Noli me tangere et autres mystères

Jean 19:41-20:22

Culte du 1 mai 2013
Prédication de pasteur Marc Pernot
Prédication de pasteur James Woody

Vidéo de la partie centrale du culte

Culte de Pâques 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix par les pasteurs James Woody & Marc Pernot

Jean 19:41-20:22

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1. « Noli me tangere » et autres mystères

prédication du pasteur Marc Pernot

« Noli me tangere », il y a des dizaines de tableaux qui portent ce titre dans notre annexe, en face, au Louvre. Ce texte où le Christ ressuscité dit à Marie-Madeleine « Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » est un texte qui a plongé les commentateurs dans la perplexité depuis l’antiquité. C’est embarrassant, car c’est manifestement le sommet de ce passage et que Marie-Madeleine y reçoit du Christ la plus haute des missions, celle d’enseigner les apôtres. Christ fait d’elle ici l’apôtre par excellence, l’apôtre des apôtres.

Ce « ne me touche pas » n’est pas le seul élément curieux, il y a aussi la visite des anges et le fait que le Christ ressuscité soit pris pour « le jardinier , même pas seulement « un » jardinier ou un elaiourgion, un cultivateur d’oliviers. Ni Matthieu, ni Marc, ni Luc ne parle d’un jardin. Jean est le seul qui en parle et il insiste sur ce point (19:41). Mais tous ces éléments curieux ou inutiles s’assemblent comme des signes renvoyant au récit archi-connu de la Genèse ; non pas la création que Jean paraphrase au début de son Évangile, mais la suite qui se déroule dans le jardin d’Éden. Adam y est effectivement le jardinier, avec la mission de garder et de cultiver le jardin d’Éden, de faire librement tout ce que lui et Ève auront comme projet, avec une seule limite « Quant à l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et "vous n’y toucherez pas", de peur que vous ne mouriez. » (Genèse 3:3). Les anges entourant l’absence du corps de Jésus évoquent ceux que Dieu place sur le chemin de l’arbre de vie pour nous aider à le trouver. (Gen.3:24)

Ce texte nous dit que Marie-Madeleine, dans sa recherche de Jésus, touche au jardin d’Éden, que le corps absent de Jésus est la porte (Jn 10:9), encadrée par les anges qui indiquent le chemin vers l’arbre de vie. Et selon une rhétorique habituelle dans les évangiles, Christ est à fois cette parole qui nous montre le chemin(Jn 1:14), Christ est le chemin (Jn 14:6) vers l’arbre de vie, et Christ est cet arbre de vie offert pour que nous le prenions et le mangions (Jn 6:54).

Le « ne me touche pas » semble dire qu’à ce stade de développement de la foi de Marie-Madeleine, Christ est plutôt pour elle l’arbre de la connaissance du bien et du mal que l’arbre de vie. Et effectivement, c’est bien de la connaissance que Marie veut cueillir, quand Christ l’appelle à la vie en l’appelant par son nom. Marie lui répond « Rabbouni », son maître religieux dont elle attend des fruits de théologie, de philosophie et de comportement. Au milieu du jardin, nous dit la Genèse, il y a deux arbres, et comme il y a un seul milieu, il s’agit probablement du même arbre qui, selon l’usage que l’on en fait, est à la fois l’arbre de la vie éternelle offerte en Christ et l’arbre de la connaissance du bien et du mal que nous ne devons même pas toucher.

Cette méditation de Jean sur le témoignage de Marie-Madeleine nous invite à nous approprier ce qu’est le Christ ; il nous invite à entrer dans une démarche de conversions, au pluriel. Marie, sans cesse dans ce texte, chemine, court, se tourne et se retourne. Avec elle, nous entrons dans un cheminement avec et par le Christ, qui est la résurrection et la vie, et ressuscitons un peu, maintenant, et encore un peu plus demain. Et comme elle, l’apôtre des apôtres, soyons à tous les étapes de notre cheminement, porteur de cette semence de résurrection pour ceux que nous aimons.

