Les mages et les bergers

Matthieu 2:1-12 , Luc 2:8-20

Culte du 25 décembre 2010
Prédication de pasteur Marc Pernot
Prédication de pasteur James Woody

(Matthieu 2:1-12 ; Luc 2:8-20)

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo)

Culte du jour de Noël 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix des pasteurs Marc Pernot et James Woody

prédication du Marc Pernot

Les mages cherchent le salut en lisant dans les étoiles. C’est évidemment très discutable. Et bien, Dieu respecte ces mages, il les prend comme ils sont et puisqu’ils suivent les étoiles, Dieu va se servir d'une étoile pour leur faire découvrir le Christ. Ce n’est pas la seule façon d'aller vers le Christ. Dans les Évangiles, personne d’autre n’arrive au Christ par les astres, ni les bergers qui vont aux aussi à la crèche (Luc 2), ni les apôtres, ni Marthe, ni le centurion…

C’est bien que Matthieu commence son Évangile par ces mages. Leur pratique est ce qu’il y a de plus étranger à l’Évangile. Car, si même des mages arrivent à trouver le Christ avec leur méthode, nous devrions y arriver nous aussi, pour peu que nous cherchions effectivement. Il y a bien des façons d’aller à la rencontre du Christ, c’est vraiment une chance car chacun a une sensibilité, des dons, une histoire et une vocation qui lui sont propres. De plus, nous changeons au cours de notre vie. Ces mages de l'évangile qui découvrent le Christ en partie grâce à une étoile nous apprennent l'œcuménisme et le libéralisme. Qu'importe, finalement, notre façon de trouver ce salut de Dieu qu’incarne le Christ. L'essentiel est d'avancer vers lui et de se laisser toucher, transformer par lui.

Il y a une quantité de formes d’approche du Christ :

  • Celui qui aime la philosophie et la théologie peut avancer vers le Christ ainsi, en remarquant que le Christ est la meilleure réponse aux questions fondamentales de l'existence.
  • Le scientifique peut avancer vers le Christ en analysant les merveilles de la nature,
  • Celui qui est artiste peut avancer vers le Christ par ce qui est beau.
  • Celui qui est plutôt mystique peut avancer par le sentiment de l'amour de Dieu et la prière.
  • etc.

Mais le but n’est pas la prière, ni la lecture de la Bible, ni la science, ni la théologie ou la philo, ni la musique. Le but c’est d'être transformés par le salut que Dieu nous donne en Christ.

La religion n’est qu’un moyen, combinant de la réflexion, de la musique, de l'émotion, des gestes… comme quand les mages cherchent le Christ en combinant leurs propres moyens un peu bizarres avec le dialogue avec des théologiens et même avec le pouvoir politique (tout discutable était-il). Un point clé est peut-être là : de combiner les approches. Ça rattrape bien des choses. C’est ça qui permet aux mages d’aboutir, ils ne sont pas restés des intégristes de leur étoile, ils ont confronté leurs approches avec d’autres. La diversité est une chance.

La diversité de lumières aussi est une chance. Les mages viennent d’Orient, or l'Orient est le lieu où le soleil se lève chaque matin sur terre. Les mages ont vu les limites de la lumière de la vie terrestre et ils cherché, ils ont suivi une étoile, un signe de la lumière divine. Ils trouveront en Christ cette lumière, une lumière spirituelle qui n’annule pas la lumière terrestre, mais qui marque un cheminement. La vie sur terre est bonne, ou plutôt, elle est faite pour être bonne, c’est pourquoi les mages n’abandonnent retourneront ensuite en Orient, ils retourneront à leurs occupations, leurs familles, leur vie, mais transformés. Ils seront alors plus complets, plus forts, dans la lumière terrestre et dans cette lumière divine.

L’étoile évoque donc un des multiples moyens possibles d’avancer vers le lieu où la Parole de Dieu nous est donnée. L’étoile n’est qu’un moyen. Elle disparaît finalement, elle s’efface quand les mages arrivent au but qu’est le Christ. Les mages connaissent alors une grande joie, ils n’en auront plus besoin après. Ils n’auront pas non plus besoin de rester scotché au Jésus de l’histoire, mais, ayant trouvé auprès de lui un lien direct avec Dieu, ils pourront rentrer chez eux par un autre chemin, transformés.

