Ne trouvez-vous pas que Jésus est un peu dur avec cette femme ?

Matthieu 15:21-28

Culte du 10 janvier 2010
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Matthieu 15:21-28 )

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Culte du dimanche 10 janvier 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Vous connaissez l’histoire d’Ali baba et des 40 voleurs. Ali Baba a vu des voleurs qui ont un trésor formidable caché dans une caverne. Pour entrer dans cette caverne, il suffit de dire une formule magique. Dès que les voleurs sont repartis, Ali-Baba sort de sa cachette, il sait maintenant qu’il suffit de dire une formule magique secrète « Sésame ouvre-toi ! »pour pouvoir entrer dans la grotte et prendre ce que l’on veut. Elle est bien serviable cette caverne ! Toujours prête, obéissante, généreuse pour celui qui sait lui demander ses trésors.

Tout homme espère plus ou moins que Dieu soit comme cette caverne d’Ali-Baba, et qu’il suffit de connaître la bonne façon de prier pour que Dieu nous donne tout ce que l’on désire. Alors l’homme prie Dieu, il le prie au nom de Jésus-Christ, il le prie sous le nom d’Allah ou d’Adonaï, il le cherche avec le Bouddha au pied d’un Ginkho… Mais souvent, l’homme prie pour avoir ce que son cœur désire et la grotte miraculeuse ne s’ouvre pas, Dieu ne répond même pas, il y a que du silence.

Pourtant, Dieu est un trésor d’une richesse infinie, tous les peuples l’ont constaté, depuis l’origine de l’humanité. Mais Dieu n’est pas la caverne d’Ali-Baba, elle n’existe pas, ou seulement dans les rêves.

C’est autrement que Dieu veut nous donner ses trésors de bénédiction.

Je vais vous lire l’histoire d’une femme qui vient vers Jésus avec une bonne prière, elle est devant Jésus un peu comme devant la porte de la caverne d’Ali-Baba, et Jésus va lui faire découvrir que le trésor, c’est en elle-même qu’elle le trouvera, avec l’aide de Dieu. (Attention, cette histoire est un peu choquante, on a l’impression que Jésus est vraiment dur avec elle).

Une femme cananéenne sortit et dit à Jésus  : Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon.
Jésus ne lui répondit pas un mot.

Ne trouvez-vous pas que Jésus est un peu dur avec cette femme qui lui demande de l’aide ? D’abord il ne lui répond pas un mot, et ensuite il semble la traiter de « petit chien » ? Mais est-ce vraiment ça ? Comment est-ce que Jésus pourrait être méprisant pour quelqu’un ? Cela ne lui ressemble vraiment pas. Cela ne ressemble vraiment pas à Dieu, qui est plein de tendresse pour chacun, sans distinction. Dieu fait tout ce qu’il peut pour que chaque personne humaine ait vraiment la Vie, une vie riche, incroyablement belle, forte, bienfaisante.

Pourquoi Jésus ne répond pas  à cette femme ? Sa prière est pourtant excellente. Elle ne prie même pas pour elle-même, mais elle prie pour sa fille. Et elle prie d’une bien belle façon. La prière des hommes donne trop souvent des ordres à Dieu : donne-moi ça, fais ceci… avec parfois un petit « s’il te plait » et quelques louanges à Dieu, parce que l’on est poli, et que l’on pense que ça marchera mieux si on flatte un peu Dieu, ou en ajoutant quelques promesses. La prière de la femme est bien mieux que ça, elle est respectueuse de Jésus, et donc de Dieu. Elle ne donne pas d’ordre à Jésus, elle ne lui dit pas ce qu’elle attend qu’il fasse, elle expose seulement devant lui quel est le problème, elle le fait en confiance, en comptant sur la simple compassion de Dieu, sur son génie, sur l’incroyable dynamique de vie qu’il est.

C’est une bonne prière.

