Vous avez dit Dieu ?

Éphésiens 3:14-20

Culte du 17 avril 2016
Prédication de pasteur Gilles Castelnau

Vidéo de la partie centrale du culte

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)

On m’a suggéré de faire un sermon disant comment je parlais de Dieu.
Mais c’est un sujet trop impressionnant.
Cela me paraissait même impossible de dire : « je vais parler de Dieu ».
Dès qu’une idée se présentait à moi, elle me paraissait insuffisante, prétentieuse, ridicule, fausse.
Alors je vais vous proposer un patchwork d’images, de pensées qui m’ont traversé l’esprit ces derniers temps, des moments où j’ai eu comme une intuition, où j’ai senti comme un souffle qui montait en moi, un dynamisme créateur… Je vais vous en dire quelques-uns.
S’il y en a un qui vous accroche, qui vous saisit, qui vous paraît correspondre à vos préoccupations,
je vous le donne : remodelez-le à votre manière, faites-le vôtre. Car ce n’est pas MON Dieu qui peut vous éclairer, vous soutenir, vous réorienter : c’est le vôtre, le Dieu de votre vie.

• 1 •

Jésus a dit en Matthieu 10, qu’aucun oiseau ne tombait à terre sans notre Père.
Certains ont traduit : sans que Dieu votre Père le sache.
Un Dieu qui voit cette chute et laisse faire !
D’autres traduisent même : Dieu l'a permis.
Moi je n’aurais pas permis que l’oiseau tombe !
Segond traduit même : « Dieu l’a voulu ». Moi je n’aurais pas voulu.

Mais justement Jésus n’a pas dit tout cela. Il a seulement dit sans votre Père.
Dieu est là avec l’oiseau qui tombe. Les juifs disent : shekinah : présence.
Les musulmans disent « Dieu est plus proche que notre veine jugulaire. »
Si Dieu est là avec moi quand je tombe, j’ai moins peur de tomber.

• 2 •

Un professeur de théologie américain demandait à ses étudiants d’imaginer en quoi leur foi serait modifiée si on leur prouvait – avec des preuves indiscutables - que Jésus n’avait jamais existé. Un grand silence lui avait répondu.
J’aurais répondu : si vous me priviez de ce symbole central de ma vision du monde et de mon espérance, j’en cueillerais mille autres dans les pages de la Bible :
- La sortie d’Égypte – impossible - du pays de l’esclavage,
- La victoire impossible de David sur le terrible géant Goliath (I Samuel 17.4),
- L’impossible espérance promise : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ».

• 3 •

- « Vous avez raison : moins on a de religion, mieux on vit, et plus on est sympathique ».
Je me suis surpris à lâcher cette phrase à un voisin musulman attablé devant une bière au café du coin.
A ma remarque souriante au sujet de cette bière, il avait répliqué :
- « Mais je n’ai pas de religion » .
Mon « apostasie » mettait-elle en question mes décennies de ministère pastoral pourtant convaincu ?
Peut-être pas.

Les salafistes qui tuent et fouettent pour plaire à Dieu, les évangéliques fondamentalistes et les catholiques intégristes qui enseignent que Dieu voue à l’enfer ceux qui sortent des rails officiels, ne seraient-ils pas plus humains et fraternels s’ils avaient moins de « religion » ?

L’« athéisme » souriant d’André Comte-Sponville, le dévouement des bénévoles du Secours Populaire, de la Cimade ou d’Amnesty International, leur humanisme et leur accueil sans condition de ceux qui souffrent, ne participent-ils pas davantage que bien des « croyants » radicaux à l’incarnation du Royaume de Dieu que Jésus nous a fait connaître ?

• 4 •

On dit que Jésus est « monté au ciel à la droite de Dieu ». Mais cela vexerait grandement, s’ils l’apprenaient, les autres êtres pensants sur les planètes du cosmos, qui demanderaient pourquoi un Terrien aurait cette place dominante et non un ressortissant de leur planète.

La question est la même lorsqu’on dit que « Marie est reine du ciel, reine des anges » : pourquoi serait-ce une terrienne et non une ressortissante d’Alpha du Centaure ou d’ailleurs ?

Devant l’immensité du cosmos, notre religion ne paraît-elle pas très petite, très provinciale ? Nos religions prêchent un petit Dieu régional et aux préoccupations souvent bien mesquines et rétrogrades, et non pas un Dieu créateur international, intergalactique.

On se dit qu’aux temps très anciens, où il n’y avait que les dinosaures et pas d’hommes et que Dieu faisait pousser les plantes et les herbes dont ceux-ci se nourrissaient, il n’y avait donc pas de péchés à compter, pas de salut du monde à mettre en œuvre et Dieu se réjouissait sans doute tout simplement de regarder les dinosaures, que nous jugeons si laids et qu'il trouvait probablement beaux.

