Trois jours après, il y eut une fête de mariage à Cana en Galilée. Et alors ?

Jean 1:51-2:12

Culte du 19 août 2012
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Jean 1:51-2:12 )

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo)

Culte du dimanche 19 août 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Ce texte de l’Évangile raconte un prodige incroyable. Mais ce texte n’est pas là pour nous dire que Jésus est un magicien habile. Mais les miracles sont intéressants à mon avis car ils nous disent justement là où Dieu ajoute quelque chose qui n’était pas simplement à la portée de nos forces, mais ce quelque chose de surnaturel, de prodigieux, de surprenant qui nous vient de Dieu dans nos existences les plus ordinaires.

Certaines traductions nous disent qu'il s'agit là du « premier miracle que fait Jésus », mais en fait le texte dit que c'est « le commencement des signes ».

C’est un commencement. C’est toujours bon de s’ouvrir à un commencement et déjà l’Évangile s’annonce ainsi pour nous comme un petit début de quelque chose qui promet.

C’est le commencement des signes. Un signe, ce n’est pas seulement fait pour être admiré, mais c’est fait pour être interprété, comme il vaut mieux ne pas prendre les pictogrammes qui sont sur l’étiquette d’un vêtement pour une décoration, mais apprendre à les lire. Surtout que ce signe de Cana n’est pas seulement un signe parmi d’autres, mais d’après le texte, c’est le « commencement des signes » donnés en Jésus. Il y a donc là un mode d’emploi pour entrer dans ce salut que Dieu donne en Jésus, et pour chaque pas supplémentaire dans ce chemin.

Le texte commence bizarrement par :

« …et trois jours après,
 il y eut des noces à Cana… »

Cela ne gêne pas les évangélistes de coller des épisodes qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre sans faire de lien entre eux. Par conséquent, nous ne pouvons pas faire comme si Jean avait écrit ce « … et trois jours après » pour rien.  Surtout compte tenu de cette durée de trois jours qui évoque dans la Bible le temps du passage de la mort à la vie, comme pour Jonas dans le ventre de la baleine, ou Jésus dans le tombeau. Ce que l’on trouve avant ce « … et trois jours après » c’est une promesse de Jésus que nous vivrons tous ce qu’a vécu Jacob dans le texte que nous lisions dimanche dernier :

« Jésus dit : Amen, amen, je vous le dis,
vous verrez le ciel ouvert
et les anges de Dieu monter et descendre
au-dessus du Fils de l’homme. »

Quand Jésus introduit une annonce par « Amen, Amen, je vous le dis », c’est qu’il n’est pas en train de plaisanter (ce qui devait donc lui arriver, sinon ce « Amen Amen » ne servirait à rien). Mais ici, nous avons la promesse solennelle d’une vraie relation, personnelle, vivante, ouverte… entre Dieu et le « fils de l’homme »

Mais qui est ce « fils de l’Homme » ? Cette expression est très courante dans la Bible hébraïque, elle apparaît 141 fois, nous ne pouvons donc pas dire que nous ne savons pas ce que veut dire cette expression « ben adam » en hébreu « fils d'Adam ». Cette expression désigne cette petite créature qu’est la personne humaine, faite à partir de la poussière du sol, fabriquée avec des atomes, des molécules ordinaires, dirions-nous. C’est vrai que dans la bouche de certaines personnes de l’époque de Jésus cette expression de « le Fils de l’homme » pouvait désigner aussi l’humain véritablement abouti qu’est le Messie, le Sauveur ultime de l’humanité. Le fils de l’homme dont il est question ici désigne à la fois le messie attendu et chaque humain ordinaire que nous sommes.

Jean témoigne ici qu’il a vraiment vu en Christ le ciel ouvert et la Parole circuler. Et c’est à nous que Jésus promet que tout fils d’Adam, tout fils ou fille de la poussière du sol que nous sommes, il nous est promis à cette qualité de relation avec Dieu.

Voilà le programme de la suite, que Jésus annonce et qu’il met en valeur avec les cloches et les trompettes de son « Amen amen je vous le dis ».

