Le Veau d'or

Exode 32:1-20 , Matthieu 7:15-8:1

Culte du 12 août 2007
Prédication de pasteur Marc Pernot

( Exode 32:1-20 ; Matthieu 7:15-8:1 )

Culte à l'Oratoire du Louvre, le 12 août 2007
par le pasteur Marc Pernot

Nous avons nos veaux d'or que nous nous forgeons de nos mains habiles. Ils ont une vraie valeur, puisqu'ils sont en or, le problème n'est pas là. Le problème est le rapport que nous avons avec cette valeur bien réelle. Le problème, c'est d'adorer ces éléments de valeur comme étant vivants et source de vie.

C'est ce que font ici les hébreux en disant devant leur veau d'or : “voici les dieux qui nous ont libéré d'Égypte”. C'est une erreur, sans doute, mais nous aurions été plus scandalisés par une faute morale, comme une grave violence ou une injustice contre leurs frères et sœurs. Pourtant, comme dans l'histoire d'Adam & Ève, l'histoire du veau d'or nous dit que la faute essentielle est d'ordre spirituel et théologique plus que moral.

Il est certainement utile de remarquer ce qui ne va pas dans nos actes car cela peut nous permettre de prendre conscience qu'il y a un problème. Mais, comme le dit Jésus, on ne peut en vouloir à un chardon de ne pas produire des figues. Si les fruits sont mauvais, il faut travailler sur la plante elle-même. Ce texte de l'Exode nous propose donc de travailler sur ce qui est à la source même de notre comportement. Et pour cela, il nous propose de prendre conscience de ce que nous adorons en réalité, ce que notre être profond considère être la source de notre développement. La conclusion de cette enquête peut nous surprendre et nous permettre de découvrir ce qui fonctionne en nous comme un chardon ou un figuier, une ronce ou un pied de vigne.

C'est déjà essentiel, de travailler ainsi en profondeur. La Bible, en particulier avec l'éclairage de Jésus-Christ, permet de trouver une bonne philosophie de vie. C'est déjà bien, mais il y a un deuxième avantage essentiel à ce qui nous est proposé ici, c'est que la base proposée n'est pas seulement de bonnes valeurs, mais c'est la dynamique d'évolution qu'est Dieu.

Une des idées fondamentales du livre de l'Exode, les hébreux ne sont pas en chemin tout seuls vers la terre promise. Il est important de ne pas écarter l'incroyable série de prodiges qui émaillent cette histoire sans réfléchir à ce qui nous est dit ainsi. C'est raconté comme un miracle pour nous dire que les seules forces humaines ne suffisent pas à nous libérer de nos insuffisances et de nos lourdeurs. Un miracle est nécessaire car c'est d'une œuvre de création dont nous avons besoin, pour changer nos ronces en figuier et en vignes fécondes. Je ne sais pas si les hébreux ont réellement traversé la mer Rouge à pied sec comme entre deux murailles d'eau, mais je sais que Dieu fait des miracles pour nous permettre d'avancer dans notre cheminement. Cette espérance est véritable, et espérer ainsi sur l'aide d'un plus grand que nous est déjà, en soi, détourner les yeux de ses propres veaux d'or.

Il est utile de chercher à analyser nous-mêmes comment nous avons agi, nous pouvons le faire à la lumière des valeurs que nous propose l'Évangile, nous pouvons en plus, si c'est utile, nous aider d'autres textes, d'autres outils, en les articulant à l'Évangile. Mais à la lumière de ce texte, nous pouvons :

  • faire ce travail en comptant sur notre intelligence et éventuellement sur l'aide de nos proches, mais aussi et fondamentalement sur Dieu, allié essentiel dans cette démarche.
  • et cette analyse doit nous conduire plus loin qu'une simple analyse de nos actes pour chercher ce qu'en réalité nous adorons à travers ces actes, pour y reconnaître nos veaux d'or, et recentrer notre adoration sur ce principe même de la vie qu'est Dieu. En réalité c'est là l'essentiel pour ce qui est de notre avenir.

Par exemple, si, au soir d'une journée, nous sommes tristes d'avoir été en colère, ou égoïste, ou je ne sais quoi d'autre... il est plus efficace d'aller au-delà de ce simple constat, d'aller plus haut, en fait, comme Dieu peut nous aider à le faire, et rechercher ce qui a motivé un tel comportement. Peut-être est-ce une blessure, mais l'origine de ce comportement est peut-être un petit veau d'or que nous nous sommes forgés. C'est si vite fait. Par exemple, il nous arrive de faire un peu de bien, nos actes sont parfois de vrais bijoux d'intelligence et de cœur, et bien de cet or-là, il est très facile de se faire un veau pour l'adorer.

Il est assez facile de penser ou de vivre comme si la solidarité ou la compassion étaient en elle-même source de vie. Ou bien les idées élevées, ou une certaine place dans la société, ou nos qualités... Ces valeurs sont effectivement de l'or, elles sont bonnes et utiles pour la vie, et il est donc tentant d'en faire de jolis veaux d'or, précisément à cause de leur grande valeur. Leur valeur n'est pas en cause, le problème est d'en faire un objet d'adoration. Le problème c'est qu'en adorant ces valeurs, c'est nous-mêmes que nous adorons. Et ce n'est pas bon. L'expérience prouve malheureusement qu'en s'adorant soi-même on souffre, on meurt, et l'on est, sans le vouloir, source de souffrance et de mort pour notre entourage.

