Le Sommeil inopportun

Matthieu 26

Culte du 14 janvier 1940
Prédication de Paul Vergara

Culte à l'Oratoire du Louvre

14 janvier 1940
« Le Sommeil inopportun »

Culte présidé par le pasteur Paul Vergara


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Il revint et les trouva endormis. Matthieu XXVI, 43

Prédication

Il les trouva endormis. À première vue, ce n'était pas là une faute bien grave ; il est si naturel, si humain, de céder ainsi à la fatigue et au chagrin, de se réfugier dans le sommeil pour oublier un instant sa misère. Et pourtant les disciples auxquels cette défaillance momentanée arriva ne se la pardonnèrent jamais ; nul n'en aurait eu connaissance par la suite s'ils ne l'avaient pas confessé eux-mêmes avec humilité et regret ; jamais ils ne purent arracher de leur souvenir la vision du moment où dans cette nuit suprême de la vie de leur Maître il les avait trouvés endormis et leur en avait fait le discret reproche. Car, s'il est facile de dormir quand on devrait être éveillé, il est moins facile d'en arracher ensuite de sa mémoire le torturant souvenir. C'est sans doute en se référant à cet épisode des Évangiles que Pascal écrivait : « Jésus est en agonie jusqu'à la fin du monde, il ne faut pas dormir pendant ce temps-là. »

Vous vous souvenez des circonstances auxquelles se rapportent les paroles de notre texte ? La fin du destin terrestre de Jésus était proche. L'ordre avait été donné de procéder à son arrestation. Parmi ses disciples le Maître en avait choisi trois : Pierre, Jacques et Jean ; pour l'accompagner dans le Jardin de Gethsémané, « Pouvez-vous veiller une heure avec moi ? », leur avait-il demandé et ils avaient répondu : « Nous le pouvons. » Jésus attendait d'eux qu'ils l'assistent dans son agonie agenouillée, qu'ils veillent sur lui pour lui éviter une surprise. À cette heure où il avait un impérieux besoin de se fortifier dans la prière, Jésus souhaitait qu'il lui fût possible de s'y abandonner complètement, sans avoir à redouter une interruption soudaine et imprévue. Il ne demandait pas à ces hommes la tâche impossible de descendre avec lui jusqu'au fond de son agonie, la sympathie qu'il attendait d'eux ne pouvait qu'effleurer l'abîme de spirituelle douleur qu'était la sienne, mais cette sympathie, même lointaine et incomplète, lui eût été douce et d'en être privé lui fut une peine ajoutée à toutes les autres écrasantes peines qu'il devait nécessairement être seul à porter. Mais ses faibles disciples s'étaient endormis.

Il y a dans notre vie à tous des heures lourdes ou nous devons porter un fardeau que nul ne peut, ni ne doit, porter à notre place, car c'est la croix particulière que Dieu nous a réservée pour notre personnelle éducation ; mais à ces moments de crise grave, d'agonie morale, ou sentimentale, ou physique, la présence d'un cœur aimant à notre côté nous est infiniment précieuse et nous n'oublions jamais l'assistance que nous avons rencontrée alors... si nous avons eu la chance d'en rencontrer une. Il nous est arrivé à tous de dormir, hélas, quand nous aurions dû être éveillés, mais sans doute nous est-il arrivé aussi parfois de pouvoir être secourables au moment opportun, à une heure dont, vraisemblablement, nous ne mesurions pas toute l'importance pour celui que nous assistions alors de notre sympathie et ce nous fût toujours une surprise que de nous entendre dire par la suite : Je n'oublierai jamais ce que vous avez été pour moi dans cette circonstance. Et ceci prouve que l'important n'est pas tant ce que nous disons ou faisons pour nos amis dans la détresse que le fait de n'avoir pas été endormis, ou distraits, ou absents quand ils ont eu besoin de notre présence affectueuse à leur côté.

C'est cela, et cela seulement, que Jésus avait demandé à Pierre, à Jacques et à Jean. Il ne leur avait pas demandé de porter sa Croix. « Pendant mon combat solitaire, faites-moi la douce amitié d'être près de moi ; le sentiment créé par votre présence éveillée m'apportera un précieux réconfort. » Voilà tout simplement ce que Jésus avait demandé à ses amis.

