Soyez toujours joyeux, priez sans cesse

1 Thessaloniciens 5:12-18

Culte du 18 septembre 2011
Prédication de pasteur James Woody

( 1 Thessaloniciens 5:12-18 )

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Culte du dimanche 18 septembre 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, je retiens de ce passage les deux quotes les plus problématiques. Non pas ceux qui poseraient un problème de compréhension, mais ceux qui me semblent les plus irréalisables : « soyez toujours joyeux. Priez sans cesse ». Comme s’il était possible d’être joyeux en toutes circonstances, comme s’il était possible de prier sans jamais s’arrêter…

On ne peut pas dire que les protestants soient réputés pour leur jovialité. On connait leur austérité, on sait que certains ont un sourire digne de quelqu’un qui mange des gâteaux secs. Quant à prier sans cesse, c’est facile à dire dans un temple, en plein culte, mais demain matin, quand nous serons à l’école, au bureau, en train de faire les courses, à courir derrière le bus, avec des amis qui ne sont pas spécialement croyants, que ferons-nous de ce « priez sans cesse » ?

C’est justement parce que ces deux impératifs n’ont rien d’évident qu’ils sont intéressants, peut-être les plus intéressants de tout ce passage. Ils sont intéressants parce qu’ils nous révèlent nos résistances et notre capacité à négocier avec la joie et la prière. « Bien sûr qu’on ne peut pas être toujours joyeux avec tout ce qui se passe, ici et au loin ». « Bien sûr qu’on ne peut pas prier sans cesse… il faut bien gagner son pain ». Et pourtant ces deux impératifs n’offrent pas beaucoup de prise à une interprétation subtile qui permettrait de les relativiser, de les différer dans le temps, pour plus tard, quand la vie aura changé de fond en comble. D’ailleurs, ils ne sont pas conjugués au futur, comme le sont les dix paroles, mais à l’impératif, pour être appliqués ici et maintenant et non dans un avenir hypothétique. Cela mérite donc que nous prenions au sérieux ces deux commandements afin de voir ce que nous pouvons en faire.

Tout d’abord, je garde ces deux commandements ensemble, liés l’un à l’autre, comme deux temps d’une même respiration. Je ne mets pas d’un côté la joie, de l’autre la prière mais je les maintiens unis, à la manière de l’apôtre Paul qui écrit ces deux morceaux de phrases avec une parfaite symétrie dans le texte grec : un adverbe, un verbe à l’impératif… quatre mots en tout et pour tout pour deux phrases qui forment un ensemble.

En liant la joie et la prière, Paul fait coup double : il inscrit la joie dans la dynamique de la relation instaurée par la prière et il pose que la prière n’est pas destinée à entretenir une forme de tristesse, mais à nous rendre joyeux. Paul fait de la joie non pas un plaisir égoïste, mais un sentiment qui nous ouvre sur autre chose que nous, comme le fait la prière qui nous ouvre sur l’extérieur et il refuse que la vie spirituelle soit marquée par l’humeur chagrine mais qu’elle soit fondamentalement une affaire joyeuse.

Découvrir le bonheur disponible

Commençons par cela : la vie spirituelle, doit être joyeuse. Cela nous enseigne quel est le but de la religion et plus particulièrement de la prière : découvrir la joie disponible. La prière c’est un acte de communication. C’est une manière de se mettre en relation avec Dieu, c’est-à-dire une manière d’essayer de comprendre le genre de vie qu’il essaie de créer pour nous. En liant la prière à la joie, Paul nous fait réaliser que la prière est ce qui peut nous permettre de prendre conscience du bonheur que Dieu s’efforce de construire pour chacun d’entre nous. Prier Dieu, ce pourrait être, essentiellement, se mettre à l’écoute de ce qu’il injecte dans notre vie pour la rendre plus agréable, plus belle, plus juste, autant de choses qui, au final, nous rendent joyeux. Prier Dieu, ce serait quelque chose comme voir le monde avec son regard pour repérer toutes les étincelles de joie qui pourront rendre notre vie autrement plus lumineuse.

Pratiquement, prier, c’est changer notre regard, notre vision des personnes et des situations, en tenant compte du regard que Dieu lui-même porte sur tout cela. C’est l’histoire de cette fillette qui porte un jeune enfant sur son dos. Chemin faisant, un homme la croise et lui dit : « ma pauvre, tu portes une charge bien lourde… » « Mais ce n’est pas une charge, répond la fillette : c’est mon frère ! » La prière, qui est cette ouverture à Dieu que nous faisons dans notre vie, peut nous permettre de poser un regard autrement plus joyeux sur la vie parce que Dieu nous aide à voir ce qui nous fait progresser vers plus d’humanité au lieu de fixer nos regards sur les trains qui arrivent en retard et, de manière générale, tout ce qui ne va pas. Autre exemple… on peut considérer qu’aller au collège c’est ennuyeux, qu’on perd son temps et que réviser ses leçons et faire ses devoirs c’est beaucoup moins bien que d’aller jouer… La prière, quand elle est cet élan de l’homme vers l’espérance de Dieu, permet de reconsidérer les choses, permet de découvrir que le travail peut devenir une œuvre, que suivre les cours et faire son travail personnel peut être une manière de grandir, d’être plus à l’aise dans un monde que l’on connaîtra mieux et donc qui nous fera moins peur. La prière qui peut consister à lire la Bible qui encourage le travail plutôt que la paresse, la prière qui peut consister à discuter avec un ami, avec ses parents sur ces questions-là, non pas en bavardant, mais en se posant vraiment la question du sens de ce que nos faisons, en abordant vraiment le pour quoi des choses ou, comme le disait le théologien Paul Tillich, en traitant ce qui nous concerne de manière ultime, fondamentale, la prière peut nous aider à voir les choses autrement, avec plus d’envie, plus de joie.