Se présenter devant Dieu ouvre déjà une brèche dans le culte de nos petits veaux d'or. Le simple fait d'accepter qu'il existerait peut-être un Dieu est une excellente démarche, nous envisageons comme possible qu'il y ait quelqu'un de plus grand que nous, c'est le commencement de la sagesse. Déjà notre veau d'or vacille, notre égocentrisme est un peu dérangé.

Quand on est à hauteur d'homme, il est difficile de voir clairement ce qui nous touche. Par exemple, il est difficile de prendre conscience des défauts de sa tradition, de revenir sur sa propre histoire, il est difficile de se pardonner mais aussi de voir en réalité ce qui fait que nous sommes géniaux... Un point de vue plus élevé, comme du haut d'une montagne, est fort utile. Le problème c'est que nul homme, nulle sagesse ne peut nous élever beaucoup au-dessus de nous-mêmes. On a beau sauter en l'air, monter sur un escabeau, faire une pyramide humaine... on gagne seulement quelques mètres. Un seul est au-dessus de cela, Dieu, le créateur de la vie, la source même de l'être.

Parmi le peuple hébreu, Moïse est chargé de monter sur la montagne pour rencontrer Dieu. En Christ, chacun & chacune est appelé à être un nouveau Moïse, chacun est digne de recevoir l'Esprit de Dieu. Moïse, cet homme unique au sein de son peuple évoque ainsi notre dimension spirituelle qui peut vraiment recevoir de Dieu un éclairage nouveau et nous donner de faire des miracles pour avancer malgré tout. C'est homme qu'est Moïse au milieu de son peuple évoque aussi la mission qu'a le croyant auprès de son entourage. Le croyant est ici souvent seul dans une foule d'athées. Personne ne pourra remplacer l'apport très particulier que le croyant peut offrir à la société, avec ce potentiel de clairvoyance, d'indignation, de dénonciation et de prière qu'a ici Moïse, l'envoyé de Dieu.

Moïse s'écarte du peuple, il écarte les moutons et les bœufs, quitte ses chaussures et monte sur la montagne que Dieu lui indique. Ce Moïse c'est nous, quand nous prenons un temps à l'écart même de nos plus proches, hors de nos activités quotidiennes, pour aller, comme Dieu l'y invite, à sa rencontre. Il y a là un geste essentiel, irremplaçable.

Pourtant, ici, il y a un problème. Peut-être que Moïse est resté trop longtemps dans la montagne, et du coup, les gens, en bas, se bricolent une espérance avec ce qu'ils trouvent dans leurs poches. Le croyant n'a pas pour vocation à rester trop longtemps hors du monde, mieux vaut monter vers Dieu régulièrement, vite et bien.

Mais peut-être que Moïse n'est pas resté trop longtemps là-haut avec Dieu, et que le problème c'est que l'homme est, par nature, impatient et égocentrique. C'est le propre de la personne humaine d'être tiraillée entre l'animal que nous sommes et l'être divin que nous sommes aussi. Il n'y a aucune raison de se culpabiliser de notre faiblesse, elle tient au fait que nous sommes des enfants qui ont encore à grandir et à apprendre la vie. Cette faiblesse de l'enfant, notre faiblesse, est donc aussi une grâce, il faut seulement l'assumer devant le Créateur, plutôt que devant un veau, même en or.

Dieu révèle à Moïse qu'il y a un problème capital : " Va, descends, car ton peuple, que tu as fait sortir du pays d'Egypte, s'est corrompu." (Exode 32:7). La question n'est pas d'offenser Dieu en adorant n'importe quoi. La preuve que Dieu n'est pas vexé, c'est qu'il s'intéresse à leur sort, il prévient Moïse, comme il nous fait prendre conscience de notre problème, et il lui conseille de réagir. Ses menaces de destructions ressemblent plus à un "retiens-moi où je fais un malheur", de toute façon, comme Moïse le rappelle très justement, nous savons depuis Abraham que Dieu est source de bénédiction et de vie, pas de mort. Son honneur, sa gloire, c'est d'aimer, il n'y a donc rien à craindre de ce côté-là. Le problème de nos veaux d'or, nous dit le texte, c'est qu'en se fabriquant un veau d'or, ces gens sont en train de se perdre, ils tombent comme dans une fosse, dit littéralement le verbe traduit ici par "le peuple s'est corrompu".