La religion est comme cette étoile, comme ces théologiens consultés pas les mages. L'Église n'est pas le Christ, elle est un appel et une aide pour avancer vers lui. La religion doit rester humble, s’effacer, sinon elle devient une superstition, elle devient une autre astrologie, ou une gnose, un savoir qui se prend pour la Vérité de Dieu. Quelle est cette Vérité qu’ils reçoivent en Christ ? C’est une capacité d’être en relation avec Dieu, d’être en communion avec Dieu. C’est ce qui fait qu’ayant rencontré le Christ, ils n’ont pas besoin de rester là, en contemplation, mais qu’après ce temps avec le Christ, ils retournent chez eux, transformés, mais ils retournent chez eux. Le Christ ne fait pas de nous des esclaves. Le salut qu’il apporte est une dimension nouvelle dans notre vie ancienne.

Cette transformation est offerte par grâce. En effet, le récit commence par cette phrase « Jésus étant né ». Nous n’avons pas à faire naître le Christ. Ouf. Dieu nous offre la vie par grâce. Mais ce Christ est un processus, et c’est par la foi, en faisant passer notre vie dans ce processus qu’est le Christ, que nous recevrons de l’activer, si je pusi dire.

C’est ce que font les mages en ouvrant leurs trésors, et en les remettant au Christ. L’or, l’encens, et la myrrhe symbolisent ici les trésors, la richesse de la vie humaine dans toutes ses dimensions :

  • L'or représente les biens terrestres, notre corps, nos moyens humains, notre vie en ce monde que Dieu aime, nos liens sociaux, noter travail, nos habiletés… En Christ, nous n’avons plus honte ni de notre pauvreté ni de notre richesse, le matériel redevient un simple moyen utile de faire le bien.
  • L'encens représente la prière, noter louange qui monte vers Dieu, notre espérance qui s’élève vers lui. En Christ, nous découvrons que nous pouvons nous adresser à Dieu sans aucune crainte, car il est l’amour.
  • La myrrhe servait à embaumer les morts, elle représente notre espérance de durer. En Christ, notre vie éternelle n’est plus dans de vaines pyramides, ou des sarcophages d’or, mais dans la foi, l’espérance et l’amour.

Nous pouvons ainsi tout confier au Christ, tout mettre entre ses mains pour que Dieu le vivifie. Nous pouvons lui confier notre vie en ce monde, nous prions en son nom, et nous pouvons lui remettre même notre avenir, le temps qui est devant nous. Nous remettons notre vie entre ses mains, comme Christ, sur la croix, remet son Esprit entre les mains de Dieu.

Amen.

Avec les bergers,
Noël : la terre promise est permise
( Luc 2:8-20)

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, ce récit de Noël met au premier plan de l’histoire des bergers qui sont avec leur bétail, au champ, ce que l’on conçoit plus volontiers au printemps que pendant l’hiver austère. D’ordinaire, les bergers conduisent les troupeaux, qu’il s’agisse de moutons ou de brebis comme on l’imagine volontiers, où qu’il s’agisse de personnes physiques comme c’est souvent le cas dans les textes bibliques, lorsqu’il est question des bergers d’Israël. Mais là, de toutes manières, les pasteurs ne conduisent plus rien mais se font mener : c’est eux que l’on guide. C’est ainsi que cette leçon d’Evangile dit que Noël est ce moment où Dieu reprend la main dans l’histoire des Hommes en menant les meneurs. C’est la deuxième fois que Dieu s’y prend ainsi dans l’histoire biblique. La fois précédente, c’était au temps de Josué, pour entrer en terre promise. Et nous voici de nouveau dans une ambiance d’entrée en terre promise.

Josué : Dieu sauve

Tout commence par l’apparition d’un membre de l’armée céleste qui annonce la naissance d’un sauveur, qui est Christ Seigneur. « Dieu sauve », voilà un nom bien connu puisqu’en hébreu cela se dit « Josué ». Les bergers apprennent la naissance de Josué, Jésus en grec. L’expérience fondatrice de « Dieu sauve », de Josué, c’est l’entrée en terre promise, l’accès à une terre habitable, l’accès à un espace vital, l’ouverture d’un vaste horizon : vivre à l’air libre.