Cette idée de Dieu élargit énormément notre horizon et montre que nos cultes, comme d’ailleurs ceux des musulmans et des juifs, qui sont centrés sur le péché, les demandes de pardon, sont trop anthropocentriques et étroits d’esprit. Ne faudrait-il pas avoir des cultes où soit davantage manifestée la joie de Dieu qui regarde vivre les dinosaures, les humains et les habitants éventuels d’Alpha du Centaure ?

• 5 •

Des anarchistes ont écrit, une fois, sur la porte du temple de Montrouge dont j’étais pasteur leur slogan qui me plaît plutôt : « Ni Dieu ni maître ». J’ai rajouté sur la porte un x à Dieu et un s à maître, car je crois précisément que Dieu est celui qui nous libère de tous les Dieux dominateurs, écrasants, aliénants et de tous les maîtres qui nous accablent d'un esprit de mort.

• 6 •

Albert Schweitzer décrit ainsi sa compréhension du sens de la vie : Nous naviguions lentement sur le fleuve. Nous avancions dans la lumière du soleil couchant, en dispersant au passage une bande d'hippopotames, soudain apparurent à mon esprit, les mots « Je suis vie qui veut vivre parmi d'autres vies qui veulent vivre ».

Il disait encore : Lorsque par un sombre soir d'hiver les chevaux ne parviennent pas, en raison de la glace et de la neige, à grimper la voûte d'un pont et qu'apparus à côté de la voiture, des passants spontanément donnent un coup de main en poussant, ne vous semble-t-il pas, à vous qui avez participé à la scène, que la ténébreuse nuit d'hiver se dissipe et que poursuivant votre chemin vous marchez maintenant dans une autre nuit, plus claire, plus belle ?

7

Le pasteur Andrew Linzey, professeur à la faculté de théologie d'Oxford dit que la croix du Christ concerne aussi la souffrance des animaux :

La croix du Christ est symbole de toutes les souffrances des hommes , disait-il . Elle révèle que Dieu s'identifie aux créatures vulnérables, faibles, sans pouvoir et particulièrement à tous les êtres innocents sans protection et sans défense. Nous qui avons compris notre solidarité avec tous les crucifiés et l'horreur de leur sort, nous comprenons aussi notre solidarité avec les animaux innocents et l'horreur de leur sort. La croix est symbole des souffrances des animaux comme des hommes.

Et Jean le Visionnaire a dit : Toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer, je les entendis qui disaient : « A celui qui est assis sur le trône, et à l'Agneau, soient la louange, l'honneur, la gloire, et la force, aux siècles des siècles ! » Apocalypse 5.11-14

• 8 •

Jésus-Christ

Parmi tous les hommes qui savent me parler, qui me font prendre conscience du fondement dans lequel je puise, comme tout être, mon élan vital, qui répond à ce qui me préoccupe ultimement, Jésus-Christ est unique à mes yeux.

J'aime lire ce que les évangiles disent de lui : à son contact, sous son influence, les aveugles voyaient, les lépreux étaient purifiés, les morts ressuscitaient. Je comprends que ces mots désignent un dynamisme créateur, un souffle d'apaisement, une fraternité renouvelée.

Ce Souffle de vie monte en nous comme en lui, réoriente nos pensées et nous fait affronter le mal dans un esprit de victoire à travers nos défaites et la mort elle-même. C'est le Souffle du Dieu qui nous rend humains, avec nos compagnons les autres hommes de bonne volonté.

N.B. Je n'aime donc pas que l'on vitrifie Jésus-Christ dans des doctrines figées au vocabulaire tout fait, car il est toujours au-delà et ailleurs de ce que l'on peut dire de lui.

Je ne lis pas dans les Évangiles que sa mort de martyr soit un sacrifice expiant un quelconque péché originel.

Jésus-Christ n'a jamais dit ni fait de mal à personne. La Présence divine qu'il nous fait connaître n'est pas celle d'un Juge menaçant, obsédé par les fautes et réclamant des expiations.

• 9 •

Imaginez que, parce que nous sommes conscients de nos limites, de nos insuffisances, du mécontentement que nous avons parfois de nous-mêmes, nous nous laissions aller à chantonner : « Seigneur aie pitié, Christ aie pitié, Seigneur aie pitié ».

