Un défi à relever

Luc 24:33-53

Culte du 10 mai 2018
Prédication de Isabelle Pierron

Vidéo de la partie centrale du culte

Aujourd’hui nous sommes réunis pour une fête que l’on nomme « ascension » c’est-à-dire l’élévation de Jésus re-levé de la mort.
Luc et Marc ont-ils utilisé cette image parce que le prophète Elie a été emporté au ciel, (2 Rois 2/1-25) et qu’il reste très présent dans l’esprit de l’époque ?
Quoique nous en pensions, historique ou métaphore, cette « ascension »est un départ.
Le départ de Jésus.

Encore, une question : A quel moment a lieu ce départ ?
Il s’agit bien du départ de Jésus sorti du tombeau, de Jésus réveillé de la mort.
Rappelez-vous, dans le judaïsme, le mort dort jusqu’au jugement de l’Éternel à la fin des temps derniers. A la tombe de Lazare, Jésus affirme : « Lazare notre ami est endormi et je vais pour le réveiller» Jean 11/11.

C’est ainsi qu’il nous faut remarquer qu’entre la mort de Jésus, voulue par les puissants religieux de son temps, et sa sortie du tombeau, il y a le geste de l’Éternel. Jésus est re-suscité dans le sens où sa vie n’est pas anéantie, son enseignement est validé, sa mission rendue juste.
Au temps de Jésus, l’espérance en la résurrection existait déjà. L’Exil à Babylone, en 586 avant Jésus, questionne profondément l’idée de rétribution divine ici-bas et naît alors l’espérance que la Justice divine sera révélée aux fins dernières, marquant alors la vie ou la mort éternelles pour chacun. Les évangiles n’ont pas voulu attendre les fins dernières pour affirmer la justice de l’Éternel en faveur de Jésus. C’est ainsi que Jésus a été relevé de la mort 3 jours après. Ce OUI de l’Eternel sur la vie de Jésus lui fait justice et est le dernier mot divin après le NON des humains à accepter son enseignement.

C’est donc Jésus réveillé de la mort, relevé du tombeau, comme Juste, glorifié, qui est élevé.
Ainsi « Jésus est emporté au ciel », écrit Luc 24/51. Un passif qui nous signifie clairement que c’est le geste de l’Éternel.
Et le ciel ici, de quoi s’agit-il ?

Deux sens importants :
Au pluriel, en hébreu ou en grec, « les cieux » sont utilisés pour nommer l’Eternel qui n’a pas un nom mais plusieurs et que l’on ne peut saisir en le nommant.
Au singulier, « le ciel » représente l’ étendue de l’univers, visible par tout vivant, sur la terre.
Gardons les deux sens aujourd’hui.

Luc dans les actes, 1/11, écrit : « Pourquoi restez vous à regarder le ciel ? « 
L’évangéliste insiste sur le « pourquoi  restez vous »... sous entendu : vous y passez trop de temps. Même s’il est important de regarder le ciel... de temps en temps !

En effet, le ciel a une portée universelle puisque tous les vivants peuvent le voir, le regarder, le contempler. Et le ciel est dans la symbolique divine le lieu de résidence des dieux.
Traduisons encore : Jésus élevé au ciel est donné à tout être humain et son enseignement est universel, valable pour chacun où qu’il soit, quel qu’il soit.

Aïe ! Jésus n’appartient donc pas aux chrétiens ? Aux Églises ? Au christianisme ?
J’ose dire ... non. L’enseignement de Jésus est pour chaque être humain. Pourquoi ? Parce que missionné par l’Eternel, Jésus est donné à tous. Et Jésus le reconnaît en envoyant ses disciples partout dans le monde : « Allez par tout le cosmos proclamez la bonne nouvelle à toute la création ». Marc 16/15
Et son enseignement est plus que des leçons. C’est une Justice universelle.
Qu’est ce à dire ?
Tout ce que Jésus a dit, fait, enseigné est en faveur de l’autre, pour l’autre. A l’image de l’Amour de l’Éternel pour chacun de nous. Nous sommes reconnus chacun comme unique, accueilli, écouté, accompagné, re-levé par l’Amour éternel. Si nous reconnaissons cette justice qui nous est donnée, à notre tour nous pouvons faire œuvre de justice. Car aimer c’est être juste, c’est rendre justice à l’autre en lui donnant ce dont il a besoin pour vivre et aimer à son tour. Nous pouvons aussi dire « justification » dans notre langage protestant. Pour Luther, "simul peccator, simul justus » par la grâce de l’Eternel, en même temps pécheur et justifié.