En grec, le mot tombeau utilisé ici pourrait se traduire par « mémorial ». Marie Madeleine nous invite ainsi à nous souvenir de Jésus, de ce qu’il a fait et ce qu’il a été. Marie s’appuie sur sa propre recherche et elle court aussi pour se souvenir et s’interroger avec d’autres. C’est ce que nous faisons, et ce mouvement nous place déjà dans le jardin d’Éden, le jardin des délices.

Ce Jardin est à la fois, nous le voyons avec l’histoire d’Adam & Ève, le lieu de la bénédiction de Dieu et de notre juste créativité dans ce monde, mais ce jardin peut aussi être celui de l’arrogance de l’homme.

2) L’écart

Il y a ainsi une avancée, mais inaboutie, et même décevante. C’est comme l’écart entre lire un roman d’amour et être amoureux. L’Évangile, la théologie, les belles idées, les promesses même de Dieu… Tout cela est utile pour aller à la porte de chemin, mais cela peut rester à l’état de tombeau vide. Pas longtemps pour Marie. Comment fait-elle ? Que lui arrive t-il ?

3) S’investir

Contrairement à Pierre et Jean lui-même qui sont repartis, elle se tient là, à la porte des promesses de Dieu en Christ. Marie-Madeleine s’investit, elle pleure sur ce manque qu’elle ressent, elle s’interroge, elle se baisse et regarde encore vers cette mémoire du Christ. C’est comme une prière, une soif, une humilité, c’est déjà une espérance et une écoute ; elle attend. Du coup, elle peut voir les anges. C’est là que tout bascule dans une première conversion. « Elle se retourne en arrière » dit le texte, geste étrange qui lui évite de tomber dans le tombeau de la seule mémoire du Jésus passé ; elle est mise en chemin vers l’arbre de vie.

4) Qui cherches-tu ?

Elle cherchait un lieu. C’est rassurant, un lieu, c’est stable ; on peut mettre y mettre les deux pieds et s’y poser. Mais par la mémoire de Jésus et par son espérance, Marie est déjà dans ce lieu qu’elle cherche, sans le savoir, car ce lieu est un cheminement. La Parole vivante de Dieu lui propose cette nouvelle question « Qui cherches-tu ? ». Parole qui lui fait chercher une personne vivante à rencontrer plutôt qu’une mémoire à embaumer.

5) Voici l’homme

Marie s’entend alors appeler par son nom et rencontre « le jardinier », l’Adam véritable (1Cor. 15:45), l’humain tel que Dieu l’espère et qu’il discerne déjà en nous. C’est pourquoi Jésus dit à plusieurs reprise dans cet Évangile que son Père et lui demeurent en nous (Jn 6:56,14:23,15:4). Cette rencontre avec le Christ est donc une expérience intérieure, existentielle et mystique, par laquelle nous prenons conscience que notre moi le plus intime n’est pas étranger à ce qu’est le Christ ; expérience que nous sommes, malgré nos limites, authentiquement humains et par là même habités par Dieu, mais aussi appelés à être jardinier du monde, appelés à l’ensemencer de graines de vie éternelle.

Nous sommes alors, avec Marie, au milieu du jardin d’Éden, au pied à la fois de l’arbre de vie et de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Avant de manger le Christ, nous dit le jardinier divin, il faut d’abord qu’il monte vers l’Éternel. Pour que ce soit dans une vraie relation à Dieu et non pas dans l’arrogance de notre savoir sur Dieu, qui a été utile dans la première étape ; ou dans l’orgueil de notre pouvoir en ce monde, qui sera utile plus tard. Même le Christ ne se prend pas ici pour Dieu, contrairement à l’Adam de la Genèse. Christ sait que le Père est au-dessus de tous, même s’il est déjà en tous et en lui, Jésus-Christ, plus qu’en tout autre. C’est de l’union du Père et du Fils que nous pouvons nous nourrir, et recevoir une vie qui surpasse la vie de notre corps terrestre, et qui surpasse même tout ce que l’on peut penser et dire sur la vie, le Christ et Dieu.

Amen.

