L’Esprit muselé

Jean 16

Culte du 18 avril 1937
Prédication de Wilfred Monod

Culte à l'Oratoire du Louvre

L'Esprit muselé
18 avril 1937

Sermon du pasteur Wilfred Monod.


J'ai encore beaucoup de choses à vous dire,
mais vous ne pouvez pas les porter maintenant.

Jean XVI, 12.




LECTURES (lire) : 

La Révélation en marche :
Jérémie VII/1-11; 16-19; 21-28.
Jean XVI/1-3; 12-25.


MES FRÈRES,

Voilà un des aspects les plus dramatiques de l'histoire universelle et de la Révélation : la Parole bâillonnée, l'Esprit muselé ! Et cela, pour combien de temps ?... L'autre jour, causant avec un visiteur inconnu, je lui désignai une image du Christ ; j'ajoutai : « Voici la lumière du monde. » Écoutez la réplique instantanée : « Depuis deux mille ans qu'il est venu, rien n'a changé ici-bas ! »

Du point de vue chrétien, je discerne diverses ripostes possibles à l'attaque. La première consisterait à dire : « Le Fils de Dieu ne s'est point proposé de modifier la terre, mais de sauver le genre humain ; et cela en expiant par un sanglant sacrifice le péché originel qui infesta la race humaine, lors de la chute collective en Adam au jardin d'Éden. » Je reconnais qu'un tel credo offre un aspect grandiose. Devant cette fresque immense, l'objection de mon interlocuteur perd toute virulence ; mais à la condition que la doctrine ainsi formulée soit acceptée intégralement. Or il suffit de réciter l'oraison dominicale pour se trouver en présence d'un paysage différent : « Notre Père ! Que ton Royaume arrive ! Que ta volonté soit accomplie sur la terre ! »

J'entrevois donc la possibilité d'une autre réponse, mieux adaptée à la réalité concrète. Partons de la désillusion amère, ou du scandale même, éprouvés devant le spectacle du monde par ceux qui, désenchantés, gémissent au sujet du Christ, comme les disciples d'Emmaüs : « Nous espérions qu'il délivrerait Israël ! » L'expression d'un regret aussi poignant était un hommage rendu au Messie ; de même les incroyants qui déplorent, aujourd'hui, l'échec apparent de Jésus ici-bas, prouvent justement, par leur nostalgie, à quel point ils soupirent après le triomphe de l'Évangile. Eh bien à ceux qui poussent de telles plaintes je dirais volontiers : le vaincu victorieux du Calvaire est venu enseigner aux hommes le secret, vraiment surnaturel, d'échouer sans jeter le manche après la cognée ; tout disciple authentique du Crucifié est réfractaire au désespoir, même au simple découragement ; et si rien n'avait changé sur notre globe depuis deux mille ans, c'est avec un élan d'autant plus passionné que je saluerais, malgré tout, la dignité royale du front couronné d'épines.

Voici maintenant une troisième réponse : le Christ fut enchaîné par sa grandeur ; plus il s'élevait au-dessus de la médiocrité courante, et de la laideur générale, et du péché universel, plus son activité libératrice resta paralysée ; les rayons rédempteurs qui émanaient de lui furent, les uns réfractés, les autres éteints, par un milieu opaque ou une ambiance hostile. Pouvait-il, par exemple, dénoncer l'institution millénaire de l'esclavage, en plein empire gréco-romain ? Ses enseignements moraux seraient fatalement retombés sur lui, comme des pierres jetées contre une falaise de granit.

— « Cependant, objectera-t-on, l'histoire des religions prouve qu'il n'est pas totalement superflu, même sur notre pauvre globe, de formuler un idéal nouveau, de proposer une haute exigence à la conscience morale. Mahomet, en interdisant les boissons alcooliques à ses fidèles, préserva d'innombrables hommes de la dégradation, de la misère et de la maladie ; pourquoi l'Évangile ne renferme-t-il pas un avertissement identique ? Et d'autre part, est-ce que les conseils du Bouddha sur la pitié envers les animaux n'ont pas épargné d'intolérables souffrances à des millions de créatures vivantes ? »