Cette justice est difficile à comprendre car pour nous « justice » signifie : récompense ou punition. Or Jésus nous a enseigné la justice de l’Eternel qui donne à chacun ce dont il a besoin pour aimer : sous entendu, tu fais du mal aux autres parce que tu manques d’amour alors je t’en donne encore et encore pour que tu changes. Une justice ouverte sur un à-venir meilleur, à accomplir.

Après avoir regardé le ciel, nous voici donc renvoyé sur la terre, au plus près de notre vie ici-bas. D’où l’invitation de Luc : ne restez pas à regarder le ciel !
Regardez le, oui, pour y puiser force et joie à aimer sur terre. Mais ne restez pas dans la contemplation, agissez.

Encore une fois, je dirai : aïe !

Chaque dimanche, nous confessons notre foi, notre confiance en cet Amour qui nous justifie, en cette grâce qui nous re-lève jour après jour.
Chaque dimanche, et peut-être chaque jour, nous disons notre reconnaissance d’être aimé et pardonné.
Mais la question suivante se pose : Qu’en faisons-nous ? Que faisons-nous de cet Amour, porte-t-il des fruits ? Que faisons nous de cette justification ? Éternel nous rend justice, nous justifie malgré nos erreurs et nos errements. Qu’en faisons nous? En vivons-nous ? Vivons-nous comme des êtres pardonnés ouverts au pardon de l’autre ?

Ne serions-nous pas, vous et moi, encore comme de jeunes élèves, voir très jeunes élèves, assis en classe à écouter Jésus nous enseigner sa manière d’aimer et de faire justice ?
Avons nous entendu : « lève toi et marche » Luc 5/22-25 ?
Avons nous décidé de quitter les bancs de l’école et de remonter nos manches pour mettre en pratique les leçons données par Jésus ?
Sommes-nous passés du savoir au croire ? Sommes-nous passés de l’enseignement reçu assis à la mise en pratique qui nous fait lever et aller vers l’autre ?

Jésus nous attend et nous espère. Lui-même a dit à ses disciples : « Il est bon pour vous que je m’en aille » ! Jean 16/7.
Jésus avait bien compris que les disciples marchaient avec lui, l’écoutaient, partaient en mission. Il avait aussi compris que les disciples obéissaient en le reconnaissant comme maître. Mais dans cette parole, Jésus les invite, nous invite à aller plus loin : va, à toi de choisir. Tu me connais, tu sais ce que je t’ai dit, tu vois le chemin à suivre. Maintenant à toi de choisir, de décider. En fonction de ce que tu es, en fonction de ceux et celles que tu croises sur ton chemin. Va, je te fais confiance.

Le départ de Jésus ouvre alors un horizon beaucoup plus grand : ne pas restez à regarder le ciel, ne pas rester à regarder Jésus ou à lire la Bible, mais marcher avec son Esprit en nous qui redit ses paroles, et nous fortifie. Agir en communion vivante avec lui.
Et Jésus poursuit en nous rappelant que l’Esprit est là.

L’esprit qui est Souffle, dynamique de vie, puissance de création et de pardon.
Cet Esprit/Souffle demeure en nous.
Rappelez-vous Genèse 2 : L'Éternel Elohim façonna l’adamah/ l’être humain venant de la poussière du sol, il souffla dans ses narines une haleine de vie et l’adamah devint un être vivant.