Alors, après le « … et trois jours après », nous attendons un fracas terrible de tonnerre et de tremblement de terre qui mette en scène l’ouverture du ciel et la manifestation de Dieu sur les fils d’Adam, un peu dans le style de ces récits du livre de l’Exode qui décrivent Moïse rencontrant Dieu sur la montagne. L’Évangile poursuit d’une manière si prosaïque que nos paupières se dessillent et que nos oreilles frémissent de stupéfaction.Voilà comment se manifeste le signe de l’ouverture du ciel pour nous :

« Et, trois jours après,
il y eut une fête de mariage
 à Cana en Galilée. »

Comment ? Pour introduire le chemin de ce formidable programme de genèse de l’humain par Dieu, l’Évangile selon Jean commence en nous racontant que Jésus participe à un banquet de mariage bien arrosé ? Et bien oui. Il y a là un signe.

J’y vois d’abord une façon de nous dire « du calme », pas de panique, la visée est immense, mais ce n’est pas quelque chose de si compliqué que cela, cela ne ressemble pas à une fin du monde. Ce n’est pas non plus un programme de privation ou d’amputation de certaines dimensions de notre être. Au contraire le programme qui nous est donné à voir en Jésus est quelque chose de joyeux comme une rencontre de personnes qui s’aiment et qui se lient ensemble pour la vie, ce programme est comme une fête de mariage.

« Trois jours aprés » la promesse de Jésus, il y eut des noces, un peu de patience nous est demandé mais finalement, ces trois jours pour la mariée passent en une seconde, un jour, puis un autre, et nous y sommes déjà. Ces trois jours sont comme trois étapes qui sont racontées dans la suite de l’histoire pour finalement voir arriver l’époux à la fin du récit. Ce que font Marie, Jésus, les serviteurs et le maître de cérémonie sont les signes d’un processus qui mène de la promesse qui nous a été donnée par Jésus à sa réalisation qui est comme un mariage à Cana en Galilée, terre ouverte où se croisent tous les peuples.

Ce mariage nous parle donc de cette relation intime, ouverte et féconde avec Dieu que nous promet Jésus, même si nous ne sommes qu’un fils ou une fille fait de la poussière du sol. Ce texte nous parle de notre salut comme si c’était notre mariage avec Dieu. Il faut s’entendre. Cela ne veut pas dire que nous devenions des moines et des bonnes sœurs pour rester en extase mystique avec Dieu. Cette image des noces avec Dieu est une façon de parler de notre alliance avec Dieu qui est très classique dans la Bible. Cette façon de parler dit un certaine conception de Dieu et une certaine alliance avec lui. C’est une union basée sur l’amour, sur la confiance et la fidélité, une alliance d’égal à égal, incroyablement, comme dans le Cantique des cantiques ou la fiancée que nous sommes et le fiancé qu’est Dieu s’aiment, se cherchent, et se trouvent. Trois jours de patience et les disciples virent vraiment « sa gloire », c’est-à-dire la puissance de création qui est en Dieu. Oui, c’est cela qui nous est promis et donné en Christ.

Lisons donc le pictogramme qu’est ce récit de prodige de genèse de l’union avec Adam pour créer l’homme.

Voici le 1er pictogramme dans ce signe de Cana

« La mère de Jésus était là, et Jésus fut aussi invité »

L’histoire commence avec la mère de Jésus déjà présente, il n’y a même pas à l’inviter. Elle semble en fait chez elle, dirigeant sa maison comme elle l'entend.

Elle a engendré Jésus, elle l’a élevé, elle lui a transmis une histoire et une culture. Jésus n’a rien choisi de tout cela. Il en hérite.

La première étape est de prendre en compte de ce que nous avons reçu, ce qui nous a engendré.

La première étape, c’est celle de notre nature, la terre dont nous sommes faits. Car l’Évangile c’est la joie d’une parole divine qui s’incarne sans nier notre nature. Je ne suis pas tellement d’accord avec l’idée qu’en Christ « Dieu se serait fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ». Non, en Christ, c’est le ciel qui s’ouvre et c’est une relation qui s’établit. Et dans cette union nous ne devenons pas Dieu, au contraire, nous cessons de nous prendre pour Dieu, nous cessons de nous prendre aussi pour une motte de terre pour être enfin nous mêmes, enfin un humain.