Et lorsqu'il revint auprès d'eux pour la troisième fois et les trouva de nouveau endormis, il leur dit avec une pointe de tristesse : « Dormez maintenant et vous reposez, voici, celui qui me trahit s'approche », le moment ou vous pouviez vraiment me soutenir est passé et vous l'avez laissé passer, il ne reviendra jamais plus, c'est fini. Il y a eu pour les trois disciples un moment pathétique de la vie de leur Maître où ils auraient pu lui être secourables et ils n'ont pas su le saisir ; ils dormaient. Il est naturel de dormir, mais nous devons être assez lucides, assez conscients de la gravité des circonstances pour ne pas dormir aux heures graves où nous devons être éveillés. Il y a dans notre vie des milliers d'heures, des milliers de jours et de moments, où il est de peu d'importance que nous dormions, que nous soyons distraits, occupés ailleurs, ou il est normal que nous fassions notre habituelle besogne, que nous nous reposions, que nous prenions un peu de détente et de distraction. Nous ne pouvons pas être sans cesse en alerte comme un guetteur à son créneau à fouiller l'ombre. Nul n'est capable de cette attitude constante, surhumaine, et Dieu ne nous le demande pas. Mais il est des moments dont nous devons comprendre la gravité exceptionnelle et où nous devons nous dire : « Ce n'est pas le moment de dormir. »

Ces heures de sommeil inopportun qui nous privent d'une révélation, de l'occasion d'un progrès, d'un intervention décisive, qui ne se représentent plus, sont la tragédie de nos existences. Il y a des choses que Dieu n'est disposé à ne nous dire ou à ne nous montrer qu'une fois ; il est des chemins où nous passons une fois et où nous ne repasserons plus jamais, et si nous avons laissé échapper l'occasion, le destin est scellé : « Dormez maintenant et vous reposez, voici celui qui me trahit s'approche. » Quoique nous fassions désormais, il est trop tard. Il en va ainsi dans la vie des individus et des peuples sur les différents plans ; de la famille, de l'amitié, de l'Église, de la patrie, des relations internationales, il est des heures importantes où il ne faut pas dormir, où il faut saisir l'occasion qui s'offre une fois d'une réalisation exceptionnelle. Il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.

Il y a dans la vie de la famille et de l'amitié et des relations humaines, des heures rares où il faut être éveillés ; il y a des actes, des témoignages d'affection, de confiance, de compréhension qu'il faut savoir accomplir à certains moments qui passent et ne se représenteront peut-être jamais plus et ou le dramatique « trop tard » sonne à nos oreilles comme un glas. Rien ne peut arracher de notre mémoire et de nos cœurs le souvenir de ce que nous aurions dû dire ou faire pendant que ceux qui attendaient ce mouvement de notre part étaient encore là pour le recevoir et que nous n'avons pas accompli parce que nous dormions comme les disciples : « Dormez maintenant et vous reposez », il est trop tard. Quelle tragédie et combien fréquente !

On a cru dans son aveuglement que rien ne viendrait modifier l'état de choses, qu'il durerait toujours, qu'on avait bien le temps demain. Comme si demain nous appartenait. Demain c'est l'irrévocable, voilà la vérité. Nous datons depuis deux semaines nos lettres d'un nouveau millésime [Cette prédication a été prononcée le 14 janvier 1940.] ; cette circonstance nous rappelle la fuite du temps qui se précipite dans l'abîme et ne reviendra plus. Tirons enseignement de cela afin de ne plus négliger les occasions que Dieu nous laisse encore pour un peu de temps avant que vienne la fin du jour.

Et ce qui est vrai de la vie des individus l'est aussi de la vie des peuples. Là aussi il y a la tragédie des occasions manquées qui font dériver pendant des siècles leur destin, qui entraînent des conséquences immenses, des troubles affreux et des souffrances de toute nature qui leur auraient été épargnées s'ils ne s'étaient pas endormis dans la routine au moment où ils auraient dû être éveillés. Des générations s'écoulent ainsi avant que puissent être réparées les conséquences de ce tragique abandon au sommeil. 

