Reconnaître, accompagner, bénir

Jean 8:12 , Deuteronome 4:32-35 , Deutéronome 4:39 , Romains 12:1-2 , Romains 12:14

Culte du 23 juin 2019
Prédication de Marcel Manoël

Vidéo de la partie centrale du culte

Chers amis de l'Oratoire,

D'abord merci de nos avoir accueillis à votre culte, mon épouse et moi, lors de nos passages à Paris ces dernières années et de m'avoir fait l'amitié de m'en confier plusieurs fois la prédication. Ce sera sans doute aujourd'hui la dernière occasion puisque je vais quitter cette semaine la présidence de la Fondation Diaconesses de Reuilly qui était la cause de ces séjours parisiens.

Je voudrais partager avec vous ce matin ce que j'ai reçu dans les derniers engagements de mon ministère, à la Fondation Diaconesses comme à la Fondation John-Bost ou auparavant à la présidence du Conseil national. Je le ferai avec trois mots qui me semblent importants pour notre compréhension de l'Evangile et de la mission de notre Eglise aujourd'hui, trois mots que vous avez peut-être entendus dans mes prédications précédentes, et que vous avez retrouvés dans les lectures bibliques que je viens de faire : reconnaître, accompagner et bénir.
Reconnaître, parce que, comme Israël, nous sommes exhortés à reconnaître Dieu, mais aussi à reconnaître l'autre, et reconnaître les signes du temps…

Accompagner, parce que nous sommes appelés à être les compagnons-acolytes de Jésus, à le suivre et le servir parmi les hommes et les femmes dont nous sommes aussi les compagnons.
Bénir, parce que nous avons reçu la bénédiction de Dieu, sa parole de bien pour nous, et que nous avons à transmettre cette Bonne Nouvelle.

C'est un lieu commun que de parler de notre époque comme d'un temps d'incertitudes et de recherche, tendu entre inquiétudes et espérances.

Les progrès des sciences et des techniques aujourd'hui à notre disposition, comme ceux qui se profilent dans un avenir proche, nous ouvrent des possibilités nouvelles, et nous placent en même temps devant de nouvelles questions fondamentales sur la vie, la mort, l'être humain, sa liberté, ses droits et sa dignité… Sans doute sommes-nous la première génération où chacun peut réclamer raisonnablement le droit de décider pour tout ce qui concerne sa vie, au lieu d'être soumis à des obligations, des nécessités ou des fatalités… Ce qui à la fois peut faire espérer une vie meilleure, une vie plus libre, plus riche, plus vraie... Mais peut nous aussi inquiéter, à cause des risques et des responsabilités que nous sommes amenés à prendre : ce progrès est-il la naissance d'une humanité nouvelle, ou la fin d'une civilisation qui se détruit elle-même ?

Ces questions divisent notre société, parfois nos familles ou nos cercles amicaux ; elles envahissent nos débats politiques ; et elles deviennent de plus en plus séparatrices dans les religions et les églises ! Elles y posent de manière nouvelle la question de leur place et de leur rôle dans une société laïque, mais aussi de leur autorité spirituelle et de leur mission. C'est sur ce point que je voudrais vous proposer quelques réflexions, discutables bien sûr, mais qui me semblent rendre compte du message biblique tel que nous pouvons le recevoir en Christ, à la lumière de son Esprit.

Dans ce monde-là – me semble-t-il – notre part de mission, c'est d'abord de reconnaître.

