Un cœur de chair ou l'expérience de la vulnérabilité
Ézéchiel 36:26
Culte du 27 novembre 2022
Prédication de Agnès Adeline-Schaeffer
Vidéo de la partie centrale du culte
Culte à l'Oratoire du Louvre
27 novembre 2022
277ème jour de la guerre en Ukraine
« Un cœur de chair ou l'expérience de la vulnérabilité »
Culte présidé par la pasteure Agnès Adeline-Schaeffer
Avec le Chœur dirigé par Alexandre Korovitch
et à l'orgue : David Cassan, organiste co-titulaire
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Liturgie
Prédication : Un cœur de chair ou l'expérience de la vulnérabilité
Amis, frères et sœurs,
Nous avons allumé la première bougie de la Couronne de l’Avent. C’est le premier dimanche de l’Avent.
Nous découvrons ou nous redécouvrons la nouvelle liturgie. Tout nous invite au changement, pour entrer dans ce temps de l’Avent, qui veut dire « ATTENTE ».
Les quatre dimanches de l’Avent ouvrent la période de Noël. Nous vivons les jours les plus courts de l’année. Les moins lumineux aussi.
La situation internationale actuelle reflète une profonde instabilité, elle est une source d’inquiétudes et de préoccupations multiples, elle est génératrice de peurs et de colères.
La peur, comme la colère, est une mauvaise conseillère. Elle pousse l’être humain au repli sur soi, à la protection parfois exagérée, disproportionnée, favorisant l’endurcissement des cœurs. Et cet endurcissement peut se reconnaitre par une fermeture telle que l’être humain arrive à rendre son cœur tellement dur qu’il finit par se pétrifier. Il devient dur comme de la pierre jusqu’à ne plus rien ressentir, l’autre quel qu’il soit lui devient un étranger. Son cœur devient insensible jusqu’à l’indifférence. La fin d’un monde se caractérise par des jours difficiles, et il semble que ces jours particuliers traversent régulièrement les générations marquées entre autres par cette insensibilité repérable. Déjà l’apôtre Paul en faisait la remarque à Timothée dans sa seconde lettre (2 Tm 3 :1-3) :
1 Sache que, dans les derniers jours, surgiront des temps difficiles.
2 Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, orgueilleux, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, sacrilèges,
3 insensibles, implacables, calomniateurs, sans frein, cruels, ennemis des gens de bien,
4 traîtres, impulsifs, enflés d'orgueil, aimant leur plaisir plus que Dieu ;
5 ils garderont la forme extérieure de la piété, mais ils en renieront la puissance.
Si la peur est mauvaise conseillère, elle est comme l’arbre qui cache la forêt. La peur rend « pécheur », au sens étymologique du terme, c'est-à-dire qu’elle coupe l’être humain de Dieu, du divin. Être coupé de Dieu, dans le contexte biblique, c’est ne plus avoir confiance, ni en Dieu, ni dans les autres et par voie de conséquence, ni en soi.
Cela rejoint la situation décrite dans le livre d’Ezéchiel, dont nous venons de lire un extrait. A cette époque, la fin du 7ème siècle, début du 6ème, avant notre ère, la situation internationale est complètement bouleversée. Les Assyriens et les Egyptiens sont battus par la nouvelle puissance babylonienne. Les chefs du Royaume de Juda ayant pour capitale Jérusalem font de mauvaises alliances politiques qui conduisent au premier siège de Jérusalem en 597, avant notre ère, qui essaie de résister mais en vain, provoquant la première déportation la même année, en particulier celle des élites. Puis une nouvelle révolte, celle de 587, fragilise dangereusement Israël qui assiste, impuissant à la destruction de Jérusalem, et du temple, et c’est la seconde vague de l’Exil à Babylone. Ezéchiel, prêtre attaché au temple de Jérusalem est déporté dès la première période, en 597. Sa prophétie est intimement liée à cette situation. Avec un style qui lui est particulier, en tant que visionnaire incomparable, Ezéchiel va tenter de relire théologiquement cette situation désespérée. L’Exil va être compris comme la conséquence de l’endurcissement du cœur du peuple d’Israël envers son Dieu, qui s’est éloigné du Dieu de ses pères, ce peuple qui a préféré ne compter que sur lui-même, en faisant de mauvaises alliances politiques, et qui s’est laissé tenter par d’autres cultes que celui du Dieu d’Israël. C’est ainsi que le livre d’Ezéchiel contient dans sa première partie, des prédictions de malheur contre le peuple, des prophéties contre les autres nations, puis l’insoutenable nouvelle de la chute de Jérusalem qui fera murmurer le peuple contre Dieu, en disant « Notre espérance est détruite, nous sommes perdus » (Ez 37:11).
