On n’a pas toujours ce qu’on veut. Mais grâce à Dieu on obtient ce dont on a besoin

Matthieu 2:1-11

Culte du 1 avril 2012
Prédication de pasteur James Woody

(Matthieu 21:1-11)

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Culte du dimanche 1er avril 2012 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, ce dimanche des Rameaux est connu à travers le fait que Jésus entre à Jérusalem, sur un âne, alors qu’une foule de personnes crient en son honneur après avoir coupé des branches d’arbre. Tout cela nous semble on ne peut plus normal, conforme à ce que nous avons toujours entendu. Il serait mal venu, de la part de chrétiens, de s’étonner que la foule n’acclame pas Jésus à son passage.

Et pourtant, le cri de la foule devrait, sinon nous inquiéter, du moins attirer notre vigilance. Car, dans les évangiles, les cris ne vont pas de soi : ils peuvent être aussi bien positifs que négatifs. Ils peuvent aussi bien être des cris d’appel au secours que des cris de haine. Là, dans le cas présent, il semble bien que ce soient des cris positifs puisque c’est une citation du psaume 118 « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! » N’est-ce pas un cri admirable ? Le genre de cri que l’on pourrait espérer entendre dans toute assemblée chrétienne qui se respecte ? Eh bien non, justement pas ! Et je ne dis pas cela parce que c’est une foule qui crie et qu’il convient d’être toujours prudent à l’égard des foules, des mouvements de masse qui font si souvent déconnecter les cerveaux de ceux qui en font partie. C’est la nature même de ce qui est crié qui doit nous alerter. Et pour en prendre conscience, il nous faut enquêter dans l’évangile selon Matthieu pour voir ce qui se cache derrière les cris.

Parmi les cris que l’on entend dans cet évangile, il y a les suppliques adressées au Messie par les malheureux. Ce sont, par exemple, les deux aveugles qui crient vers Jésus « aie pitié de nous, fils de David ! » (9/27), une femme cananéenne, une étrangère non qualifiée pour s’adresser au Messie d’Israël qui, elle aussi, lui crie « aie pitié de moi, fils de David. Ma fille est cruellement tourmentée par le démon » (15/22). Il y a encore des aveugles qui, juste avant cet épisode (20/30) implorent Jésus de la même manière « aie pitié de nous, Seigneur, fils de David. »

La similitude des formules criées est suffisamment forte pour que nous réalisions que ces cris auxquels Jésus répond favorablement sont positifs parce qu’ils sont animés par l’humilité de personnes qui appellent à l’aide en faisant référence à l’humanité de Jésus, fils de David. C’est un cri semblable à celui que l’on retrouve dans le livre de l’exode, un cri lancé par les Hébreux réduits en esclavage (Ex 3/9). C’est le cri de l’opprimé, c’est le cri de l’homme entravé, c’est le cri de l’homme qui n’est plus qu’un sous-homme.

1b. Le cri démoniaque

A côté de ce cri légitime, il y a des cris autrement moins louables, celui des démons. C’est le cri de deux démoniaques « que veux-tu de nous, fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter ? » (8/28), c’est aussi le cri de la foule, le vendredi qui suivra l’entrée de Jésus à Jérusalem : « qu’il soit crucifié » (27/23).

Il ne suffit donc pas de crier au passage de Jésus pour que ce cri soit recommandable. D’ailleurs, Jésus l’avait dit sur une colline de Galilée : « quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux ». Car les démons, précisément, ne sont pas avares de vocables religieux et sont toujours les premiers à reconnaître le divin. Les démons désignent les personnes ou les systèmes qui exercent une force sur les individus. Les personnes possédées par les démons, dans les textes bibliques, sont les personnes qui sont privées de paroles : quelqu’un parle à leur place, décide à leur place… et sous couvert de formules religieuses somptueuses, ils exercent leur pouvoir sur les consciences qui sont dépossédées d’elles-mêmes.

Ici, la foule, qui crie au passage de Jésus, est une foule possédée, qui se couvre d’un verni religieux pour donner bonne figure. Comme je le rappelais, dans quelques jours, la foule criera pour que le même homme soit mis à mort.