On serait donc tenté de conclure : il ne suffit plus de dire « Jésus n'a pas pu parler » ; il faudrait choisir entre les deux formules suivantes, ou bien : « Il n'a pas cherché à parler », ou bien : « Il n'a pas voulu parler. » Dans le premier cas, nous constaterons que le Messie n'a jamais prétendu creuser, simultanément, tous les problèmes intellectuels et moraux qui se posent ici-bas. Dans le deuxième cas, nous observerons que le silence du Christ fut, dans certains domaines, prémédité ; or, si l'on y réfléchit, cela serait d'accord avec l'essence de l'Évangile et la mission du Rédempteur. Songez-y : aurait-il mérité le titre de Sauveur, s'il s'était proposé uniquement, tel Moïse et Mahomet, d'offrir aux hommes un texte législatif, un recueil de préceptes et de règles, un code rigide, plein de formules numérotées ? Et Jésus n'aurait pas davantage accompli œuvre de « Sauveur », s'il avait seulement fondé une religion neuve — une de plus ! — avec dogmes et rites, sacrements et sacerdoces, persécutions et anathèmes. Oh ! dans quelle autre atmosphère il a respiré, quels autres horizons il a dévoilés ! Il n'apporta rien aux hommes, pas même un manuscrit ; et ses mains restèrent vides, jusqu'au jour où ses paumes furent clouées au bois. Il n'érigea point des Tables de la Loi, inédites ; mais il se présenta lui-même, et déclara : « Suivez-moi ! Laissez-vous pénétrer par l'Esprit que j'incarne. Mon Évangile est une attitude, une orientation, un accent, une manière d'être ; il est naissance nouvelle et résurrection ; il est inspiration totale, certitude absolue et vie éternelle. » L'Évangile ainsi compris est une sève qui monte, un sang qui régénère. On le caricature, on le stérilise, on l'annihile, quand on remplace par un ensemble de recettes le large souffle mystérieux de « l'Esprit qui vente où il lui plait ».

II

Et maintenant, mes frères, ayant déblayé le terrain, ayant dissipé de subtils et dangereux malentendus par une méthode loyale, je me sens bien fort pour prendre à mon tour l'offensive. Dois-je souscrire plus longtemps aux critiques singulières de ceux qui accusent notre Maître d'avoir cultivé le silence ? Mais le passage même que nous méditons condamne une interprétation pareille : Jésus y affirme, au contraire, qu'il a enseigné ; il regrette, en réalité, de n'avoir pu le faire davantage. 

Comment ! le « Verbe incarné », le « Verbe devenu chair », aurait joué ici-bas un rôle muet ? À travers l'espace, il clama : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ! »

On vient de célébrer, en France, la Semaine de la bonté… Or, c'est l'arbre béni des Béatitudes qui secoue ainsi, par le monde, les germes sacrés de la pitié.

Il a parlé, notre silencieux Sauveur ; il a parlé, notre Révélateur ! Et par ses paroles il heurta de front la rude civilisation, effroyablement dure, où l'État romain multipliait de cruelles tueries dans les arènes pour amuser les multitudes. Jésus proclama audacieusement : « Heureux les doux, heureux les miséricordieux, heureux les pacifiques ! » — c'est-à-dire : « Heureux les humbles, heureux ceux qui pardonnent ! » — et l'on prétend, mensongèrement, qu'il garda le silence ? Il sut maudire, pourtant, les pieux hypocrites qui « dévorent les maisons des veuves »... En réalité, ses ennemis lui reprochaient de trop discourir. On déforma ses paroles, on les bafoua, on organisa contre elles une chasse forcenée ; pour finir, ses propos devinrent le pilori d'infamie auquel on suspendit, farouchement, le sermonneur.

Mais je possède un argument plus irréfutable encore, en faveur de la persévérante prédication de l'Annonciateur. Car il n'a pas seulement lancé à travers le genre humain certains préceptes, éclairs que rien n'arrêtera plus, et certains commandements qui roulent comme le tonnerre depuis deux mille années, mais il a enseigné aussi, et davantage encore, par le rayonnement fascinateur de sa divine sainteté, par l'auréole qui l'enveloppait. Quand il s'écria : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et combien il me tarde que l'incendie s'allume ! », il décrivait l'esprit nouveau qui, jaillissant de son âme, allait envahir peu à peu le monde entier.

Dès lors, afin d'apprendre ce que l'idéal évangélique autorise ou condamne, il est absurde en vérité de consulter le Nouveau Testament pour découvrir, par exemple, s'il interdit, en terme exprès, la cruauté envers les bêtes.

Le Révélateur déclara : « Je suis venu jeter un feu sur la terre. » C'était la flamme d'un idéal qu'il faut saluer avec un frémissement intérieur quand nous déchiffrons ici et là, dans les carrefours citadins, la brève et pathétique inscription : Soyez bons pour les animaux.