La première étape c’est de savoir d’où nous sommes issus, avec Marie qui a donné à Jésus son corps et qui l’a élevé. La 2e étape, nous dit le texte, c’est d’inviter Jésus.

2) Inviter Jésus à la fête

Nous pouvons l’inviter dans notre vie, le méditer, ruminer ses paroles. Nous pouvons l’inviter au sens d’espérer qu’en nous aussi cette qualité d’être s’incarne.

Marie l’accueille en lui disant qu’il n’y a plus de vin. En invitant Jésus, nous pouvons remarquer devant lui notre manque. C’est souvent même grâce à lui que nous pouvons nous rendre compte qu’il nous manque quelque chose d’important.

« Le vin ayant manqué,
 la mère de Jésus lui dit: ‘Ils n'ont plus de vin.’ »

Dieu veut de la joie pour ses enfants, pour chacun de ses enfants. Et cette joie, ce n'est pas seulement la joie de l'Esprit. C’est aussi la joie de ce monde, celle qui éclate de rire, celle qui donne envie de danser comme un flocon de neige. Cela aussi participe à notre épanouissement.

Ce que fait la mère de Jésus ici est intéressant : elle remarque que la joie et la vie terrestres sont bonnes, mais qu'elles sont limitées. Puis elle s'adresse à Jésus pour faire quelque chose.

« Jésus lui répondit:
‘Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi?’ »

Excellente question. En tant qu'homme, en tant que femme, c'est-à-dire en tant que fils d’Adam, avec nos attentes, nos manques et nos qualités, qu'avons-nous de commun avec le Christ ? Quelle relation, quelle espérance avons nous ? Comment voyons-nous c e que nous voudrions devenir et quel rapport avec le Christ ? Quelle place a t il a dans notre énergie motrice ? Qu’avons nous en commun avec le Christ ? Nous sommes du même sang, bien entendu, et par l'Esprit de Dieu il est encore plus notre frère, et nous sommes frères et sœurs les uns des autres.

Marie a enfanté Jésus par son corps. Mais ici, Jésus ne l'appelle plus « mère » parce qu'il lui fait comprendre, il nous fait comprendre qu’un vin supérieur, une joie supérieure, une vie supérieure ne peuvent venir que d’en haut. Il ne s’agit pas seulement de forcer notre nature.

Qu'y a-t-il de commun entre le Christ et moi? C'est une question essentielle que l'on peut se poser non pour se culpabiliser, au contraire, mais pour s’aimer mieux, pour aimer mieux les autres et pour prendre courage. C’est normal que nous n’en soyons que là, l’heure du prodige n’est pas encore venue. Nous n’en sommes qu’au 2e jour, le jour de l’invitation.

« Sa mère dit aux serviteurs: ‘Faites ce qu'il vous dira.’
Or, il y avait là 6 jarres de pierre,
destinés aux purifications des Juifs.
Jésus leur dit: Remplissez d'eau ces jarres.
Et ils les remplirent jusqu'au bord.
‘Puisez maintenant’, leur dit-il, ‘et apportez-en au maître du repas.’ »

La seconde étape, serait-elle  une étape d’écoute et d’obéissance ? Non, malgré les impératifs du texte, je dirais plutôt que c’est l’étape de la confiance. Cette confiance commençant avec l’invitation, la sincérité, puis l’écoute et enfin d’action. Cela consiste à inviter Jésus, pour voir ; puis à s’interroger grâce à lui, et à essayer tranquillement ce qu’il nous propose. Il ne s’agit pas d’appliquer une loi, même si ces histoires de jarres de purification évoquent l’obéissance aux strictes lois religieuses de la Loi juive. Car ici, les jarres rituelles sont utilisées mais en détournant leur usage. Il ne s’agit plus de les utiliser pour se laver de l’extérieur mais il est question seulement de préparer ces jarres tout en attendant quelque chose d’infiniment plus.