Unis au Christ dans cette atmosphère des évangiles, vous savez bien que Jésus nous répondrait :

- « Arrête ! on va maintenant chez Zachée, le collecteur d'impôts haï de la foule de Jéricho. Et on va lui dire que le salut est entré dans sa maison car il est aussi un fils d'Abraham et il n'en est pas conscient. Il nous recevra certainement avec joie. Et les choses iront mieux pour lui et… aussi pour nous. »

Alors laissons entrer en nous l’Esprit de paix et de joie, de créativité divine, levons-nous et marchons !

• 10 •

Intercession

Dans les prières d’intercession à la fin des cultes nous suggérons à Dieu qu’il ferait bien de s’occuper davantage de plusieurs points qui nous paraissent urgents et qu’il semble ignorer.

On recommence fidèlement et patiemment dimanche après dimanche car on n’a jamais l’impression que Dieu ait le moins du monde arrangé les choses comme il pourrait si facilement le faire dans sa toute puissance manifestement demeurée inactive.

Mais je crois qu’il nous répond que ces tâches nous incombent et d’ailleurs que son Esprit nous en rend individuellement et collectivement capables.

La prière renonce dès lors à ses cascades de demandes et se fait plutôt méditation : attitude de calme, suscitée peut-être par une lecture biblique, où l’on prend conscience de la force de vie cosmique qui nous anime, nous rend participant à toutes les autres vies du monde, proches et lointaines et renouvelle en nos cœurs l'amour et la créativité dynamique que Jésus-Christ nous a fait connaître. Volonté de Dieu que chacun, comme dit le prophète, puisse demeurer « sous sa vigne, sous son figuier et boire l’eau de sa propre citerne » (Esaïe 36.17).

• 11 •

Et si vous ne croyez pas trop en Dieu

Si vous ne pouvez pas trop croire en Dieu, cela n’a pas tellement d’importance. Dieu ne demande pas qu’on lui proclame des confessions de foi, qu’on le flatte en lui répétant qu’il est le plus grand, qu’on le supplie d’avoir pitié. Dieu n’est pas un maharadja couvert de gloire et de puissance qui exige des génuflexions et des prières. Si c’était le cas, Jésus l’aurait dit.

Dieu est la Source de la vie dans laquelle nous puisons l’eau de notre existence. Il est le terreau vivifiant dans lequel nous sommes enracinés. Il est le médecin qui guérit nos âmes. Et nos médecins ne demandent pas avant tout nos remerciements et nos louanges, ils veulent surtout que nous bénéficions de leurs prescriptions et sont heureux de nous voir retrouver la santé.

Si, avec notre tête, nous ne pouvons pas expliquer Dieu et si nous tournons en rond en supputant la probabilité de son existence, ouvrons alors notre cœur et puisons au plus profond de nous-mêmes l’élan vital, la force, le courage de relever notre menton et de tenir le coup à travers les malheurs de l’existence que nous connaissons bien.

• 12 •

Adhémar de Barros, poète argentin.

J'ai fait un rêve, la nuit de Noël.
Je cheminais sur la plage, côte à côte avec le Seigneur.
Nos pas se dessinaient sur le sable, laissant une double empreinte, la mienne et celle du Seigneur.

L'idée me vint - c'était un songe - que chacun de nos pas représentait un jour de ma vie.
Je me suis arrêté pour regarder en arrière.
J'ai vu toutes ces traces qui se perdaient au loin.
Mais je remarquai qu'en certains endroits,
au lieu de deux empreintes, il n'y en avait plus qu'une.

J'ai revu le film de ma vie.
O surprise ! Les lieux de l'empreinte unique correspondaient aux jours les plus sombres de mon existence.
Jours d'angoisse ou de mauvais vouloir ; jours d'égoïsme ou de mauvaise humeur ; jours d'épreuve et de doute ; jours intenables... jours où, moi aussi, j'avais été intenable.

Alors, me tournant vers le Seigneur, j'osai lui faire des reproches :
« Tu nous a pourtant promis d'être avec nous tous les jours !
Pourquoi n'as-tu pas tenu ta promesse ?
Pourquoi m'avoir laissé seul aux pires moments de ma vie ?
Aux jours où j'avais le plus besoin de ta présence ? »

Mais le Seigneur m'a répondu :
« Mon ami, les jours où tu ne vois qu'une trace de pas sur le sable, ce sont les jours, où je t'ai porté dans mes bras ».

Lecture de la Bible

Ephésiens 3:14-20

A cause de cela, je fléchis les genoux devant le Père, 15 de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom, 16 afin qu’il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans l’homme intérieur, 17 en sorte que Christ habite dans vos cœurs par la foi; afin qu’étant enracinés et fondés dans l’amour, 18 vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, 19 et connaître l’amour de Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu.

20 Or, à celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, 21 à lui soit la gloire dans l’Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles! Amen !

(NEG)

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