Ah ! quelle invention prodigieuse ici-bas, quelle innovation morale, quelle révolution religieuse… en Occident. Aussi loin qu'on remonte vers les origines de l'histoire, la piste suivie par les clergés est maculée de sang. Toujours, hélas ! au cours des millénaires — les prêtres païens tendirent vers le soleil des mains éclaboussées de rouge, empoissées d'entrailles. Et la même cruauté, impassible, obstinée, déshonora le culte juif sous l'Ancienne Alliance.

On lit dans la Genèse : « Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : Vous serez un sujet d'épouvante et d'effroi pour tous les animaux de la terre, du ciel et de la mer ; ils sont abandonnés entre vos mains » (IX : 2). Ceci visait seulement l'alimentation de l'homme et la divinité ajouta qu'elle interdisait aux bouchers d'achever d'un seul coup les bêtes, pantelantes, car elles devaient être saignées à mort, lentement, avant d'être livrées à la consommation ; cela, sous prétexte que le principe animateur de la créature vivante, son âme, reste inséparable du liquide sanguin.

Telles sont les notions barbares (dans tous les sens du terme) qui ont souvent réglé l'abattage et la police des abattoirs, depuis des milliers d'années, en conformité avec l'Ancien Testament.

Mais nous ne possédons là, j'y insiste, qu'un seul aspect de la réalité ; l'autre est fourni par les usages sanguinaires qui régissaient dans le sanctuaire un culte obligatoire et quotidien, férocement embué du brouillard pourpre des sacrifices. J'ouvre le livre du Lévitique, et je trouve : « Un bœuf, un agneau ou une chèvre, quand il naîtra, restera sept jours avec sa mère » ; ensuite on pourra consumer par le feu ces jeunes créatures, en l'honneur de l'Éternel (22:26). Au chapitre suivant je lis, d'abord au verset 18 : « Vous offrirez à l'Éternel sept agneaux d'un an, un jeune taureau, deux béliers » ; ensuite, au verset 19 : « Vous offrirez un bouc en sacrifice d'expiation et deux agneaux en sacrifice d'action de grâces. » Voilà déjà treize victimes dont nul ne prétendait qu'elles fussent dignes d'un châtiment quelconque. Inutile de poursuivre pareille lecture ; la liste des meurtres sacrés s'allonge, lugubre, effroyable...

Et voilà dans quelle atmosphère notre Sauveur se dressa, les bras étendus, comme s'il voulait arrêter ce torrent de souffrance injuste : « Je suis venu pour jeter un feu sur la terre... » Ce brasier-là était celui d'une protestation indignée, d'une pitié indicible.

Combien il me tarde, ajoutait le Libérateur, que cet incendie flamboie ! Mais ces ardentes flammes de l'amour qui se révolte allaient bientôt jaillir, avec l'Hymne à la charité, quand Saul de Tarse trans-formé, devenu saint Paul, entonna ce cantique nouveau : « Trois choses demeurent la foi, l'espérance, l'amour ; mais la plus grande est l'amour. » Je ne prétends pas que l'apôtre ait aperçu lui-même les ultimes répercussions du principe ; je ne dirai point qu'il enveloppa le monde vivant, tout entier, dans le cercle élargi d'une charité sans limites ; cependant, il percevait les mystérieux gémissements de la nature inanimée ; à plus forte raison, les soupirs du monde animal. Dans l'univers entier, il devinait, il pressentait une aspiration ineffable vers une rédemption finale et vers le triomphe de l'Esprit qui sauve : « Dieu en tous » !

III

Et maintenant, à nous ! Mes frères, nous ne serions pas chrétiens, au sens intégral du mot, si de pareilles visions nous laissaient indifférents. Saluez donc la présence ici-bas de l'esprit nouveau apporté par Jésus ; saluez les flammes prophétiques du feu jeté sur la terre par notre Christ. Elles paraissent quelquefois étouffées sous les scories ; mais elles palpitent quand même et percent la cendre. « Quelle immense forêt une étincelle peut allumer ! », déclarait l'apôtre Jacques. Oui, quels taillis de préjugés enchevêtrés, quels buissons épineux d'erreurs séculaires, quels ténébreux halliers de superstitions cruelles, une petite flammèche du feu évangélique, brillante et brûlante, pourra consumer 