2. Pâques nous ressuscite, vraiment

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, les disciples étaient là où Marie de Magdala les imaginait. Mais ça, c’était avant ! Avant qu’ils ne la voient, manifestement affolée, totalement saisie par le fait que Jésus n’est plus là où il avait été déposé. « Nous ne savons pas où ils l’ont mis », leur dit-elle. Et à partir de là, la fièvre de Marie atteint les disciples qui courent vers le sépulcre. Mais qu’est-ce qui fait courir les disciples ?

Qu’est-ce qui nous fait courir ?

Et nous, qu’est-ce qui nous fait sortir de notre torpeur ? Qu’est-ce qui nous fait arrêter de traîner les pieds, de ronchonner, de ruminer notre vie ? Qu’est-ce qui nous fait courir ? Qu’est-ce qui nous fait encore trépigner ? Avons-nous seulement encore quelques occasions, quelques raisons de hâter notre pas, de vouloir accélérer le cours des choses ?

Cela nous arrive à chaque fois que, selon l’expression d’Emmanuel Lévinas, nous éprouvons une irréductible inquiétude pour l’autre. C’est précisément le cas de Pierre et du disciple bien aimé, qui sont saisis par ce que Marie leur apprend. Il y a pour eux cette évidence qu’ils doivent réagir. Cela, c’est Pâques. Pâques, c’est lorsque nous répondons présent ! C’est lorsque nous sommes prêts à tout laisser tomber pour une cause supérieure à ce qui nous retenait jusque là. Les deux disciples abandonnent leur deuil, leur incompréhension de la mort de leur maître chéri ; ils abandonnent leur tristesse et se précipitent pour être là. A chaque fois que c’est le cas, c’est Pâques. Pâques qui est la traversée de tous nos états de mort ; la traversée de nos mélancolies ; le passage de la rive mortelle de notre vie à la rive ardente de notre existence. Peu importe que la nouvelle soit bonne ou mauvaise, il y a une nouvelle qui nous fait prendre conscience que quelque chose de majeur est en train de se jouer et que nous ne pouvons pas ne pas être là ! Nous ne pouvons que répondre présent. Cela, c’est, au sens strict du terme, une éthique de la responsabilité. Quelque chose de fondamental est en jeu, nous nous en préoccupons, sans tarder.

Pâques réveille notre désir de vie. Pâques réveille notre capacité à répondre aux défis qui se présentent à nous. Pâques n’est pas un mode d’emploi de la vie, mais cette promesse que même lorsque nous sommes à plat, au bout du rouleau, épuisé par ce qui nous est arrivé, il y a encore des choses à vivre, à éprouver. Nous pouvons encore nous relever et y aller, franchement, sans traîner les pieds, sans bougonner : y aller de tout son être. L’évangéliste Jean, en racontant la course des disciples, révèle que ceux qui étaient submergés par la mort de Jésus sont de retour dans la vie car ce sont les vivants qui courent, selon la formule grecque « ta zoa trekhei ».

Qu’est-ce qui nous fait croire ?

Une fois sur place, les disciples marquent à temps d’arrêt. Ils sont comme arrêtés net dans leur course. L’un s’arrête à l’entrée du sépulcre, l’autre fait quelques pas de plus. Les deux sont figés devant ce qu’ils voient. Et une deuxième résurrection va intervenir. C’est la résurrection du croire. Pour comprendre ce qui se passe, il faut plonger dans le texte grec. Par trois fois, il est question de voir : le premier disciple voit les bandes mais n’entre pas. Puis Pierre voir les bandes et le linge. Enfin le premier disciple entre à son tour et il voit. Mais ces trois verbes « voir » sont différents dans le grec et ils expriment une progression qui explique bien des choses. Le premier « voir » c’est blépo, diriger son regard. Le disciple bien-aimé jette un coup d’œil mais il ne voit pas. Le deuxième voir, c’est théoréo, examiner. Pierre examine ce qu’il a sous les yeux. Puis, l’autre disciple voit du verbe orao, observer et comprendre. Qu’en jetant un coup d’œil il ne se passe pas grand-chose, c’est compréhensible. Mais pourquoi Pierre qui examine ne se met-il pas à croire, comme l’autre disciple ? Parce qu’il manque du recul nécessaire, celui qui permet de voir une situation dans son ensemble. Quand on prend un peu de recul, on voit mieux de quelle manière sont reliés tous les éléments qui sont comme des pièces d’un puzzle. Chaque élément pris séparément, ne nous dit pas grand-chose. Mais si nous embrassons toute la scène du regard, comme le fait le disciple bien-aimé, alors nos yeux peuvent s’ouvrir à une réalité qui nous échappait jusque là.

