviennent esclaves après avoir été affranchis. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu de révolte ? comment se fait-il que les affranchis n’aient pas fait valoir leurs nouveaux droits ? Comment se fait-il que le pouvoir de domination ait pu fonctionner si facilement ?

La deuxième chose que ce récit met en évidence, c’est qu’il est un esclavage sournois qui consiste à ne pas informer les individus de leurs droits. Maintenir quelqu’un dans l’ignorance, c’est s’assurer qu’il ne sera pas totalement libre de pouvoir exercer ses droits. Oui, il est des esclavages sournois qui s’élaborent insidieusement, sans se dire, mais qui sont redoutablement efficaces et qui s’appuient sur la rétention d’information. Quand on ne connait pas ses droits, il y a peu de chances qu’on se batte pour les défendre. Quand on ne sait pas que nous sommes autorisés à être heureux, il y a peu de chances qu’on se révolte contre le malheur. Quand on ne sait pas que nous avons de la valeur, il y a peu de chances que nous nous exprimions à la face du monde. Ce qui est révoltant, dans ce texte, c’est que les nouveaux hommes libres soient restés esclaves des représentations sociales auxquelles ils avaient été habitués. Car voilà bien le cœur du problème : l’habitude, l’éducation, la façon dont se forge notre compréhension de la vie, qui tient principalement à ce que nous avons vu et entendu. Les relations que nous avons avec autrui dépendent principalement des relations que nous avons observées dans nos lieux de vie (la famille, puis l’école…). Si nous n’avons pas connu autre chose que le contexte familial, nous en serons totalement imprégnés, pour le meilleur et pour le pire. Des parents violents rendent la violence légitime dans les rapports humains. Attribuer les tâches ménagères aux seuls membres féminins de la famille rend légitime le caractère sexiste de ces tâches. Etre privés de parole ou de reconnaissance nous fait croire que notre parole ne vaut rien et que, de manière générale, nous n’avons pas beaucoup de valeur.

La religion biblique qui insiste sur la dimension de révélation, a notamment pour fonction de révéler ce qui est constitutif de notre humanité. Un point fort de la religion biblique est de travailler sur les stéréotypes pour proposer de nouvelles manières d’être. La religion biblique rompt avec les habitudes bien ancrées qui contredisent l’idée fondamentale qu’elle se fait de l’être humain et plus particulièrement de sa vocation à être libre. C’est contre la rétention d’information, c’est en vertu du principe de révélation, c’est pour rompre avec les habitudes qui empêchent l’humanité d’être libre, que les textes bibliques vont remettre en cause le droit d’aînesse qui donnerait une priorité au biologique. Ils vont remettre en cause les sacrifices humains qui font de Dieu un être sanguinaire. Ils vont remettre en cause la valeur supérieure du travail, de la race, de l’argent. Ils vont remettre en cause l’idée qu’il y aurait un destin écrit à l’avance. Ils vont remettre en cause le lien entre faute morale et maladie. Ils vont remettre en cause l’esclavage. Les textes bibliques ouvrent notre conscience à d’autres manières d’envisager la vie, d’envisager les relationnels, la valeur spécifique des choses, des situations, pour que nous ne soyons pas les esclaves d’une pensée unique qui nous aurait été inculquée et qui nous empêcherait d’être un individu capable de faire des choix personnels, de les assumer, bref, d’être libre.

Un nouveau mode relationnel

Après avoir dénoncé les rapports de domination et de servitude, après avoir mis en évidence l’esclavage provoqué par la rétention d’information, notre texte envisage un mode relationnel évangélique qui pourrait être notre source d’inspiration au quotidien. Ce mode relationnel est l’alliance. C’est une alliance que le roi Sédécias conclut avec le peuple, et c’est cette alliance qui va être évoquée au moment de solder cet épisode biblique. La fin du texte rappelle en quoi consistait une alliance dans le Proche Orient ancien : deux parties se mettaient d’accord sur une décision, sur un projet, sur les termes d’un contrat. Ensuite, pour sceller cette alliance, on prenait un animal qu’on coupait en deux et dont on séparait les morceaux. Ensuite, les deux parties passaient entre les morceaux de l’animal coupé. Ce rite avait pour fonction de dire que si l’une des deux parties ne respectait pas les termes de cette alliance, il finirait comme l’animal découpé. C’est ce qu’on appelle un rite imprécatoire.