Les faits, en vérité, sont là ! Jésus n'a point parlé, expressément, contre l'esclavage ; et cependant, l'esprit de Jésus y mettra fin… Jésus n'a point parlé, expressément, contre la guerre ; et cependant l'esprit de Jésus mettra fin aux batailles rangées et aux bombardements aériens… Jésus n'a point parlé, expressément, contre l'exploitation de la femme, cette victime séculaire, écrasée de fardeaux iniques ; et cependant, l'esprit de Jésus mettra fin à la tyrannie brutale qui l'opprime… Figurez-vous que, depuis l'origine du monde, la religion chrétienne se trouve être la seule, exactement, qui ait jamais pris fait et cause, avec respect et compassion, avec un enthousiasme grave, en faveur de la personnalité féminine.

Alors comment douter que le jour se lèvera aussi où l'Église, enfin honteuse d'elle-même, s'engagera dans la défense vigoureuse et la vigilante protection du monde animal ? Il fut question, dernièrement, d'insérer quelques pages sur ce devoir méconnu dans le catéchisme romain ; formons des vœux intenses et réfléchis pour la réalisation, tardive, d'un tel projet. Car toutes les obligations morales se tiennent ; celui qui pèche contre un seul article de la loi divine, déclarait l'écrivain sacré, transgresse tous les commandements à la fois ; ils forment les anneaux d'une seule chaîne.

Hélas ! la conscience chrétienne est encore si calleuse, engourdie, hébétée, en ce qui regarde nos obligations envers les animaux ! Dans le salon du bourgeois et dans l'atelier du prolétaire, il sied de manifester un peu d'ironie à propos d'un tel sujet ; mais le sourire de scepticisme ou de frivolité qui flotte alors sur des lèvres narquoises, est l'un des plus hideux rictus dont s'enlaidisse le visage humain dégradé.

Qu'y a-t-il donc de tellement ridicule à imaginer l'acuité des muettes souffrances où se débat sans espoir le monde animal ? Écartons de notre pensée les douleurs infligées, d'un pôle à l'autre pôle, par l'imperturbable Nature, qui opère sans nous consulter ; demeurons sur le terrain de la vie quotidienne, où l'homme « civilisé » fraye avec les animaux domestiques… J'affirme que la créature dite humaine se comporte là, trop souvent, sur tous les points du globe, avec une froide férocité, sauvagerie d'autant plus ignominieuse qu'elle est plus lâche, car nos frères inférieurs sont incapables d'organiser une grève générale, ou de lancer une campagne de presse, pour dénoncer les tortionnaires ; jamais ils ne colleront des affiches protestataires contre nos plaisirs dont le sang découle : chasse, pêche, tir au pigeon, combats de coqs, martyre d'un cerf étripé au son de la fanfare après le scandale et la profanation d'une messe blasphématoire célébrée pour la Fête de saint Hubert, patron de certaines distractions infernales.

À dessein, j'emploie cette épithète qui s'applique très exactement au sort des bêtes que les hommes tourmentent, comme les démons torturent les damnés1, d'après certains dogmes atroces et périmés du Moyen Âge. Mais sont-ils réellement abolis ? On prêche encore, dans la chrétienté, les peines éternelles. Vous entendez bien : « éternelles ». Essayez de vous représenter une divinité polynésienne qui occuperait ses loisirs, durant mille milliards d'années, à crever des yeux de pinson avec une aiguille rougie au feu. Auriez-vous l'idée d'adorer, dans une semblable divinité, l'incarnation de la tendresse maternelle ? Et pourtant, que pèsent mille milliards d'années auprès du poids d'un enfer éternel, où un Dieu réputé « Lumière, Esprit, Amour », attiserait in sæcula sæculorum l'agonie de ses propres créatures, nées de ses œuvres, sans avoir elles-mêmes demandé l'existence ?

Tant que l'Église dévoyée attribuera de tels sentiments au Dieu « Père », elle restera incapable de prendre en pitié le monde animal ; après tout, pourquoi ne pas appliquer sur la terre des tortures infernales à la bête — tortures qui prennent fin, d'ailleurs — alors que le Dieu de l'Évangile infligera des tourments sans trève et sans terme ? « Soyez les imitateurs de Dieu », écrivait l'apôtre…

