Non, Dieu n’est pas une brique, il s’adapte et même il change, il évolue

Genèse 1:1-10 , Genèse 6:1-18 , Genèse 9:8-16

Culte du 31 juillet 2011
Prédication de pasteur Marc Pernot

Vidéo de la partie centrale du culte

Culte du dimanche 31 juillet 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Dieu serait un être immuable. C’est une des trois ou quatre grandes certitudes de la théologie chrétienne de puis des siècles, Dieu serait un être omnipotent (tout puissant), omniscient (sachant toujours tout, même d’avance), omniprésent et immuable (sans début ni fin, sans changement d’aucune sorte, ni dans son être, ni dans ses qualités, ni dans ses plans). Un certain nombre de ces grandes affirmations sur Dieu sont très discutables. La notion de « toute puissance » de Dieu est aujourd’hui bien heureusement remise en cause par bien des théologiens chrétiens, cette évolution se manifeste jusque dans les nouvelles éditions de la Bible les plus réputées que sont la Nouvelle Bible Second et la Traduction Œcuménique de la Bible.

Pour ce dimanche, nous allons lire dans le livre de la Genèse des récits où Dieu n’est apparemment pas si immuable que certains ont bien voulu le dire, quelques passages où Dieu change, évolue, s’adapte. (voir aussi la prédication suivante)

Les théologiens qui soutiennent mordicus l’idée que Dieu serait immuable s’appuient sur la Bible, bien entendu, et leurs principales pièces à convictions se résument à quelques quotes : Psaumes 102:27 « Toi, Éternel, tu restes le même », Malachie 3:6 « Je suis l’Eternel, je ne change pas », et dans la lettre de Jacques 1:17 « Toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. ». Cette idée que Dieu serait immuable existe donc depuis longtemps, mais il y a bien des passages bibliques qui montrent au contraire que Dieu change.

Il change d’abord parce que Dieu n’est pas comme le pensaient certains philosophes grecs, un Dieu indifférent à ce qui se passe sur terre. Au contraire, la Bible nous dit que Dieu a des égards pour sa création et tout particulièrement pour les humains. Dieu accompagne ce bon projet qu’est la création, et au fur et à mesure que les circonstances changent, il en tient compte. Dieu adapte son projet et ses actions, il réagit à ce que les humains choisissent de faire et de penser et en réaction Dieu change.

C’est ce que nous voyons par exemple dans cette histoire du déluge. Le chapitre 6 de la Genèse commence en nous montrant que Dieu observe les hommes se multiplier et décide d’adapter son projet en limitant la durée de vie maximum de l’homme à 120 ans. Ensuite le texte nous montre Dieu observer la violence invraisemblable des hommes, Dieu observe et, nous dit la Bible, « Dieu se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre, et il fut affligé ». Ces mots très forts « Dieu se repentit » se retrouvent plus d’une dizaines de fois dans la Bible, et ici, avec ce récit de la Genèse, nous sommes dans un des grands passages fondateurs de la pensée biblique.

Nous sommes loin du Dieu qui saurait tout, qui pourrait tout, qui serait partout et qui serait immuable. C’est tout le contraire. Ici, Dieu fait ce qu’il peut, il a un bon projet de création, de justice et de paix, mais visiblement son projet est en partie une merveille mais aussi en partie un échec. Les choses ont évolué ainsi sans lui, et Dieu est surpris, attristé, il doit évoluer dans son projet, il doit intervenir et tâtonne dans la façon d’intervenir, et Dieu évolue ainsi lui-même.

Cette façon d’être de Dieu a plusieurs conséquences très concrètes pour notre foi et pour notre vie. Car, Dieu n’est pas seulement une personne réelle tout à fait unique en son genre. Dieu n’est pas seulement notre origine, il est également notre idéal, notre finalité. Dans la théologie biblique, c’est un point fondamental. Il est l’alpha et l’oméga. Les actes de Dieu révèlent aussi une façon d’être et de vivre, un idéal qui nous est proposé par le récit biblique.