Un tel rite met tout le monde à égalité. Chacun est vraiment libre puisqu’il est déclaré responsable de ce qui va arriver. Car c’est à la condition de pouvoir échouer que nous sommes vraiment libres de réussir. En envisageant ce qui se passera si l’un des deux ne respecte pas les termes du contrat, le rite pose que chacun agit en ayant la capacité d’assumer ses actes, une autre manière de dire le fait qu’on est responsable. C’est la raison pour laquelle le prophète Jérémie en vient à dire quelles vont être les sanctions appliquées à ceux qui n’ont pas respecté l’alliance et qui ont remis la main sur les anciens esclaves, contrairement à ce qui avait été conclu. Si l’Eternel apparait sous les traits du justicier comptable qui va rendre à chacun selon ses fautes, c’est pour mettre en évidence ce principe de responsabilité. Pour bien comprendre cela, il faut être attentif au quote 17 qui inaugure la liste des sanctions en annonçant que l’Eternel va affranchir l’épée, la peste et la famine. Ici, le rédacteur biblique pense la justice dans des termes qui sont proches de ce qu’écrirons les théologiens du Process bien des siècles plus tard. En agissant contre la liberté des esclaves, les fautifs ont agressé le principe de liberté ; ils l’ont fait souffrir, ils l’ont blessé. Autant d’images pour dire qu’ils ont perturbé les relations interpersonnelles au lieu de promouvoir la liberté, au lieu de permettre à chacun un plein épanouissement. Le rédacteur biblique pense la justice en prolongeant les effets de cette manière de faire : en libérant les forces de domination, en libérant le pouvoir de contrainte, les fautifs ont atrophié une partie de l’humanité, ce qui peut se dire par le fait qu’ont été libérée l’épée, la peste, la famine, autant de fléaux qui réduisent l’humanité.

Réduire quelqu’un en esclavage, c’est notamment brider sa capacité d’initiative, c’est entraver ses possibilités d’évolution, c’est empêcher sa libre implication dans les affaires du monde, c’est donc se priver d’une personne capable d’améliorer notre quotidien. Les fautifs s’infligent eux-mêmes les conséquences de leur faute, le plus souvent sans en avoir conscience. C’est ce que révèle ce texte biblique en rapportant à Dieu ce qui pourrait apparaître comme une rétribution et qui est bien plutôt une révélation. Le texte biblique révèle ce que produisent les différents comportements pour que nous prenions conscience des implications de notre éthique personnelle. Le texte biblique met les comportements en perspective pour nous révéler ce que produisent nos convictions. C’est en nous offrant cette connaissance que le texte biblique nous rend libres, vraiment libres de développer une éthique personnelle en connaissance d’effets.

Amen

Lecture de la Bible

Jérémie 34:8-11, 17-22

La parole fut adressée à Jérémie de la part de l’Eternel, après que le roi Sédécias eut fait un pacte avec tout le peuple de Jérusalem, pour publier la liberté,

9 afin que chacun renvoie libres son esclave et sa servante, l’Hébreu et la femme de l’Hébreu, et que personne ne tienne plus dans la servitude le Juif, son frère.

10 Tous les chefs et tout le peuple, qui étaient entrés dans le pacte, s’engagèrent à renvoyer libres chacun son esclave et sa servante, afin de ne plus les tenir dans la servitude; ils obéirent, et les renvoyèrent.

11 Mais ensuite ils changèrent d’avis; ils reprirent les esclaves et les servantes qu’ils avaient affranchis, et les forcèrent à redevenir esclaves et servantes.

...

17 C’est pourquoi ainsi parle l’Eternel: Vous ne m’avez point obéi, en publiant la liberté chacun pour son frère, chacun pour son prochain. Voici, je publie contre vous, dit l’Eternel, la liberté de l’épée, de la peste et de la famine, et je vous rendrai un objet d’effroi pour tous les royaumes de la terre.

18 Je livrerai les hommes qui ont violé mon alliance, qui n’ont pas observé les conditions du pacte qu’ils avaient fait devant moi, en coupant un veau en deux et en passant entre ses morceaux;

19 je livrerai les chefs de Juda et les chefs de Jérusalem, les eunuques, les sacrificateurs, et tout le peuple du pays, qui ont passé entre les morceaux du veau;

20 je les livrerai entre les mains de leurs ennemis, entre les mains de ceux qui en veulent à leur vie, et leurs cadavres serviront de pâture aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre.

21 Je livrerai Sédécias, roi de Juda, et ses chefs, entre les mains de leurs ennemis, entre les mains de ceux qui en veulent à leur vie, entre les mains de l’armée du roi de Babylone, qui s’est éloigné de vous.

22 Voici, je donnerai mes ordres, dit l’Eternel, et je les ramènerai contre cette ville; ils l’attaqueront, ils la prendront, et la brûleront par le feu. Et je ferai des villes de Juda un désert sans habitants.

Traduction NEG

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