Cet épisode me fait penser à votre mission, chers diacres qui venez d’être reconnus dans votre ministère. L’épisode des Rameaux me fait penser à ces situations où vous serez dans une relation d’aide. Le premier travail, dans la relation d’aide, c’est un travail de discernement qui consiste à repérer les cris d’appel des cris démoniaques, distinguer les appels à l’aide des stratégies pour vous soutirer sinon votre âme, du moins de l’argent. Il faut s’efforcer de ne pas être dupe du verni religieux qui peut recouvrir le discours des personnes que vous rencontrez et qui, quelques jours plus tard, n’hésiteront pas à faire volte face pour aller vers plus offrant. Il faut s’efforcer de ne pas être dupe des discours qui caressent dans le sens du poil pour attirer notre sympathie, mais qui n’ont rien d’authentique. Il faut être vigilant face aux discours de ceux qui veulent expliquer la vérité mieux que quiconque, mieux que l’Evangile, même et qui en savent plus que quiconque sur le système. S’il convient d’être simples comme des colombes, il ne s’agit pas d’être moins prudents que les serpents (Mt 10/16).

2. Révéler les besoins

A partir de là, un deuxième travail est nécessaire : c’est interroger le cri. A Jérusalem, le cri est suscité par Jésus qui est sur un âne. Pourquoi Jésus entre-t-il ainsi à Jérusalem ? il n’avait jamais eu besoin d’âne jusque là, ses déplacements avaient toujours été effectués à pied jusque là et le fait que les autres personnes se déplacent à pied autour de lui montre que l’animal était inutile pour pénétrer dans l’enceinte de Jérusalem. Et, pourtant, cet âne ou ces ânes, puisqu’il est question d’une ânesse et d’un ânon, ont été réquisitionnés à dessein par Jésus qui en a fait un élément central de son entrée. Certains y voient une monture royale, mais les rois d’Israël ne sont pas réputés pour se déplacer à dos d’âne qui est plutôt une monture pour le commun des mortels.

Au préalable, Jésus avait formulé l’hypothèse selon laquelle quelqu’un pourrait dire quelque chose au fait de détacher les ânes. La consigne donnée aux disciples dans un tel cas était de répondre : « le Seigneur en a besoin ». Non pas : « c’est le bon plaisir du prince », « c’est comme cela et pas autrement », « parce que Jésus en a envie » etc. « Le seigneur en a besoin ». Voilà ce qui apparaît comme décisif dans l’esprit de Jésus : le besoin, ce qui est nécessaire. Or, nous l’avons vu, un âne était assez inutile pour entrer à Jérusalem. Jésus dit en avoir pourtant besoin, vraiment.

L’âne, de nos jours, passe pour l’animal têtu, qui est devenu une image de la bêtise autrefois stigmatisée par le bonnet d’âne. Dans la Bible, l’âne, s’il n’est pas la monture des rois, vaut bien mieux que cela : l’âne est le miroir de l’homme dans le monde animal. Cela se constate dans la prescription faite dans le livre de l’Exode (13/13) qui stipule que tout premier né doit toujours être offert en sacrifice complet à Dieu, à l’exception de l’homme et de l’âne qui seront rachetés par le sacrifice d’un animal. L’âne et l’homme partage donc, dans les textes bibliques, la même condition. C’est ce qui explique le long cheminement de Saül (1 S 9) parti à la recherche des ânesses de son père. Il ne retrouvera pas les ânesses perdues, mais au bout de ce voyage en forme de pèlerinage, il se découvrira, lui, premier messie d’Israël, recevant l’onction du prophète Samuel, à la manière de Jésus recevant l’onction, de parfum cette fois, la veille de son entrée à Jérusalem. L’âne est la métaphore animale de l’homme, ce qui signifie que lorsque Jésus fait son entrée sur des ânes, il s’agit de dire que Jésus pénètre dans Jérusalem bien ancré dans son humanité. C’est là le besoin qu’il exprime, faire entrer de l’humanité dans cette cité qu’il va s’efforcer de rendre plus humaine tout au long des jours qui vont suivre.

Le besoin. Voilà le deuxième aspect qui pourrait conduire votre ministère, chers diacres. Essayer de mettre à jour les besoins qui s’expriment derrière les cris qui vous sont adressés, parfois sous forme de murmures, le plus souvent de manière non explicite. Ne pas en rester à la première demande, mais l’interroger pour aller au cœur des véritables besoins qu’il est toujours difficile d’exprimer parce qu’il est difficile d’avoir bien conscience de ce dont on a profondément besoin.

