Ressusciter avec Jésus

Jean 20:1-18

Culte du 21 avril 2019
Prédication de Béatrice Cléro-Mazire

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Prédication

Il fait encore sombre, la mort de Jésus obscurcit encore le ciel. Qu’elle est longue à se lever cette aube du premier jour !

Dans les ténèbres du supplice de celui qui l’avait sauvée, une femme revient au jardin du Golgotha. Déjà, quand on le crucifiait, alors que tous les autres avaient disparu, alors qu’aucun des disciples n’était là, au pied de la croix, elle, cette femme qui marche dans les ténèbres, était présente. Avec la mère et la tante de Jésus, elle était restée, fidèle et constante. Seul le disciple que Jésus aimait était déjà là avec les femmes.

Elle revient ; bravant la peur, bravant la nuit, pour retrouver celui que la folie des hommes lui a ravi.
La femme que l’Évangile de Marc et l’Évangile de Matthieu présentent comme celle dont Jésus a chassé sept démons, est de nouveau dans la peur. On a crucifié Jésus, et même en sachant qu’il est dans ce tombeau neuf, elle n’est pas tranquille. Que peuvent-ils lui faire, encore, de quelle profanation sont-ils encore capables, ceux qui la disent folle et qui ont crucifié le juste, le sauveur, le seul qui l’avait arrachée à sa tour, car Magdala veut bien dire tour, forteresse ?

Premier témoin de la résurrection, Marie Magdala, se trouve devant l’impensable, l’incroyable situation qu’intuitivement elle pressentait. Sinon, pourquoi revenir devant une pierre impossible à déplacer ? Le tombeau est ouvert, et le corps n’est plus là.
Les ténèbres, alors, semblent s’épaissir encore : « on a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ». Les sept démons menacent de revenir, Marie se disloque de nouveau, elle parle d’elle en disant « nous », elle court, elle demande de l’aide.

L’Évangile de Jean nous montre le premier témoin de la résurrection. C’est une femme, elle est seule, elle a un lourd passé, mais elle n’oublie pas ce que Jésus a fait pour elle. Alors que Jésus demandait à ses disciples : « comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? », quand il leur lavait les pieds au soir de la Pâque, Marie Magdala n’a nul besoin qu’on lui rappelle ce que Jésus a fait pour elle. Elle en vit. Et comme il n’est plus là, elle risque de voir de nouveau son esprit sombrer dans les ténèbres. Le corps de Jésus est vital pour Marie, elle qui avait trouvé son point d’ancrage dans cet homme qui ne la considérait pas comme irrécupérable. Elle a besoin de la présence de Jésus, extérieur à elle, vis à vis structurant qui, en la regardant, la crée.
Mais, en ce matin qui peine à naître, en ce premier matin sans lui, Marie de Magdala se sent sombrer dans le chaos. Où est celui qui la crée ? Qui l’ordonne ?

Eugen Drewermann écrit dans son livre, L’évangile des femmes : Dans la perspective de l’Évangile de Jean, ce n’est donc pas, au fond, à cause de la résurrection, le matin de Pâques, que l’on croit au Christ. C’est tout le contraire : celui-là seul peut voir la résurrection de Jésus au matin de Pâques qui a éprouvé, dans son propre corps, que la personne de Jésus est, en elle-même, « vie », « lumière » et «  résurrection » ( Jean 1, 4; 11, 25). Il s’agit là, si l’on veut, d’une sorte d’inversion de la position théologique de Paul : ce n’est pas la vision du ressuscité (devant Damas, Ac 9, 1-19; 1 Co 15, 8) qui témoigne de la vérité du message de Jésus, mais celui-là seul qui aura éprouvé que, sans la personne de Jésus il n’est pas de vie, sera capable de trouver le tombeau de Jésus « vide » au matin de Pâques.
Marie Magdala voit le tombeau vide, car elle éprouve en elle ce vide.

Telle est la foi de la première disciple, plus prompte à comprendre ce qui se passe, en ce matin qui peine à venir, que les disciples qui courent et agissent selon la préséance des apôtres officiels. Le disciple bien aimé aura beau attendre Pierre pour qu’il entre dans le tombeau le premier, en apôtre autorisé, il aura beau croire à l’accomplissement des Écritures en voyant les bandelettes gisant sur le sol, c’est bien Marie Madgala, la femme qui était folle à lier, celle qu’on appelle la tour, celle que Jésus a ressuscitée d’entre les morts, qui sera la première apôtre de la résurrection. Non pas tant parce qu’elle est venue la première chronologiquement au tombeau, mais parce qu’elle a vécu la résurrection dans sa chair avant de la reconnaître dans ce jardin de Golgotha.