Transeamus : être Hébreu

Aussitôt les anges partis, les bergers se concertent pour savoir quelle conduite tenir et ils décident d’aller voir ce qui est arrivé. Et ils ne se contentent pas d’y aller. Le texte grec dit qu’ils décident de traverser (dierkhomai). Traverser, soit, mais traverser quoi ? mystère. La traduction en latin a rendu un « transeamus » tout à fait significatif qui laisse au lecteur le soin d’imaginer la traversée qu’il y a à effectuer en se référent à l’expérience du Jourdain. De fait, les bergers sont rendus à leur nature de fils d’Israël qui est d’être un peuple de passeurs, de « traverseurs » : c’est le sens du mot « hébreu ». Le juste rapport à la vie est celui du passage, de la traversée. Passer les frontières à la manière des mages qui viennent de l’Orient, par exemple, mais il n’y a pas que les limites géographiques qu’il faut passer. L’entrée en terre promise est toujours à faire de nouveau car il n’y a pas de certitude du sol. Il convient de ne jamais cesser d’être « hébreu », de « traverser », passer outre, de ne pas rester figé, de ne pas rester fiché en terre, lié au sol (ce qu’est le propre du paganisme). Chaque fois que l’homme biblique « nous fait signe dans l’histoire, c’est par l’appel d’un mouvement » (Maurice Blanchot, l’entretien infini, p. 183).

Se hâter

Cette traversée se fait dans la hâte, avec entrain, qu’il s’agisse de la traversée du Jourdain (Jos 4/10) ou de la traversée qui conduit à Bethlehem. A quoi bon différer à plus tard ? c’est maintenant, aujourd’hui, qu’il nous est né un sauveur, c’est dès à présent que nous pouvons en profiter. C’est dès à présent que nous pouvons accéder au Royaume. L’empressement des bergers est digne de la hâte des enfants à découvrir leur cadeau de Noël, elle exprime l’importance, le caractère décisif de ce qui est vécu. On traîne des pieds quand ce n’est pas important, que cela ne nous intéresse pas beaucoup. Là, les bergers réagissent à quelque chose qui les concerne fondamentalement et non pas à la manière de « oh non, il faut encore fêter Noël… ».

Que retirent-ils de leur périple ? qu’ont-ils donc traversé ? les bergers viennent de faire l’étonnante expérience de l’entrée en terre promise qui consiste, ici, à accéder à cette qualité de vie où ce que nous faisons est en accord avec ce que nous disons, pensons et espérons. Oui, les bergers ont vu et entendu conformément à ce qui leur avait été dit. Il n’y a pas eu d’écart, ni de décalage, ni de raté. Noël, c’est ce moment où nous permettons à Dieu de nous faire accéder à une plus grande cohérence de vie, à moins de déchirements internes. Noël, découvrons-nous ici, c’est l’advenue du Christ qui inaugure ce moment où Dieu n’est pas celui qui réalise tous nos vœux, mais celui qui tient toutes ses promesses. Et Noël est ce moment de notre histoire où Dieu nous fait comprendre que la terre promise nous est effectivement permise, qu’elle n’est pas qu’une sorte de mirage pour faire rêver, un leurre pour rendre la vie plus douce, mais plus fausse aussi. Noël, c’est Dieu qui nous sauve d’un enlisement dans une vie étriquée, enfermée dans ses contradictions, ses incohérences. Dieu suscite en nous l’enthousiasme qui nous fait traverser avec hâte afin que nous prenions pied le plus rapidement possible sur cette rive de l’existence où nous pouvons vivre en accord avec l’espérance de Dieu et la nôtre, dans une plus grande harmonie, dans une profonde réconciliation entre nos projets et nos réalisations.       

Amen.

Lecture de la Bible

Matthieu 2:1-12

Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem,
2 et dirent: Où est le roi des Juifs qui vient de naître? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer.

3 Le roi Hérode, ayant appris cela, fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, et il s’informa auprès d’eux du lieu où le Christ devait naître.

5 Ils lui dirent: A Bethléhem en Judée; car voici ce qui a été écrit par le prophète:
6 Et toi, Bethléhem, terre de Juda, Tu n’es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, Car de toi sortira un chef Qui paîtra Israël, mon peuple.

7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et s’enquit soigneusement auprès d’eux depuis combien de temps l’étoile brillait.
8 Puis il les envoya à Bethléhem, en disant: Allez, et prenez des informations exactes sur le petit enfant; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille aussi moi-même l’adorer.

9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient allait devant eux jusqu’au moment où, arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta.

10 Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie.

11 Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

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