Quelle solution existe ? Le peuple est étourdi par la joie de s'être fondu un veau d'or. Que faire pour le réveiller, pour le libérer ? Ce récit nous propose une démarche qui décrit le travail de la foi en nous, l'œuvre de salut de Dieu pour nous :

  • Moïse commence par prier Dieu et lui offrir sa vie, il médite sur sa bonté, sur les bénédictions reçues.
  • Ensuite, Moïse va vers le peuple, il va vers la vie concrète en ce monde qu'il cherche maintenant à purifier des veaux d'or dont il a appris l'existence.
  • Il vient et brise les tables écrites par Dieu. C'est comme une prise de conscience que nos veaux d'or ne sont pas compatibles avec la dynamique de vie qu'est Dieu. C'est la dénonciation des petites hypocrisies ordinaires.
  • Ensuite Moïse jette au feu le veau d'or, c'est une étape de purification de nos priorités, de ce qui a du prix à nos yeux, une purification libérante que permet le feu de la Parole de Dieu, de son amour qui garde le meilleur de nous-mêmes, le dégage du reste.
  • En effet, tout n'est pas mauvais dans les veaux d'or, par définition, et après cette purification par le feu, il reste l'or débarrassé du rapport malsain que nous avions avec lui. Moïse broie ce qui reste du veau d'or et le fait boire au peuple. Nos veaux d'or dont ainsi d'abord purifiés de ce qui est idolâtre, nous pouvons alors digérer leur valeur réelle, l'assimiler, la transformer en force pour avancer.

Après cette étape de libération spirituelle et existentielle, il reste à recevoir ensuite le pardon, la force et la guérison de Dieu. Mais ceci est la suite logique de l'histoire.

Que Dieu nous soit en aide sur ce chemin.

Lecture de la Bible

Exode 32:1-20

Le peuple, voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, s’assembla autour d’Aaron, et lui dit: Allons! fais-nous un dieu qui marche devant nous, car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d’Egypte, nous ne savons ce qu’il est devenu. 2 Aaron leur dit: Otez les anneaux d’or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. 3 Et tous ôtèrent les anneaux d’or qui étaient à leurs oreilles, et ils les apportèrent à Aaron. 4 Il les reçut de leurs mains, jeta l’or dans un moule, et fit un veau en métal fondu. Et ils dirent: Israël! voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte. 5 Lorsque Aaron vit cela, il bâtit un autel devant lui, et il s’écria: Demain, il y aura fête en l’honneur de l’Eternel! 6 Le lendemain, ils se levèrent de bon matin, et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces. Le peuple s’assit pour manger et pour boire; puis ils se levèrent pour se divertir. 7 L’Eternel dit à Moïse: Va, descends; car ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Egypte, s’est corrompu. 8 Ils se sont promptement écartés de la voie que je leur avais prescrite; ils se sont fait un veau en métal fondu, ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices, et ils ont dit: Israël! voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte. 9 L’Eternel dit à Moïse: Je vois que ce peuple est un peuple au cou raide. 10 Maintenant laisse-moi; ma colère va s’enflammer contre eux, et je les consumerai; mais je ferai de toi une grande nation. 11 Moïse implora l’Eternel, son Dieu, et dit: Pourquoi, ô Eternel! ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Egypte par une grande puissance et par une main forte? 12 Pourquoi les Egyptiens diraient-ils: C’est pour leur malheur qu’il les a fait sortir, c’est pour les tuer dans les montagnes, et pour les exterminer de dessus la terre? Reviens de l’ardeur de ta colère, et repens-toi du mal que tu veux faire à ton peuple. 13 Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, tes serviteurs, auxquels tu as dit, en jurant par toi-même: Je multiplierai votre postérité comme les étoiles du ciel, je donnerai à vos descendants tout ce pays dont j’ai parlé, et ils le posséderont à jamais. 14 Et l’Eternel se repentit du mal qu’il avait déclaré vouloir faire à son peuple. 15 Moïse retourna et descendit de la montagne, les deux tables du témoignage dans sa main; les tables étaient écrites des deux côtés, elles étaient écrites de l’un et de l’autre côté. 16 Les tables étaient l’ouvrage de Dieu, et l’écriture était l’écriture de Dieu, gravée sur les tables. 17 Josué entendit la voix du peuple, qui poussait des cris, et il dit à Moïse: Il y a un cri de guerre dans le camp. 18 Moïse répondit: Ce n’est ni un cri de vainqueurs, ni un cri de vaincus; ce que j’entends, c’est la voix de gens qui chantent. 19 Et, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses. La colère de Moïse s’enflamma; il jeta de ses mains les tables, et les brisa au pied de la montagne. 20 Il prit le veau qu’ils avaient fait, et le brûla au feu; il le réduisit en poudre, répandit cette poudre à la surface de l’eau, et fit boire les enfants d’Israël.

Matthieu 7:15-8:1

Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtement de brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs. 16 Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons? 17 Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. 18 Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ou un mauvais arbre porter de bons fruits. 19 Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. 20 C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. 21 Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. 22 Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par ton nom? n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom? et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom? 23 Alors je leur dirai ouvertement: Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. 24 C’est pourquoi, quiconque entend ces paroles que je dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. 25 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison: elle n’est point tombée, parce qu’elle était fondée sur le roc. 26 Mais quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. 27 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison: elle est tombée, et sa ruine a été grande. 28 Après que Jésus eut achevé ces discours, la foule fut frappée de sa doctrine; 29 car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes. 1 Lorsque Jésus fut descendu de la montagne, une grande foule le suivit.