Ce n’est donc pas un détail de théologie abstraite de savoir si Dieu est tout puissant ou non, omniscient ou non, immuable ou non, omniprésent ou non.

  • C’est important d’abord pour savoir ce que nous pouvons attendre de Dieu, quelle relation avoir avec lui.
  • Mais c’est important aussi parce que cela change notre notion de la justice, du sens de la vie.
  • C’est même plus grave que cela car l’homme est façonné par ce qui est l’objet de son adoration, l’homme est progressivement transformé par ce qu’il contemple.

C’est ainsi que la personne qui ne s’intéresse à rien et ne se pose aucune question devient progressivement un robot qui fonctionne au seul rythme du métro, boulot, télé, en mode survie minimale.

Et il n’est pas neutre d’avoir comme idée de Dieu un Dieu tout puissant, il n’est pas neutre d’avoir un Dieu immuable, il n’est vraiment pas neutre d’adorer un Dieu qui sauverait, comme dans ce récit de déluge, une seule famille et rayerait de la carte les autres. Heureusement que ce récit se poursuit en nous montrant que Dieu change et heureusement qu’il y a d’autres visages de Dieu dans la Bible que celui de la théologie du Dieu juge tout puissant et immuable, parce que la notion de justice qui est proposée serait terrible. Une telle théologie ou une telle idéologie ne produit heureusement pas souvent des tueurs comme ce monsieur Behring Breivik qui a été l’auteur du massacre qui a eu lieu en Norvège la semaine dernière. Mais nous sommes plus ou moins façonnés par l’idéal que nous avons, nous sommes façonné par l’idéal que porte notre théologie, notre conception de Dieu, notre idéologie.

Ces pages de la Genèse sont écrite pour cela, pour nous faire réfléchir et nous inviter à évoluer.

Dieu est créateur, il crée la nature et l’humanité, il participe à leur évolution. C’est à mon avis un fait bien réel, mais en plus, cela nous dit que notre vocation est d’être créateur, à notre mesure, selon notre propre génie, selon nos propres choix. Cela a une double influence sur nous qui se poursuit au jour le jour. En adorant, en priant ce Dieu créateur nous l’aidons, nous lui permettons, nous l’invitons à manifester sa puissance d’évolution dans notre être et dans notre vie. Mais en plus, le fait même de penser à Dieu comme créateur va subtilement influer sur notre façon de choisir ce que nous allons faire de nos 24 heures et de nos 365 jours à venir, cela va influer sur notre façon de nous engager, d’entreprendre des choses et de les subir, sur notre façon de rêver l’avenir…

Dieu crée donc, mais nous voyons dans ce récit qu’il laisse de la place pour la liberté de l’autre, il laisse évoluer l’autre à sa façon. Même si nous ne sommes plus dans l’idée d’un Dieu tout-puissant, mais seulement (excusez-moi du peu) d’un Dieu prodigieusement puissant comme source d’évolution positive dans le monde, il y a un côté très actif dans cette notion de Dieu, et cela pourrait nous conduire à des attitudes trop intrusives, trop dominatrices sur la nature et sur les personnes de notre entourage. Mais la faiblesse de Dieu qui nous est exposée ici, sa discrétion, la place qu’il laisse aux autres, mêmes à ses créatures pourtant infiniment plus limitées que lui à tout point de vue. Tout cela nous invite à l’action mais aussi à la modestie, au respect. Dieu crée, il sait aussi s’effacer. Il s’efface mais sans laisser tomber, il s’intéresse et il tient compte, il n’intervient que si c’est vraiment nécessaire.

Cette théologie a un impact sur notre façon d’être avec les autres humains et avec la nature. Cette théologie a aussi un véritable impact sur notre foi, sur notre relation à Dieu. Il ne s’agit pas seulement de lui obéir dans la soumission, mais il nous autorise à inventer, il nous appelle à créer notre propre chemin, à avoir notre propre évolution. Et comme il n’est pas indifférent à notre avenir et à celui du monde, nous pouvons compter sur lui pour nous aider quand il faut, nous pouvons l’appeler à l’aide, lui demander conseil. S’il faut, quand il faut, il agira selon ce qu’il considérera comme juste et selon ce qu’il peut en réalité faire, compte tenu des limites de son possible.