Dans l'histoire passée de presque toutes les grandes nations nous trouvons des exemples d'occasions manquées qui pesèrent ensuite d'un poids écrasant sur les générations à venir. Des Messies sont venus et n'ont pas été reconnus. Dans tous les champions des causes nobles, généreuses, hardiment nouvelles, il y a un Messie caché que Dieu envoie. Mais les peuples lapident les prophètes qui viennent troubler leur sommeil, comme les Juifs du temps de Caïphe crucifièrent Celui qui leur apportait la paix et qui pleurait sur leur aveuglement en disant : « Oh Jérusalem, si tu connaissais, en ce jour qui t'est donné, les choses qui concernent ta paix... mais elles sont voilées à tes yeux. » Toujours ce sommeil qui appesantit les paupières quand il faudrait être éveillé et discerner les signes des temps.

C'est ainsi que l'Allemagne sourde aux voix chrétiennes et idéalistes se détourne de sa vocation pour suivre un soudard et fait depuis un siècle son malheur et celui de l'Europe entière. Un évêque allemand, von Ketteler, qui ne se trompait pas sur l'aveuglement de son peuple disait que la date du 6 août 1866 (Sadowa) devrait être un jour de deuil et non de fête pour l'Allemagne. À partir de ce moment les yeux de ce malheureux peuple n'ont cessé jusqu'à ce jour, d'être obscurcis. Quand donc le dormeur se réveillera-t-il de son mauvais rêve ?

De même, il y eut dans le passé de notre bien-aimée patrie un moment, une occasion, qui lui était donnés d'un progrès décisif, d'un changement pour le mieux de tout son destin religieux, intellectuel, politique et social, il y eut un moment où le Messie se tint au milieu d'elle et ou elle ne l'a pas reconnu parce qu'elle dormait. Au XVIe siècle la France a eu l'occasion d'embrasser la Réforme. Sous Henri II près d'un quart de la population du royaume et, dans l'élite, tout ce qui comptait intellectuellement et moralement, était gagné. Un destin glorieux était devant elle ; elle eût été l'éducatrice et la pacificatrice de l'Europe entière. Égalité des hommes devant la loi, liberté de conscience et libre examen, principe de la souveraineté populaire, organisation démocratique de la Société, tout ce qui correspondait aux besoins dominants de l'esprit français d'une manière si parfaite et si pressante qu'il fallut l'acquérir ensuite par les torrents de sang de la Révolution, était là, trois siècles en avance. Elle eût fait ainsi l'économie de bien des guerres qui ont arrêté l'accroissement de sa population (arrêt qui a constitué une bien grande tentation pour un voisin sans scrupules).

Mais au jour sombre et tragique de la St-Barthélemy, elle repoussa l'offre que Dieu lui faisait. Oui, il y a nationalement des heures où il ne faut pas dormir si l'on veut pouvoir reconnaître le Messie que Dieu vous envoie.

Dans toutes les crises qui ont marqué un progrès pour l'humanité on trouve l'héroïque figure d'un homme vigilant dont le regard pénétrant a su discerner l'importance d'un moment et saisir l'occasion d'une réforme et d'un progrès qui auront des conséquences séculaires. Car ce qui est vrai pour le mal l'est aussi, heureusement, pour le bien. « Voici, dit l'Esprit, je me tiens à la porte et je frappe et si quelqu'un ; qui lui ne dort pas quand tous les autres ont succombé au sommeil ; ouvre la porte, j'entrerai et je souperai avec lui et lui avec moi. » Ces symboliques paroles de l'Apocalypse s'adressaient à une Église contente d'elle-même, dégénérée, et qui avait tourné le dos à Sa divine vocation, mais par-dessus les âges elles s'adressent à toutes les Églises actuelles, à notre Église particulière, au sein de cette crise immense de l'histoire du monde. Dans les heures poignantes que nous vivons une terrible responsabilité incombe aux chrétiens, mais il leur est offert aussi l'occasion magnifique de faire toutes choses nouvelles. Après la dernière guerre quelques chrétiens conscients de l'immensité de la responsabilité de l'Église, ont tenté, à Stockholm, de rassembler toutes les forces spirituelles du monde pour les opposer aux forces de violence et de dissolution. Un message qui est une des plus belles pages de la littérature chrétienne de tous les temps, a été adressé au monde, mais il dormait et le message n'a pas été entendu. Préparons-nous à recommencer cet appel au nom du Christ avec lequel nous aurons su veiller une heure. Comment, en effet, ne pas appliquer ces réflexions aux terribles circonstances que traverse le monde en ce moment ? Nous le ferons en terminant.

