Qu'est-ce que le bonheur ?
Matthieu 5:3-12 , Psaume 1:1-6 , Psaumle 23:1-6
Culte du 8 février 2009
Prédication de pasteur Marc Pernot
( Psaume 1er ; Psaume 23 ; Évangile selon Matthieu 5:3-12 )
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Culte du 8 février 2009 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot
Dans le plus célèbre des psaumes, David témoigne que « le bonheur et la grâce l’accompagnent tous les jours de sa vie » (Ps. 23) David ne nous promet pas le bonheur, il ne nous dit pas : faites ceci et vous aurez le bonheur. Il ne nous dit pas non plus : c’est dans la vie future que vous connaîtrez le bonheur. Non, David témoigne de son bonheur, d’un bonheur présent comme de quelque chose de tout simple qui l’accompagne dans les bons jours, mais aussi dans les jours terribles. Et David en a connu, des jours sombres, il les évoque à travers cette image de la vallée d’ombre et de mort, ces jours terribles où son fils meurt par sa faute, jours terribles où il doit est poursuivi par la jalousie de son roi, et les jours de terrible honte après les crimes qu’il a commis…
Mais quel est donc ce bonheur dont nous parle David ? C’est ce même bonheur dont nous parle Jésus dans les béatitudes, un bonheur plus fort que les pleurs, que le dénuement, les persécutions, la haine et le mépris. Ce bonheur ne dépend donc pas de ce qui nous arrive dans notre vie, c’est plus profond que ça. C’est une façon d’être qui permet de vivre son bonheur comme une grâce tous les jours de sa vie : dans l’abondance, quand la vie est comme un paradis de verts pâturages et de ruisseaux paisibles, comme dans le face à face avec la peine, les vallées d’ombres et de morts de toutes sortes.
Bien entendu, il n’est pas question alors de bonheur total, à 100 %, mais d’un bonheur qui existe quand même réellement, comme quelque chose d’un peu mystérieux qui est là, dans notre vie, parfois tout contre nous, parfois un peu plus enfoui, caché, mais quand même réellement là, chaque jour.
Ce que nous proposent d’abord ces textes bibliques, c’est de chercher à faire ce que l’on pourrait appeler une confession de bonheur, comme nous faisons aussi, et c’est bien, des confessions de foi et des confessions du péché (finalement ces trois points de vue sur notre vie se complètent bien, à mon avis). Il y a là déjà, une démarche utile. Chaque soir, chaque dimanche, ou au rythme que l’on veut mais régulièrement, il est bon de chercher à faire une amorce de confession de bonheur. Comme le corps et l’intelligence peuvent être musclés grâce à un exercice régulier, la capacité à recueillir notre bonheur et à le vivre, à le savourer, cela se travaille. C’est la première des choses, à mon avis, pour apprendre à être heureux. Pour nous aider, nous pouvons essayer de faire cela dans la prière, Dieu est capable d’ouvrir nos yeux sur le bonheur et la grâce qui nous accompagnent effectivement.
Et souvent, prenant conscience de cette part de bonheur qui nous accompagne, nous reconnaissons que ce bonheur est une grâce, un don incroyable. C’est une grâce d’être capable d’être un peu heureux alors que les circonstances ne suffisent pas à expliquer. C’est ce qui amène David à rendre grâce à Dieu pour son bonheur, et c’est, là aussi, quelque chose de fondamental pour nous. Quand on reconnaît son bonheur c’est aussi souvent l’occasion d’avoir de la gratitude envers telle ou telle personne qui a eu un geste ou une parole importante pour nous. Peut-être aurons-nous alors l’envie de témoigner de cette gratitude, de la dire et de la vivre. En tout cas, cette confession du bonheur et cette gratitude sont un véritable moteur pour avancer, plus librement et plus joyeusement, plus calme et serein, plus confiant face à la vie et ses hasards.
Mais qu’est-ce que c’est que le bonheur de l’humain ? Quel est ce bonheur pour que nous sachions le reconnaître ? La Bible nous propose de réfléchir à cette question à travers des récits, des prières et des réflexions très diverses. Tous les textes qui parlent de la vie bonne (au sens où Dieu l’entend) sont des textes qui nous parlent du bonheur que Dieu veut pour chacun de nous. Par exemple quand Jésus dit : vous cherchez le Royaume de Dieu ? « Il n’est pas plus ici qu’ailleurs, mais voilà, en vérité, le Royaume de Dieu, c’est-à-dire le bonheur, est au-dedans de vous, il est au milieu de vous » (Luc 17:21) En effet, le bonheur est en nous et il est dans les relations entre nous , il est là où Dieu a pu créer la vie.