En partant Jésus nous dit et redit que nous ne sommes pas seuls, que nous ne sommes pas orphelins, c’est-à-dire privés de père. L’Eternel, que Jésus nomme souvent Père, est source de la Vie, cette Vie spirituelle, en notre vie de chair, car son Souffle demeure en nous. Ainsi ce n’est pas au ciel qu’il nous faut chercher le dieu révélé par Jésus. Il demeure en nous, il nous espère, et attend que nous vivions au plus près de lui, avec lui.

Jésus était magnifiquement intelligent, dans sa compréhension de notre humanité. Souvent, pas toujours !, il donne un ordre avec le chemin à suivre pour accomplir cet ordre.
Rappelez vous : aimez vos ennemis, Matthieu 5/44, et Jésus poursuit en montrant le chemin
Au moment de son départ, Jésus agit de même : Vous êtes mes témoins, allez, vous n’êtes pas seuls, vivez avec le Souffle qui habite en vous 

Oui, Jésus avait compris que les disciples, qui marchaient avec lui, avaient du mal à comprendre parce que trop souvent ils ne comptaient que sur leur intelligence, leur propre savoir. Et jésus a toujours poussé le bouchon assez loin dans l’interprétation de la loi, déstabilisant même les Pharisiens instruits.
Pourtant, sans cesse, Jésus ouvre les yeux de ses disciples d’hier comme les nôtres aujourd’hui pour nous dire : ne compte pas que sur toi, sur ton intelligence, sur ta connaissance. Marche avec ce Souffle qui est en toi et tu agiras dans l’abondance, avec justice.
Jésus dit aussi ceci : je sais que vivre avec les autres c’est souvent difficile, je sais que vous serez souvent insultés, reniés, incompris parce que vous êtes mes témoins.
Je sais aussi, dit Jésus, que parfois « tu feras le mal que tu ne veux pas et que tu ne feras pas le bien que tu veux » comme l’écrit l’apôtre Paul, Romains 7/19.
Mais, dit encore Jésus, va encore et encore, ne renonce pas, va jusqu’au bout, je te fais confiance, tu n’es pas seul.

N’est-ce pas cela vivre dans la foi ? La foi n’est-elle pas pour Jésus cette relation intime avec le Souffle dans lequel se poser, se re-poser, se nourrir et se ressourcer ? ce Souffle qui jamais ne rejette, jamais ne condamne. Jésus n’est plus là. Il est parti. Mais il nous a révélé l’Amour dont nous sommes aimés, il nous a révélé la Source de la Vie.

Oui, Jésus a pleinement raison quand il nous dit : « il est avantageux pour vous que je m’en aille ». Une manière de dire que maintenant nous sommes en première ligne ! Et pour assurer la mission, il nous invite à aller à la source qui l’a envoyé lui-même en mission, à la source qui l’a nourri et accompagné pendant son ministère, à la source qui habite en chacun de nous. Il nous montre le chemin. Il nous invite à aller sur les chemins à sa suite ET à nous ressourcer dans le silence et la prière. Il nous invite à rendre justice car justice nous est rendue, à écouter parce que nous sommes écoutés, à pardonner parce que nous sommes pardonnés. Oui, nous sommes invités, ici et maintenant, à accomplir l’Evangile, œuvre de l’Eternel révélé par Jésus.
Et c’est le Jésus re-levé, justifié, glorifié qui nous envoie en mission « Vous êtes témoin de ces choses » Luc 24/48. Nous pouvons le suivre, marcher avec lui, être les témoins de l’Amour révélé. Il nous fait confiance. Jésus a foi en nous.