Dieu change donc ses projets et sa façon de faire pour tenir compte de la situation et des autres. Mais nous voyons ici que Dieu change même vraiment, dans sa personne. Et le fait que Dieu puisse évoluer en lui-même, qu’il soit lui aussi un être en devenir est bien plus encore en rupture avec ce que pensent des philosophes grecs comme Parménide, ou même comme Aristote, ou comme les néoplatoniciens qui ont tant influencé nos grands théologiens chrétiens que sont Augustin et Thomas d’Aquin.

Il est frappant que la première chose que la Genèse nous dit de Dieu, dans la première phrase du premier livre de la Bible, c’est que Dieu change et que Dieu est en mouvement :

Dans un commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme,
et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.

Il y a un commencement qui ne vient que de Dieu lui-même, il ne réagit pas à une circonstance extérieure, c’est Dieu qui, parce qu’il change est alors source de ce commencement. Et le texte insiste en disant que l’Esprit de Dieu est en mouvement, comme une présence discrète, mobile, évolutive, au ras de la matière pour la faire elle-même évoluer, devenir plus belle, plus bonne, plus vivante.

Dès le début de l’histoire du déluge, Dieu change encore, il change ses plans pour tenir compte de ce qui advient et de ce que ses créatures ont choisit de faire et de devenir. Mais Dieu change plus radicalement que cela. Le déluge et l’arche de Noé représentent une première façon d’être et de réagir, l’arc-en-ciel et l’alliance de la fin du récit correspondent à une autre façon de faire et de réagir. Dieu a changé entre temps, et il insiste pour dire qu’il a vraiment changé et que dorénavant il ne maudira plus la terre, il ne frappera plus les vivants. Maintenant, il évoluera et cherchera à faire évoluer en alliance, en association avec l’autre tel qu’il est.

Cette nouvelle façon de faire est intéressante, bien entendu. Mais le fait même que Dieu soit présenté ici comme ayant changé est tout à fait essentiel. Cela nous invite à évoluer dans notre théologie. Cela ne veut pas dire de changer tous les 4 matins de religion ou de confession, mais cela suppose d’avoir suffisamment confiance en Dieu et cela suppose de se donner les moyens, comme Dieu ici, de regarder, d’analyser, de comprendre un peu mieux les tenants et les aboutissants, d’avoir la modestie de nous remettre un peu en cause et d’évoluer, de progresser.

Au contraire, une théologie d’un Dieu immuable projette une certaine conception de l’humain et de la vie. Cela invite à durcir nos positions, à justifier habilement nos travers d’un voile de justice, à transformer nos idéaux en idéologie, nos valeurs en moralisme, nos convictions en dogmes immuables que tout le monde devrait adopter. Et nous nous cramponnons alors à ces « vérités » comme si notre vie en dépendait… alors que le propre de la vie c’est d’évoluer. Alors que la Vérité avec un grand V est précisément cheminement et vie, comme le montre le Christ (Jean 14:6).

Une théologie d’un Dieu immuable projette une certaine notion de notre finalité, celle d’une paix figée comme si notre avenir idéal était d’être amorti, avec un grand sourire béat, éternellement. Et bien non. La paix de Dieu est autre chose que cela. Notre idéal de vie peut vraiment être plus grand que cela, plus fécond, plus vivant, plus mobiles avec le Dieu vivant. L’au-delà sera encore, j’en suis persuadé, fait d’efforts d’évolution.

Dans sa nouvelle façon d’être, Dieu promet d’être fidèle. Cela prend un relief saisissant dans le cadre de cette histoire où Dieu n’est pas immuable. La vraie fidélité, c’est cela, c’est garder nos alliances et nos attachements, alors même que l’autre change et alors même que moi aussi je change, alors même que le monde n’est plus le même.