Ezéchiel sera le prophète qui mettra le peuple d’Israël devant ses contradictions, devant la réalité de sa situation usant de comparaisons et d’images aussi sensationnelles les unes que les autres pour essayer de rejoindre le peuple, là où il en est, c’est-à-dire au plus bas, le peuple loin de sa terre, privé du Temple. Le peuple d’Israël est obligé de s’examiner, de se sonder et tenter de répondre à de nouvelles questions : comment le peuple va-t-il rendre un culte à Dieu puisque l’impensable s’est produit avec la destruction du Temple ? Le peuple ne va-t-il pas être obligé de se réformer en quelque sorte ? il va falloir inventer quelque chose de nouveau, et retrouver la présence du divin autrement. Par l’intermédiaire d’Ezéchiel en particulier, le divin va prendre corps, contre toute attente, dans le peuple lui-même malgré l’amour déçu de Dieu pour son peuple. A ce peuple abattu, perdant courage et risquant de perdre en même temps, et le Temple et la foi dans le Dieu de ses pères, Ezéchiel va parler d’une manière toute nouvelle : il y a une espérance. Il va y avoir un relèvement, une sorte de résurrection, et ce, par pure grâce. Et puisque le peuple n’est pas capable de prendre soin du nom de Dieu, alors Dieu décide de prendre lui-même soin de l’honneur de son nom, mais il ne le fera sans son peuple. Dieu décide de refaire confiance à son peuple. Et pour marquer la toute-puissance de cette initiative inattendue, Ezéchiel va insister sur l’emploi de la première personne du singulier, pour désigner la volonté divine de l’exaucement de la prière : la première promesse est le rassemblement et le retour des exilés, sur la terre initialement promise, et la seconde, qui est la préoccupation fondamentale d’Ezéchiel, c’est de sensibiliser le peuple à la purification de son péché. Tout en étant intimement lié dans la foi à son Dieu, Ezéchiel ne ménage pas le peuple, en le mettant devant la réalité de la situation. Si c’est à partir de sa détresse que le psalmiste crie et prie, c’est depuis l’exil à Babylone qu’Ezéchiel prophétise. Et cette réalité est la conséquence de l’endurcissement de son cœur. Arrive la troisième promesse de Dieu qui confirme de donner à son peuple un cœur neuf et un esprit neuf. Un cœur neuf ! Un cœur, ce mot si important dans l’alliance que Dieu tisse, fidèlement, avec son peuple…le cœur, ce petit mot de rien de tout qui définit en profondeur l’être humain, ce cœur qui le centre de l’être humain, le siège de sa personnalité dans ce qu’il a à la fois de négatif comme le ressentiment ou l’indifférence, et de positif, comme étant le lieu le plus intime de la rencontre de l’homme et de son Dieu. Ezéchiel sait parfaitement que le cœur de l’homme est le lieu de l’activité humaine la plus vraie, et il distingue deux choses fondamentales qui sont toujours d’actualité puisqu’il s’agit de notre propre humanité : d’une part, il y a cette réalité extérieure visible, charnelle, repérable par les gestes rituels, et d’autre par la réalité intérieure qu’il désigne par le cœur, duquel jaillissent les intuitions les plus personnelles, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.