Ah ! mes frères, laissons-nous réveiller par l'Esprit saint. « J'ai encore beaucoup de choses à vous dire », déclarait le Maître doux et humble de cœur, « mais vous êtes incapables de les porter, de les supporter ». Or aujourd'hui décidément l'Église, troublée dans sa léthargie, paraît mieux en état de comprendre Jésus-Christ. Elle aura mis du temps, hélas ! avant de réagir à l'aiguillon. Déjà le prophète Élie, sur la montagne d'Horeb, quand il reçut une vision de l'Éternel durant l'orage et le tremblement de terre, découvrit que le Seigneur « n'était point dans le feu » (I Rois 19:12). Et quand deux disciples de Jésus, dans une crise de fureur, émirent le vœu enragé que le feu du ciel consumât un village samaritain, le Sauveur écarta cette suggestion satanique : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. » Cette parole, reproduite dans les anciennes versions de l'Évangile, est magnifiquement illuminatrice.

Vous demanderez peut-être, avec inquiétude : « Pourquoi faut-il qu'un prédicateur chrétien, au XXe siècle de notre ère, en soit réduit à prêcher le présent message, sans même posséder la certitude et la consolation d'être compris de tous ses auditeurs ? » Je l'ignore. Je ne suis que le prophète obscur d'un Dieu caché, d'un Dieu vaincu en apparence, d'un Dieu crucifié, mais d'un Dieu qui aura le dernier mot, et qui agite au-dessus de nous, malgré un brouillard séculaire, ces deux flambeaux de gloire, la Fête de Pâques et la Fête de Pentecôte.

Frères, frères ! la persécution vaut mieux pour l'Église que l'apostasie ; or nous ne pourrions pas, décidément, refuser notre pitié au monde animal sans renier l'esprit de l'Évangile. L'affirmation pathétique du Symbole des apôtres : « Il est descendu aux Enfers » peut s'appliquer à tout chrétien lorsqu'il s'abaisse avec pitié vers le royaume de la bête.

Quand l'explorateur polaire, Jean Charcot, le grand marin, fut saisi par la tempête finale où il périt noyé, il devina bientôt, à la violence effroyable de l'ouragan, que son heure suprême avait sonné ; alors, avant de disparaitre englouti dans l'abime, il ouvrit la cage où il soignait une mouette apprivoisée ; l'oiseau tremblant, délivré soudain, déploya ses ailes et monta vers le ciel.

Amen



Notes

  1. Image du philosophe Arthur Schopenhauer.

Appendice

Après avoir rédigé cette prédication, j'ai découvert les lignes suivantes dans la Revue du christianisme social (mars 1937, p. 227). Il s'agit d'un compte rendu de l'ouvrage de Karl Barth : Credo, livre qui reproduit des leçons données par le théologien en 1935, à l'Université d'Utrecht. L'auteur de l'article, M. Arnold Mobbs, déclare : « Je ne crois pas que le chrétien du XXe siècle trouvera, comme le lecteur de la première partie de l'article 82 du catéchisme de Heidelberg (calviniste) » une consolation dans le fait que Dieu « précipitera tous ses ennemis et les miens dans les peines éternelles » (p. 159), ou bien qu'il appréciera cette affirmation : « Le juge (Christ)... conduira à la joie infinie, ou précipitera dans les supplices éternels » (p. 161). 

La loi Grammont (1850), votée en France pour la protection de l'animal, n'est applicable que si elle réunit quatre conditions : le caractère « abusif » (?) des actes de cruauté — leur « publicité » (?) — le fait qu'ils sont commis par le « propriétaire » (?) de l'animal ou son représentant — la qualité d'« animal domestique » (?) de la victime… Cette législation hypocrite perpétue le scandale ! (Consulter le livre du Dr Émile-Germain Sée : L'Animal dans la Société, 1936).