Finalement, cette journée d’Ascension est d’une grande actualité pour chacun de nous.
Si nous lisons le ch 24 de Luc depuis le début, nous entendons que

• le tombeau est vide, comme toutes les portes de nos enfermements sont ouvertes : dans la foi, nul ne peut rester enfermé dans un jugement, une situation, une trahison, La justice divine ouvre toutes les portes et re-suscite la vie.
• Jésus est vivant justifié : le cœur de notre foi
• les premiers témoins de cet inouï relèvement sont des femmes, et des femmes appelées à témoigner auprès des disciples. Des femmes témoins et porteuses de La Bonne Nouvelle et que les hommes ne voudront pas croire, partant vérifier ce qu’elles disent. Les temps ont-ils changé en profondeur ?
• Certains disciples, enfermés dans le chagrin de la mort de Jésus, vont marcher avec un homme qu’ils ne reconnaîtront pas comme Jésus. Tant il est difficile, c’est vrai, de voir clair dans l’épreuve, de croire que nous pouvons être re-levés de tout ce qui nous met à terre.
• Arrivant par surprise à la plage où sont réunis les disciples, Jésus les envoie en mission en présence du Père, source de la Vie.

Tout ce qui s’est passé en ce premier jour de la semaine est vrai pour chacun de nous aujourd’hui. Même si cette journée est inouïe, c’est-à-dire du « jamais entendu » : la résurrection, les rencontres, l’ascension.
Et pourtant une journée à vivre chaque jour ici et maintenant.

Ce départ de Jésus nous pose une dernière question : que fais-tu de ce que je t’ai donné ?
Deux pistes : que fais-tu du cadeau que tu reçois ?
Que fais-tu du donateur ?
Si vous gardez les deux intiment liés, la grâce et Jésus votre vie sera re-suscitée une fois encore.

Alors chaque jour, vous reconnaîtrez que vous êtes re-levés, par l’amour, le pardon, la présence de l’aimé, dans toute épreuve qui vous blesse et vous met à terre.
Chaque jour, vous ferez des rencontres où vous pouvez être témoins de ce Souffle qui demeure en vous et le réveiller chez l’autre.
Chaque jour, vous vivrez entre ciel et terre, en levant les yeux pour regarder un autre que vous-même.
Chaque jour, vous ferez en sorte que les dons reçus portent des fruits à travers vous.
Oui, vous vivrez chaque jour, enraciné dans l’amour qui vous est donné.

Il s’agit d’incarner l’Evangile chaque jour, à la suite de Jésus en le mettant en pratique.
C’est alors que le Souffle en vous grandira, élèvera votre regard vers les autres, vous fortifiera.
Vivre chaque jour votre vie de chair, comme le dit l’apôtre Paul, en l’animant avec le Souffle créateur. «  Ce n’est pas moi qui vis c’est le Christ qui vit en moi » Galates 2/15-20
Voilà le défi que Jésus vous lance en partant.

Etes-vous prêts à le relever, ici et maintenant, encore et encore ?

Lecture de la Bible

Luc 24/33-53
33 Se levant à l'heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent les onze, et ceux qui étaient avec eux, assemblés
34 et disant: Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon.
35 Et ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu au moment où il rompit le pain.
36 Tandis qu'ils parlaient de la sorte, lui-même se présenta au milieu d'eux, et leur dit: La paix soit avec vous!
37 Saisis de frayeur et d'épouvante, ils croyaient voir un esprit.
38 Mais il leur dit: Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi pareilles pensées s'élèvent-elles dans vos cœurs ?
39 Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi; touchez-moi et voyez: un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai.
40 Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds.
41 Comme, dans leur joie, ils ne croyaient point encore, et qu'ils étaient dans l'étonnement, il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger?
42 Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel.
43 Il en prit, et il mangea devant eux.
44 Puis il leur dit: C'est là ce que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous, qu'il fallait que s'accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes.
45 Alors il leur ouvrit l'esprit, afin qu'ils comprissent les Écritures.
46 Et il leur dit: Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu'il ressusciterait des morts le troisième jour,
47 et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
48 Vous êtes témoins de ces choses.
49 Et voici, j'enverrai sur vous ce que mon Père a promis; mais vous, restez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la puissance d'en haut.
50 Il les conduisit jusque vers Béthanie, et, ayant levé les mains, il les bénit.
51 Pendant qu'il les bénissait, il se sépara d'eux, et fut enlevé au ciel.
52 Pour eux, après l'avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie;
53 et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu.

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