Le disciple bien-aimé, déjà, qui est-il sinon le lecteur de l’évangile selon Jean, c’est-à-dire une personne qui vit une soixantaine d’années après les faits, un croyant qui s’interroge sur ce qu’est la foi chrétienne authentique ? Oui, il a du recul par rapport à Pierre le contemporain de Jésus, parce qu’il est effectivement entré après Pierre dans le sépulcre qui, selon le terme grec, est un mémorial. Le disciple bien-aimé est entré dans la mémoire de cet événement une soixantaine d’années après Pierre. Et que voit-il que Pierre n’arrive pas à théoriser ? Des bandes, et ce qui a contenu la tête du Christ, roulé, de côté. Des bandes de tissus, une toile roulée de côté qui a contenu la tête, c’est-à-dire l’arché, du logos, tel que Jean en parle au début de son évangile… C’est la Bible que Pierre a sous les yeux, mais il ne le sait pas encore. La torah roulée, les manuscrits qui formeront bientôt le Nouveau Testament… mais, comme le dit l’évangéliste : il ne savait pas encore l’Ecriture selon laquelle il ressusciterait des morts. Le disciple bien-aimé voit et croit, parce qu’il a à sa disposition les éléments de compréhension pour interpréter les signes de la vie : pour lui, tout cela fait sens. Il arrive à comprendre ce qui se passe : l’espérance n’est donc pas morte. Le logos, la parole d’Evangile, reste bien vivant. Et il nous déclare, à nous qui arrivons encore après, que nous pouvons, nous aussi, sortir de tous les hivers mortels et goûter aux joies du printemps de la vie.

Amen

Lecture de la Bible

Jean 19:41-20:22

Il y avait un jardin dans le lieu où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne encore n’avait été mis. 42 Ce fut là qu’ils déposèrent Jésus, à cause de la préparation des Juifs, parce que le sépulcre était proche.

Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala se rendit au tombeau dès le matin, comme il faisait encore obscur; et elle vit que la pierre était ôtée du tombeau.

2 Elle courut vers Simon Pierre et vers l’autre disciple que Jésus aimait, et leur dit: Ils ont enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons où ils l’ont mis.

3 Pierre et l’autre disciple sortirent, et allèrent au tombeau. 4 Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au tombeau; 5 s’étant baissé, il vit les bandes qui étaient à terre, cependant il n’entra pas. 6 Simon Pierre, qui le suivait, arriva et entra dans le tombeau; il vit les bandes qui étaient à terre, 7 et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandes, mais plié dans un lieu à part. 8 Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi; et il vit, et il crut. 9 Car ils ne comprenaient pas encore que, selon l’Ecriture, Jésus devait ressusciter des morts. 10 Et les disciples s’en retournèrent chez eux.

11 Cependant Marie se tenait dehors près du tombeau, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa vers le tombeau; 12 et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds.

13 Ils lui dirent: Femme, pourquoi pleures-tu? Elle leur répondit: Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. 14 En disant cela, elle se retourna en arrière, et elle vit Jésus debout; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.

15 Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?

Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit: Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai.

16 Jésus lui dit: Marie ! Elle se retourna, et lui dit en hébreu: Rabbouni ! c’est-à-dire, Maître!

17 Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.

18 Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et qu’il lui avait dit ces choses.

19 Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu’ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d’eux, et leur dit: La paix soit avec vous!

20 Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur.

21 Jésus leur dit de nouveau: La paix soit avec vous! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.

22 Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint-Esprit. 23 Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

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