Lecture de la Bible

Jérémie VII, 1-11 ; 16-19 ; 21-28

1 La parole qui fut adressée à Jérémie de la part de l'Éternel, en ces mots :
2 Place-toi à la porte de la maison de l'Éternel,
Et là publie cette parole,
Et dis : Écoutez la parole de l'Éternel,
Vous tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes,
Pour vous prosterner devant l'Éternel !
3 Ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu d'Israël :
Réformez vos voies et vos œuvres,
Et je vous laisserai demeurer dans ce lieu.
4 Ne vous livrez pas à des espérances trompeuses, en disant :
C'est ici le temple de l'Éternel, le temple de l'Éternel,
Le temple de l'Éternel !
5 Si vous réformez vos voies et vos œuvres,
Si vous pratiquez la justice envers les uns et les autres,
6 Si vous n'opprimez pas l'étranger, l'orphelin et la veuve,
Si vous ne répandez pas en ce lieu le sang innocent,
Et si vous n'allez pas après d'autres dieux, pour votre malheur,
7 Alors je vous laisserai demeurer dans ce lieu,
Dans le pays que j'ai donné à vos pères,
D'éternité en éternité.
8 Mais voici, vous vous livrez à des espérances trompeuses,
Qui ne servent à rien.
9 Quoi ! dérober, tuer, commettre des adultères,
Jurer faussement, offrir de l'encens à Baal,
Aller après d'autres dieux que vous ne connaissez pas !...
10 Puis vous venez vous présenter devant moi,
Dans cette maison sur laquelle mon nom est invoqué,
Et vous dites : Nous sommes délivrés !...
Et c'est afin de commettre toutes ces abominations !
11 Est-elle à vos yeux une caverne de voleurs,
Cette maison sur laquelle mon nom est invoqué ?
Je le vois moi-même, dit l'Éternel. [...]

16 Et toi, n'intercède pas en faveur de ce peuple,
N'élève pour eux ni supplications ni prières,
Ne fais pas des instances auprès de moi ;
Car je ne t'écouterai pas.
17 Ne vois-tu pas ce qu'ils font dans les villes de Juda
Et dans les rues de Jérusalem ?
18 Les enfants ramassent du bois,
Les pères allument le feu,
Et les femmes pétrissent la pâte,
Pour préparer des gâteaux à la reine du ciel,
Et pour faire des libations à d'autres dieux,
Afin de m'irriter.
19 Est-ce moi qu'ils irritent ? dit l'Éternel ;
N'est-ce pas eux-mêmes,
À leur propre confusion ? [...]

21 Ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu d'Israël :
Ajoutez vos holocaustes à vos sacrifices,
Et mangez-en la chair !
22 Car je n'ai point parlé avec vos pères et je ne leur ai donné aucun ordre,
Le jour où je les ai fait sortir du pays d'Égypte,
Au sujet des holocaustes et des sacrifices.
23 Mais voici l'ordre que je leur ai donné :
Écoutez ma voix,
Et je serai votre Dieu,
Et vous serez mon peuple ;
Marchez dans toutes les voies que je vous prescris,
Afin que vous soyez heureux.
24 Et ils n'ont point écouté, ils n'ont point prêté l'oreille ;
Ils ont suivi les conseils, les penchants de leur mauvais coeur,
Ils ont été en arrière et non en avant.
25 Depuis le jour où vos pères sont sortis du pays d'Égypte,
Jusqu'à ce jour,
Je vous ai envoyé tous mes serviteurs, les prophètes,
Je les ai envoyés chaque jour, dès le matin.
26 Mais ils ne m'ont point écouté, ils n'ont point prêté l'oreille ;
Ils ont raidi leur cou,
Ils ont fait le mal plus que leurs pères.
27 Si tu leur dis toutes ces choses, ils ne t'écouteront pas ;
Si tu cries vers eux, ils ne te répondront pas.
28 Alors dis-leur :
C'est ici la nation qui n'écoute pas la voix de l'Éternel, son Dieu,
Et qui ne veut pas recevoir instruction ;
La vérité a disparu, elle s'est retirée de leur bouche.

Évangile selon Jean XVI, 1-3 ; 12-25

1 Je vous ai dit ces choses, afin qu'elles ne soient pas pour vous une occasion de chute. 2 Ils vous excluront des synagogues ; et même l'heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu. [...]12J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. 13 Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. 14 Il me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera. 15 Tout ce que le Père a est à moi ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prend de ce qui est à moi, et qu'il vous l'annoncera.16 Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais au Père. 17 Là-dessus, quelques-uns de ses disciples dirent entre eux : Que signifie ce qu'il nous dit : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez ? et : Parce que je vais au Père ? 18 Ils disaient donc : Que signifie ce qu'il dit : Encore un peu de temps ? Nous ne savons de quoi il parle. 19 Jésus, connut qu'ils voulaient l'interroger, leur dit : Vous vous questionnez les uns les autres sur ce que j'ai dit : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez. 20 En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. 21 La femme, lorsqu'elle enfante, éprouve de la tristesse, parce que son heure est venue ; mais, lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus de la souffrance, à cause de la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans le monde. 22 Vous donc aussi, vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie.23 En ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien. En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. 24 Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite. 25 Je vous ai dit ces choses en paraboles. L'heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement du Père.