Le médecin qui reçoit une patiente qui lui explique qu’elle ne supporte plus sa pilule peut se contenter de trouver un nouveau dosage pour que les règles soient moins douloureuses ou les nausées atténuées… il peut aussi laisser sa patiente aller du côté symbolique car il se pourrait que ce soit son rapport à la maternité ou sa sexualité qu’elle ne supporte plus. Aller derrière la demande pour mettre à jour le besoin profond qui s’exprime à travers une demande ordinaire.

C’est la raison pour laquelle, chers catéchumènes, vos parents ne vous offrent pas nécessairement le téléphone que vous voulez absolument, qui vous semble pourtant indispensable… c’est qu’ils estiment que ce n’est pas ce dont vous avez vraiment besoin, même si c’est ce que vous dites vouloir absolument !

Un jour, un ancien entrepreneur fut invité à un cours de management dispensé à de jeunes cadres d’entreprise. Il sortit un saladier et plaça dedans des pierres jusqu’à atteindre le bord de saladier. Il interrogea l’assistance : que pouvez-vous dire du saladier ? – Il est plein, répondirent les cadres. Il se pencha, attrapa des graviers qu’il introduisit au milieu des pierres. Et maintenant, que peut-on dire de ce saladier ? Certains s’aventurèrent à répondre que, cette fois-ci, il était plein. Il se pencha à nouveau, prit du sable qu’il fit tomber sur le saladier jusqu’en haut. Et maintenant, ce saladier ? Un cadre se lança : - cette fois, il est vraiment plein ! l’ancien entrepreneur prit la carafe d’eau qui était sur le bureau et en versa le contenu dans le saladier… quelle leçon peut-on tirer de cela, demanda l’homme ? Un jeune cadre, peut-être plus dynamique que les autres, affirma que cela signifie que lorsque notre agenda est plein, on peut encore ajouter des rendez-vous. Non non, fit l’entrepreneur… cela signifie que si vous ne mettez pas d’abord les gros cailloux qui représente ce qui est vraiment essentiel dans votre vie, vous remplirez votre vie avec n’importe quoi.

Jésus, en s’installant sur les ânes, met son monde sur le chemin de l’humanité véritable et il nous interroge sur notre propre humanité pour que nous découvrions ce qui est essentiel pour nous, ce dont nous avons vraiment besoin pour être un honnête homme, une honnête femme plutôt que de nous transformer en vaurien (ou en « vaut pas grand-chose »). Le Messie n’est donc pas tant celui qui accède à toutes nos demandes, que celui qui nous permet de prendre conscience de ce qu’il y a de plus essentiel en nous, ce dont il faut prendre soin : le Messie nous aide à découvrir quels sont nos gros cailloux, ceux qu’il faut placer au cœur de notre existence. Il n’est pas celui qui accomplit notre volonté, mais celui qui nous met face à l’humanité véritable, face à ce qui est fondamental pour nous. Ou, comme le disait le philosophe Mick Jagger : « on n’a pas toujours ce qu’on veut, mais (…) on obtient ce dont on a besoin ».

Amen

Lecture de la Bible

Matthieu 21:1-11

Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem, et qu’ils furent arrivés à Bethphagé, vers la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux disciples, 2 en leur disant: Allez au village qui est devant vous; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle; détachez-les, et amenez-les-moi. 3 Si, quelqu’un vous dit quelque chose, vous répondrez: Le Seigneur en a besoin. Et à l’instant il les laissera aller.

4 Or, ceci arriva afin que s’accomplisse ce qui avait été annoncé par le prophète:
5 Dites à la fille de Sion:
Voici, ton roi vient à toi,
Plein de douceur,
et monté sur un âne,
Sur un ânon, le petit d’une ânesse.

6 Les disciples allèrent, et firent ce que Jésus leur avait ordonné. 7 Ils amenèrent l’ânesse et l’ânon, mirent sur eux leurs vêtements, et le firent asseoir dessus.

8 La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin; d’autres coupèrent des branches d’arbres, et en jonchèrent la route. 9 Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient: Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts!

10 Lorsqu’il entra dans Jérusalem, toute la ville fut émue, et l’on disait:
Qui est celui-ci?

11 La foule répondait:
C’est Jésus, le prophète,
de Nazareth en Galilée.

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