Nous aussi, faisons de bonnes prières, et habituellement, comme je vous le disais, c’est le silence qui nous répond, c’est ce que l’on voit dans l’histoire de cette femme, c’est ce que l’on voit aussi dans bien des psaumes de la Bible. Et ces textes nous apprennent que c’est normal, ils nous montre pourquoi et que nous pouvons continuer à prier et à espérer. C’est normal que le silence réponde à notre prière, parce que la parole de Dieu ne s’entend pas, c’est une force, c’est une espérance nouvelle. Le secours de Dieu n’est pas un coup de baguette magique. Le bénéfice de la prière c’est une transformation de la personne qui prie. Nous, notre regard, notre espérance est souvent trop fixée sur l’instant, sur le « tout de suite » et le « ce que je veux », sur le matériel, ce que l’on peut voir et toucher. Ce que nous voudrions c’est que la caverne s’ouvre et que l’on puisse prendre les trésors dans nos bras. Ce que Dieu nous offre est infiniment plus riche que ça, mais ça demande un peu de temps, il veut que nous soyons plus en forme, que nous ayons bon cœur, il veut notre capacité à être heureux, à espérer, il cherche à développer notre capacité à avancer, à voir ce qui est bon…

La femme continue à prier, et Jésus ne répond rien, il attend, il lui laisse le temps de réfléchir à ce qu’elle espère, et à ce que Dieu lui offre en Christ.

Saint-Augustin a écrit que la prière augmente notre capacité à recevoir. C’est tout à fait ça, et le silence de Jésus creuse encore l’attente de cette femme, son silence questionne son espérance, elle la prépare à évoluer pour recevoir le salut de Dieu.

Alors la femme cananéenne vint se prosterner devant lui, disant : Seigneur, secours-moi !
Jésus répondit : Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens.

Elle aurait pu prendre ça très mal. Est-ce que par hasard, Jésus la traiterait de sale chienne ? Est-ce que, par hasard, Jésus serait plein de mépris pour les étrangers et qu’il refuserait de l’aider parce qu’elle n’est pas juive ? C’est absolument impossible de penser ça. Les disciples de Jésus n’ont pas pu le penser une seconde, et cette femme qui a l’air bien renseignée sur Jésus n’a pas dû le penser une seconde, sinon Jésus n’aurait pas dit ça. Si cette femme étrangère ose aller vers Jésus, c’est qu’elle a dû apprendre qu’il avait déjà aidé des étrangers, et même un centurion romain. Elle avait dû entendre dire que Jésus avait annoncé partout que le salut de Dieu était pour tous, sans distinction, hommes et femmes, juifs ou non. Car Jésus en avait parlé à plusieurs reprises et avec force ? Il avait annoncé que de nombreuses personnes viendraient de tous les coins de la terre pour s'installer avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux (Mat. 8:11). Avant de rencontrer cette femme, Jésus avait expliqué qu’il a pour mission de donner au monde un signe qu’il appelle « le signe de Jonas », et que ce signe, tout le monde l’avait sous les yeux. On ne peut être plus clair pour les personnes qui écoutaient Jésus, car Jonas est le héros d’un conte biblique qui dit que Dieu veut sauver tous les humains, même les pires, même les plus étrangers au peuple d’Israël … (Mt 12:39-42)

Cette façon que Jésus a de considérer les païens n'est d'ailleurs pas étonnante car par définition, le salut qu’apporte le Christ devait réaliser les promesses de l’Ancien testament, promesses faites à Abraham que toutes les nations seraient bénies à travers lui.

Pour Jésus, cette femme fait donc évidemment partie « des brebis perdues de la maison d’Israël » bien qu’elle ne soit pas juive. Elle n’est pas fille d’Abraham par le sang (qu’importe, Jésus n’est pas raciste), mais elle descend d’Abraham par la promesse faite à toutes les nations, elle descend d’Abraham par la foi qu’elle a en Dieu, par la confiance dans ses promesses, par l’espérance qu’elle a d’être soutenue par Dieu.