Cela, le judaïsme l’a fort bien compris en instituant la fête intitulée « joie de la Torah ». Nous y entendons qu’à chaque fois que nous écoutons Dieu, que nous sommes réceptifs à son projet de vie heureuse, nous sommes animés par la joie, cette joie qui met en mouvement, cette joie qui nous pousse irrésistiblement dans la vie, cette joie qui nous fait nous lever le matin au lieu de nous morfondre au fond de notre lit, cette joie qui nous entraine dans la danse du monde. J’emploie cette image de la danse à dessein car, dans la tradition hassidique, la danse tient une place prépondérante au point que le Baal Chem Tov avait dit « je danse donc je suis ». Il n’est pas évident que nous connaissions un jour de telles danses collectives à l’Oratoire, mais l’essentiel n’est pas dans la forme : l’essentiel est dans cette célébration de la vie à laquelle nous conduit une fréquentation incessante de l’espérance de Dieu.

Partager la joie

L’autre aspect de cette relation faite par Paul entre joie et prière, c’est de ne pas laisser la joie au seul plaisir personnel. En reliant la joie à la prière, Paul nous invite à placer la joie au cœur de la relation avec autrui. Ne serait-ce que notre expérience personnelle nous enseigne que la joie est toujours plus grande quand elle est vécue en présence de quelqu’un d’autre. Un coucher de soleil, un film, un concert, un repas, une randonnée, une bonne nouvelle… tout cela est d’autant plus intense que nous ne sommes pas seuls à en profiter. Ce n’est pas tant la présence de quelqu’un d’autre qui nous regarderait jouir du moment qui intensifie la joie, mais la possibilité de pouvoir en parler avec lui, de pouvoir partager ce moment de bonheur car, dès lors, nous ne sommes plus seuls pour construire ce bonheur là. Lorsqu’on partage sa joie avec quelqu’un, l’autre injecte sa part de bonheur et cela rend la joie encore plus grande. C’est ce phénomène que nous découvrons dans une chorale… le plaisir de chanter est augmenté par les autres choristes qui rendent notre chant encore plus beau grâce à leur propre voix. Cela est vrai aussi pour une assemblée : s’il est toujours plus agréable d’être 200 plutôt que 10 à un culte c’est que la joie du moment s’amplifie avec le nombre. Toutefois, au bout d’un moment, il faut se méfier des phénomènes de masse.

En articulant la joie à la prière, l’apôtre Paul reprend la prédication de Jésus qui, dans l’évangile selon Jean, fait de la joie l’un des thèmes principaux de son dernier discours aux disciples. Quand il prêchait le Royaume de Dieu, Jésus soulignait que ce Royaume, c’est à chaque fois qu’une relation s’établit. Ce peut être une petite graine de moutarde qui va accueillir les oiseaux du ciel, un père qui va tuer le veau gras pour célébrer le retour de son fils ou une femme qui invite ses voisins quand elle a retrouvé la pièce qu’elle avait perdue.

La joie évangélique n’est pas une joie égoïste, c’est une joie qui favorise l’harmonie, le vivre ensemble parce qu’elle est articulée à la prière qui nous révèle que nous ne sommes pas seuls, c’est une chose, et qui nous fait découvrir que nous formons une communauté solidaire. Quand je prie Dieu, je suis solidaire de lui. Quand je prie Dieu en pensant à quelqu’un, je deviens solidaire de cette personne. Prier pour ceux qui nous font du mal, c’est devenir solidaire d’eux aussi et donc changer de regard sur eux. Lorsque nous prions alors que notre joie est à son comble, lorsque nous rendons grâces, par exemple comme cela nous arrive parfois avant les repas ou à l’occasion d’un baptême… nous ne retenons pas notre joie, et nous en faisons profiter ceux qui sont autour de nous, à l’image de cette lampe qu’on ne cache pas mais qu’on met sur la table afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.

En articulant la joie à la prière, Paul nous met en situation de faire profiter notre entourage de la joie qui nous anime. Pour le dire avec les termes de la théologie du process, nous participons à l’enjoyment du monde… nous rendons le monde plus joyeux et donc plus harmonieux, plus vivable. Oui, soyons toujours joyeux, frères et sœurs. De grâce, n’adoptons pas un air crispé ou maladif au prétexte que nous sommes croyants et que la foi, c’est du sérieux. Le sérieux de la foi ne devrait jamais entraîner un air triste ou affligé. La joie est au contraire le signe visible que l’on est enfant de Dieu. C’est le signe visible que l’on porte sur le monde un regard construit par l’espérance que Dieu suscite en nous.

« Priez sans cesse », demande l’apôtre Paul, pour que le Christ demeure en vous, et que votre joie sois parfaite !

Amen

Lecture de la Bible

1 Thessalonicien 5:12-18

Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent. 13 Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur oeuvre. Soyez en paix entre vous. 14 Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

15 Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal;
mais recherchez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.
16 Soyez toujours joyeux.
17 Priez sans cesse.
18 Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

 

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