Reconnaître, c'est bien sûr ouvrir les yeux sur celles et ceux qui nous entourent, sur l'actualité, mais aussi sur l'avenir. Essayer de discerner ce qui est en train de se passer, c'est-à-dire de comprendre, en ouvrant nos cadres de pensée, en dépassant nos habitudes, en franchissant nos barrières. C'est porter sur les autres et sur le monde le regard de Jésus, quand il s'approchait de celles et ceux que les autres rejetaient, pour mauvaise conduite, impureté ou traîtrise : la femme adultère, Zachée, la cananéenne, la samaritaine, le larron en croix à côté de lui, comme cette pécheresse inconnue dont il a fait sa première apôtre (dont je vous ai parlé il y a un peu plus de 2 mois). C'est cette vision plus large et plus profonde, quand il dénonce comme "sépulcres blanchis" les pratiques religieuses que l'on vénérait, quand il conteste l'usage de la Loi pour une soumission tatillonne, ou quand il annonce le Royaume proche, et déjà là, parmi les humbles, les doux, ceux qui pleurent ou sont persécutés...

Reconnaître, c'est donc s'ouvrir à l'autre et à l'inconnu en acceptant de ne pas tout savoir, tout pouvoir, tout maîtriser, … bref c'est accepter de ne pas être Dieu ! Car reconnaître, c'est fondamentalement reconnaître Dieu. Le reconnaître, en entrant dans la démarche de Jésus, en se débarrassant des idées toutes faites, des doctrines arrêtées, des traditions incontestables, jusqu'à le reconnaître dans l'absolue non-puissance du Serviteur mort sur la croix, et dans l'absolue victoire de la vie et de l'amour au matin de Pâques. Reconnaître Dieu contre l'idole. Contre les puissances qui prétendent obliger, soumettre, contraindre au sacrifice. Contre même nos propres images de Dieu, dont nous avons pourtant besoin pour le rencontrer, mais qui deviennent idoles si nous nous y arrêtons et voulons l'y enfermer...

Reconnaître, c'est la démarche de foi qui est toujours disponible, qui toujours écoute, qui toujours découvre, et espère, et se réjouit de ce qu'elle reçoit... "Soyez des reconnaissants" écrivait l'apôtre en des temps pourtant déjà bien difficiles ! Reconnaissants parce que nous avons été reconnus. En recherche, parce que nous sommes recherchés. Les yeux grands ouverts, parce que nous avons été regardés. Reconnaissants : pas seulement un sentiment de gratitude, mais un programme de vie !

Reconnaître, donc, pour accompagner. Notre part de service, dans les recherches et les bouleversements de notre actualité, c'est d'y accompagner Jésus. Et avec lui de servir les hommes et femmes de notre temps en vue de leur salut, c'est-à-dire de leur vie. Pas de les juger, pas de les diriger, mais de les servir à salut. C'est la façon de vivre et de témoigner du message évangélique, le message de la justification par la foi, et non par l'application d'une loi, fut-elle divine.
Accompagner Jésus, c'est accepter d'aller avec lui sur le chemin de vie de l'autre. Le rencontrer, le respecter, accepter d'entendre ses attentes, ses désirs ou ses peurs, d'écouter ses choix sans les lui interdire a priori. Bien sûr, quand on accompagne, on peut avertir des dangers, on peut discuter le chemin suivi, ou aider à le retrouver si on s'est égaré. Mais c'est d'abord accepter d'être avec.

Accompagner, c'est aussi mettre en œuvre sa liberté. Etre libre de dire les chemins qu'on ne veut pas prendre. Mais être libre aussi, d'aller un peu plus loin sur le chemin de l'autre que ce que l'on aurait pensé faire, de s'y hasarder avec lui, pour le servir. Accompagner, ce n'est pas seulement accompagner des démarches individuelles mais aussi s'inscrire dans des démarches de société, en être fondamentalement solidaires, même si nous avons à interroger des évolutions, parfois critiquer des injustices, mais aussi proposer une écoute, une attention, une parole…

Accompagner, c'est donc dialoguer. Ecouter et parler. Notre mission, nous la concevons et la vivons dans le dialogue. Non pas le monologue sourd et insensible qui récite une vérité dont nous serions les seuls détenteurs, mais le témoignage et le service dialogués, à l'écoute, et engagés. En acceptant de recevoir la parole de l'autre, d'y consentir, de la faire mienne, pour que la parole que je pourrai partager avec lui ne lui soit pas étrangère…