Pourquoi Jésus dit-il qu’il n’est venu que pour les brebis perdue d’Israël si pour lui Israël c’est l’humanité entière ? Il rappelle ainsi que la priorité, c’est précisément de réconcilier les hommes avec Dieu, de leur porter sa bénédiction, de les ressusciter, de les rassembler. Comment peut-on alors comprendre cette parole de Jésus sur le pain des enfants que l'on ne doit pas donner aux petits chiens ? On ne peut donc pas identifier les enfants aux juifs et les petits chiens aux païens, car cela impliquerait une dose de mépris, comme s'il y avait des hommes et des sous-hommes, ou plutôt des humains et des non humains, des chiens ! La question n'est donc pas de savoir qui sont les enfants et qui sont les chiens dans la bouche de Jésus, mais ce que sont l'un et l'autre : ce sont deux dimensions de l’être humain. Il y a quelque chose qui tient de l'enfant en chacun de nous, et il y a quelque chose qui tient du petit chien.

Quel que soit notre âge, et même vous, amis qui êtes ici et qui avez 100 ans ou presque, Jésus nous appelle à ne pas oublier l’enfant qui est en nous. L'enfant, dans la bouche de Jésus, c'est une façon d'être, c'est une foi, une confiance, une soif de grandir, d'apprendre... C’est une dimension essentielle de notre être, Jésus ira même jusqu’à dire « Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » Matthieu 18:3 C'est cette dimension, l’enfant qui est en nous, que le Christ a pour mission d'encourager et de nourrir. C’est cette dimension-là qu’il va rechercher chez les trop religieux qui croient tout savoir, c’est cette dimension-là qu’il va rechercher chez les gens qui font n’importe quoi de leur vie, ou chez les païens qui vivent sans Dieu. C’est cette dimension-là que Jésus va rechercher comme le berger va chercher sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve.

Ce n'est pas tellement la mission de Jésus de faire des guérisons physiques, comme le demande cette femme pour que Jésus guérisse sa fille, peut-être de son épilepsie. Ce n’est pas tellement la mission de Jésus de s’occuper du petit chien que nous sommes aussi, par certain côté. Pourtant, Jésus guérissait quand même, mais par compassion seulement, au risque que les gens pensent que l'essentiel est d'avoir la santé, ce qui est faux. C’est bien d’avoir la santé, mais l’essentiel est ailleurs.

Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs seigneurs.

La réponse de la femme le rassure. Elle a bien saisi que ce pain qu'est le Christ est donné au monde pour faire vivre l'enfant de Dieu qui est en chacun, mais elle espère à juste titre que des miettes viendront aussi nourrir les autres aspects de notre existence matérielle.

C'est le cas, et c'est bien. La bénédiction de Dieu est avant tout spirituelle, elle porte sur cette dimension infiniment noble et précieuse de notre être, mais Dieu ne se désintéresse pas non plus du petit chien que nous sommes aussi. Dieu veut notre santé, il veut le bien-être de chacun, et des miettes de sa bénédiction peuvent donc être espérées aussi là-dessus, comme un bonus, comme une grâce supplémentaire.

Le secours de Dieu ne nous est pas donné comme un trésor qui tombe du ciel, le secours de Dieu est comme du pain pour nourrir notre être tout entier, pour nous donner de la force, pour nourrir notre bonté intérieure, pour fortifier notre intelligence et nos qualités propres, pour nourrir notre bon moral.

Et même pour ce qui est de l’entraide, la question est d’arriver à nourrir la personne pour que le petit chien qui est en nous puisse se fortifier et grandir, être en forme. Même dans le domaine de l’entraide, il est tentant de donner à celui qui nous demande des richesses, alors que Jésus nous propose de l’aider plsu en profondeur que cela, et de lui permettre de guérir, d’être remis sur pied, lui permettre de grandir, et d’espérer.

Alors Jésus lui dit : Ô femme, ta foi est grande,
qu’il te soit fait comme tu veux.
Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

La grâce de Dieu est infinie.

Amen.

Lecture de la Bible

Matthieu 15:21-28

Jésus se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon.

22 Et voici, une femme cananéenne, habitant cette région, sortit et dit à Jésus  : Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon.

23 Jésus ne lui répondit pas un mot.

Ses disciples s’approchèrent, et lui dirent avec insistance : Renvoie-la, car elle crie derrière nous.

24 Il répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.

25 Mais elle vint se prosterner devant lui, disant : Seigneur, secours-moi !

26 Il répondit : Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens.

27 Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs seigneurs.

28 Alors Jésus lui dit : Ô femme, ta foi est grande, qu’il te soit fait comme tu veux.

Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

 

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