Dès le IIIème siècle, Hippolyte de Rome reconnaît Marie Magdala : « apôtre des apôtres », mais au VIème siècle, Grégoire le Grand veut créer un exemple de conversion et de repentir sur le dos de notre apôtre. Il rapproche alors la pécheresse de l’Évangile de Luc, La Marie de l’onction de Bethanie, et Marie de Magdala. D’apôtre qu’elle était, elle devient le modèle de la femme démoniaque, prostituée, et - bien sûr - repentante.

Ces messieurs les apôtres ne risquaient plus rien, la femme était reléguée dans son rôle de tentatrice à cheveux longs, éternelle Ève, porteuse de faute, mais pas d’une Bonne Nouvelle de salut. C’est sans doute à Grégoire le Grand que je dois cette remarque d’une dame très chrétienne, qui, me voyant monter en chair les cheveux dénoués me lança catastrophée : vous n’allez quand même pas prêcher les cheveux déliés ! Elle m’aurait appelée Madeleine, cela n’aurait pas été plus explicite !
Pourtant, l’apôtre Marie Magdala vaut mieux que de tels amalgames. Alors que les disciples s’en retournent chez eux, comme si tout cela ne méritait pas qu’on s’y attarde, elle reste près du tombeau et pleure. Pour elle, ce n’est pas fini.

Et devant ce tombeau resté vide de son salut, Marie va se retourner par trois fois. La première fois, elle se retourne et se penche pour regarder dans le tombeau et elle y voit deux anges, l’un à l’endroit où se trouvait la tête du gisant, l’autre, à l’endroit où se trouvait ses pieds. Regardons avec elle dans ce tombeau ; déjà l’aube se lève et le vide s’éclaire de symboles : cette image des deux anges n’est-elle pas celle de l’arche de l’alliance, surmontée de l’expiatoire où deux anges ( les chérubins) se font face et gardent les rouleaux de la Torah ? Le tombeau déjà devient tente de la rencontre, sanctuaire dans lequel la Parole de Dieu se fait proche, demeure, éternelle dans le flot du temps. Saint des saints du temple, le tombeau selon Jean est ce lieu où le vide se fait signifiant. Où le Dieu invisible est plus visible que tous les dieux qui se laissent figurer. Personne n’a jamais vu Dieu, mais la loi et les prophètes nous l’ont annoncé. N’est-ce pas de ce côté qu’il faut chercher la lumière ?

Les chérubins de l’arche de l’alliance lui demandent : Femme, pourquoi pleures-tu ? La promesse de Dieu l’accompagne, elle, la femme tant de fois réprouvée. Le Dieu qui console a envoyé ses anges pour elle. Marie répond et se retrouve elle-même : « on a enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où on l’a mis. Dieu devient Dieu pour elle, c’est son Seigneur qu’elle désire, c’est elle qui cherche Dieu.
La deuxième fois où Marie se retourne, c’est quand elle voit Jésus debout. Lui le mort, celui qui gisait au tombeau. Il est debout. Relevé d’entre les morts, vivant. Sa raison est plus lucide que jamais, elle raisonne, ce doit être le jardinier. Elle est responsable de celui qu’elle pleure, elle ira le prendre, là où le jardinier l’a mis. Elle résiste à sa vision : pas question de succomber de nouveau aux sept démons.
La troisième fois où Marie se retourne, c’est quand son nom raisonne : Marie. Pas : Magadala, pas : la Tour, pas : la possédée ; Marie. Elle le reconnaît enfin, ce maître qu’elle a suivi, écouté, dont elle a tiré le meilleur des enseignements.

Trois retournements, trois étapes dans sa conversions, trois mouvements pour se relever d’entre les morts. Marie est ressuscitée !
Suscitée à nouveau par celui qui la regardait autrement que comme une folle, comme une femme capable d’être porteuse d’une bonne nouvelle.
Suscitée par son maître, incarnation de la Parole de Dieu, incarnation de cette Torah si structurante quand elle n’est plus lettre morte.
Suscitée comme apôtre quand Jésus, le ressuscité, l’envoie vers les disciples, à égalité avec eux, pour leur dire que désormais, ils sont tous, les enfants de Dieu et les frères et sœurs de Jésus.
N’est-elle pas debout, elle aussi, quand elle vient annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur ?
Le jour s’est levé.