Mais une définition de ce qu’est le bonheur se trouve déjà dans le sens même des mots utilisés par la Bible. En hébreu, deux mots sont utilisés pour dire le bonheur. Le premier mot c’est ashereï (yrva) qui signifie « être en marche », le second mot c’est tov (bwj) qui signifie tout simplement « être bon ».
C’est le premier mot du livre des Psaumes et c’est sans doute par ce mot que s’ouvre aussi le premier grand enseignement de Jésus dans l’Évangile selon Matthieu(5 :3) avec les Béatitudes. Ce mot ashereï dit à la fois le fait d’être heureux et d’être en marche, d’avancer. Cela permet déjà de comprendre comment le bonheur peut être vécu dans l’abondance comme dans des situations difficiles. Quand tout va bien et que l’on en profite pour avancer, il y a un vrai bonheur. Et de la même façon, quand on a des ennuis et que l’on arrive à avancer un peu : quand les larmes sont un peu consolées, quand la paix progresse, quand le deuil devient plus serein, quand la fièvre tombe… Le bonheur est là, dans cette dynamique qui consiste à avancer, à progresser, à surmonter, et à faire avancer.
Cette conception du bonheur se retrouve dans bien des récits de la Bible. Par exemple dans la figure d’Abraham qui est mis en route par l’appel et la bénédiction de Dieu, et qui devient ainsi une bénédiction pour tous les peuples. Nous retrouvons cette conception de la vie humaine et du bonheur quand l’Évangile appelle le Christ « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14). La vie véritable, la vie heureuse est ce cheminement qu’est le Christ, cette mise en mouvement par l’amour et pour l’amour.
David reconnaît en Dieu la source du mouvement, une force qui l’aide à avancer dans les jours d’abondance, et ce n’est pas le moindre des miracles, car une fois arrivé dans un vert pâturage nous avons plutôt tendance à vouloir nous arrêter là et à stagner. David rend grâce à Dieu aussi de l’aider à avancer dans les vallées d’ombre et de mort. Oui, Dieu est la source de la vie, du mouvement et de l’être (Actes 17 :28) Il est source de bonheur et de grâce pour chaque jour et chacun.
Il y a du bonheur à avancer, comme l’indique le mot ashereï. Mais ce n’est pas le seul mot pour dire le bonheur, il y en a un autre, et c’est heureux (c’est le cas de le dire) sinon notre notion du bonheur risquerait de tourner à la course effrénée. Ce second mot pour dire le bonheur, c’est tout simplement tov, « ce qui est bon ».
Le bonheur, c’est ce qui est bon
Il y a du bonheur dans le fait d’avancer, c’est vrai, mais il existe un autre bonheur, celui du repos, pas au sens de la sieste (bien que…), mais au sens du Sabbat biblique, ce jour où l’on arrête de produire et même de trop se déplacer, pour vivre et être heureux dans le repos. Dieu, nous dit la Genèse, a choisi de se reposer le 7e jour après avoir créé pendant 6 jours. Mais dans un sens, à la fin de chacune de ces 6 journées consacrées à faire avancer les choses, le récit nous dit que Dieu prend un temps pour regarder le monde et se réjouir de ce qui est bon.
Il y a ainsi le bonheur d’avancer et il y a le bonheur d’être là, de s’arrêter pour voir ce qui existe de bon dans le monde, dans nos frères et sœurs et en nous-mêmes. Il n’y a pas que du bon à voir, évidemment, mais le bon existe et le propre de cet amour qu’est Dieu c’est de se réjouir de cette bonne part.
Dans le Psaume 139 :14, David a cette louange que je trouve utile à méditer : « Je te célèbre, Éternel, pour la merveille que je suis. Tes œuvres sont admirables, Et mon âme le reconnaît. » Oui, il y a un vrai bonheur à avancer, il y a un vrai bonheur aussi dans le seul fait d’exister, de reconnaître qu’une qualité extraordinaire nous est donnée par grâce, indépendamment de tout. Nous sommes un être fragile, imparfait, arrogant, pécheur, et tout ce que l’on veut… mais nous sommes un être merveilleux, reconnu par Dieu, aimé par Dieu plus que tout. La personne qui a le plus de chance dans la vie, comme la personne la plus pauvre, la personne la plus handicapée, tous pourraient ainsi vivre ce bonheur-là, fondamental, de se réjouir de ce qui est bon. Aux yeux de Dieu, chacun de nous est une merveille à sa façon, et il y a tant d’œuvres admirables à contempler.