C’est là toute la différence avec la première façon d’être de Dieu, que ce récit nous propose d’abandonner nous aussi. Le déluge et l’appel de Noé par Dieu n’était pas sans efforts ni sans bienveillance : il consistait à discerner le meilleur, puis à le sauver et à écrabouiller le reste. Dans notre rapport aux autres, dans notre façon de regarder notre propre vie, cette façon de faire amplifie encore la violence.

La deuxième façon de faire est basée sur le changement et la fidélité. Il y a là un autre modèle de justice, une autre façon de concevoir c’est qui est juste et bon :

  • Une relation vraie est une relation ou les deux parties changent et non une seule (l’autre ?).
  • Une relation vraie est une relation fidèle, ou même quand l’autre n’évolue pas dans ce que nous pensons être le bon sens, nous lui restons attaché, même unilatéralement.

Notre Dieu est comme ça. Et c’est pour cela que nous pouvons vraiment compter sur lui, le Vivant, le Fidèle.

Amen.

Lecture de la Bible

Genèse 1:1-10

Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. 2 La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. 3 Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut. 4 Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. 5 Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour.

6 Dieu dit: Qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. 7 Et Dieu fit l’étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus de l’étendue. Et cela fut ainsi. 8 Dieu appela l’étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le second jour. 9 Dieu dit: Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. Et cela fut ainsi. 10 Dieu appela le sec terre, et il appela l’amas des eaux mers. Dieu vit que cela était bon.

Genèse 6:1-18

Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier sur la face de la terre, et que des filles leur furent nées, 2 les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent. 3 Alors l’Eternel dit: Mon Esprit ne restera pas à toujours dans l’homme, car l’homme n’est que chair, et ses jours seront de cent vingt ans.

4 Les géants étaient sur la terre en ces temps-là. Il en fut de même après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité.

5 L’Eternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal.”L’Eternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. 6 L’Eternel se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre, et il fut affligé en son coeur. 7 Et l’Eternel dit: J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel; car je me repens de les avoir faits. 8 Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel. 9 Voici la postérité de Noé. Noé était un homme juste et intègre dans son temps; Noé marchait avec Dieu. 10 Noé engendra trois fils: Sem, Cham et Japhet.

11 La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. 12 Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. 13 Alors Dieu dit à Noé: La fin de toute chair est arrêtée devant moi; car ils ont rempli la terre de violence; voici, je vais les détruire avec la terre. 14 Fais-toi une arche de bois de gopher; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l’enduiras de poix en dedans et en dehors. 15 Voici comment tu la feras: l’arche aura trois cents coudées de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur. 16 Tu feras à l’arche une fenêtre, que tu réduiras à une coudée en haut; tu établiras une porte sur le côté de l’arche; et tu construiras un étage inférieur, un second et un troisième. 17 Et moi, je vais faire venir le déluge d’eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra. 18 Mais j’établis mon alliance avec toi; tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi.

Genèse 9:8-16

Dieu parla encore à Noé et à ses fils avec lui, en disant: 9 Voici, j’établis mon alliance avec vous et avec votre postérité après vous; 10 avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux de la terre, soit avec tous ceux qui sont sortis de l’arche, soit avec tous les animaux de la terre. 11 J’établis mon alliance avec vous: aucune chair ne sera plus exterminée par les eaux du déluge, et il n’y aura plus de déluge pour détruire la terre. 12 Et Dieu dit: C’est ici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à toujours: 13 j’ai placé mon arc dans la nue, et il servira de signe d’alliance entre moi et la terre. 14 Quand j’aurai rassemblé des nuages au-dessus de la terre, l’arc paraîtra dans la nue; 15 et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous, et tous les êtres vivants, de toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. 16 L’arc sera dans la nue; et je le regarderai, pour me souvenir de l’alliance perpétuelle entre Dieu et tous les êtres vivants, de toute chair qui est sur la terre.

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