Alors la purification du peuple si chère à la prophétie d’Ezéchiel, ne sera authentique que si elle est signe d’un renouvellement intérieur. Pour qu’elle soit effective, le Seigneur lui-même va opérer la transformation du cœur de pierre de son peuple en un cœur de chair. Opérer qui fait penser au terme chirurgical d’une opération à cœur ouvert, et l’on sait combien cette opération est délicate. Elle laisse sur le corps la trace d’une cicatrice, rappelant la blessure. Elle rappelle le difficile apprentissage de la vulnérabilité, qui décrit le caractère de quelque chose de fragile. Le mot vulnérable contient en lui-même la notion de blessure. Notre société actuelle nous rend attentif à la vulnérabilité par la parution de différents ouvrages, dont la plupart propose de transformer cette vulnérabilité en force, et de ce fait, essaie de de convertir le pauvre cœur de chair en un cœur de pierre bien résistant à toutes les tribulations humaines. Cela peut être une mécompréhension de la vulnérabilité. Car si le Dieu de la Bible insiste tant sur le cœur de chair, c’est pour que chaque membre de son peuple soit rendu attentif à l’autre. Ce qu’il désire ardemment, c’est ce que son nom ne soit plus profané. Et pour qu’il ne le soit plus, il s’agit alors de mettre, voire de remettre, dans ce cas précis, l’autre, le prochain, sur le devant de la scène. C’est tout que Dieu demande : de mettre en pratique le commandement d’amour, non pas comme un carcan obligé, mais comme un amour qui inclut un service désintéressé, ou l’autre sera aimé comme il a besoin de l’être et non selon nos propres critères. Ce qui fera écrire l’apôtre Paul à ses amis les Philippiens, les chrétiens de Philippes : « Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité, (l’humus, l’humain) vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » (Phil 2/3-4). La frontière entre un cœur de pierre et un cœur de chair est très mince en fait. Devant ce besoin impérieux et souvent irraisonné de se protéger, nous restons barricadés dans un cœur de pierre, jusqu’à l’intérieur même de nos églises, Mais ce qui est demandé ici, n’est pas de se blinder contre les autres à tout prix, comme si nous étions une forteresse assiégée. Le danger d’un cœur de pierre, c’est ce qu’il n’y ait plus de place pour l’humanité, celle de l’autre et la nôtre, collectivement et individuellement. Ce qui est demandé ici c’est un cœur de chair capable de regarder l’autre comme étant moi-même, rendu attentif et sensible au mal, au malheur de l’autre, c’est un cœur qui sort de cette impassibilité mortifère. Si un cœur de chair est un cœur individuellement capable de se remettre en question, qui n’a pas la prétention de tout maîtriser, et qui accueille le monde tel qu’il est, et non pas tel qu’on voudrait qu’il soit, qu’en est-il de ce cœur de chair, du point de vue collectif, du point ecclésial, quand une Eglise, à commencer par la nôtre, se raccroche à des formules dogmatiques, ou se fige dans des règles et des rites qui abandonnent toute souplesse, comme si elles étaient détachées du monde, autrement du réel, du concret de la vie des personnes qui composent la dite Eglise. Restons attentifs, voir vigilants, en tout cas veilleurs, à ce que ce cœur de chaire ne se rigidifie pas au risque de retrouver le cœur de pierre précédent. Car souvent, il n’y a qu’un pas pour le cœur redevenu dur, ne songe à ramasser de vraies pierres, celles-ci, qui seront jetées sans hésitation au nom d’une règle justifiée, sur la femme adultère, vraie ou supposée, sur l’homme fraudeur, vrai ou supposé. Hélas, nous restons l’infidèle ou l’hérétique d’un autre. Il en faut si peu pour être à notre tour pétrifiés. Alors la Parole ne peut plus faire son chemin à l’intérieur de l’être humain. Notre vigilance en ce temps de l’Avent, c’est de faire attention à ce que notre propre cœur ne se sclérose pas, qu’il soit toujours un cœur attentif et compatissant, afin que la Parole puisse toujours s’imprimer. Ainsi le divin prendra corps en nous, en permettant qu’il vivre en profondeur, sans craindre les émotions qu’il libère.