Ce bonheur de la contemplation, c’est aussi, comme dans le Psaume 1er, un temps où l’on se laisse créer par Dieu, comme un arbre enraciné près d’un cours d’eau grandit et peut produire des fruits en son temps. Et c’est aussi l’occasion de se laisser purifier par Dieu, comme le dit ce psaume avec l’image du vent qui fait s’envoler la paille et garde le bon grain.
Un double bonheur à conjuguer au pluriel
Voilà donc le bonheur, selon la Bible, c’est d’avancer et de se réjouir de ce qui est bon. Et si nous existons aujourd’hui, c’est bien que nous avons reçu cette double grâce, celle d’avancer et celle d’être déjà une merveille.
Cela me rappelle à ce que m’a dit une personne de la paroisse (que je ne citerai pas pour ne pas la gêner). Chaque matin, m’a-t-elle dit, je remercie d’abord Dieu pour ce nouveau jour de résurrection, puis je cherche comment faire dans ma journée au moins une chose utile ou une chose agréable. On retrouve ici, à la base, la louange à Dieu, et ces deux faces du bonheur qui sont d’avancer et de se réjouir de ce cadeau qu’est la vie en soi mais aussi les petites et grandes bénédictions de la vie.
Ce bonheur de faire avancer les choses et de nous réjouir de ce qui est bon, Jésus nous propose de le conjuguer au pluriel, non seulement en le recevant pour soi, mais aussi en le donnant aux autres. Il y a même, nous dit Jésus, « plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes 20:35). L’Évangile selon Jean culmine sur cette idée là, dans ce discours où Jésus résume l’essentiel pour ses disciples juste avant d’être arrêté. Il évoque alors le bonheur et la joie par deux fois. Après avoir lavé les pieds de ses disciples, Jésus les invite à faire de même en se faisant serviteurs les uns des autres et il dit : « Vous êtes heureux si vous savez cela et si vous le mettez en pratique ». (Jean 13:17) Et un peu plus loin, Jésus nous propose de vivre de ce bonheur vrai en prenant conscience de l’amour dont Dieu nous a aimé, en nous laissant construire, créer, mettre en mouvement par cet amour. Alors nous pourrons nous aimer les uns les autres, aimer et nous laisser aimer, servir et se laisser rendre service selon les occasions, dans la gratitude et l’émerveillement.
Oui, il y a une vraie joie, un vrai bonheur à recevoir de Dieu le mouvement et l’être (Actes 17 :28). Et il y a une plus grande joie ensuite, une joie qui complète la première, celle de donner et de servir à notre tour.
« Comme le Père m’a aimé, nous dit Jésus, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes paroles, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les paroles de mon Père, et que je demeure dans son amour. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit complète. » (Jean 15:9-11)
Amen
Lecture de la Bible
Psaume 1
1 Heureux l’homme
Qui ne marche pas selon le conseil des méchants,
Qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs,
Et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs,
2 Mais qui trouve son plaisir dans la Parole de l’Eternel,
Et qui la médite jour et nuit!
3 Il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau,
Qui donne son fruit en sa saison, Et dont le feuillage ne se flétrit pas:
Tout ce qu’il fait lui réussit.
4 Il n’en est pas ainsi des méchants:
Ils sont comme la paille que le vent dissipe.
5 C’est pourquoi les méchants ne résistent pas au jour du jugement,
Ni les pécheurs dans l’assemblée des justes;
6 Car l’Eternel connaît la voie des justes,
Et la voie des pécheurs mène à la ruine.
Psaume 23
1 Cantique de David.
L’Eternel est mon berger: je ne manque de rien.
2 Il me fait reposer dans de verts pâturages,
Il me dirige près des eaux paisibles.
3 Il restaure mon âme,
Il me conduit dans les sentiers de la justice,
A cause de son nom.
4 Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort,
Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi:
Ta houlette et ton bâton me rassurent.
5 Tu dresses devant moi une table, En face de mes adversaires;
Tu oins d’huile ma tête, Et ma coupe déborde.
6 Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront Tous les jours de ma vie,
Et j’habiterai dans la maison de l’Eternel Jusqu’à la fin de mes jours..
Matthieu 5:3-12
Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux!
4 Heureux les affligés, car ils seront consolés!
5 Heureux les humbles de coeur, car ils hériteront la terre!
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés!
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde!
8 Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu!
9 Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu!
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux!
11 Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous..