Le découragement d'Élie
1 Rois 19
Culte du 24 octobre 1943
Prédication de Gustave Vidal
Culte à l'Oratoire du Louvre
24 octobre 1943
« Le découragement d'Élie »
Culte présidé par le pasteur Gustave Vidal
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C'est assez ! maintenant Éternel prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères. I. Rois, XIX, 4.
Prédication
Courage, mes Frères ! courage !
Nous voudrions, ce matin, faire retentir cette exhortation dans vos cœurs sur qui, peut-être, aujourd'hui, pèse plus lourdement la lassitude. La sentinelle dans la nuit, celui qui veille au chevet du malade connaissent bien cette fatigue, plus déprimante, qui s'appesantit sur eux aux approches de l'aurore et les laisse accablés et frissonnants, au moment même où il faudrait redoubler de vigilance ; car c'est l'heure où l'ennemi met à profit les défaillances, l'heure où le mourant, épuisé, cesse de résister aux appels de la mort.
Pour le prophète aussi l'aube était proche, et la cime sacrée de l'Horeb, bientôt, devait s'illuminer, dans la gloire d'un matin nouveau. Mais il ne le savait pas, et nous le voyons ici, dans son accablement, succomber sous sa charge et se coucher à terre, comme une pauvre bête fourbue. Pourtant, à l'appel d'une voix mystérieuse, le voici redressé ! Et le vaincu reprend sa marche, dans le désert, pour monter sur les sommets où, dans l'éblouissement d'une sainte révélation, il trouvera la force de retourner vers les hommes pour de nouveaux combats.
À l'aide de ce grand exemple, cherchons ensemble, ce matin, comment se perd et comment se prend ou se reprend le courage, cette force intérieure qui nous est plus que jamais indispensable dans le drame de la vie présente !
⁂
On comprend que le brave, en certaines circonstances et à certaines heures, puisse agir comme un lâche, car la bravoure est dans le sang ; elle tient au tempérament ; elle se manifeste sous l'impulsion de l'exemple et le choc des événements, dans l'aveuglement du danger et la fureur du combat ; elle est instinctive, involontaire et d'autant plus impétueuse qu'elle est moins réfléchie. Aussi, lorsqu'elle n'est plus soutenue par l'ardeur du sang et portée par les circonstances, peut-on voir le même homme qui s'est imposé à l'admiration de ses semblables par ses actions d'éclat, trembler, dans la vie ordinaire, devant quelque danger imaginaire, se dérober au devoir quotidien et tomber, parfois, dans le vice et dans le crime.
Mais le courage, lui, tient à l'âme et spécialement au cœur où il prend sa source ; il se manifeste comme une ardeur ferme et constante, soutenue, rythmée par les battements de ce cœur ; il s'exerce dans toutes les circonstances et dans tous les domaines et ne s'éteint que lorsque le cœur cesse de battre. Et pourtant le courage se perd. C'est que le cœur, hélas ! parfois fonctionne au ralenti, c'est que le cœur même des vivants, celui dont les pulsations animent notre vie morale et spirituelle, souvent cesse de battre et n'est plus qu'un cœur inerte.
Il y a d'abord, des causes extérieures de ce découragement dont il ne faut pas méconnaître l'importance et le pouvoir. Voici un homme, le prophète Elie, qui a consacré toute sa vie au salut de son peuple. Il l'aime ce peuple d'un ardent amour et, pour le redresser, il a fait preuve et fera preuve encore d'un courage qui nous confond. Mais Israël n'est plus Israël. Sans doute n'est-il pas encore un peuple asservi, vaincu et occupé ; son roi, Achab, est un de ses enfants. Toutefois si, politiquement, la nation échappe encore au joug de l'étranger, moralement elle est sous sa domination. Le roi n'est plus qu'un jouet entre des mains étrangères. Il s'est séparé de son peuple ; il a renié son idéal ; bien plus, sous l'influence de la perfide Jézabel, il impose à ce peuple une conception de la vie qui n'est pas la sienne et pervertit son âme, en accueillant les idolâtries en honneur chez ses puissants voisins, et en exigeant de ses sujets qu'ils se conforment aux pratiques de leur culte brutal.