Et pour nous aussi, la lumière se fait sur cette résurrection, cœur de la foi chrétienne.
Elle n’est pas le recommencement de la même vie, deuxième chance pour l’égaré, elle n’est pas l’envers paradisiaque de la vie boueuse d’Adam, elle n’est pas non plus la vie éthérée des âmes sans corps.

La résurrection est une conversion, dans laquelle notre vie est suscitée par Dieu, par une force plus grande que nous, par une force qui rejoint notre désir de vie. Dans la vie comme dans la mort, notre vie est suscitée par ce Dieu qui ne se lasse pas d’annoncer la vie.
La résurrection est une nouvelle naissance, non pas pour revivre, mais pour vivre à d’autres conditions, selon d’autres modalités. En cette image de Jésus sortant de la tombe et apparaissant à ses disciples, nous voyons l’image d’une vie plus grande que celle d’un homme entre naissance et mort, plus puissante que celle d’un crucifié qui a fini, sans doute, à la fosse commune. Dans la résurrection, Jésus s’outrepasse, déborde des limites de la vie terrestre et existe dans un temps qui ne finit jamais, dans un espace qui n’a pas de limite, dans un sens plus profond que notre capacité à le comprendre. Et plus il est absent de ce tombeau, plus il est présent éternellement. Comme un nom qui dit plus que ce qu’il peut contenir : Jésus. Inépuisable symbole qui n’en finit pas de dire qui il est, précisément parce qu’il n’est plus accessible que par le langage qui le suscite.
Marie, elle aussi, vit cette expérience de débordement, elle est suscitée par son nom : Marie. Prononcé par celui qui est passé à l’éternité.

C’est maintenant le jour. Le jour de la libération de la mort. C’est la Pâque du Seigneur. Un jour nouveau s’est levé sur nos vies, un Dieu s’est fait connaître en suscitant la vie d’un homme au-delà de sa mort. La Parole s’est faite chair, puis la chair, disparue, s’est faite Parole.
Ne craignons pas de marcher dans les ténèbres chaque fois que la vie se fait nuit pour nous. Ne craignons pas ce vide en nous ; ce vide est l’espace où la Parole bienfaisante de Dieu se fait une place, où la consolation de Dieu résonne et nous dit : comme dans les eaux du Jourdain : Tu es mon enfant bien aimé, en toi j’ai mis ma joie.

Qu’en ce matin de Pâques, Dieu ressuscite tout ce qui est mortifère en nous, qu’il nous suscite comme porteurs d’une Bonne Nouvelle pour ce monde, qu’il nous fasse naître à la vie éternelle !

Amen

Lecture de la Bible

1 Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vient au tombeau dès le matin, alors qu’il fait encore sombre, et elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.

2 Elle court trouver Simon Pierre et l’autre disciple, l’ami de Jésus, et elle leur dit : On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis !

3 Pierre et l’autre disciple sortirent donc pour venir au tombeau.

4 Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ;

5 il se baisse, voit les bandelettes qui gisent là ; pourtant il n’entra pas.

6 Simon Pierre, qui le suivait, arrive. Entrant dans le tombeau, il voit les bandelettes qui gisent là

7 et le linge qui était sur la tête de Jésus ; ce linge ne gisait pas avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre lieu.

8 Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il crut.

9 Car ils n’avaient pas encore compris l’Ecriture, selon laquelle il devait se relever d’entre les morts. 10Les disciples s’en retournèrent donc chez eux.

11 Cependant Marie se tenait dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant, elle se baissa pour regarder dans le tombeau.

12 Elle voit alors deux anges vêtus de blanc, assis là où gisait précédemment le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds.

13 Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répondit : Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis.

14 Après avoir dit cela, elle se retourna ; elle voit Jésus, debout ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 15 Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi, j’irai le prendre.

16 Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna et lui dit en hébreu : Rabbouni ! – c’est-à-dire : Maître !

17 Jésus lui dit : Cesse de t’accrocher à moi, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers celui qui est mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu.

18 Marie-Madeleine vient annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur et qu’il lui a dit cela.

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