Nous voici de nouveau plongés dans la guerre. Voilà pour le présent. Mais pour le passé ? Il semble bien, hélas, que l'occasion s'était présentée, il y a vingt ans, de construire un monde nouveau. L'Ange de la Paix s'est alors tenu au milieu de nous et nous n`avons pas su le retenir. Il s'est envolé et nous sommes contraints de refaire ce que nous détestons le plus. L'Europe a dû dormir à ce moment-là, et maintenant, c'est le dur réveil au bruit des explosions.

La seule perspective, un peu consolante, qui nous reste c'est de penser qu'une occasion nous sera offerte un jour, une fois encore, d'en finir avec la guerre. Cette occasion va-t-elle de nouveau nous trouver endormis ? Voilà la grave question que nous avons à nous poser en tant que Chrétiens.

Ce n'est pas le lieu de dire ; nous n'avons d'ailleurs aucune compétence pour cela ; quelles mesures pratiques, techniques, devront être prises pour conserver la paix lorsqu'elle aura été conquise. Il est évident qu'elle devra être entourée de précautions humaines. Dieu ne saurait nous le reprocher ; nous osons même dire qu'Il nous en enseigne la nécessité en nous faisant vivre dans un univers dangereux ou la prévoyance et la précaution doivent être la règle ! « La nature accomplit chaque jour des actes dont le moindre suffirait à envoyer un homme à la potence » faisait remarquer, non sans raison, un philosophe. Dans un tel monde il ne saurait être jugé immoral de se prémunir contre les attaques des carnassiers, dont la plus dangereuse espèce n'est pas au Bengale.

Mais si ce n'est pas ici le lieu de dire quelles précautions matérielles devront être prises, c'est ici par contre, dans cette Église de Jésus-Christ, le lieu par excellence ou doivent être dites les conditions morales et spirituelles indispensables pour faire de la paix des hommes une réalité divine.

La paix durable ne peut être établie dans notre monde qu'autant qu'elle coïncide avec un réveil de la foi religieuse. Les malheurs de notre continent viennent de ce qu'il n'a cessé de se séculariser et de se paganiser depuis un siècle. Un missionnaire disait naguère que l'Européen moyen était immunisé dès l'enfance contre les souveraines exigences du Christ par un sérum de christianisme atténué. C'est cette apostasie larvée qui est la source de tous nos maux. Quand la foi religieuse, qui est l'aspect interne d'une civilisation, disparaît, cette civilisation s'effondre rapidement car elle n'est plus soutenue du dedans.

Certains prétendent que c'est le christianisme qui a fait faillite et que le monde meurt de cette faillite. Ne serait-il pas plus conforme à la vérité de dire que le christianisme a été trouvé difficile et qu'il a été écarté pour cette raison-là. D'autres disent que les causes déterminantes de la guerre sont purement économiques. Mais ces causes auraient-elles existé si l'enseignement du Christ n'avait pas d'abord été écarté ? Notre Civilisation s'effondre parce qu'elle n'a pas voulu croire que le fondement de la paix, de la sécurité politique, de la prospérité économique, était contenu dans cette affirmation centrale de l'Évangile : « Cherchez premièrement le Règne de Dieu et sa justice et toutes choses vous seront données par-dessus. »

Certainement nous devons affirmer que la guerre est incompatible avec l'esprit de Jésus-Christ, mais nous borner à affirmer cela est aussi vain que de déclarer le cancer incompatible avec la santé. Un monde en guerre est un monde malade, mais pourquoi est-il malade ? Il est malade parce qu'il est loin de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

C'est Dieu seul qui peut tout changer en changeant les dispositions des cours des hommes. C'est l'esprit de Jésus-Christ qui peut seul surmonter toutes les barrières d'animosité qui séparent les races, les classes, les peuples, lui qui faisait des frères de Matthieu le Publicain et de son pire ennemi Simon le Zélote, lui qui refusait de partager la haine de son peuple pour les Samaritains et qui citait en exemple la foi du Centenier Romain.