Ce temps de l’Avent s’ouvre aujourd’hui avec la prophétie d’Ezéchiel, cette promesse inlassable de Dieu de changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair.
Le peuple d’Israël devra néanmoins encore attendre plusieurs siècles, avant d’accueillir celui qui incarnera et accomplira cette promesse. Jésus de Nazareth donnera sa vie pour que notre relation à Dieu ni notre relation aux autres ne soient plus jamais pétrifiées, paralysées, gelées, mais qu’elles soient au contraire pétries de notre humanité, souvent blessée, certes, mais inlassablement en voie de guérison par l’attention et la compassion, la justice et la reconnaissance.
Amen
Liturgie
Paroles des chants du dimanche 27 novembre 2022
Psaume : Psautier Français n° 25 « A toi mon Dieu, mon cœur monte », strophes 1 à 4
1 - A toi, mon Dieu, mon cœur monte, Ton amour est mon appui. Serais-je couvert de honte Au gré de mes ennemis ? Jamais ne sera déçu Qui te prend pour espérance ; Mais que tous soient confondus Qui rompent ton alliance 2 - Montre moi, Seigneur, la route, Guide moi dans la clarté ; Ouvre à celui qui t'écoute Un chemin de vérité. Je regarde à ton amour, Au salut qu'en toi j'espère ; Je le verrai chaque jour S'étendre sur cette terre. | 3 - Mon Dieu, dans ta grâce immense Qui dure éternellement, Regarde en ta bienveillance Et pardonne à ton enfant. Mets loin de ton souvenir Les pêchés de ma jeunesse ; Chaque jour viens m'affermir, Seigneur, selon ta promesse. 4 - Dieu d'amour, tu fais connaître Au plus humble tes secrets ; Et pour lui tu es un maître Qui te plais à l'enseigner. Ta parole est son appui, Le bonheur son héritage, Et ses enfants comme lui Auront la terre en partage. |
Choral : Insert Le Psautier Français n°1, Arc-en-Ciel n°302 ou Alléluia 31/04 « Après la longue attente », Strophes 1 à 3
Strophe 1
Strophe 2
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L’amour de Dieu s’étend Strophe 3
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Choral : Insert Le Psautier Français n°4 ou Arc en Ciel n°304 « Viens ô Sauveur des païens », Strophes 1, 4 & 5
Strophe 1
Viens, ô Sauveur des païens, Parmi nous, comme un enfant, Le Seigneur, le Fils de Dieu, Lui qui règne dans les cieux, Est venu tout humblement. Il naît dans le dénuement Pour que l’homme ait réconfort. Il acceptera la mort Pour partager nos tourments. |
Strophe 4 Strophe 5 |
Lecture de la Bible
Livre d'Ézéchiel, chapitre 36, versets 16-17a et 26 [NBS]
Le Seigneur va rassembler et purifier Israël
16 La parole du Seigneur me parvint :
17 Humain, les gens de la maison d'Israël, quand ils habitaient sur leur terre, l'ont rendue impure par leur voie et par leurs agissements.
...
22 A cause de cela, dis à la maison d'Israël : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Ce n'est pas à cause de vous que j'agis de la sorte, maison d'Israël ; c'est à cause de mon nom sacré, que vous avez profané parmi les nations où vous vous êtes rendus.
23 Je montrerai qu'il est sacré, mon grand nom qui a été profané parmi les nations, ce nom que vous avez profané au milieu d'elles. Ainsi les nations sauront que je suis le Seigneur (YHWH) – déclaration du Seigneur Dieu – quand je montrerai ma sainteté parmi vous sous leurs yeux.
24 Je vous retirerai d'entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays et je vous ramènerai sur votre terre.
25 Je vous aspergerai d'une eau pure, et vous serez purs ; je vous purifierai de toutes vos impuretés et de toutes vos idoles.
26 Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.
27 Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique.
28 Vous habiterez le pays que j'ai donné à vos pères ; vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu.
Vidéo du culte entier
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