N’ayez pas peur de la vie

Marc 11:1-10

Culte du 24 mars 2013
Prédication de pasteur James Woody

(Marc 11:1-10)

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo)

Culte du dimanche 24 mars 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, il y a suffisamment d’horreurs et de trains qui arrivent en retard dans les journaux pour ne pas manquer de relever les purs moments de grâce. En l’occurrence, le journal télévisé de Laurent Delahousse sur France 2, dimanche dernier. C’est Gisèle Casadesus, sociétaire de la Comédie française, qui était son invitée. Un moment de pure grâce par la simplicité avec laquelle elle a exprimé le message que lui inspire sa foi protestante : « n’ayez pas peur de la vie », l’une des répliques de son dernier film.

N’ayez pas peur de la vie : voilà ce que je retiens de cet épisode biblique racontant l’entrée de Jésus à Jérusalem. N’ayez pas peur de la vie : n’ayez pas peur d’entreprendre, n’ayez pas peur de supporter ceux qui entreprennent !

Dans la première partie de ce texte, qui met en scène les disciples, la phrase clef est « le Seigneur en a besoin ». Tout commence par l’expression d’un besoin. Ce n’est pas le besoin des disciples, ce n’est pas non plus le besoin de Jésus qui est affirmé, mais le besoin du Seigneur. Nous pourrions traduire cette phrase clef par « c’est un besoin ultime », non pas un désir du moment, une envie passagère, mais un besoin profond, une réelle nécessité.

A la question « pourquoi faites-vous cela ? », la réponse théologique consiste à exprimer le vrai besoin, qui distingue l’essentiel du secondaire. N’ayez pas peur d’entreprendre, dès lors que votre action est animée par la réalisation d’un besoin profond : non pas quelque chose d’accessoire, mais quelque chose qui compte vraiment aujourd’hui, et qui restera vrai plus tard. N’ayez pas peur d’entreprendre dès lors que les raisons qui vous poussent à agir relèvent de ce qui est fondamental.

Vous me direz qu’obtenir un ânon, ce n’est peut-être pas si fondamental que cela. Je pourrais vous répondre que si Jésus dit qu’un ânon est fondamental il n’y a pas à se poser de question, mais ce serait alors vous faire croire que la foi c’est obéir aveuglément, sans se poser de question, or la foi chrétienne ce n’est pas obéir comme un cadavre, sans réfléchir. Nous l’avions vu il y a quelques mois, l’âne est la métaphore animale de l’Homme, dans la Bible (cf. Exode 13/13, prédication du 1er avril 2012). Répondre « Le Seigneur a besoin d’un ânon », c’est dire qu’il est impératif de se munir d’humanité : entrer à Jérusalem, se rendre vers le temple qui représente le divin, nécessite de se munir d’humanité. Et parce que ce besoin est véritable, un ânon sera mis à disposition des disciples : l’entreprise, le fait de prendre à plusieurs, que plusieurs personnes s’associent pour produire quelque chose va se réaliser ; l’entreprise ânon réussit ; l’ânon, l’humanité, est disponible pour l’entrée à Jérusalem. N’ayez pas peur d’entreprendre, de vous associer avec d’autres personnes pour subvenir aux vrais besoins, là est le premier éclat d’Evangile qu’offre ce texte.

Alors que vous entendez souvent que le monde du travail est impitoyable, que la vie d’adulte est un long et douloureux combat, que le taux de chômage implique qu’il faut se battre pour obtenir un emploi, résistez à la tentation de faire de l’autre un ennemi, celui qui prendra inévitablement votre place, votre travail. Jésus nous met sur la voie d’une coopération possible parce qu’un besoin véritable a été identifié.

La foule aussi exprime un besoin avec ce mot hébreu « Hosanna » qui signifie « Sauve donc ! ». Si nous nous souvenons que Jésus, en hébreu, veut dire « Dieu sauve », la foule rappelle à sa vocation première cet homme qui vient assis sur un ânon : sauver. Oui, la foi chrétienne à un rapport étroit avec la question du salut, le verbe YaSHa’ signifiant sauver, délivrer, libérer. Qu’y a-t-il donc à sauver ? Voilà l’autre manière théologique de se poser la question du véritable besoin : qu’y a-t-il donc à sauver ? Quand est-ce que cela vaut vraiment la peine de se mobiliser, d’agir ? Quelles sont les grandes causes qu’il faut défendre ? Que faut-il sauver à tout prix ? « Hosanna ! » c’est donc qu’il y a des choses à sauver, des choses, des idées, des paroles, des relations, qu’on ne peut pas laisser mourir ou condamner sans que la vie soit dégradée, sans que la vie s’affadisse.

Supporter ceux qui entreprennent

Nous ne pouvons pas tout faire tout seul. Nous ne pouvons pas entreprendre tous azimuts et sauver le monde entier par notre seule détermination. Il faut parfois laisser la main à d’autres que soi, accepter que d’autres prennent leur part d’engagement, accepter de ne pas être en première ligne. N’ayez pas peur de supporter, dans ce cas, ceux qui entreprennent. C’est le deuxième éclat d’Evangile.