Dès que l'esprit de Jésus-Christ entre dans notre esprit, les problèmes les plus épineux se simplifient. Affirmer cela et le démontrer par sa propre vie, voilà la participation du chrétien à la paix du monde. L'impuissance du christianisme moderne est due au manque de passion des chrétiens à propager leur foi afin qu'elle devienne la foi commune de l'humanité. 

La forme de notre Civilisation tend sans cesse à multiplier les contacts entre les peuples par l'abolition des distances qui les séparent géographiquement. Mais ce qui est un progrès peut devenir une malédiction si les causes multipliées de frictions ne sont pas surmontées par une foi religieuse commune. Car il ne peut pas y avoir de fédération politique des peuples s'il n'y a pas d'abord une foi religieuse commune.

Ne pas comprendre cela c'est dormir comme dormaient les disciples au jardin des Oliviers. 

On peut voir à Avignon les ruines d'un vieux pont du Moyen-Âge qui conserve en son milieu les restes d'une chapelle. Les pieux et sages constructeurs de cet ouvrage avaient sans doute compris que relier une rive à l'autre ne pouvait que multiplier les causes de conflit si Dieu n'était pas au milieu. 

Ce qui paraissait indispensable à ces hommes du passé ne l'est pas moins aujourd'hui. En persuader le monde, telle est la tâche primordiale d'un christianisme qui ne dort pas.


Pour aller plus loin

  • A.-N. Bertrand, P. Vergara et G. Vidal, Voix chrétiennes dans la tourmente, 1940-1944, 1945, Paris, 192 pages, recueil de 15 prédications prononcées à l'Oratoire du Louvre durant l'Occupation (lire en ligne)


Lecture de la Bible

Évangile selon Jean, ch. XX, v. 30 à 50

...Après voir chanté les cantiques, ils se rendirent à la montagne des oliviers. Alors Jésus leur dit : "Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée." Pierre, prenant la parole, lui dit : "Quand tu serais pour tous une occasion de chute, tu ne le seras jamais pour moi." Jésus lui dit : "Je te le dis en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois." Pierre lui répondit : "Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai pas." Et tous les disciples dirent la même chose.

Là-dessus, Jésus alla avec eux dans un lieu appelé Gethsémané, et il dit aux disciples : "Asseyez-vous ici, pendant que je m'éloignerai pour prier." Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, et il commença à éprouver de la tristesse et des angoisses. Il leur dit alors : "Mon âme est triste jusqu'à la mort ; restez ici, et veillez avec moi." Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta sur sa face, et pria ainsi : "Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux."

Et il vint vers les disciples, qu'il trouva endormis, et il dit à Pierre : "Vous n'avez donc pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l'esprit est bien disposé, mais la chair est faible." Il s'éloigna une seconde fois, et pria ainsi : "Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite !"

Il revint, et les trouva encore endormis ; car leurs yeux étaient appesantis. Il les quitta, et, s'éloignant, il pria pour la troisième fois, répétant les mêmes paroles.

Puis il alla vers ses disciples, et leur dit : "Vous dormez maintenant, et vous vous reposez ! Voici, l'heure est proche, et le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons ; voici, celui qui me livre s'approche."

Comme il parlait encore, voici, Judas, l'un des douze, arriva, et avec lui une foule nombreuse armée d'épées et de bâtons, envoyée par les principaux sacrificateurs et par les anciens du peuple. Celui qui le livrait leur avait donné ce signe : "Celui que je baiserai, c'est lui ; saisissez-le." Aussitôt, s'approchant de Jésus, il dit : "Salut, Rabbi !" Et il le baisa. Jésus lui dit : "Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le." Alors ces gens s'avancèrent, mirent la main sur Jésus, et le saisirent.