Sans doute, il y a, dans ce peuple, une élite « qui n'a pas fléchi les genoux devant Baal et dont la bouche ne l'a point baisé », et les chefs spirituels de cette élite - sinon ses prêtres, déjà asservis, du moins ses prophètes et ceux qui ont à cœur de servir vraiment leur pays et de sauver son âme - se sont levés pour faire entendre leur protestation. Mais Achab a poursuivi ces révoltés, les a fait mettre à mort ou jeter dans des prisons, aiguillonné par Jézabel, l'étrangère, qui sait, au besoin, parer aux défaillances de son trop faible époux, en prenant elle-même la direction de ces tristes opérations policières. Et parmi ces prophètes, un jour, Elie s'est trouvé seul. Voilà donc un homme qui assiste à la démoralisation de son peuple, à la corruption de son âme, voulue, préméditée, poursuivie avec une sorte de fureur et de joie satanique, et dont tous les efforts, pour empêcher ce crime, sont restés vains. Il y a bien là de quoi décourager les plus vaillants. Et voici, maintenant, ce même homme traqué, à son tour, contraint de prendre le désert pour sauver sa vie, lui qu'en d'autres temps le peuple fidèle eût écouté et suivi comme son chef. Aujourd'hui, ce sont les chefs mêmes de ce peuple asservi qui font de lui un réprouvé. Et le prophète, épuisé par cette lutte constante, harassé de fatigue, après la longue marche, affaibli par les privations, se tourne vers son Dieu et demande la mort : « C'est assez ! maintenant prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères. »
Quels rapprochements ! Nous la connaissons bien cette fatigue qui pèse sur nous du dehors, et sous laquelle le patriote, l'homme de Dieu lui-même, faiblissent et chancellent. Elle vient de la longueur de la route, de ses embûches, de ses dangers ; elle vient des circonstances, du spectacle du monde, et de celui de notre peuple, des menaces suspendues sur ceux que nous aimons, des épreuves qui déjà les ont frappés. Que de fois le soupir du prophète, de nos cœurs, est monté vers Dieu : « Maintenant c'est assez ! » Il est vrai que la nuit est avancée et que le jour est proche, mais, précisément, l'épuisement qui vient des longues heures de veille, dans l'angoisse des ténèbres, nous laisse plus désarmés et plus faibles. Nous sommes las de veiller, las de porter ce fardeau de misère qui écrase le monde et ce fardeau de souffrances et d'iniquités qui courbe notre peuple ; nous sommes las de supporter et de subir l'oppression, las d'écouter et de lire, dans un monde où la parole et l'écriture semblent n'avoir été données à l'homme que pour servir la haine et le mensonge ; nous sommes las de porter ce poids d'angoisses que font peser sur nos cœurs les menaces mystérieuses qui rôdent autour de nous, la longue patience des camps et des prisons, la vie en alerte de notre jeunesse, la tragique attente des condamnés ! Nous sommes las d'attendre et las, peut-être, d'espérer !
Lassitude, fatigue, oui ! mais cette lassitude, provoquée par des causes extérieures, n'est pas encore le découragement, car le courage est intérieur et, si les circonstances, les événements, du dehors peuvent agir sur lui et contribuer à l'affaiblir, sa perte ne peut venir que d'une cause intérieure et plus profonde : d'un tarissement de sa source. L'âme découragée est semblable à la plante flétrie par la sécheresse, mais l'arbre planté près d'un courant d'eau - nous dit le psalmiste - demeure toujours vert. Il se peut qu'à travers les étés torrides, son feuillage vienne à perdre sa fraîcheur et son éclat, mais il y a, au cœur de cet arbre, une vertu qui, l'épreuve passée, lui permet de retrouver sa verdeur. La source du courage est dans le cœur. Aussi longtemps qu'il garde sa vigueur, même s'il donne des signes extérieurs de découragement, à l'heure où surviennent les tempêtes de la vie et les jours de sécheresse, il suffit d'un peu de repos pour que revienne sa force ; ainsi les feuilles de l'arbre puissant qui s'inclinent, abattues par l'ardeur des midis, se redressent à la fraîcheur du soir. Mais, quand les racines ne trouvent plus l'eau vive, alors la sève s'arrête et la plante incline sa tige découragée, bientôt elle n'a plus en elle-même la force qui assure la remontée de la vie. Et quand elle se fane et se dessèche jusqu'au cœur, alors le retour de la fraîcheur et de la pluie, qui devait là relever, ne peut plus que la pourrir. Prenons garde aussi que le retour des jours heureux, s'il survient dans un monde découragé, ne puisse plus que précipiter sa décomposition !
Voilà le danger et la cause profonde du découragement !