Ici, la foule ne se contente pas de regarder passer le train de l’histoire. La foule est loin d’être totalement passive. Elle crie son besoin profond, elle acclame Jésus : elle adhère, elle témoigne pour, elle proteste en faveur de cet homme qui fait entrer l’humanité dans ce qu’il y a de plus sacré pour eux. La foule dit oui à l’humanité de la vie.

N’ayez pas peur de dire oui à la vie ! N’ayez pas peur d’être bouleversé par la vie. N’ayez pas peur d’exprimer ce qui compte vraiment pour vous. N’ayez pas peur de ce que la vie peut vous révéler, des nouveaux aspects que votre adolescence frémissante vous fait découvrir. N’ayez pas peur d’apporter votre concours à ce qui favorise la vie, de la voix, certes, de la pensée, certainement, mais aussi de tout votre être. Supporter au sens des supporters qui encouragent leur équipe de football préférée, mais aussi au sens de soutenir, de porter avec d’autres. En mettant leur vêtement sous les sabots de l’ânon, ceux qui forment la foule portent, symboliquement, Jésus qui entre à Jérusalem. En coupant des branches, certains vont mettre en œuvre d’autres moyens. Mais tous contribuent à la même entreprise. Tous tendent leurs efforts et leur être dans la même direction. Voilà ce qui caractérise les chrétiens, voilà ce que les chrétiens ont en commun : supporter la même entreprise d’humanisation. Se sentir concernés par les grandes causes qui donnent à l’être humain sa véritable dignité. La foi, ce n’est pas un catéchisme su, ce n’est pas un credo récité, ce n’est pas une soumission à un pouvoir ecclésiastique, ce n’est pas un décorum religieux, c’est le fait d’être concerné par les vrais sujets et d’entreprendre quelque chose ou, au moins, de supporter ceux qui entreprennent quelque chose en faveur des ces sujets-là. La foi, c’est d’être mobilisé personnellement pour les grandes causes, c’est d’adhérer aux mouvements qui favorisent un plus haut degré d’humanité.

Quel contraste, du coup, entre cette foule en liesse qui supporte le Christ qui fait entrer l’humanité dans la cité, qui la conduit au plus près de l’Eternel, et la foule qui se rassemblera quelques jours plus tard pour jeter des peaux de bananes sous les pieds de Jésus et crier « crucifie-le » à Pilate plutôt que de crier, encore une fois « sauve-donc » ! Cette foule du vendredi saint, stimulée par les prêtres de l’époque, met en évidence ce dont on est capable lorsque la religion n’est plus au service de l’ultime.

Avec les disciples et la foule des Rameaux, nous voyons des personnes qui offrent les moyens de faire progresser l’humanité, sans ou avec un habillage religieux. A l’autre bout de la semaine, la foule avec les habits religieux, méprisera et mettra à mort le principe d’humanité. Foi sans religion, foi et religion, religion sans foi… choisissez votre camp.

Les disciples, comme la foule des Rameaux, font le choix de la fraternité, non de la violence, parce qu’ils n’ont pas peur de la vie. Ils se rendent compte que la vie peut ne pas être une lutte des uns contre les autres, qu’il est possible de s’épanouir sans exécuter son voisin, qu’il est possible de mettre en commun des idées, des moyens matériels au service de projets qui dépassent nos capacités individuelles, qui nous font atteindre une dimension de la vie qui touche à l’absolu : des projets qui nous sauvent de la banalité.

N’ayez pas peur de la vie ! Car en dépit des vilenies et des atrocités, la vie offre la possibilité de se réjouir, de supporter, d’entreprendre, d’aimer, de créer, de relever des défis, de s’émerveiller, de se surpasser, d’être pleinement soi, et au soir de sa journée, au soir de sa vie, de se dire : « c’était bien ».

Amen

Lecture de la Bible

Marc 11:1-10

Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem, et qu’ils furent près de Bethphagé et de Béthanie, vers la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples, 2 en leur disant: Allez au village qui est devant vous; dès que vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s’est encore assis; détachez, et amenez-le. 3 Si quelqu’un vous dit: Pourquoi faites-vous cela? répondez: Le Seigneur en a besoin. Et à l’instant il le laissera venir ici. 4 les disciples, étant allés, trouvèrent l’ânon attaché dehors près d’une porte, au contour du chemin, et ils le détachèrent. 5 Quelques-uns de ceux qui étaient là leur dirent: Que faites-vous? pourquoi détachez-vous cet ânon? 6 Ils répondirent comme Jésus l’avait dit. Et on les laissa aller.

7 Ils amenèrent à Jésus l’ânon, sur lequel ils jetèrent leurs vêtements, et Jésus s’assit dessus. 8 Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur le chemin, et d’autres des branches qu’ils coupèrent dans les champs. 9 Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient: Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! 10 Béni soit le règne qui vient, le règne de David, notre père! Hosanna dans les lieux très hauts!

Audio

Écouter la prédication (Télécharger au format MP3)

Écouter le culte entier (Télécharger au format MP3)