Mais le plus difficile dans l'accompagnement, ce n'est pas d'accompagner, mais d'accepter d'être accompagnés ! D'accepter de ne pas me diriger seul sur mon chemin, d'y faire place aux autres, d'y mettre ma liberté au service des autres, parfois d'y dépendre des autres. Quand je suis faible et que j'ai besoin d'accompagnement, certes ! Et ce n'est déjà pas facile d'accepter ainsi son besoin des autres… dans une société qui stigmatise la dépendance ! Mais aussi quand je me crois fort, car même les forts ont besoin de l'accompagnement des plus faibles, pour creuser le sens de leur vie ! Accompagnés par les autres. Accompagnés par Dieu, qui se propose comme notre compagnon en Jésus-le Christ !

Reconnaissants parce que nous avons été reconnus.
Compagnons parce que Dieu nous a accompagnés.

Pour porter une parole de bénédiction. Notre actualité, nos médias, nos conversations mêmes bruissent de tant de paroles de malédiction, petites ou grandes ! Car la malédiction est tellement facile ! Dire le mal, dénoncer le mal, soupçonner le mal, propager la nouvelle du mal… cette profusion de paroles de malheur qui amplifie le mal, qui multiplie son impact et sa puissance, et qui nous met sous la domination de la peur, la peur de l'autre, la peur de demain... et qui fait de nous de perpétuels méfiants, des soupçonneux par principe, des déçus d'avance ! Je ne veux pas parler de la parole de vérité qui dit la situation, les faits, mais de la parole qui crée de la menace ou de la violence, la parole qui se plaint déjà avant qu'il y ait des motifs de se plaindre, de toutes ces paroles répétées, amplifiées, ressassées, qui font de nous les colporteurs du malheur au lieu d'être les témoins et des acteurs de l'espérance.

L'Evangile est une bonne nouvelle. Une parole qui dit du bien, qui est pour le bien. L'Evangile est une parole qui libère, qui construit, qui rend responsable. L'Evangile est une bénédiction, et pas une malédiction. Là est notre part de mission aujourd'hui. Même si l'ambiance est au pessimisme. Surtout si l'ambiance est au pessimisme. Non pas parce que nous serions plus intelligents que les autres, ou plus malins, ou plus crédules, … mais parce que la Parole de Dieu qui nous est donnée est une parole de bénédiction.

Reconnaître. Accompagner. Bénir. Rêverie idéaliste, aveuglement dangereux ?

Ambition déraisonnable pour nos forces limitées ?

Participer à la mission de Dieu suppose toujours le changement – notre propre changement – qui naît de l'écoute de la Parole, de la rencontre avec le Christ vivant par son Esprit, cette conversion qui bouleverse notre regard, qui fait de notre faiblesse une puissance, de notre fragilité une assurance, de nos besoins d'être aimés une force d'amour.

Amen !

Lecture de la Bible

Deutéronome 4/32-35,39
Interroge donc les jours du début, ceux d’avant toi, depuis le jour où Dieu créa l’humanité sur la terre, interroge d’un bout à l’autre du monde : Est-il rien arrivé d’aussi grand ? A-t-on rien entendu de pareil ? Est-il arrivé à un peuple d’entendre comme toi la voix d’un dieu parlant du milieu du feu, et de rester en vie ? Ou bien est-ce qu’un dieu a tenté de venir prendre pour lui une nation au milieu d’une autre par des épreuves, des signes et des prodiges, par des combats, par sa main forte et son bras étendu, par de grandes terreurs, à la manière de tout ce que le SEIGNEUR votre Dieu a fait pour vous en Egypte sous tes yeux ? …
Reconnais-le aujourd’hui, et réfléchis : c’est le SEIGNEUR qui est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre.

Jean 8/12
« Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite (on peut aussi traduire "celui qui m'accompagne" ; c'est le mot qui a donné le français acolyte) ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie. »

Romains 12/1-2,14
Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, : ce qui est parfait…

Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez et ne maudissez pas.

Audio

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