Un cœur découragé. Quelle contradiction ! c'est un cœur qui n'est plus un cœur, qui ne peut plus jouer son rôle, accomplir sa fonction, c'est un cœur vidé de son sang et qui, dès lors, cesse de battre. Perdre courage, c'est donc aussi perdre cœur. Nous ne sommes pas encore vidés de notre courage. Notre cœur n'est pas desséché, mais il y a peut-être en nous des pertes et des fuites de courage, parce que nos cœurs sont fissurés par une trop longue épreuve. Il y a, surtout, en nous une insuffisance de cette sève qui rajeunit et renouvelle les forces, parce qu'aujourd'hui la dépense dépasse nos réserves et notre approvisionnement, par défaut de vie profonde, par insuffisance de ce travail intérieur qui permet aux racines de l'âme de plonger jusqu'aux sources, et d'en tirer la vie qui monte dans le tronc et les branches.
Pourtant on voit, aujourd'hui, se manifester dans les âmes une inquiétude, une soif des sources vives, un tourment de Dieu qu'elles ne connaissaient pas auparavant avec la même intensité. Elles ont faim et soif ; elles sentent qu'il leur faut trouver, à tout prix, une force qui les rajeunira si elles ne veulent pas que tout courage les abandonne, même celui de vivre. Mais, cette recherche et ce tourment viennent, précisément, de ce que bien des âmes sont aujourd'hui troublées, ébranlées dans leurs certitudes, de ce qu'elles ne retrouvent plus ce grand courant de vie divine auprès duquel leur vie était enracinée. Du moins elles le croyaient. Aux jours de la vie facile, elles avaient le sentiment, peut-être l'illusion, de la présence de Dieu, toute proche. Et voici que maintenant, aux jours difficiles, comme un fleuve qui se perd, ce courant semble s'enfoncer en des profondeurs mystérieuses où les racines de l'être ne peuvent plus plonger. On ne le voit plus, on ne le sent plus. Le visage de Dieu nous est voilé par tant d'horreurs, que nous ne savons plus le reconnaître, le comprendre et l'aimer. Alors le fardeau nous accable, l'heure vient du découragement et nous soupirons : « A quoi bon ! C'est assez ! Maintenant Seigneur prends mon âme. »
⁂
En somme, le découragement apparaît comme une sorte d'abandon de soi-même, comme une démission. Il est le fait d'un homme qui a perdu la maîtrise de son cœur et la direction de sa vie. Tout échappe au découragé, tout lui tombe des mains, parce qu'il a perdu la possession de lui-même. Il n'a plus d'attache qui le fixe, partant plus de résistance et, dès lors, il se laisse aller, désemparé, et devient le jouet des circonstances et des événements qui l'emportent dans leur tourbillon, comme le vent d'automne emporte la feuille détachée de sa branche. Il semble donc que, pour reprendre courage, il soit tout d'abord nécessaire de se ressaisir, de reprendre possession de son cœur. Le courage qui est fermeté d'âme, force morale égale et constante, et non pas bravoure occasionnelle, exige la maîtrise de soi.
Malheureusement, bien des hommes cherchent cette maîtrise dans un raidissement stoïque, une tension de leur être où le cœur durcit et se fige dans une insensibilité glacée. Pour rester en possession d'eux-mêmes, ils veulent s'élever au-dessus de la douleur et de la joie, des contingences de la vie, et prétendent ainsi échapper à leur dépendance. Ils se cantonnent alors dans une orgueilleuse solitude où leur cœur, isolé et détaché, perd tout contact avec la vie et se dessèche. Or ce cœur qui, dans sa raideur hautaine, se refuse à plier, se trouve parfois brisé, comme le chêne de la fable, par la violence de quelque ouragan.
À première vue, cette attitude peut donner l'illusion du courage. Cette énergie farouche tendue dans une lutte constante, cette volonté bandée dans un perpétuel effort de résistance, cette impassibilité altière d'une âme qui dresse le front au-dessus des tempêtes, ne semblent-elles pas le fait de l'homme fort, maître de lui, qui se domine et domine le monde par un courage surhumain ? Oui, il y a là une manifestation d'énergie, de volonté, mais non point de courage. Quiconque étouffe son cœur, serait-ce au prix d'un effort héroïque, ne peut pas être courageux, puisque le courage vient du cœur, puisque le courage c'est le cœur lui-même dans son activité, dans la manifestation extérieure de sa force calme et tranquille. Cette froide énergie du stoïque a sa source dans la tête, la volonté, la conscience peut-être, elle ne saurait venir d'un cœur dont on a suspendu les battements ; elle n'est que le courage du désespoir, une contrefaçon du vrai courage, d'ailleurs émouvante, poignante parfois, et pourtant lamentable, car elle dissimule un défaitisme, couvre une lâcheté : celle du cœur qui se dérobe au combat et refuse d'accepter la vie qui lui est faite. Et c'est là, peut-être, qu'éclate le mieux la misère de l'homme, qui est grande en ce qu'il ne veut pas se connaître misérable et se croit maître de lui, alors qu'il méprise et veut ignorer l'essentiel et le meilleur de lui-même : son propre cœur. Le vrai courage, lui, tient de ses origines je ne sais quoi de chaud, de généreux et de vivant qui rayonne et se propage, une ardeur combative qui s'oppose aux dérobades et aux capitulations, renverse inlassablement les obstacles, surmonte les difficultés et se nourrit en le consumant, comme une flamme, de tout ce qu'on jette sur lui pour l'abattre.