C’est exactement ce que nous sommes en train de faire avec ce culte et cette méditation de la Bible. L’usage de ces jarres est le mode d’emploi de notre sagesse et de notre religion, à mon avis. C’est valable pour le culte comme pour tous les recherches que nous choisissons d’avoir. Ils sont une façon d’inviter le Christ à visiter notre vie humaine, pétrie de poussière du sol. La religion et la réflexion sont une façon de nous interroger et d’avoir soif. La religion est dans un sens comme ces lourdes jarres de pierre. Elles aussi sont tirées de la terre, comme nous. Nos rites ont été sculptés à mains d’homme, comme la Bible a été écrite de main d’homme et de femmes. Ce sont des jarres un peu lourdes, un peu rugueuses parfois, mais pleines de sagesses anciennes, de témoignages de foi, de prières vécues puisées dans l’expérience des générations.

Que vienne l’Esprit de Dieu pour qu’en puisant dedans une vraie communion à Dieu nous soit donnée.

Notre culte et nos sacrements sont une méditation sur l’origine de notre vie, c’est une invitation du Christ, c’est une interrogation sur ce qui nous manque et une confiance qui se bouge. Dans cette vie sur terre, dans ces rites et dans la méditation de cette sagesse, nous sommes dans une époque de transition entre deux mondes. Les 6 jarres de pierre évoquent les 6 jours de la création matérielle, « mon heure n’est pas encore venue » dit Jésus à sa mère biologique, et cette heure vient, celle de l’aube du 7e jour, celui où la bénédiction de Dieu est reçue sur notre vie de fils et fille de la terre. Il est utile d’assumer ce temps un peu laborieux mais déjà plein d’espérance qu’est celui de la création matérielle, puis ce temps de l’espérance confiante.

« Faire tout ce que le Christ vous dira » ce n’est pas une soumission mais une interrogation qui permet de reconnaître et de mettre aux commandes la meilleure part de chacun d’entre nous, de chaque fils ou fille d’Adam… et d’attendre que miraculeusement Dieu transforme cela en joie supérieure.

Jésus propose ici aux serviteurs que nous sommes de puiser et de donner à boire de faire en sorte que ce soit distribué à tous les invités.

C’est un fait d’expérience, la vie ne s’épanouit que quand elle est vécue. C’est vrai pour les muscles, à condition de ne pas forcer non plus. C’est vrai pour la foi qui se développe que quand elle s’ouvre et se donne. C’est vrai pour le cœur qui ne s’épanouit qu’en aimant et les yeux en regardant (en faisant attention à ne pas fixer le soleil quand même).

« Puisez maintenant et portez au maître du repas. »

Ce maître de la distribution, c’est notre conscience éclairée par l’Esprit, c’est cette circulation de messages entre Dieu et nous, entre nous et Dieu…

3) Le jour de gloire est arrivé

C’est alors et alors seulement que le marié apparaît dans l’histoire. C’est alors la fin des trois jours d’attente pour vivre le temps de la noce.

Et cette heure est maintenant venue. Le temps d’un commencement. Le temps de se mettre en route sur cette terre qui est la nôtre. Ce temps est celui de la manifestation de la gloire, terme technique dans la Bible qui évoque la présence active de Dieu auprès de son peuple pour le faire vivre.

Le jour de gloire est arrivé.

Maintenant.

Lecture de la Bible

Jean 1:51-2:12

Jésus dit : Amen, amen, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme.

1 Et, trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là, 2 et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples.

3 Le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont pas de vin.

4 Jésus lui dit: Femme,
qu’y a-t-il entre moi et toi?
Mon heure n’est pas encore venue.

5 Sa mère dit aux serviteurs: Quoi qu’il vous dise, faites-le.

6 Or, il y avait là six jarres de pierre, destinés aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures.

7 Jésus leur dit : Remplissez d’eau ces jarres.
Et ils les remplirent jusqu’au bord.

8 Puisez maintenant, leur dit-il, et apportez-en au maître du repas. Et ils lui en apportèrent.

9 Quand le maître du repas eut goûté l’eau changée en vin, --ne sachant d’où il venait, tandis que les serviteurs, qui avaient puisé l’eau, le savaient bien, -il appela l’époux, 10 et lui dit: Tout homme sert d’abord le bon vin, puis le moins bon quand ils se sont ennivrés ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent.

11 Tel fut, à Cana en Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples eurent foi en lui.

12 Après cela, il descendit à Capernaüm, avec sa mère, ses frères et ses disciples…

Audio

Écouter la prédication (Télécharger au format MP3)