Pour retrouver ce courage, pour le reprendre, il faut pourtant que nous reprenions possession de notre cœur. Or cette maîtrise, cette possession de leur cœur n'est assurée qu'à ceux qui le donnent. Étrange et paradoxale affirmation ! Mais l'expérience la justifie, car c'est dans ce don de lui-même que le cœur trouve sa vie, sa croissance, son épanouissement. Il meurt de se garder, de se ménager ou de marcher au ralenti. Or, que nous servirait ? il d'être les maîtres d'un cœur mort ? Mais encore faut-il que nous le donnions à Celui en qui il trouve et retrouve la vie, car si le courage vient du cœur, c'est de Dieu Lui-même que le cœur reçoit la vie. Nous nous comportons comme si nous étions des êtres indépendants, autonomes, ayant en eux-mêmes leur raison d'être, et le principe de leur vie. De là ces raidissements, ces replis sur nous-mêmes, où l'orgueil et l'égoïsme trouvent leur compte, où s'exalte le sentiment de la grandeur et de la dignité humaines, et d'où nous sortons un jour brisés. Que nous le voulions ou non, que nous le sentions ou non, nous restons dépendants de Celui « en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être ». C'est en Lui qu'est notre raison d'être, et la vraie maîtrise de soi, par suite le vrai courage, ce n'est pas d'affirmer son autonomie, mais d'accepter sa dépendance et de renoncer à soi-même, ce n'est pas de pouvoir dire : « je peux et je veux », mais de dire ; « ce que Tu veux » et d'accorder à ce qu'Il veut notre cœur et notre volonté pour l'effort. C'est aussi le plus difficile courage. L'autre, celui du désespoir, nous ramène à nous-mêmes, et c’est toujours la route la plus aisée, même à travers tous ses détours, celle qui nous ramène à notre misérable moi. Or ce moi solitaire, détaché de sa source, ne peut plus être lui-même.
Notre être ne se trouve et ne se réalise qu'en Dieu. Il meurt d'être séparé de lui, comme la plante se flétrit arrachée de la terre qui la porte et qui la nourrit. Mais, comme la plante, lorsqu'à nouveau elle est enracinée dans le sol qui lui convient, reprend vie, redresse sa tige courbée et sa feuille abattue, ainsi, en Dieu, notre personne se retrouve. Elle reprend en lui le sens de sa vocation. Dieu la rend à elle-même et en même temps lui communique cette force qui la renouvelle et la rajeunit : le courage.
Voyez ce prophète abattu : Le héros indomptable du Carmel se sent vaincu. Quel poignant spectacle que celui de ce géant de l'esprit qui chancelle, atteint dans sa force vive et, semble-t-il, frappé à mort ! Tout son courage l'a abandonné. Il tombe, sans doute pour ne plus se relever, mais, en tombant, il remet son âme entre les mains de Dieu. « C'est assez ! Maintenant Seigneur prends mon âme. » À l'heure où tout l'abandonne, il s'abandonne lui-même, mais à Dieu. Sa lassitude, son découragement cherchent en Lui leur suprême refuge. Et tandis que sa peine s'endort et que sa fatigue repose entre les bras du Père, ô miracle ! dans la solitude du désert voici qu'apparaît une céleste présence. Dans son aridité voici, offertes à l'affamé, les fortes nourritures qui restaurent les âmes accablées. Bientôt, au toucher d'une invisible main, le prophète se redresse. À l'appel d'une voix mystérieuse, il mange et boit, puis retombe dans son lourd sommeil réparateur. (Il ne suffit pas d'un seul contact et d'une seule communion pour réparer des forces, taries jusqu'à l'épuisement !) Mais quand, pour la seconde fois, il sentit le divin toucher et entendit l'invitation angélique, alors « Elie se leva, mangea et but et avec la force que lui donna cette nourriture il marcha quarante jours et quarante nuits dans le désert, jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb ». Le chemin n'a pas été aplani, au contraire, c'est la rude ascension qui commence, mais qu'importe, celui qui monte a retrouvé le courage !
⁂
Voilà comment on reprend courage. Point n'est besoin de se roidir, dans une volonté farouche, et de tendre ses énergies ; il suffit de dormir un peu entre les bras de Dieu et de prendre la nourriture que, durant leur sommeil, Il prépare pour ses enfants épuisés. Cette attitude d'abandon, c'est celle de la foi. Aux jours de lassitude, de découragement, c'est cet acte de foi qui nous replace dans le sens de notre vie, rétablit l'équilibre rompu, nous rend à nous-mêmes, opère les redressements, relève le courage abattu, parce qu'il nous rattache à Celui en qui notre vie a sa source. Pour rendre courage à ses disciples désemparés, dans la tempête, le Christ n'a que cette parole : « Où est votre foi ? » Le courage tombe là où la foi chancelle. Et quand la foi a rétabli le contact avec Dieu, alors l'amour, avec ses appels, ses échanges, sa chaleur, met la sève en mouvement, entretient la circulation de la vie divine et prépare les renouveaux. « Où est votre foi » ! Que l'appel du Christ ébranle encore nos cœurs lassés, pour y réveiller le courage et nous donner la force de retourner à notre tâche d'hommes, de français et de chrétiens, renouvelés et rajeunis ! Frères travaillés et chargés, courbés sous le poids des désastres de notre peuple et de nos propres défaites, sous les désillusions de nos rêves brisés, de nos espoirs déçus ou reculés, écrasés sous le fardeau d'angoisses que font peser sur nous les épreuves d'aujourd'hui et celles qui menacent encore, courage ! Le cœur de Dieu offre toujours Son refuge à notre abattement. N'attendons pas d'être lassés et découragés à mort pour chercher ce refuge ; mais sachons que même aux heures où, dans notre lassitude, nous ne cherchons plus les bras de Dieu et la chaleur de son cœur que pour y mourir, il suffit de cet acte de foi pour trouver la force de repartir, car, dans les bras du Père, par la foi et dans l'amour, non seulement le mourant trouve la force de mourir dans l'acceptation et le vivant celle de vivre dans la lutte, mais celui qui cherche la mort trouve le courage de vivre, et celui qui veut vivre le courage de mourir.
Pour aller plus loin
- A.-N. Bertrand, P. Vergara et G. Vidal, Voix chrétiennes dans la tourmente, 1940-1944, 1945, Paris, 192 pages, recueil de 15 prédications prononcées à l'Oratoire du Louvre durant l'Occupation (lire en ligne)
Lecture de la Bible
I. Rois, ch. XIX, v. 1 à 9
Achab apprit à Jézabel tout ce qu'avait fait Elie, et comment il avait fait périr par l'épée tous les prophètes de Baal. Jézabel envoya un messager à Elie pour lui dire : « Que les dieux me traitent avec la rigueur la plus extrême si demain, à pareille heure, je n'ai pas fait de ta vie ce que tu as fait de la leur ! »
Saisi de crainte, Elie se leva et partit pour sauver sa vie. Arrivé à Béer-Séba, en Juda, il y laissa son serviteur. Quant à lui, il fit dans le désert une journée de chemin ; puis il alla s'asseoir sous un genêt, et il demanda la mort en disant : « C'en est assez, Ô Éternel ! Reprends mon âme, car je ne vaux pas mieux que mes pères. »
Ensuite il se coucha et s'endormit sous le genêt. Et voici qu'un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, mange ! » Il regarda et vit à soit chevet un gâteau cuit sur la braise et une cruche d'eau. Il mangea, il but, puis, il se recoucha. L'ange de l'Éternel vint une seconde fois, le toucha et lui dit : « Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi. » Il se leva donc, il mangea et il but. Puis, avec la force que lui donna ce repas, il marcha pendant quarante jours et quarante nuits, jusqu'au mont Horeb, la montagne de Dieu. Là, il entra dans une caverne, où il passa la nuit.
Évangile selon Luc, ch. VIII, v. 22 à 25
Un jour, Jésus entra dans une barque avec ses disciples, et il leur dit : « Passons de l'autre côté du lac. » Et ils partirent. Pendant qu'ils voguaient, Jésus s'endormit. Un tourbillon de vent s'abattit sur le lac ; la barque se remplissait d'eau et ils étaient en danger. Alors ils allèrent à lui, et le réveillèrent en lui disant : « Maître, Maître, nous périssons ! » Mais lui, s'étant réveillé, imposa silence au vent et aux flots, qui s'apaisèrent, et il se fit un grand calme. Jésus dit alors aux disciples : « Où est votre foi ? » Et, saisis de crainte et d'admiration, ils se disaient entre eux : « Quel est donc celui-ci ? Il commande même aux vents et aux flots, et ils lui obéissent ! »